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Chapitre 4 : Le reticulum et la voie de biosynthèse

III. Adressage et rétention des protéines du complexe de relâchement de calcium à la

2) Les protéines du reticulum sarcoplasmique

Le RS se compose de différentes protéines ayant des rôles majeurs dans l’homéostasie calcique. Une partie de ces protéines est spécifiquement localisée dans les membranes ou dans la lumière du RS jonctionnel tandis que d’autres sont retrouvées au sein du RS longitudinal. Néanmoins leurs mécanismes d’adressage et de rétention dans leur compartiment de fonction, restent encore incertains.

a) Protéine de la lumière du RS : la calséquestrine

La calséquestrine est une protéine spécifiquement située dans la lumière du RS mais uniquement à la triade, ce qui signifie que certains éléments lui permettent de rester là. Il a été montré par Nori et al., que les modifications post-traductionnelles de la calséquestrine ainsi que ses interactions électrostatiques avec la junctine et la triadine ne sont pas impliquées dans sa rétention au sein du RS jonctionnel (Nori et al., 2001, 2000, 1999). Cependant dans les modèles de souris KO triadine et/ou junctine, la calséquestrine est délocalisée, suggérant que les interactions de la calséquestrine avec la triadine et la junctine seraient importantes pour maintenir la calséquestrine à la triade (Boncompagni et al., 2012). De plus, il a également été suggéré par l’utilisation de divers mutants de la calséquestrine, que les acides aminés N-terminaux 1 à 24 et C-terminaux 230 à 367 sont impliqués dans l’adressage de la calséquestrine dans les citernes terminales du RS ainsi que dans son agrégation (Nori et al., 2006).

Concernant le transport de la calséquestrine de son lieu de synthèse jusqu’à la lumière du RS jonctionnel, plusieurs hypothèses s’opposent. Certaines études sont en faveur d’un trafic vésiculaire de la calséquestrine. Il a été montré par l’utilisation de mutants Arf1 et Sar1, altérant respectivement la voie RE-Golgi et les ERES, que la calséquestrine une fois synthétisée sortirait du reticulum et emprunterait une voie muscle spécifique, sans traverser l’appareil de Golgi, lui permettant d’atteindre le RS jonctionnel (Nori et al., 2004). Des résultats précédant avaient déjà montré que la calséquestrine serait exclue d’un passage par le Golgi (Gatti et al., 1997) et donc qu’elle conserverait sa sensibilité à la digestion par l’endoglycosidase H (Campbell et al., 1983). D’autres études suggèrent qu’elle pourrait atteindre les compartiments

109 ERGIC/cis-Golgi avant d’être transportée jusqu’au RS jonctionnel. Il a en effet été montré dans des myotubes de poulet que la calséquestrine est transportée jusqu’au

cis-Golgi avant de revenir au RS (Thomas et al., 1989) et elle a été trouvée

accumulée au niveau de l’ERGIC dans des cardiomyocytes et des lignées cellulaires (Milstein et al., 2009). Ces résultats vont dans le même sens que ce qui a été observé pour une fraction de VSVG qui, au sein de cellules musculaires, irait jusqu’au compartiment intermédiaire ERGIC/cis-Golgi avant d’atteindre le RS (Rahkila et al., 1998). Il semblerait donc que dans le muscle, une voie de biosynthèse muscle spécifique existerait, en parallèle de la voie classique, et permettrait d’atteindre directement le RS. Ainsi les protéines emprunteraient plutôt l’une ou l’autre voie, suivant l’état de différenciation musculaire et/ou suivant la destination finale à atteindre.

