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Section 3 : Commentaires des résultats de l’étude

4) Réflexions concernant les résultats de notre étude

Plusieurs études (Olson [1965], Lichtenstein et al. [1978], Fischhoff et al. [1989], et

Tversky, Kahneman [1992]51) démontrent que les évènements qui ont une très faible probabi-

lité de survenir sont perçus par les investisseurs comme ayant une probabilité plus forte de se produire que celle mesurée objectivement. À l’inverse, les évènements sont sous-estimés s’ils ont une forte probabilité de se produire. C’est la théorie des biais de perception.

Pour Leruth et Nicolas (2010) elle a deux aspects. Ces derniers distinguent, d’une part, le biais de croyance (belief bias) qui énonce que les individus jugent de la pertinence d’une information selon qu’ils sont d’accord ou non avec sa conclusion. D’autre part, le biais de confirmation (confirmation bias), correspond au fait de n’accepter une information que si sa conclusion est en accord avec les conclusions de l’individu. Les auteurs donnent l’exemple de B. Madoff, pour lequel les dénonciations répétées au fil des ans n’ont entrainé aucune réac- tion. Dans un de ses entretiens, sur le site internet YouTube (Madoff, 2008), B. Madoff décrit son activité de façon très « singulière » (maintenant que la fraude est connue). Cette vidéo permet de se rendre compte à quel point, seule la très bonne réputation et la notoriété de cet homme ont suffit à convaincre son auditoire, quitte à ce que ce dernier en perde tout esprit de contestation. C’est comme si le public croyait systématiquement quelqu’un qui prétend com- prendre des éléments complexes, que lui-même ne saisit pas.

Il est donc intéressant de faire un parallèle avec les organismes d’évaluation de crédit qui ont toujours prétendu comprendre parfaitement la complexité des obligations structurées qu’elles ont notées. Pour Leruth et Nicolas (2010), « les agences de notation auraient sans doute dû réagir [à la crise des subprimes]: elles ne l’ont pas fait. En fait, elles ont minimisé les risques avant la crise, et même pendant la crise, comme l’ont fait la plupart des autres acteurs financiers. […] Il faut refuser l’aveuglement qui a guidé ceux prêts à croire que les marchés sont tellement efficients qu’ils sont capables de s’autoréguler sans intervention extérieure. Comment le marché pouvait-il assurer que les produits très complexes et généralement mal compris détenus par les banques et leurs clients étaient bien gérés au niveau des risques ? ».

Ce constat amène à se demander comment les investisseurs ont pu être convaincus si facilement de la légitimité des agences. Il semble que ce soit, tout simplement, grâce à leur notoriété, leur rôle institutionnel et leur image sérieuse. Pour en revenir à la théorie des biais de perception, il y a deux aspects cognitifs dans les signaux émis par les agences. D’une part, dans le fait de considérer l’information des agences comme pertinente ou non en fonction des croyances des investisseurs. D’autre part, au sein de l’agence, les analystes ont tendance à évaluer le risque selon leurs propres référentiels et non de façon objective.

Nous devrions observer, si tel est le cas, une variation des notations en fonction des années qui passent, puisque les analystes jugeraient le risque de crédit d’une obligation en fonction de leur propre référentiel et non pas selon des critères quantitatifs. Or, au cours des dernières décennies, les méthodes d’évaluation du risque de crédit (exception faite des pro- duits structurés) n’ont pas évolué. Donc, si nous constatons une variation dans la façon dont est attribuée la notation c’est que cette hypothèse est confirmée. Notre étude empirique cons- tate que la notation a perdu, au cours de cette décennie, toute légitimité en tant qu’indicateur du risque de crédit auprès des investisseurs. Nous obtenons ainsi un élément de réponse.

Daberllay et Partnoy (2012) viennent élargir notre champ de réflexion à la notation souveraine. Comme ils nous le rappellent, pour la première fois de son histoire la dette des États-Unis a été dégradée en août 2011 par S&P. Les investisseurs ont, cependant, continué d’acquérir des bons du Trésor. L’information qui leur a été présentée n’a donc pas été crue et la prime de risque n’a pas augmenté. Le marché financier a discrédité cette information. Ceci s’est reproduit pour les dégradations de la France et de l’Angleterre, en janvier 2012 et février 2013. « En somme, le jugement des agences en ce qui concerne le secteur de la dette des États comprend une part subjective importante, étant donné que, dans ce contexte, la volonté de rembourser joue un rôle plus important que la capacité à faire face à des obligations ».

Cohen (2011) conclut avec le cas grec. « Leur pouvoir prédictif étant faible, le rôle des agences tiendrait surtout à leur pouvoir institutionnel. Un pays dégradé s’expose à perdre sa base d’investisseurs institutionnels. Un effet d’hystérèse est à l’œuvre : une base institution- nelle est facile à perdre, mais difficile à retrouver. Dans le cas grec, ce problème est sans doute amplifié par la zone euro. La base institutionnelle des détenteurs d’actifs sans risques n’est pas captive. D’autres dettes publiques (allemandes, françaises) offrent des actifs sans risques en euros, privant l’État souverain de la base d’investisseurs nationaux qui doivent in- vestir une part de leur portefeuille dans cet actif ».

