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H. Entretiens

I. Réflexivité

En sociologie, la réflexivité est la démarche qui consiste, pour le chercheur, à objectiver les relations qu’il entretient avec les personnes qu’il rencontre, durant son enquête. C’est aussi une manière de mettre au jour les liens du chercheur à son objet. C’est à la lecture de précisions réfléxives que l’on peut apprécier la scientificité d’un travail de recherche54. Sandrine Rui définit la réflexivité comme un mécanisme par lequel le sociologue se réfléchit dans sa production de connaissance. C’est une analyse critique de la pratique scientifique,

52 Janine Bardot, (2010), « Mener un entretien en face à face », in Serge Paugam (sous la dir. de), L’Enquête…,

op. cit., p. 137.

53 Ibid., p. 122.

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l’exposition des conditions de la production intellectuelle55. Comme le rapporte Jean-Marie Brohm, le chercheur implique son corps dans son travail : « La corporéité est en dernière

instance ce qui donne sens au monde aussi bien en tant qu’accès sensible au monde qu’en tant que situation concrète, temporelle, historique, dans le monde […]. C’est à partir de cette corporéité fondatrice, organique, originaire, source de toute donation de sens. »56

I. 1. Une recherche éprouvante

Pour ma maîtrise, j’avais réalisé un mémoire sur la socialisation politique des jeunes ruraux. Je suis originaire de la campagne. Habitant alors en ville, j’épprouvais des difficultés à mener mon enquête de terrain. Surtout, je m’éloignais de plus en plus de mes sociabilités rurales et juvéniles. Réfléchissant à un sujet de thèse, raison de faisabilité, je prendrai un sujet avec lequel j’aurai un lien. La ville sera mon terrain, des murs de mon habitation aux rues que je fréquente au quotidien. Dans les années 1990, enfant et pendant mon adolescence, j’avais été séduit par le hip-hop qui apparaissait dans les médias de masse. Lors de mes premières années à l’université, je partageais un pupitre avec un étudiant prolixe en matière de graffiti. Les moments festifs pouvant prolonger ces moments, j’ai pu rencontrer des graffiteurs et repérer ce qu’ils faisaient dans les rues. J’étais dans un rapport de proximité générationnelle et de genre avec ceux qui sont devenus les « enquêtés ». Par contre, en tant que doctorant, je pouvais avoir une distance sociale avec eux. Comme par défiance, un me dit, un jour : « Nous,

à l’école, on n’y est pas allé ! » Leur origine sociale étant plutôt diversifiée, j’ai été au

contact de multiples univers. Autour de leurs activités, ils cultivaient le secret. Après quatre ans d’enquête, je découvrais seulement un terrain vague où se réunissaient des graffiteurs. Ils l’avaient tenu caché. C’était un thème de recherche dont je saisissais déjà la dimension dialectique. En effet, le graffiti est représenté comme de l’art et comme du vandalisme. De cette caractéristique découle l’expression de discours partisans aux positionnements divergents, des plus répressifs aux plus tolérants. En quatre années de recherche, j’ai noué des contacts avec des graffiteurs mais aussi avec de leurs victimes. En allant à la rencontre de différents acteurs connectés au phénomène, j’ai pu saisir son importance sociale.

55 Sandrine Rui (2010), « Réflexivité », in Serges Paugam (sous la dir. de), Les 100 mots de la sociologie, Paris,

PUF, pp. 21-22.

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Cette enquête sur le graffiti a été particulièrement déconsertante. À la longue, elle s’est même avérée éprouvante, pesante. Autour de ce thème, des acteurs aux intérêts divergents entretiennent des conflits. Interprétés comme des signes d’insécurité urbaine, les graffiti sont aussi des moyens, pour des adolescents, de pallier à des défaillances des mécanismes d’intégration sociale. Violences, drogue, bagarres, procès, prison, amende, vol, pauvreté sont des sujets qui innondent les conversations de graffiteurs. Leurs parcours sont ponctués d’embûches. Les récits qu’ils en font peuvent révèler de sérieux traumatismes. La rue, comme champ de bataille existentielle, compte parmi les graffiteurs, son lot de morts. En parallèle, les discours des victimes des graffiteurs sont tout aussi graves. Sentiment de peur, d’abandon des politiques, impuissance à garder la façade et la face, vulnérabilité, racisme, besoin de justice ou soif de vengeance structurent des propos de citadins confrontés aux graffiteurs.

