• Aucun résultat trouvé

Comme expliqué dans la sous-partie C.6, pour déterminer la structure atomique d’un nanotube d’imogolite, il est nécessaire d’en connaître les degrés de liberté. Ces paramètres géométriques sont référencés dans la Table 4.

F.3.a. Contraintes et énergie géométriques

L’analyse précédente sur la position des pics de périodicité nous a permis de déterminer la période projetée Pz et d’obtenir des informations sur la chiralité. Les

a. Pour le nanotube SiOH, on estime la position du 2ème et 3ème pic de périodicité à partir du maximum car la modulation est très large et n’est pas asymétrique. Cette approximation est prise en compte dans les barres d’erreurs.

nanotubes d’imogolite SiOH et GeOH sont « zigzag » donc n1 = n2 = N et

Pz = √ ab

a2+b2+2ab cos γsin γ (équation 7) alors que les nanotubes méthylés sont « armchair » (n1 = N, n2 = 0 et Pz = b sin γ d’après l’équation 6). On a donc 2 relations sur les 34 paramètres géométriques du système. Par la suite, on appelle N, le paramètre chiral. Il nous reste à déterminer 32 degrés de liberté ce qui est considérable. Il est illusoire d’affiner un seul diagramme de diffusion avec autant de paramètres car cela revient à surparamétrer le système.

Pour réduire le nombre de degrés de liberté, nous introduisons les contraintes géométriques suivantes :

— Les longueurs de liaisons atomiques doivent être aussi proches que possible de celles existants dans des structures localement similaires aux nanotubes d’imogolite et, aujourd’hui, bien connues, telles que la gibbsite et les silicates.

— Les angles des octaèdres formés par les groupes AlO6et les tétraèdres O3XY doivent être aussi proches que possible de ceux d’octaèdres réguliers et de pyramides à base triangulaire équilatéral.

a b c dXY d OX θOXO\ θOXY\ θOAl\O θOAl\O θOAlO\ d OAl dO Al θAlOX\

Figure 50 – Tétraèdre (a), octaèdre (b) et une maille d’imogolite (c) de la structure non déformée. Les octaèdres étant réguliers et les tétraèdres étant des pyramides à base triangulaire, on a l’angle θOAlO\ = 90° et θOXO\ = θOXY\ = 109.5°. De plus, l’angle θXOAl\ formé par la superposition d’un tétraèdre sur une couche octaédrique sans déformations est égal à 135° (voir aussi la sous-partie C.5 sur les dimensions caractéristiques d’une maille d’imogolite). Les atomes d’oxygène, d’aluminium et les groupements hydroxyles

Ces contraintes sont combinées dans un modèle harmonique. Chaque liaison atomique

AB est modélisée par un ressort de constante de raideur k0

AB et de longueur à vide d0

AB. Pour chaque angle formé entre les liaisons atomiques AB et BC, des ressorts angulaires de raideur k0

\

ABC et d’angle à vide θ0 \

ABC sont pris en compte. L’énergie quadratique Egeo

de ce système harmonique s’écrit :

Egeo({~rk}Nat, a, b, γ, N) = X liaisons AB kAB0 2 (dAB− d0AB)2+ (15) X angles \ABC k0 \ ABC 2 ABC\− θ0\ABC)2 (16)

où ~rk est la position de l’atome k de la maille élémentaire. Par la suite, ce modèle ou cette énergie seront souvent qualifiés de « géométriques » ou « semi-empirique » pour rappeler le fait qu’ils proviennent de considérations et de contraintes géométriques.

En développant cette approche, nous nous sommes rendu compte que bien que les longueurs et les angles de référence soient cohérents dans l’ensemble de la littérature, la situation est beaucoup plus confuse concernant les constantes de raideur. La plupart des constantes de ressort que nous avons utilisées ont été extraites d’études de dynamique moléculaire basées sur le champ de force Clayff [189]. Ce champ de force donne des informations précieuses sur les liaisons basées sur les atomes Si, Al et O, mais il ne prend pas en compte les atomes de germanium ou les groupements méthyles. Les groupements OH et CH3, considérés comme objet unique positionné au centre de gravité de la densité électronique, sont assimilés respectivement à des atomes d’oxygène et de carbone pour l’attribution des constantes de force. De plus, des mesures infrarouges ont permis d’estimer certaines constantes harmoniques inconnues à l’aide de la relation

k = µ(2πσc)2où µ est la masse réduite, k la constante de raideur et σ le nombre d’ondes a. Par exemple, le mode de stretching SiO et GeOH sont localisés à σν(Ge−O) ∼ 980 cm−1

et σν(Si − O) ∼ 810 cm−1 d’après les expériences infrarouges [65, 67, 190]. On déduit de la relation k0 GeO k0 SiO = µGeO µSiO σν(Ge−O) σν(Si−O) 2

que les constantes harmoniques associées sont similaires et on a calculé qu’elles valent environ 550 Jm−2. Les valeurs des constantes

kAB0 et k0 \

ABC sont reportées sur la Table 10.

a. La relation k = µ(2πσc)2 est exacte uniquement lorsqu’il n’y a que deux atomes en interaction dans le système. Dans un système complexe tel qu’un nanotube d’imogolite, cette relation n’est plus exacte mais permet d’estimer la valeur de la constante de raideur k.

