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Le graffiti dans les médias

Les graffiti sont régulièrement commentés dans les médias. Parmi les matériaux que j’ai récoltés, les discours médiatiques sont de premier ordre. J’ai constitué trois corpus d’articles de presse, commentant chacun le phénomène graffiti à Besançon, à Rennes et à Grenade. De plus, j’ai pris des notes sur des reportages télévisés traitant du graffiti.

G. 1. Des corpus de presse sur le sujet du graffiti à Besançon, Rennes et

Grenade

À Besançon, un corpus d’une trentaine d’articles a été constitué. Les articles proviennent principalement du quotidien L’Est républicain et du journal municipal mensuel Besançon

votre ville. Leur date de publication s’échelonne entre 2003 et 2012. Ils permettent d’avoir des

informations sur le positionnement des politiques relativement au phénomène. La plupart des articles informant du graffiti à Besançon y portent des représentations négatives. En ce sens, l’analyse des champs lexicaux auxquels se rattachent les verbes servant à qualifier les graffiti et leurs auteurs, comme ceux prescrivant les dispositions à prendre à leur encontre, sont particulièrement révélateurs.

J’ai également constitué un corpus d’articles traitant du graffiti à Rennes. Il est comparable à celui de Besançon. Les dates de publications des textes s’étalent entre 2006 et 2012. Ils sont surtout extraits du magazine de la municipalité Le Rennais et du journal Ouest France. Ils traitent majoritairement de la politique d’encadrement du mouvement graffiti par la ville, par le biais de dispositifs d’expression libre. De plus, des graffiteurs professionnels sont régulièrement présentés. Ici, on parle positivement du phénomène graffiti.

Après avoir photograhié les graffiti de Grenade, j’appris qu’ils avaient été effacés. Curieux d’en savoir plus, une recherche documentaire m’a permis de constituer un corpus d’une vingtaine de documents écrits, relatifs aux graffiti de Grenade, et plus spécialement à ceux de ce quartier de l’Albaicín. Ce sont principalement des articles de presse, locale et nationale. Ils ont été publiés sur Internet entre 2006 et 2010. Dans la mesure où l’échantillon est relativement restreint, je lui ai porté une analyse chronologique, qualitative et thématique. Il relate la prise de mesure du phénomène par les autorités et des habitants, le processus d’effacement des graffiti ainsi que la criminalisation de leurs auteurs.

Les articles sont des matériaux pour observer les sens portés aux espaces, les luttes culturelles et idéologiques qui s’y jouent. Il existe une hiérarchie parmi les lectures de l’espace. Il y en a des normales et des anormales, des dominantes et des dominées. Différents groupes sociaux

ont différentes idées sur ce qui est, ou n’est pas, approprié à tel ou tel espace42. Les articles traduisent une lecture médiatique globalement négative des graffiti à Besançon et à Grenade, il en est différemment à Rennes.

G. 2. Discours médiatiques et représentations sociales

La sociologie des médias insiste sur l’articulation de ce secteur à celui de la politique. Dans son essai sur la télévision, Pierre Bourdieu présentait le pouvoir des médias : « On a affaire

avec la télévision à un instrument qui, théoriquement, donne la possibilité d’atteindre tout le monde. »43 Dans cette thèse, une dizaine de reportages télévisés sont présentés. Dans certaines limites, les représentations, livrées par les médias de masse, sont prescriptives de comportements. Elles sont structurantes. Non pas qu’elles permettraient de modifier les opinions de spectateurs sur tel ou tel sujet, mais plutôt qu’elles les conforteraient dans leurs idées, les représentations sociales.

D’après Denise Jodelet, « le concept de représentation sociale désigne une forme de

connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l'opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l'environnement social, matériel et idéal. En tant que telles, elles présentent des caractères spécifiques au plan de l'organisation des contenus, des opérations mentales et de la logique. Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu'elles servent dans l'interaction avec le monde et les autres. »44

Pour Jean-Marie Seca, ce sont des « catégorisations cognitives d’objets, d’identification

sociale et individuelle, d’orientation et de prescription des comportements, de référentiels ou de gisements de savoirs pour les justifications ou les rationalisations »45. Pour Patrick

42

Tim Creswell (1996), In Place/Out of Place : Geography, Ideology and Transgression, Minneapolis, Minnesota Press.

43 Pierre Bourdieu (1996), Sur la télévision, Paris, Raison d’Agir, p. 12. 44 Denise Jodelet (2003), Les Représentations sociales, Paris, PUF. 45

Champagne, le champ journalistique est producteur de représentations sociales, mêmes éloignées de la réalité46.

D’un point de vue méthodologique, par rapport à notre sujet, nous nous disons, comme d’autres le préconisent : « Qui est sujet du discours autorisé, qui n’est qu’objet ? Qui parle de

qui ? On l’oublie trop souvent : les rapports de pouvoirs s’expriment sur le plan linguistique autant que sur les plans politique, économique ou social. Le dominant est, entre autre choses, celui qui a la parole tandis que le dominé doit sans cesse la conquérir. Quand le second doit se battre non seulement pour avoir la parole mais aussi et surtout pour être écouté (c’est-à- dire pris au sérieux) et entendu (c’est-à-dire au moins compris, à défaut d’être approuvé), le premier est investi d’une autorité symbolique qui lui donne à peu près toute légitimité à dire à peu près tout ce qu’il veut sur à peu près tous les sujets - et sa parole jouit d’une légitimité, d’un intérêt et d’un crédit quasi naturels. »47 Nous nous demandons aussi : « Comment, à

quelle échelle et à quelle intensité ces discours autorisés sont-ils diffusés ? Quel bruit médiatique font-ils ? Quelle est leur force de frappe politique ? La signification et les effets sociaux d’un discours dépendent en effet autant de ce qui est dit de qui le dit et des conditions de réception du discours. »48