Entre les intentions des graffiteurs et les interprétations qu’elles peuvent induire, il y a un gouffre. L’exploration de la rupture qui lie les graffiteurs à leurs victimes est une expérience humaine qui a souvent été consternante. Par exemple, vers ses seize ans, un tag a valu à Manuel son premier procès. Condamné à un millier d’euros de dommages et intérêts, réclamé par sa victime, un entrepreneur, Manuel a rompu avec ses liens familiaux, devenant, un temps, sans domicile fixe. Difficile de ne pas être sensible aux problèmes de Manuel. Du propriétaire portant plainte pour graffiti à son jeune auteur passant devant un juge, mon empathie est différenciée. L’incidence de ce positionnement sur la réalisation de l’enquête est certaine. Les acteurs sociaux ont trouvé un intérêt à me confier leur témoignage, dans la mesure où je leur portais une reconnaissance. Ils ont émis des attentes relatives à la restitution de leurs propos. Attentes auxquelles j’ai tenu à être attentif. C’est une clef d’accès aux données et à leur objectivation.

I. 2. Un rôle de médiation culturelle, judiciaire et éducative

Finalement, mes contacts plus ou moins répétés avec des graffiteurs et leurs publics ont pu avoir de l’influence sur leur parcours. Sans m’en rendre compte, j’endossais un habit, aux revers complémentaires. J’ai ponctuellement été de manière plus ou moins informelle, médiateur entre institutions culturelles, judiciaires et éducatives, et milieu du graffiti.

En dehors de l’universtité, des institutions culturelles ont reconnu un intérêt à mes recherches. Le ministère de la Culture et de la Communication m’a attribué une allocation pour mener mes travaux et en restituer les résultats. En Moselle, dans le cadre d’une opération de médiatisation culturelle sur les cultures urbaines, j’ai conçu une exposition et une visite guidée sur le graffiti en Lorraine. À Besançon, mes prises de contact avec les décideurs politiques locaux n’ont pas donnés lieu à des relations suivies. Il n’a, pour l’instant, pas été jugé opportun d’intégrer les apports de ma démarche à la politique municipale. J’ai travaillé indépendamment de la mairie ce qui a été un frein dans le recueil des donnés. Il m’a fallu un an et demi pour obtenir un entretien avec des membres du service d’effacement des graffiti de Besançon. Par contre, cette situation m’a permis de ne pas être identifié comme un « ennemi » par les auteurs de graffiti.

Avant que les jeunes graffiteurs ne connaissent une première interpellation, je suis étonné de constater l’ignorance que la plupart ont de la portée de leurs actes. En les informant sur la législation, ils sont mieux à même de mesurer les risques qu’ils prennent. C’est la première étape d’une démarche de prévention de la délinquance liée au graffiti. J’ai été sensible aux récits que font les graffiteurs de la condamnation de leurs activités. Perdus dans les méandres de l’institution judiciaire, des graffiteurs en attente de procès m’ont demandé des conseils juridiques. À partir de ce que j’ai appris des « habitués » des tribunaux, j’ai dispensé aux plus jeunes des informations sur leurs droits, et notamment sur des manières d’organiser leur défense.