Cependant des études plus récentes prônent plutôt un transport de la calséquestrine par diffusion dans le continuum de membranes RE/RS. En effet, au sein de cardiomyocytes, la calséquestrine sous forme monomérique diffuserait du RER périnucléaire au RS jonctionnel. Une fois ce compartiment atteint, elle polymériserait permettant ainsi d’y être retenue (McFarland et al., 2010; Sleiman et al., 2015) (Figure 39).

b) Protéines membranaires du RS

Plusieurs pistes sont également évoquées concernant les mécanismes qui permettent aux protéines transmembranaires du RS longitudinal ou jonctionnel d’être spécifiquement adressées dans leur compartiment cible et uniquement dans ce compartiment-ci.

SERCA est une protéine membranaire du RS longitudinal. La composition lipidique membranaire du RS pourrait être impliquée dans la rétention de SERCA car il a été montré qu’elle était insoluble dans certains détergents au contraire de protéines résidentes du RE (Kaakinen et al., 2008). De plus, la structure intrinsèque de SERCA semble jouer un rôle dans sa localisation puisqu’il a été montré que deux des dix hélices transmembranaires qu’elle comporte lui sont nécessaires pour sa rétention

110 dans le reticulum (Newton et al., 2003). Ces données suggèrent que la rétention de SERCA dans le RS longitudinal pourrait impliquer une interaction spécifique entre ses domaines transmembranaires et la composition membranaire du RS.

Le transport de SERCA jusqu’au RS longitudinal a été étudié au début des années 90 où il a été suggéré que SERCA ne quitterait jamais le continuum RE/RS (Karin and Settle, 1992) dans lequel elle diffuserait. Cependant des études plus récentes se positionne plutôt sur un passage de SERCA par le compartiment intermédiaire ERGIC avant son transport jusqu’au RS longitudinal (Newton et al., 2003). Ce résultat suppose donc que SERCA cyclerait entre le reticulum et l’ERGIC. De plus, le phospholamban et la sarcolipine, deux protéines transmembranaires interagissant avec SERCA, ont été trouvées localisées dans le RS et l’ERGIC dans des cardiomyocytes, mais pas dans le trans-Golgi (Butler et al., 2007). Ainsi, il semblerait que les protéines du RS longitudinal emprunteraient une voie muscle spécifique leur permettant d’être transporter jusqu’à l’ERGIC avant d’être ramenées dans le RS (Figure 39). Le processus permettant aux protéines résidentes du RS d’être ramenées de l’ERGIC au RS pourrait impliquer leurs domaines transmembranaires. En effet, il a été suggéré que la protéine RER1p, protéine transmembranaires de l’ERGIC/cis-Golgi, reconnaîtrait des informations d’adressage au reticulum au niveau des domaines transmembranaires des protéines résidentes du reticulum. Ce mécanisme permettrait d’identifier ces protéines une fois dans l’ERGIC et de les renvoyer dans le reticulum à partir des compartiments post-reticulum (Sato et al., 2003, 2001, 1995).

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Figure 39 : Les voies potentielles de trafic au sein du muscle squelettique. Plusieurs hypothèses

s’opposent par rapport au mécanisme d’adressage des protéines musculaires. Tout d’abord la voie de biosynthèse classique semble toujours être présente permettant à certaines protéines localisées à la membrane plasmique, et potentiellement au tubule-t, de traverser l’appareil de Golgi une fois sortie du reticulum pour atteindre la surface membranaire (voie grise). Concernant les protéines localisées dans le RS longitudinal ou jonctionnel/citerne terminale, les protéines pourraient soit diffuser dans le continuum de membrane RE/RS jusqu’à atteindre leur localisation finale (voie jaune), soit sortir du reticulum, aller jusqu’au compartiment ERGIC/cis-Golgi, avant qu’un signal inconnu ne les ramène dans le reticulum. Elles pourraient être ramenées directement dans leur compartiment final ou diffuser jusqu’à ce dernier (voie rose). RE = reticulum endoplasmique ; RS = reticulum sarcoplasmique ; ERES = Sites de sortie du RE ; ERGIC = Compartiment intermédiaire entre le RE et le Golgi.

