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Section 2 : Méthodologie d’évaluation des entreprises et des institutions financières

3) Le processus d’attribution et l’apport des notes au marché financier

Les notes sont attribuées par le comité de notation qui réunit des analystes spécialisés du secteur noté. Le dossier est présenté au plus par deux analystes, dont un analyste principal (lead analyst) responsable du suivi de la note, qui propose une note au comité.

Voici les principales étapes du processus de proposition de la note :

 Présentation du projet de notation par l’émetteur à l’agence. Une fois l’accord com-

mercial signé, l’agence désigne une équipe, responsable de l’évaluation du risque de défaut, et définit les modalités de la notation et la façon dont va être suivie la note.

 Un questionnaire spécifique au secteur est transmis ainsi qu’une liste d’informations

à communiquer.

 L’équipe se rend ensuite dans les locaux de l’entreprise afin d’obtenir les docu-

ments manquants et évaluer les critères qualitatifs, comme la qualité de la direction ou la stratégie de l’entreprise.

 Puis, l’équipe rédige un rapport soumis à l’émetteur afin qu’il donne son avis avant

soumission au comité de notation.

 La note est alors communiquée à l’émetteur qui peut, ou non, refuser la diffusion de

cette information en fonction de l’agence.

o N.B : 4 à 5 % des notes ne sont pas destinées à être publiées, cela concerne les émissions de dettes privées (A.M.F, 2012).

 Enfin, le rapport de l’équipe est publié sans mentionner les informations privilégiées

bien que la note les prenne en compte.

La note est suivie annuellement, mais le lead analyst garde un contact permanent avec l’entreprise pour obtenir, « au fil de l’eau », toute information susceptible de modifier la note.

3.2) Apports des agences de notation au marché obligataire

Les agences d’évaluation de crédit réduisent l’incertitude concernant le risque que représente un emprunteur. Ceci permet d’attirer de nouveaux investisseurs sur le marché obli- gataire et ainsi de réduire le coût de financement des entreprises émettant des obligations. De plus, elles augmentent la transparence du marché en diffusant de façon indirecte, à travers leurs notations, les informations privilégiées qu’elles détiennent sur les entreprises.

Dans la théorie économique, le recours à un mandataire (agent) se justifie lorsqu’il y a asymétrie d’information, comme c’est le cas pour le marché obligataire.

En effet, les souscripteurs sont défavorisés par rapport aux banquiers qui connaissent mieux la situation du débiteur. Cette asymétrie d’information induit un aléa moral (moral ha- zard). Le débiteur peut investir dans des projets risqués sans que le créancier le sache, ce qui peut conduire l’emprunteur à une situation de défaut.

Le souscripteur supporte un coût d’opportunité, car il aurait pu prêter ses fonds à un meilleur taux, compte tenu du niveau de risque réel. En fait, l’agence joue un rôle de manda- taire et réduit l’asymétrie d’information ce qui permet au principal (c.-à-d. l’obligataire) une rémunération plus juste de son placement.

Néanmoins, ce parallèle à la théorie économique doit être nuancé. En effet, l’article

d’Akerlof (1970) montre qu’une trop forte asymétrie d’information entraîne la disparition

d’un marché, en l’occurrence celui des voitures d’occasion. Cependant, il n’est pas certain que le marché obligataire soit directement comparable avec celui-ci.

En effet, les investisseurs modifient la valeur actuelle de l’obligation grâce à leurs an- ticipations rationnelles. D’autres mécanismes sont à l’œuvre sur le marché des voitures d’occasion. L’acheteur ne peut pas faire de distinction entre bonnes et mauvaises voitures ; il ne le sait qu’une fois son acquisition réalisée.