Résumé du chapitre

• Toutes nos données sont résumées dans des tableaux de l’annexe 14 §1 et tous les ré- sultats de nos tests sont résumés dans des tableaux de l’annexe 14 §2.

• Nous utilisons des tests dont l’hypothèse nulle H0 est simple (dans tous nos tests, c’est

« le signal n’a pas d’impact ») et l’hypothèse H1 est composite impliquant la réalisa-

tion de tests bilatéraux et unilatéraux.

• Nous choisissons un risque d’erreur de première espèce α élevé (10 %), car nous sou-

haitons nous garantir le mieux possible d’une acceptation à tort de H1.

• Le test d’égalité des moyennes implique l’égalité des variances. C’est pourquoi nous devons vérifier cette égalité avant de réaliser les tests sur les moyennes. Les 30 tests de variance que nous avons réalisés nous permettent de vérifier cette condition théorique et de réaliser les 60 tests de comparaison de moyennes et d’écarts.

• Nous réalisons le test sur les moyennes en testant l’hypothèse H0 : M1 = M2 = M

• Nous réalisant le test d’écart en calculant l’écart des moyennes du cours des obliga- tions n jours avant et n jours après le signal.

• Nous n’observons pas de différence significative de cours avant et après les si- gnaux émis de : mises sous surveillance positives, mises sous surveillance néga- tives, dégradations, améliorations, introduction. Ceci pour les institutions finan- cières et les entreprises et quelle que soit la période considérée (3, 15 et 30 jours). • Nos résultats se rapprochent de ceux d’Iankova, Pochon et Teïletche (2009) puisque

nous montrons que le signal n’a pas d’effet 30 jours après une dégradation. Néan- moins, nous n’observons pas, contrairement à ces auteurs et à Gaillard (2009), de va- riation à court terme.

• L’agence de notation Standard & Poor’s n’apporte pas de nouvelles informations au marché obligataire. Elle se contente de fournir un label qui synthétise des heures d’analyse de crédit. Celui-ci n’a qu’un rôle de simplification du travail des investisseurs désirant acquérir un titre, mais il n’a aucun rôle informatif que ce soit à très court terme ou à court terme.

• Finalement, l’agence d’évaluation financière Standard & Poor’s synthétise, en une note, des informations déjà assimilées par le marché.

Conclusion générale

« Pour atteindre la vérité, il faut une fois dans la vie se défaire de toutes les opinions qu’on a reçues, et reconstruire de nouveau tout le système de ses connaissances. » René Descartes

es agences de notation ont vu leur rôle s’intensifier, au fil des années. En plus d’un siècle, elles ont su rendre leurs services nécessaires auprès des investisseurs, no- tamment à travers l’oligopole qu’elles ont imposé au marché financier. Celui-ci s’est construit lentement, par le rachat d’agences concurrentes, dans tous les pays.

Principalement anglo-saxonnes, elles s’adressent aux investisseurs de ces régions, qui ont un poids considérable dans le financement de l’économie mondiale, en raison du choix de financement par capitalisation de leurs retraites. Ceci explique, la difficulté d’implantation de l’agence chinoise Dagong sur les marchés occidentaux, ou encore, l’échec concernant la créa-

tion d’une agence européenne.

La notation reste profondément marquée par ses échecs dans tous ses domaines de compétences, que ce soit les entreprises, les produits titrisés ou les États. Les plus récents, qui sont, la crise asiatique de 1997, puis les grandes faillites du début du millénaire (Enron, Worldcom, Tyco, Parmalat…), ensuite la crise des subprimes en 2007, et, enfin, la crise de souveraineté des États européens en 2009, méritent d’être cités.

Ces erreurs expliquent, qu’au cours de la dernière décennie, les législateurs américain et européen soient entrés dans une dynamique législative visant à les contrôler. Ils se sont, entre autres, inspirés des règlements applicables au métier de certification comptable, comme le contrôle de la profession par un organe de supervision (c.-à-d. l’A.E.M.F). Ce contrôle at- teint son paroxysme depuis la création des agences de notations, il y a plus d’un siècle. Il est même fort probable, que cette profession devienne, à l’avenir, autant réglementée, que celle de commissaire aux comptes.

Cette profession apparaît comme un pouvoir politique, puisqu’elle peut sanctionner l’échec d’une politique gouvernementale. Il a même été envisagé, pendant un temps, de se passer de son avis concernant la solvabilité des États. De nombreux auteurs ont, en effet, pro- posé des solutions innovantes, permettant de se passer des organismes d’évaluation financière. La plus remarquable est de revenir au système d’évaluation du risque, qui prévalait au début du siècle dernier, à savoir, l’évaluation des entités emprunteuses, par un réseau mondial d’universitaires.

