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.3.5.1 Discordance entre performances cliniques et adaptation à la vie quotidienne

Lezak (1995) attire l'attention sur l'importance de ne pas prendre comme seule base la réussite aux tests neuropsychologiques pour juger de l'adaptation à la vie quotidienne de patients et cite Teuber (1969) : “un test avec des résultats normaux chez un patient ayant subi un traumatisme crânien ou plus grave ne doit pas être interprété comme un statut intellectuel normal ou un cerveau normal, ce serait confondre absence de preuve et preuve d'absence”.

En effet, la performance aux tests cliniques reste une donnée limitée pour évaluer l'adaptation des patients à la vie quotidienne. En 1985, Damasio et Eslinger observent chez un patient de grandes difficultés de vie familiale et professionnelle malgré des performances honorables à des tests considérés sensibles aux troubles exécutifs.

Dans sa description d'un test d'évaluation du raisonnement (Wechsler), Lezak évoque deux patients ayant eu un bon score à ce test mais dont l'inadaptation à la vie quotidienne était flagrante. Un retraité de 62 ans dépensait sa pension la première semaine du mois en taxi « parce qu’il aimait bien se faire balader en ville ». A l'hôpital quand on lui demandait ses projets pour l'avenir il annoncait qu'il pensait s'acheter un pick-up et partir à la pêche. On peut également citer le cas d'un homme de 62 ans ayant obtenu également un bon score, mais qui, malgré deux hauts diplômes et une carrière exemplaire commençait à prendre des décisions en dépit du bon sens dans son travail. Quand il fut confronté à la possibilité d'être traduit en justice pour certaines de ses actions, il répondit qu'il avait simplement voulu faire des expériences pour vérifier que les limitations existantes étaient bien appropriées.

.3.5.2 Nécessité d'orienter la réflexion vers des tests évaluant de façon stable cet aspect

Rabbitt et d'autres chercheurs font valoir que les tests classiques de par leur nature spécifique sont en contradiction avec l'aspect central des fonctions exécutives (interdépendance et unicité). Pour Rabbitt (1997), une approche scientifique

consistant à isoler puis mesurer une variable ne peut être que difficilement appliquable pour les fonctions exécutives. De la même façon qu'on n'évaluerait pas un chef d'orchestre sur sa simple capacité à agiter les bras mais à intégrer et guider un groupe de musiciens divers sur des morceaux différents, il est important de diversifier l'évaluation et de l'orienter vers une évaluation plus écologique et moins spécifique.

Des tentatives d'évaluation plus écologiques ont donc été mises en place, dans le cadre de situations de vie quotidienne comme la BADS (voir la description plus haut). Ses auteurs (Wilson, Alderman, Burgess, Emslie et Evans) ont montré que la BADS soulignait les troubles dysexécutifs des patients en vie quotidienne. De la même façon, le Tinkertoy Test, décrit plus haut, est également considéré comme un outil d'évaluation plus écologique des fonctions exécutives, avec une bonne valeur prédictive de l'autonomie des patients.

Chevignard et al. (1991) mettent en avant l'exécution de scripts comme évaluation écologique des troubles dysexécutifs. Dans cette étude, les difficultés importantes d'exécution de scripts observées sont corrélées avec des performances seulement légèrement diminuées dans des tests comme la tâche des 6 éléments ou la tour de Londres. De plus, elles ne coïncident pas avec les résultats des patients ou des soignants sur les échelles comportementales, ce qui démontre l'importance de prendre en compte les difficultés d'auto-évaluation des patients mais aussi l'adaptation et la subjectivité des soignants qui peuvent conduire à sous-estimer l'importance des troubles.

Il semble donc important de développer (en passant par la normalisation et validation) et faire appel à des outils évaluant prioritairement la résolution de problèmes dans un cadre écologique, afin d'appréhender et cerner au mieux les troubles que peuvent rencontrer les patients en vie quotidienne et d'objectiver de façon optimale leur déficit. C'est le but de l'outil créé par Blarel et Louvet, suite à ce constat concernant les tests actuels, il semble donc nécessaire de normaliser et valider ce test afin qu'il puisse être utilisé en pratique clinique.

.3.5.3 Le test de Blarel et Louvet

C'est donc à partir d'un constat de l'évaluation neuropsychologique actuelle que ce test a été élaboré par deux étudiantes (Blarel et Louvet, (2011)) dans le cadre

d'un mémoire d'orthophonie. Il a été réalisé dans le but d'apporter une dimension écologique, pratique et concrète qui semble parfois lacunaire, en visant une simplicité de mise en œuvre et d'utilisation.

Le test présente alternativement un large panel de situations multiples de la vie quotidienne routinières et problématiques (quinze thèmes pour trente situations) sous forme d'images (diaporama power point). Des questions orales sont posées au patient, d'après le support imagé, il doit répondre verbalement de la façon qu'il juge la plus appropriée. Chaque planche-image est suivie d'une planche comportant quatre indices visuels parmi lesquels le sujet devra désigner celui qu'il juge comme apportant la meilleure réponse à la situation. Nous développerons dans la partie sujets, matériel et méthode le contexte d'élaboration du test et son contenu détaillé.

Ce test a été élaboré avec les objectifs suivants :

-être simple d'utilisation, il peut être utilisé aussi bien au chevet du patient, qu'en cabinet, il permet ainsi une évaluation dans des conditions multiples.

-mettre le patient dans de nombreuses et diverses situations de vie quotidienne, à la fois des situations routinières et des situations inopinées, sachant que c'est souvent dans ce type de situations que le patient dysexécutif se trouve le plus en difficulté.

-aider à l'objectivation de troubles dysexécutifs dans des situations multiples et concrètes de la vie quotidienne.

Blarel et Louvet (2011) ont élaboré les objectifs du test et bâti son support, elles ont effectué de nombreuses modifications au cours de l'année. Quelques passations ont été effectuées auprès de sujets normaux et de patients. Suite à cela, elles ont pu identifier des imperfections. Il semble donc nécessaire de normaliser et valider ce test afin qu'il puisse être utilisé en pratique clinique.