Bien que le grand nombre d’agents assure l’atomicité du marché, les conditions de concurrence pure et parfaite ne sont pas respectées en raison de l’hétérogénéité des biens échangés et de l’existence d’asymétries d’information. Les vendeurs de « bonnes » voitures ne veulent pas les céder à un prix inférieur à leur qualité réelle alors que les vendeurs de « mauvaises » voitures sont prêts à le faire. L’acheteur exige donc un prix inférieur à celui d’une voiture en bon état, car il supporte le risque d’en acheter une mauvaise. De ce fait, le bon vendeur ne cèdera pas sa voiture. Ainsi, il ne restera plus sur ce marché que des mau- vaises voitures, ce qui conduira à sa disparition. Pour que ce marché survive, il est nécessaire que le bon vendeur offre une garantie (il le peut car il sait que sa voiture ne supportera pas d’avaries pendant la durée de la garantie). Le mauvais vendeur, quant à lui, ne peut pas sup- porter ce surcoût.

Les agences réduisent les asymétries d’information et permettent surtout la désinter- médiarisation du marché financier : les banques perdent leur rôle de prêteur au profit des obli- gataires. La note est une garantie offerte à l’acheteur lui permettant de discerner les bons des mauvais produits. Pourtant, tout le paradoxe est que les notes n’ont qu’un rôle d’information, et sont équivalentes à un communiqué de presse. Il y a donc une distorsion entre le rôle légal des agences et l’utilisation, en tant que garantie, de ces opinions par les marchés. Notre étude empirique mesure l’impact du signal émis, ce qui permet de déterminer si une note est plutôt un label qu’une information pour le marché.

Résumé du chapitre :

• Le risque de crédit a trois composantes que sont : le montant exposé au risque, le risque de défaut et le risque de non-recouvrement.

• Ces trois paramètres peuvent être évalués à travers les notes attribuées par les agences de notation.

• La notation des titres permet un point de comparaison entre des titres de même catégo- rie. Les agences résument ces informations dans des matrices qui peuvent être utilisées en vue d’estimer le spread que doit avoir un titre en raison du risque qu’il représente pour l’investisseur.

• Les méthodes utilisées par les agences de notation, qui sont spécifiques à chaque do- maine (souverain, corporate, institutions financières), prennent en compte des aspects quantitatifs et qualitatifs.

• L’environnement de l’émetteur et sa capacité à se faire soutenir sont des critères essen- tiels de la méthode d’évaluation du risque de crédit.

• Les agences de notation réduisent les asymétries d’information dans le circuit de la fi- nance dite « directe », puisqu’elles permettent aux épargnants d’avoir accès aux mêmes capacités d’analyse de la situation d’un débiteur que les banques. Elles rédui- sent, en outre, le coût d’accès au capital en répartissant le coût d’analyse lié aux risques de défaut sur l’ensemble de la communauté financière.

• Les agences créent un aléa moral en permettant à la communauté financière (principa- lement les assurances et les banques) d’externaliser une partie de leur cœur de métier d’analyse du risque de défaut. L’objectif de la nouvelle réglementation est donc de ré- duire ce phénomène.

• Il y a une distorsion entre le rôle légal des agences de notation et l’utilisation en tant que garantie de ces opinions par les investisseurs.

Hypothèse du chapitre :

• Notre étude empirique a pour but de connaître l’impact sur le marché des signaux en- voyés par les agences de notation. Le spread est un élément qui permet de prendre en compte la façon dont les investisseurs perçoivent le risque d’un instrument financier. La fluctuation de cette prime de risque est mesurée par la variation des cours. Nous le ferons corrélativement à l’émission d’un signal par l’agence d’évaluation financière que ce soit une mise sous surveillance (watch), une amélioration de la note (upgrade) ou une dégradation (downgrade), afin de mesurer l’impact du signal émis.

• Les signaux envoyés par les agences de notation concernant les institutions financières devraient avoir un impact plus fort sur le marché que les signaux concernant le secteur corporate. Cela s’explique, d’une part, par le phénomène d’externalisation d’analyse du risque de crédit qui pousse les investisseurs institutionnels qui détiennent davantage des titres d’autres institutions financières à suivre les signaux émis par les agences ; d’autre part, le risque de défaut est plus difficile à évaluer pour ce type d’entités, ce qui incite à utiliser plusieurs sources d’évaluation du risque de défaut.