Nous n’avons pas voulu entrer dans cette polémique, dans le cadre de notre recherche. Nous voulions déterminer le rôle occupé par les agences de rating concernant les obligations émises, par les entreprises et les institutions financières de la zone euro. Nous concluons que le marché ne réagit pas aux changements de notation. En effet, nous n’observons pas de diffé- rence significative de cours, avant et après, les signaux émis. Cela concerne tous les échantil- lons de notre étude : mises sous surveillance positives, mises sous surveillance négatives, dégradations, améliorations et signaux d’introduction. Ceci est vrai pour les institutions finan- cières et les entreprises, quelle que soit la période d’observation considérée (3, 15 et 30 jours).

L’actualité permet, d’ailleurs, d’arriver à la même conclusion pour la notation souve- raine. En effet, pour la première fois de son histoire, la France a pu refinancer sa dette à court terme, à taux négatifs. En fait, la notation a probablement un impact sur le marché financier, à très court terme, comme l’a montré l’étude de Gaillard (2009), bien que les mouvements ob- servés ne correspondent pas à la réaction du marché à une nouvelle information. Si tel était le cas, le cours devrait être modifié « durablement ». Or, nous ne mesurons pas de variation pour les moyennes à 30 jours. En fait, ces modifications non durables, mesurées le lendemain des dégradations, sont liées à des opérations de spéculation et d’arbitrage.

Comme nous démontrons l’absence d’effet des signaux émis par Standard & Poor’s, nous pensons que la nouvelle réglementation n’aura aucun effet immédiat sur la réaction du marché. Paradoxalement, l’effet inverse à celui souhaité par le législateur pourrait être obser- vé. Ainsi, il est tout à fait envisageable que le « pouvoir » des agences augmente en raison de leur nouvelle responsabilité judiciaire en cas de faute. Les investisseurs auront, en effet, d’autant plus confiance en elles, qu’elles pourront être sanctionnées en cas de transmission au marché d’informations erronées.

Notre objectif était de conclure sur le caractère durable de la modification des cours. Comme nous avons établi que tel n’était pas le cas, nous concluons que Standard & Poor’s n’apporte pas d’informations au marché, qu’il ne connaisse déjà. Nous pouvons alors nous demander quelle est l’utilité des agences de notation dans ce contexte. En fait, elles ont pen- dant longtemps bénéficié d’une rente de situation. Elles agissaient comme un « gate opener » grâce à une réglementation complice, qui rendait indispensable le recours à leurs services. Leur rôle ne peut donc qu’évoluer en raison de la nouvelle réforme réglementaire de leur pro- fession, qui incite à plus de concurrence pour l’évaluation du marché obligataire, actuellement en pleine croissance.

Annexes

Table des annexes

ANNEXES ... 91 Annexe 1 : Échelle de notation utilisée par les agences d’évaluation financière... 92

1) Les échelles de notation des trois grandes agences ... 92 2) Vocabulaire spécifique à l’échelle de notation ... 93

Annexe 2 : Tableau de défauts cumulés ... 94 Annexe 3 : Méthode utilisée pour mesurer le caractère significatif de la variation des cours et

présentation de la cotation des cours ... 95

1) Méthodologie utilisée par les premières études mesurant la variation des cours à la suite des signaux émis par les agences de notation ... 95 2) Exemple de calcul de la valeur actualisée d’une obligation ... 96 3) Remarques concernant le coupon couru ... 97

Annexe 4 : Méthode envisagée pour mesurer le caractère significatif de notre étude ... 98 Annexe 5 : Critères de sélections (Datatypes) utilisées pour l’extraction de la base de données

Datastream... 99

1) Critères de la série entreprise ... 99 2) Critères de la série institutions financières ... 99 3) Datatype des données extraites ... 100

Annexe 6 : Présentation de l’univers de notre étude ... 101 Annexe 7 : Présentation des fichiers agrégeant les cours et les notes ... 102 Annexe 8 : Présentation des formules de calculs utilisées ... 103

1) Formules utilisées pour la mise en place des tables d’adresses... 103 2) Formules utilisées pour la création de notre table de travail ... 104 3) Formules utilisées pour le test de comparaison ... 106

Annexe 9 : Présentation du calcul de l’interpolation linéaire pour la loi de Fisher ... 107 Annexe 10 : Watch up 30 jours pour les entreprises 𝐝𝐫= 1,561 ... 108 Annexe 11 : Watch up 15 jours pour les tests d’écart d’entreprises ... 108 Annexe 12 : Down 30 jours pour les tests d’écart d’entreprises ... 108 Annexe 13 : Tabulations des lois utilisées pour les tests ... 109

1) Loi de Khi-deux... 109 2) Loi normale centrée réduite ... 110 3) Loi de Student ... 111 4) Loi de Fischer-Snedecor ... 112

Annexe 14 : Tableaux de synthèse des données et des tests de l’étude ... 114

1) Comparaison des typologies des cours suivant la nature du signal ... 115 1.1) Série institutions financière ... 115 1.2) Série entreprise ... 117 2) Tableaux de synthèse des tests de l’étude ... 121 2.1) Tests des variances, tests des moyennes et test des écarts de la série institutions financière ... 121 2.2) Tests des variances, tests des moyennes et test des écarts de la série entreprise... 123

Annexe 1 : Échelle de notation utilisée par les agences d’évaluation