Cyril, dix-sept ans, « déjà connu des services de police », selon la formule consacrée, s’est fait interpeller, un dimanche après-midi. Il peignait un graffiti sous un pont, voisin du

skatepark de Besançon. Pendant sa garde à vue, Cyril dit s’être fait prendre son ADN de

force. Il a avoué une culpabilité. La municipalité s’est montrée partie civile, au tribunal, pour « dégradation ». Ce que Cyril ne savait pas, c’est que le mur qu’il avait graffité avait été, durant environ deux ans, un espace d’expression libre. Il avait été inauguré par la maire en personne puis réattribué, en hâte, à un club canin, en vue de délimiter une aire de déjections. Évoquée par son avocat, l’ambiguïté liée au statut du mur « dégradé » par Cyril, lui a valu d’être relaxé des faits reprochés. Par la suite, il n’a (presque) pas récidivé et cherche à poursuivre des études dans le milieu artistique. Une politique répressive ne peut pas palier ce phénomène sans une politique éducative. J’ai rencontré Aimé quelques mois avant qu’il ne passe le Bac, pour la deuxième fois. Il venait de changer de lycée, exclu du précédent et avait

connu, les années d’avant, des ennuis judiciaires. Il n’habitait plus avec sa famille et vivait de petits boulots. Il ne m’était alors pas impensable de le voir obtenir son diplôme et je l’ai motivé en ce sens. Depuis, il est retourné vivre chez ses parents et poursuit des études.

Ma recherche sur le graffiti s’inscrit à la suite d’un riche héritage intellectuel. Ce sont des archéologues qui, les premiers, se sont interressés aux marques gravées sur les murailles. L’un d’eux, Raphaël Garruci, forma le terme de graffiti. L’étude qu’il fit des graffiti de Pompéi, préservés des affres du temps par les cendres du Vésuve, a permi de mieux connaître la vie populaire de l’époque antique. Les graffiti modernes, quant à eux, n’ont que tardivement suscités l’attention des érudits. Flaubert, maître du réalisme littéraire, se pencha sur les traces de ses contemporains, afin de mieux les connaître. Marcel Griaule, lui, étudia les graffiti d’Abyssinie, d’un point de vue ethnologique. Suite à l’émergence du graffiti hip-hop, dans les années 1960, des sociologues s’y intéressèrent. Ces formes d’expression sont devenues un objet de recherche, à la croisée des domaines de la jeunesse, de l’urbain, de l’art et du droit. Sur le sujet, deux positions s’affrontent. D’un côté, les graffiti sont perçus comme des dégradations. En ce sens, les décideurs politiques ont été interpellé afin d’enrayer le phénomène. D’un autre côté, des graffiti ont pu être présentés comme des œuvres artistiques. De ce point de vue, il s’est agi de mettre en place des dispositifs de médiation culturelle.

Un conflit idéologique entoure le graffiti d’aujourd’hui. De même, des actions contradictoires, de répression et de valorisation, sont menées par les acteurs politiques, qui, sur leur terrain, sont confrontés aux graffiteurs. Entre art et vandalisme, le graffiti est couramment représenté dans sa dimension dialectique. Ces différentes étiquetes font sens pour les profanes. On peut supposer qu’il en est autrement des initiés et que ces derniers définissent la valeur artistique de leurs créations en rapport à leur démarche transgressive. Afin d’explorer la pertinence de cette proposition, j’ai mis en œuvre des techniques d’enquête complémentaires. J’ai mené des observations de terrain, pris des photographies, collecté des outils et des articles de presse, réalisé des entretiens semi-directifs. La synthèse des matériaux recueillis permettra, d’une part, d’enrichir l’état des connaissances sur le mouvement graffiti, d’une autre, de renouveller les dispositifs de médiation pénale, et culturelle, que ce mouvement suscite.

PREMIÈRE PARTIE

Dans cette première partie, je présenterai des principes relatifs au mouvement graffiti et à l’engagement de ses praticiens. C’est un langage graphique, un système de communication basé sur la signature et tracé dans l’espace public. Il est réservé à des initiés. Ces derniers font partie de la jeunesse des villes. L’étude d’une « scène », Besançon, permet de saisir les motivations des jeunes qui prennent part à ce mouvement. Au départ cantonnée dans les quartiers populaires, la pratique du graffiti est aujourd’hui diffuse dans différents milieux sociaux. Néanmoins, ça reste une pratique fortement masculinisée. C’est un champ de création structuré et traversé de ruptures. La prise de risque est recherchée. Le dépassement de soi et la transgression des interdits ont valeur d’impératifs. Ils permettent aux graffiteurs de se « sentir exister » et d’être reconnu de leurs pairs comme des personnages extraordinaires, presque « surhumains ». « Pris au jeu », les graffiteurs rationalisent leurs pratiques. C’est un moyen, pour eux, de subvenir à un besoin de reconnaissance, d’autonomie, et de surmonter les difficultés du quotidien, de contester des mécanismes sociaux d’exclusion ou de relégation.

