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Chapitre 2 : Les protéines du Complexe de Relâchements du Calcium

I. Les protéines majeures : deux canaux calciques

2) Le Récepteur de la Ryanodine

a) Les différentes isoformes

Le récepteur de la Ryanodine (RyR) compte trois isoformes RyR1, RyR2 et RyR3, issues de 3 gènes (Lanner et al., 2010). Bien que ces isoformes aient des séquences proches (65% d’homologie), elles contiennent également des zones de divergences expliquant leurs différences fonctionnelles (Sorrentino and Volpe, 1993).

L’isoforme RyR1 exprimée dans le muscle squelettique, est impliquée dans le couplage excitation-contraction (Giannini et al., 1995; Zorzato et al., 1990). Son ablation est létale (Takeshima et al., 1995, 1994) et l’isoforme RyR3 fonctionnelle dans le muscle squelettique de souris KO RyR1, ne permet pas de compenser l’absence de RyR1 (Protasi et al., 2000; Takeshima et al., 1995), probablement dû à son incapacité à lier le DHPR (Takeshima et al., 1994). RyR2 est retrouvé principalement au sein du muscle cardiaque mais constitue également l’isoforme majoritaire du cerveau (Giannini et al., 1995). Il est nécessaire pour la contraction cardiaque chez l’adulte. En effet, au stade embryonnaire, le cœur des embryons de souris KO RyR2 peut toujours se contracter grâce au calcium passant par le DHPR, mais les embryons ont tout de même des malformations cardiaques et meurent une dizaine de jours après la naissance (Takeshima et al., 1998). RyR3 est une isoforme ubiquitaire mais présents en de plus faibles quantités (Giannini and Sorrentino, 1995). Elle est principalement exprimée durant la période périnatale. En effet, comme le réseau de tubules-t n’est pas entièrement développé durant cette période, RyR3 permettrait de renforcer le mécanisme de CICR (calcium induced calcium release) amplifiant ainsi les libérations calciques de RyR1 (Yang et al., 2001). Pisaniello et al., (2003) détecte RyR3 chez la souris dès la stade embryonnaire E13 (Pisaniello et al., 2003), puis il devient pratiquement indétectable chez l’adulte

46 (Bertocchini et al., 1997), confirmant son implication dans le développement et la contraction musculaire des cellules néonatales (Tarroni et al., 1997; Yang et al., 2001). Récemment il a été montré via la caractérisation d’un modèle RyR3 KO, que cette isoforme est impliquée dans la fonction des muscles extraoculaires (Eckhardt et al., 2019).

b) Topologie et structure 3D

Le Récepteur de la Ryanodine (RyR) est un homotétramère composé de quatre sous-unités faisant chacune 565 kDa. Chaque monomère contient deux domaines : un domaine C-terminal transmembranaire qui correspond au pore ionique et qui permet d’être en lien avec la lumière du RS, et un domaine N-terminal qui représente 80% de la protéine et qui est nécessaire aux différentes interactions de RyR. Il a été montré que RyR1 interagit par sa partie N-terminale avec le DHPR (Nakai et al., 1996), avec FKBP12, Homer et la calmoduline (Brillantes et al., 1994; Pouliquin and Dulhunty, 2009; Tripathy et al., 1995). Son domaine C-terminal forme un complexe quaternaire avec la junctine, la calséquestrine et la triadine (Zhang et al., 1997). Sa partie N-terminale cytosolique est tellement imposante que des densités sont visibles en microscopie électronique, on parle de « feet » (pieds) de RyR (Block et al., 1988) qui remplissent tout l’espace entre les membranes des citernes terminales et du tubule-t (Figure 13).

Chaque sous-unité du tétramère est constituée de six segments transmembranaires formant le pore du canal, dans la partie C-terminale de RyR. Une boucle est située entre les domaines transmembranaires 5 et 6 permettant de constituer le filtre de sélectivité ionique (Gao et al., 2000; Meur et al., 2007). Il a également été montré que les extrémités N et C-terminales de la protéine étaient cytosoliques (Marty et al., 1994) (Figure 13). Les RyRs peuvent également subir des modifications post-traductionnelles réversibles comme la phosphorilation, la nitrosylation ou la S-palmitoylation permettant de moduler leurs activités (Bellinger et al., 2008; Chaube et al., 2014; Sun et al., 2001).

