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On le voit, la notation financière n’est pas parfaite. Les produits titrisés ont représenté une part trop importante du chiffre d’affaires des agences ce qui les a conduites à les « surno- ter ». Ceci est d’autant plus facile que le cycle économique est alors à son plus haut grâce à la bulle spéculative formée sur les marchés immobiliers américain et espagnol.

Par ailleurs, l’incorporation des notes dans la réglementation les a rendues procy- cliques et a déresponsabilisé les investisseurs, qui ont externalisé leur métier d’analyse crédit. Montagne (2009), s’interroge même sur la nécessité d’une évaluation externe.

39 Les cinq conditions de concurrence pure et parfaite de Frank Knight sont : transparence de l’information, ato- micité, homogénéité des produits, libre circulation des facteurs de production, libre entrée et sortie du marché

Pour lui, « elle permet d’entretenir la croyance, cruciale pour la théorie financière, que la décision d’investissement n’est pas purement endogène à l’institution qui en porte la res- ponsabilité, mais elle est étayée par d’autres institutions, préposées à la recherche rationnelle de la valeur financière fondamentale. Nous « touchons » là le nœud central de la théorie fi- nancière : l’existence d’une valeur fondamentale du titre financier. L’existence d’une telle mesure, objective et indépendante des échangistes, est le postulat à partir duquel est construit l’édifice théorique ».

Une telle valeur n’est pas quantifiable. Le prix de marché n’en serait qu’une approxi- mation, résultat des transactions estimées des intervenants du marché. Les agences ont donc pour rôle d’appréhender la « vraie » valeur des actifs financiers.

Notre étude empirique nous aide dans cette réflexion en quantifiant la réaction du marché financier aux informations communiquées par les agences.

Par ailleurs, les agences arguent que la principale qualité du système est qu’il dépend de leur réputation qui peut être remise en question à tout moment. « La réputation d’une en- treprise est aujourd’hui l’avantage qui lui permet souvent de l’emporter sur ses concurrentes » (Danet, 2011), ce qui est encore plus vrai pour les marchés de la certification et de la notation. C’est bien la perte de notoriété du certificateur Andersen qui a entrainé sa disparition (Gurnot, 2013).

En fait, pour Danet (2011), la réputation est un jugement collectif qui s’appuie sur les perceptions des acteurs internes (dirigeants, analystes crédit…), mais surtout externes (émet- teurs, banques d’affaires, investisseurs…).

La réputation des agences dépend donc, avant tout, de la confrontation des perceptions entre ces parties prenantes. Par ailleurs, la qualité des méthodes utilisées n’est qu’un aspect de cette réputation. Cette dernière se construit avant tout grâce à un sentiment de qualité perçue par les investisseurs.

Résumé du chapitre :

 Les investisseurs suivent l’avis des agences en raison du pouvoir qui leur a été remis

par les législateurs. Elles ont donc, avant tout, un pouvoir institutionnel plutôt qu’un pouvoir fondé sur la qualité de leurs notations.

 Les agences sont exposées à de nombreux conflits d’intérêts qui ont détruit leur crédi-

bilité en particulier pour les produits structurés.

 C’est la confiance excessive des investisseurs et des législateurs qui a conduit à la

grande réforme de la réglementation de l’industrie de la notation.

 Quelles que soient leurs forces et leurs faiblesses, les agences représentent un outil de

comparaison des obligations et des émetteurs au niveau mondial.

Hypothèse du chapitre :

 En l’absence d’un évènement imprévisible, comme une catastrophe naturelle ou en-

core une O.P.A, on considère qu’une modification brutale de note (définie comme su- périeure à 3 crans) est un aveu d’une erreur de jugement de l’agence.

Partie III : Mesurer l’effet des annonces sur les cours des

obligations risquées de maturité longue : le cas de la zone euro

omme nous venons de le voir, les agences de notation agissent sur un marché en plein essor : celui des obligations. Cet essor est lié à l’évolution du mode de finan- cement des débiteurs, qui, s’ils en ont la possibilité, préfèrent utiliser la « profon- deur » du marché obligataire plutôt que le financement bancaire. Les agences de rating ont donc su tirer leur « épingle du jeu » puisqu’elles notent 94 % des obligations (Sénat, 2012).

Les signaux qu’elles émettent ont longtemps été présentés par les agences d’évaluation financière comme des opinions. Néanmoins, ce postulat est remis en cause par le législateur américain et européen. Notamment en raison du fait que les agences auraient démontré, lors de la crise de souveraineté européenne, qu’elles ont un droit de « vie ou de mort » sur les États.

Pourtant, cette question a, semble-t-il, été résolue par l’actualité. En effet, la dégrada- tion de la France n’a pas entrainé la « fureur » des obligataires, bien au contraire. Notre étude ne s’inscrit donc pas dans ce cadre polémique.

Nous nous intéressons aux entreprises et aux institutions financières de la zone euro. Elles représentent une part croissante de la notation, qui atteint 59 % du marché obligataire européen (Sénat, 2012). Comme nous l’avons vu, les agences de notations ont été institution- nalisées grâce à la réglementation. Néanmoins, cette dernière est en train d’être entièrement repensé pour limiter leur « pouvoir ». De plus, la méthodologie qu’elles utilisent n’est pas pleinement satisfaisante, car elle est source de nombreux conflits d’intérêts. Le rôle de ces entreprises privées est donc plus que jamais à redéfinir. Elles sont un « gate-opener » pour tout émetteur décidant de « désintermédiariser » son financement. Mais, il est nécessaire de savoir si, elles constatent un état de fait, ou si, elles sont capables d’anticiper de la même ma- nière que le fait le marché financier.

On comprend, dès lors, tout l’enjeu de notre étude. Il s’agit de répondre à la question suivante : les agences de notation apportent-elles une information au marché obligataire lorsqu’elles modifient une note ? Nous présentons donc d’abord le cadre de notre recherche en citant les études antérieures. Puis, nous définissons notre objet d’étude et les méthodolo- gies des tests utilisées. Enfin, nous commentons nos résultats en nous appuyant sur la théorie financière, notamment celle des biais de perception.