Concernant RyR1, protéine transmembranaire du RS jonctionnel, il a été suggéré par expression des hélices transmembranaires de RyR1, dans des lignées cellulaires COS7, que ses hélices 1 et le 6 seraient responsables de sa rétention dans le reticulum (Meur et al., 2007). De plus, l’ankyrine B, protéine adaptatrice liée aux membranes, est connue pour se lier à différentes protéines comme RyR1 ou l’IP3R (Bourguignon et al., 1995, 1993) et permettrait de correctement les localiser dans les membranes du RS jonctionnel (Tuvia et al., 1999).

Le mode de transport de RyR1 jusqu’aux triades n’est pas connu. Néanmoins il a été montré que la cavéoline 3 (Cav3), protéine jouant un rôle dans le transport

112 vésiculaire intracellulaire, pourrait participer à son trafic vu qu’elle interagit avec RyR1 (Vassilopoulos et al., 2010).

Pour la triadine, une autre protéine du RS jonctionnel, il semblerait qu’elle ait dans sa séquence différents domaines lui permettant d’être correctement retenue à la triade. Ses parties N-terminale et C-terminale semblent jouer un rôle dans sa localisation au sein du RS jonctionnel (Rossi et al., 2014; Sanchez et al., 2018) et son domaine luminal C-terminal serait également impliqué dans son trafic (Fourest-Lieuvin et al., 2012; Rossi et al., 2014). Quant à la junctophiline, protéine de la triade permettant de lier le RS jonctionnel au tubule-t, il a récemment été montré que son domaine transmembranaire est responsable de sa localisation au sein du RS jonctionnel (Rossi et al., 2019).

Une fois leur localisation finale atteinte, les protéines du RS jonctionnel formeraient un complexe leur permettant d’être retenue (Rossi et al., 2008) et la triadine serait la protéine du CRC servant d’ancre aux autres protéines (Cusimano et al., 2009).

Toutes ces études montre que dans le muscle, quelque soit le compartiment cible d’une protéine (tubule-t, RS longitudinal ou jonctionnel), les mécanismes d’adressages (diffusion dans le continuum RE/RS et/ou trafic vésiculaire) et de rétention des protéines ne sont pas encore totalement compris.

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Objectifs de thèse

L’objectif général de ma thèse a été de comprendre comment les protéines de la triade sont-elles adressées dans leur compartiment spécifique, par quels mécanimes y sont-elles confinées.

La contraction musculaire est un mécanisme régit par de multiples éléments et chacun de ces éléments a un rôle prépondérant à jouer. Le message nerveux émit par le motoneurone doit être traduit en une libération massive de calcium permettant aux myofilaments de se contracter. C’est dans la transformation du message nerveux en un message chimique (libération calcique) que la triade à une place majeure. Pour aboutir à une importante sortie de calcium, il faut que la structure triadique en elle-même soit parfaitement formée c'est-à-dire que les contacts reticulum-membrane plasmique (RS/tubule-t) soient présents et que les protéines du CRC soient parfaitement localisées et agencées dans les triades. RyR1 et DHPR, chacun dans des membranes différentes, doivent se faire face pour interagir physiquement. Les autres protéines du CRC comme la triadine, la junctine ou la calséquestrine sont également des points clés dans la modulation des relâchements de calcium.

Néanmoins, peu de choses sont actuellement comprises sur les mécanismes responsables de l’adressage spécifique et de la rétention précise des protéines du CRC à la triade.

Mon travail de thèse a été divisé en trois parties. Les deux premières parties portent sur l’étude des mécanismes d’adressage et de rétention de la triadine à la triade, tout au long de la différenciation musculaire. Une partie de cette étude a fait l’objet d’un article en cours de soumission. J’ai également pris part à un projet visant à déchiffrer l’implication du réseau de microtubules, et notamment le rôle de MAP6, dans le fonctionnement musculaire. Cette partie de mon travail sera décrite dans un troisième chapitre et a fait l’objet d’une publication présentée dans ce manuscrit.

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