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Figure 13 : Topologie de RyR1 et visualisation en microscopie électronique. (A) Représentation

schématique de RyR1 illustrant ses parties N et C-terminales cytosoliques ainsi que ses domaines transmembranaires qui composent le pore du canal. (B) Image de microscopie électronique montrant une triade avec les « feet » de RyR1 qui sont visibles dans l’espace jonctionnel entre le reticulum sarcoplasmique (SR) et le tubule-t (TT). Barre d’échelle = 100nm. Image de microscopie électronique tirée de (Boncompagni et al., 2006).

La structure 3D du RyR n’est pas encore totalement caractérisée mais de récentes études en cryo-microscopie électronique ont permis d’aller jusqu’à une résolution de 3, Å permettant de mieux comprendre comment ce canal ionique fonctionne et interagit avec ses partenaires (Figure 14) (Bai et al., 2016; Efremov et al., 2015; Samsó, 2017; Santulli et al., 2018; Wei et al., 2016; Yan et al., 2015; Zalk et al., 2015; Zalk and Marks, 2017).

Figure 14 : Structure 3D du récepteur de la Ryanodine en cryo-microscopie électronique. De gauche à droite : vue de côté, vue du cytoplasme et vue de la lumière du reticulum sarcoplasmique.

En couleur sont représentés les différents domaines d’une sous-unité de RyR. D’après (Zalk et al., 2015).

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c) Agents régulant l’activité de RyR

Plusieurs agents physiologiques et pharmacologiques sont connus pour moduler l’activité de RyR de façon agoniste ou antagoniste. C’est à partir de 194 que Rogers et al., ont permis d’identifier RyR par l’utilisation de la ryanodine, un alcaloïde de plante utilisé comme insecticide (Rogers et al., 1948). La ryanodine est un agent se liant de façon spécifique et avec une grande affinité au RyR. Son site de liaison se situerait dans la partie C-terminale proche voire dans le pore du canal (Callaway et al., 1994). A forte concentration (M) elle bloque RyR dans son état fermé alors qu’à faible concentration (nM) elle le maintient en position semi-ouverte (Callaway et al., 1994). Le calcium a lui un rôle régulateur direct sur RyR. A faible concentration (1

M), il active RyR alors qu’à concentration plus importante (mM), il l’inhibe (Meissner, 1986; Meissner et al., 1997). La caféine et le 4-chloro-m-crésol (4CmC) sont des agonistes de RyR qui stimulent son ouverture (Rousseau et al., 1988; Zorzato et al., 1993). Le magnésium et le dantrolène sont des antagonistes du canal, ils ont ainsi des propriétés inhibitrices sur l’ouverture de RyR (Meissner, 1986; Rosenberg et al., 2015). Le dantrolène, de par son action inhibitrice, est notamment utilisé lors de crises d’hyperthermie maligne. L’hyperthermie maligne est une maladie pharmacogénétique des muscles squelettiques caractérisée par une réponse hypermétabolique due à l’utilisation d’agents anesthésiques halogénés, avec entre autre une hyperthermie, une tachycardie, une rigidité musculaire et une augmentation de la production de CO2 et de la consommation en O2 (Rosenberg et al., 2015). C’est le gène RYR1 qui est principalement retrouvé muté dans l’hyperthermie maligne. Des mutations de ce gène sont également retrouvées dans les myopathies à cores (Monnier et al., 2001).

d) Modèle animal KO RyR1

Les souris KO RYR1 meurent à la naissance d’insuffisance respiratoire due entre autre à l’absence de contraction du muscle du diaphragme (Takeshima et al., 1994). Ces animaux se caractérisent par une dégénérescence de leurs fibres musculaires, une perte du couplage excitation-contraction et des courants calciques entrant par le

49 DHPR diminués. L’organisation en tétrade du DHPR est également altérée (Takekura et al., 1995). Ces résultats illustrent le fait que RyR1 émet un signal rétrograde vers le DHPR afin d’améliorer son activité et que la présence de RyR1 est nécessaire à l’organisation du DHPR. La réexpression de RyR1 dans les myotubes dyspédiques (RYR1 KO) rétablie le couplage excitation-contraction ainsi que les courants calciques (Nakai et al., 1996). Bien que RyR1 soit un canal calcique massif localisé dans les membranes du RS jonctionnel, son absence n’affecte pas la morphologie du RS jonctionnel et donc les triades sont toujours présentes (Felder et al., 2002). C’est également ce qui a été montré pour les cellules sans DHPR (dysgéniques) (cf. Chapitre 2 I.1c).