CHAPITRE I

LE TAG, SIGNATURE INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE

A. Langage graphique

Dans son texte Kool Killer ou l’insurrection par les signes, Jean Baudrillard décrit les tags, qu’il a observés à New York, comme des « signifiants vides » : « Irréductibles de par leur

pauvreté même, ils résistent à toute interprétation, à toute connotation, et ils ne dénotent rien, ni personnes non plus : ni dénotation ni connotation, c’est ainsi qu’ils échappent au principe de signification et, en tant que signifiants vides, font irruption dans la sphère des signes pleins de la ville, qu’ils dissolvent par leur seule présence. »57 Ici, c’est en tant que langage graphique signifiant qu’est appréhendé le graffiti. Quelques décodages s’imposent à propos de formes qui représentent des noms d’individus et de groupes.

A. 1. Le tag : se faire un nom

Le tag est une forme de graffiti dont l’invention est située en 1967 par Bernard Fontaine. L’auteur l’attribue à un jeune, nommé Darryl Mac Cay et surnommé « Cornbread » en référence au pain de maïs, dont il se délectait en maison de correction : « Libéré en 1967, il

commence à écrire son sobriquet au marqueur à l’intérieur des bus de Philadelphie puis à la bombe aérosol partout dans la ville. Cornbread devient une légende et ouvre la voie à plusieurs générations de writers. »58 Bernard Fontaine précise les motivations de Cornbread. Il « puisait sa graphomanie dans un amour déçu pour une certaine Cynthya. Autour de chez

elle, sur son trajet de bus, Cornbread cherchait sa seule reconnaissance, en vain »59. Dans son sillage, quelques jeunes marquèrent, eux aussi, leur pseudonymes sur les murs de la ville. Taki 171, Stay Hight 149, Phase 2 sont quelques-uns des précurseurs du mouvement tag. En quelques mois seulement, ils seront des centaines à marquer leur pseudonyme sur les murs de

57 Jean Baudrillard (1976), « Kool Killer ou l’insurrection par les signes », in Jean Baudrillard, L’Échange

symbolique et la mort, Paris, Gallimard, p. 122.

58 Bernard Fontaine (2012), Une histoire du graffiti en images, Paris, Eyrolles, p. 40. 59

New York. En 1983, on estimait à 5 000 le nombre de graffiteurs. En 1973, Norman Mailer écrivait : « The name is the faith of graffiti » (« Le nom, c’est la religion du graffiti »)60.

À partir d’une étude photographique entre Paris, New York et São Paulo, Clément Criseo et Malou Verlomme ont posé une définition des plus récentes au tag : « Exécuté au trait, le tag

se distingue des autres formes de graffiti (graff’, flop, etc.). Il est plus proche de l’écriture ou de la calligraphie que de la lettre dessinée par ses contours. C’est l’essence même de l’art de rue : la signature dépouillée de tout artifice. Chez les tagueurs expérimentés, il existe une maîtrise du tracé, une rapidité d’exécution et un aspect radical du geste qui rappelle les plus grands calligraphes. Le nom du tagueur a parfois été reproduit des milliers de fois, soit directement sur le mur, soit en s’entraînant sur du papier – les feuilles alors remplies par une inscription inlassablement répétée ne sont pas sans rappeler les punitions que les maîtres nous ont fait subir ! »61

De manière plus précise, « le tag possède un statut ambivalent dans le graffiti. Du point de

vue du public, c’est la plus incomprise des disciplines. Beaucoup n’y voient que des inscriptions ̏ horribles qui polluent nos rues˝, contrairement aux graffs, ces ̏ belles fresques colorées qui animent nos villes˝. Et paradoxalement, cette discipline est vue par beaucoup des praticiens comme la plus pure, la plus difficile. C’est la base du mouvement, ce qui reste lorsque l’on enlève le superflu : un nom inscrit sur un mur. »62 En ses mots, Manuel traduit les réflexions de Clément Crisseo et Malou Verlomme : « J’ai fait plus de tags que de graffs’.