Longueur de liaison d0

AB Constante harmonique k0

AB

A-B Valeur (Å) Source Valeur (J m−2) Source

Si-O 1.62 [191, 192] 550 [191, 193, 194] Si-OH 1.72 Ge-O 1.73 [195] 550 IR Ge-OH 1.83 Si-C 1.85 [196] 300 IR Si-CH3 1.97 Ge-C 1.95 [196] 300 IR Ge-CH3 2.07 Al-O 1.9 [197, 198] 150 [191, 194, 199] Al-OH 2 Angle θ0 \

ABC Constante harmonique k0

\

ABC

A-B-C Valeur Source Valeur (10−20J rad−2) Source

O-Al-O 90 Octaèdre régulier 70 [194, 199]

Al-O-Al 90 Octaèdre régulier 14 [194]

O-Si-O 109.5 Octaèdre régulier 70 [194, 200]

O-Ge-O 109.5 Octaèdre régulier 70 = O-Si-O

O-Si-C 109.5 Octaèdre régulier 70 = O-Si-O

O-Ge-C 109.5 Octaèdre régulier 70 = O-Si-O

Si-O-Al 135 Lien entre octaèdre ettétraèdre régulier 10 [194] Ge-O-Al 135 Lien entre octaèdre ettétraèdre régulier 10 = Si-O-Al

Table 10 – Longueurs et angles interatomiques de référence et constantes de raideur associées. L’origine des valeurs est donnée dans la colonne « source ». Lorsque ces valeurs sont issues de la littérature, la référence associée est donnée entre crochets. « IR » indique que la valeur de la constante harmonique a été déduite de mesures infrarouges. La valeur des angles entre les liaisons interatomiques est issue de considérations géométriques, en supposant les polyèdres réguliers (voir Figure 50).

F.3.b. Relaxation structurale

Le potentiel semi-empirique construit précédemment est désormais entièrement paramétrisé. La structure peut être relaxée en minimisant son énergie harmonique Egeo. L’initialisation de la structure et sa minimisation sont réalisées avec un script Python. La partie minimisation est assurée par optimisation quadratique successive (SQP) [201], un algorithme de minimisation de fonction non linéaire permettant de prendre en compte des contraintes d’égalité ou d’inégalité entre les paramètres d’optimisation. L’algorithme SQP tout comme la plupart des algorithmes de minimisation ne permettent pas d’avoir un paramètre entier, c’est pourquoi la chiralité (n1, n2) est fixée en amont de la minimisationa. En outre, l’étape d’initialisation consiste à disposer les atomes de la maille d’un nanotube d’imogolite (i) en partant de la structure plane décrite dans la partie sous-partie C.5 et illustrée sur la Figure 26, (ii) en orientant cette construction suivant le vecteur chiral et (iii) en courbant cette structure sur un cylindre de rayon

atomique estimé avec la relation R = w

. Cette étape est importante car la fonction a minimisé, l’énergie géométrique Egeo({~rk}Nat, a, b, γ, n1, n2), présente un grand nombre de paramètres. Or, l’algorithme de minimisation converge bien vers le minimum global car le point initial dans cet espace à 31 dimensions est suffisamment à proximiter de la solution.

Une fois le paramètre chiral N figé ((N, 0) pour SiOH et GeOH et (N, N) pour SiCH3 et GeCH3) et la période projetée fixée à partir des mesures expérimentales (voir Table 9), on minimise l’énergie géométrique. Les résultats pour différente valeur de N sont reportés sur la Table 11 ci-dessous. On constate que le potentiel semi-empirique permet de générer des tubes dont le diamètre est cohérent avec une simple estimation géométrique. SiOH n1 13 14 15 n2 0 0 0 Ri 6.80 7.55 8.30 Re 11.42 12.17 12.91 Rest 9.58 10.32 11.05 GeOH n1 21 22 23 n2 0 0 0 Ri 12.87 13.63 14.39 Re 17.57 18.33 19.09 Rest 15.81 16.56 17.31 SiCH 3 n1 8 9 10 n2 8 9 10 Ri 7.22 8.52 9.82 Re 12.04 13.33 14.62 Rest 10.21 11.49 12.76 GeCH 3 n1 10 11 12 n2 10 11 12 Ri 9.83 11.15 12.46 Re 14.79 16.10 17.41 Rest 13.04 14.34 15.65

Table 11 – Rayon interne Ri et rayon externe Re des nanotubes d’imogolite

obtenues après une minimisation de l’energie géométrique Egeo avec la chiralité

(n1, n2) et la période fixées. Rest est le rayon estimé à partir de la formule Rest =

aqn21+ n2

2+ 2n1n2/2π avec a pris à partir de la Table 3. Les rayons sont donnés en Å−1.