Je préfère personnellement. Plus l’impression du premier jet. Les gens, en général, n’aiment pas les tags. Tu leur montres un tag et ils disent que ce n’est pas beau, même un beau tag. Juste parce qu’il n’y a pas de couleurs. Alors qu’il y a des travaux dans l’écriture, dans la calligraphie, dans les courbes. Les gens, ils ne s’en rendent pas compte. Moi non plus, au début, je ne m’en rendais pas forcément compte. C’est en rentrant dans le monde du graffiti que j’ai apprécié ça. Même plus que le graff’. Enfin, il y a plus de mérite à faire un beau tag qu’à faire un beau graff’. Parce qu’un graff’, tu peux le retoucher alors qu’un tag c’est instantané. »

60 Norman Mailer et Jon Naar (2009), The Faith of Graffiti, New York, It Books (1re éd. américaine : 1973).

61 Clément Criseo et Malou Verlomme (2013), Tag…, op. cit., p. 13. 62 Ibid.

Malik a choisi son « blaze », son nom de tagueur, en référence à un personnage de série télévisée à laquelle il s’identifiait. Il a transmis ce pseudonyme à son fils : « Mon blaze, à

l’époque, c’était Téo, le nom de mon fils aujourd’hui. On se trouvait des références. On ne se trouvait pas un blaze comme ça. Moi, ma référence, Téo, c’était pour Théo, le fils de Bill Cosby. Il est complètement à la masse le fils. Il est fun. Il est un peu à l’arrache et moi je kiffais ce gars là. Je trouvais qu’il était cool. J’en ai fait mon blaze. » Pour rendre sa signature

la plus esthétique possible, Malik la travaillait sur papier. En tant que précurseur, il n’avait que peu de références. Il explique avoir appris à calligraphier sa signature en prenant modèle sur les quelques tags qu’il avait déjà vu : « Je m’entraînais. Ce n’était pas évident parce qu’il

n’y avait pas de magazines. On n’avait rien en fait. Les seules choses qu’on avait… Les seuls repères qu’on avait pour s’entraîner, c’était ce qu’on voyait dans la rue. » Malik résume

comment le tag a été, pour lui, un moyen de construction et de distinction identitaire : « Le tag

m’a apporté beaucoup. C’était de me dire : ̏ Démarque toi ! Soit original ! ˝. Car le tag, c’est être original. Il n’y a pas plus original qu’un tag. »

Fabien raconte comment sa pratique du graffiti est concomitante d’une quête de reconnaissance au sein de son cercle de sociabilité. Cette quête est d’abord située dans son environnement immédiat. Revoir ses tags est pour lui une expérience valorisante. Il en souligne l’aspect ludique et évoque comment il s’est pris au jeu : « J’ai commencé à sortir

dehors, à boire des bières, à voir des tags. J’ai piqué deux marqueurs et je suis parti dans la rue. J’ai trouvé ça rigolo. J’avais des potes qui m’avaient dit : ̏ Oh ! On a vu des tags de toi…̋ Ça m’a donné envie de continuer. À chaque fois que j’allais dans un endroit, il fallait que je mette mon nom. Et puis, j’aimais bien repasser devant mes trucs… » Fabien a deux

pseudonymes. Il y en a un qu’il s’est lui-même choisi en raison de sa signification. Il correspond à son identité individuelle. L’autre, ce sont ses amis qui lui ont attribué. Il correspond à son identité sociale : « J’ai deux blazes. Le premier est un nom qui marque, qui

amène à se poser des questions, qui porte à ambiguïté. Le second est un surnom que l’on me donne depuis longtemps. »

Julien explique comment il a choisi son pseudonyme. Le sien est absurde. Il l’a « adopté » en fonction de l’esthétique des lettres qui le composent : « Chaque graffeur a un pseudo. Il