F.3.c. Simulations ab initio

Sur la Figure 51, les expériences sont comparées à des courbes simulées obtenues à partir d’un nanotube SiCH3 (9, 9) et GeCH3 (11, 11). Ces chiralités ont été choisies car elles donnent le meilleur accord entre simulation et expérience. Néanmoins, l’accord n’est pas totalement satisfaisant. Par exemple, le doublet de pics entre 1.6 et 1.9 Å−1 n’est pas positionné correctement tout comme le pic à 4 Å−1.

1 2 3 4 5 6 In tensité Q [Å−1] SiCH3 GeCH3 Exp. Geo. ab initio 0 1 Q [Å−1]

Figure 51 – Diagrammes de diffusion des rayons X expérimentaux (Exp.), issus d’une structure dont l’énergie géométrique Egeo est minimisée sans contrainte sur les rayons internes et externes (Geo.) et issus d’une structure relaxée par simulation ab initio pour des nanotubes d’imogolite SiCH3 (9, 9) et GeCH3 (11, 11).

En parallèle à ces simulations semi-empiriques, Gilberto Teobaldia et son doctorant Chai Ziweib ont réalisé des calculs ab initio sur les nanotubes méthylés. Leur objectif était multiple : obtenir une structure relaxée avec un potentiel ab initio, déterminer l’énergie du système en fonction de la chiralité et étudier la densité d’états électronique au sein du système. Ces travaux sont étroitement liés aux analyses de la diffusion des rayons X mais n’ayant pas travaillé directement sur les développements ab initio, je résumerai rapidement les résultats. Les détails techniques des calculs ab inito sont donnés dans notre publication[202].

La Figure 52 présente l’énergiec d’un nanotube d’imogolite méthylé (Si ou Ge) relaxé dans un potentiel ab initio. Tout d’abord, on constate que la configuration « Armchair » est énergétiquement favorisée par rapport à une configuration « Zigzag » ce qui corrobore l’analyse des pics de périodicité observés sur les diagrammes de diffusion X. La période optimisée avec les potentiels ab intio, 4.72 Å−1

pour SiCH3 et 4.87 Å−1

pour GeCH3, sont proches des périodes mesurées sans que les barres d’erreur ne permettent un réel accord. De plus, la monodispersité en diamètre des nanotubes d’imogolite est illustrée par la présence d’un minimum dans la courbe de l’énergie en fonction de la chiralité.

Toutefois, la chiralité associée à ce minimum, (12, 12) pour SiCH3 et (18, 18) pour

GeCH3, ne peut être en accord avec les observations expérimentales. En effet, avec un paramètre chiral aussi grand, les nanotubes d’imogolite générés présentent un rayon

beaucoup trop grand, environ 13 Å de rayon interne pour les SiCH3 et environ 21.5 Å

pour les GeCH3, pour que leurs diffractogrammes soient en accord avec les expériences. Ce désaccord laisse entrevoir une possible simplification excessive des modèles de calcul utilisés et un rôle non négligeable des interactions des nanotubes avec l’environnement de synthèse dans la formation des imogolites, un aspect déjà étudié pour les nanotubes hydroxylés [159, 203].

a. 3 Stephenson Institute for Renewable Energy and Department of Chemistry, The University of Liverpool, Liverpool L69 3BX, UK. 4.

8 1 0 1 2 1 4 1 6 1 8 2 0 2 2 2 4 0 5 0 1 0 0 2 9 0 3 0 0 b ( 2 2 , 0 ) ( 1 8 , 1 8 ) E /2 N [m eV ] N G e C H 3 A C T f= 4 . 9 5 Å A C T = 4 . 8 7 Å Z Z T = 8 . 5 0 Å ( 1 8 , 1 8 ) a 8 1 0 1 2 1 4 1 6 0 5 0 1 0 0 3 5 0 4 0 0 4 5 0 ( 1 5 , 0 ) ( 1 2 , 1 2 ) E /2 N [m eV ] N S i C H 3 A C T f= 4 . 8 8 Å A C T = 4 . 7 2 Å Z Z T = 8 . 5 4 Å ( 1 1 , 1 1 )

Figure 52 – Énergie d’un nanotube d’imogolite GeCH3 (a) et SiCH3 (b) par unité de

maille pseudo-hexagonale en fonction de la chiralité. Les courbes pour les configurations « armchair » (AC) ont été tracées pour la période mesurée expérimentalement et la période optimisée numériquement. Pour la configuration « zigzag » (ZZ), seule la courbe avec une période optimisée numériquement est présentée.

Nous avons calculé les courbes de diffusion des rayons X pour chaque structure relaxée par simulation ab initio. Tout comme avec notre potentiel harmonique, la chiralité (9, 9) pour les SiCH3 et (11, 11) pour les GeCH3 donne le meilleur accord avec l’expérience. Les courbes rouges sur la Figure 51 semblent plus proches des courbes expérimentales que les courbes noires issues de la relaxation semi-empirique. Par exemple le doublet de pics entre 1.6 et 1.9 Å−1 est positionné correctement. Cependant, l’accord reste perfectible surtout pour les nanotubes GeCH3 avec le massif autour de 4.4 Å−1.