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C. CONTEXTE BIOLOGIQUE :

C. 2. Le récepteur de l'élastine :

C.2.a. Structure

Le récepteur de l'élastine est constitué de 3 sous-unités (Wrenn et al. 1988). Les deux premières, de respectivement 61 et 55 kDa, sont ancrées dans la membrane plasmique de la cellule (Mecham et al. 1989). La troisième sous-unité, qui a un poids moléculaire de 67 kDa, se situe à la périphérie de la membrane plasmique. Elle est appelée EBP, pour Elastin Binding-Protein, car c'est elle qui est capable d'interagir avec la tropoélastine et ses peptides avec une grande affinité puisque la constante de dissociation est de 8 nM (Wrenn et al. 1988).

L'EBP possède également un autre site ayant des propriétés galactolectines, c'est-à-dire qui permet de fixer les sucres de type β-galactose ou possédant un β-galactose, comme le lactose, ou certains glycosaminoglycanes de la MEC, comme le dermatane sulfate ou chondroitine sulfate (Hinek et al. 1988). L'interaction entre un β-galactose et le site galactolectine entraîne un changement de conformation de l'EBP qui provoque une diminution de son affinité vis-à-vis des deux autres sous-unités, ce qui provoque une inhibition des propriétés biologiques du récepteur de l'élastine (Mecham et al. 1991). L'EBP est en fait un variant d'épissage de la β-galactosidase qui ne possède pas d'activité β-galactosidique (Hinek et al. 1993). Sa séquence protéique (Morreau et al. 1989; Privitera et al. 1998) et celle de la β-galactosidase sont représentées dans la Figure 11.

Une partie de la séquence spécifique de l'EBP humaine possède des homologies de séquence (Figure 12) avec certaines élastases de la famille des sérine-protéinases comme l'élastase pancréatique porcine, l'élastase leucocytaire humaine et le facteur IX humain, ainsi que l'EBP de mouton ce qui laisse à penser qu'il s'agit peut-être d'une séquence consensus permettant de lier l'élastine (Hinek et al. 1993; Hinek et Rabinovich 1994). En plus de leurs homologies de séquence, les structures de ces protéines sont extrêmement proches car le même anticorps est capable de se fixer sur le site de l'EBP humaine ou sur le site de l'élastase pancréatique porcine. De manière encore plus intéressante, cette même séquence sous forme de peptide, appelé peptide Sgal, est capable de se lier directement à l'élastine, par l'intermédiaire des répétitions VGVAPG de l'exon 24, ce qui confirme que nous sommes bien en présence du site de fixation de l'EBP à l'élastine (Hinek et Rabinovich 1994).

EBP humaine : 546 résidus

1 : MPGFLVRILL LLLVLLLLGP TRGLRNATQR MFEIDYSRDS FLKDGQPFRY ISGSIHYSRV 61 : PRFYWKDRLL KMKMAGLNAI QTLPGSCGQV VGSPSAQDEA SPLSEWRASY NSAGSNITDA 121 : FLSQRKCEPK GPLINSEFYT GWLDHWGQPH STIKTEAVAS SLYDILARGA SVNLYMFIGG 181 : TNFAYWNGAN SPYAAQPTSY DYDAPLSEAG DLTEKYFALR NIIQKFEKVP EGPIPPSTPK 241 : FAYGKVTLEK LKTVGAALDI LCPSGPIKSL YPLTFIQVKQ HYGFVLYRTT LPQDCSNPAP 301 : LSSPLNGVHD RAYVAVDGIP QGVLERNNVI TLNITGKAGA TLDLLVENMG RVNYGAYIND 361 : FKGLVSNLTL SSNILTDWTI FPLDTEDAVR SHLGGWGHRD SGHHDEAWAH NSSNYTLPAF 421 : YMGNFSIPSG IPDLPQDTFI QFPGWTKGQV WINGFNLGRY WPARGPQLTL FVPQHILMTS 481 : APNTITVLEL EWAPCSSDDP ELCAVTFVDR PVIGSSVTYD HPSKPVEKRL MPPPPQKNKD 541 : SWLDHV

β β β

β galactosidase humaine : 677 résidus

1 : MPGFLVRILL LLLVLLLLGP TRGLRNATQR MFEIDYSRDS FLKDGQPFRY ISGSIHYSRV 61 : PRFYWKDRLL KMKMAGLNAI QTYVPWNFHE PWPGQYQFSE DHDVEYFLRL AHELGLLVIL 121 : RPGPYICAEW EMGGLPAWLL EKESILLRSS DPDYLAAVDK WLGVLLPKMK PLLYQNGGPV 181 : ITVQVENEYG SYFACDFDYL RFLQKRFRHH LGDDVVLFTT DGAHKTFLKC GALQGLYTTV 241 : DFGTGSNITD AFLSQRKCEP KGPLINSEFY TGWLDHWGQP HSTIKTEAVA SSLYDILARG 301 : ASVNLYMFIG GTNFAYWNGA NSPYAAQPTS YDYDAPLSEA GDLTEKYFAL RNIIQKFEKV 361 : PEGPIPPSTP KFAYGKVTLE KLKTVGAALD ILCPSGPIKS LYPLTFIQVK QHYGFVLYRT 421 : TLPQDCSNPA PLSSPLNGVH DRAYVAVDGI PQGVLERNNV ITLNITGKAG ATLDLLVENM 481 : GRVNYGAYIN DFKGLVSNLT LSSNILTDWT IFPLDTEDAV RSHLGGWGHR DSGHHDEAWA 541 : HNSSNYTLPA FYMGNFSIPS GIPDLPQDTF IQFPGWTKGQ VWINGFNLGR YWPARGPQLT 601 : LFVPQHILMT SAPNTITVLE LEWAPCSSDD PELCAVTFVD RPVIGSSVTY DHPSKPVEKR 661 : LMPPPPQKNK DSWLDHV

Figure 11 : Séquences protéiques de l'EBP et de la ββββ-galactosidase humaine : en gras les séquences spécifiques des protéines.

EBP humaine (peptide Sgal) VVGSP SAQDE ASPLS

EBP ovine VVGGT EAQRN SWPLQ

Elastase pancréatique porcine VVGGT EAQRN SWPSQ Elastase leucocytaire humaine IVGGR RARPH AWPFM

Facteur IX humain VVGGE DAKPG QFPWQ

Figure 12 : Homologies de séquences du peptide Sgal (Hinek et Rabinovich 1994).

en rouge : les résidus conservés dans chacune des séquences.

La structure exacte du récepteur de l'élastine reste encore pour l'instant inconnue. Mais puisque l'EBP est le variant inactif d'épissage de la β-galactose, qui est elle-même associée dans la membrane des lysosomes à une neuraminidase (Nmase) de 61 kDa et à une protéine protectrice (PP) de 55 kDa, il a été proposé que l'architecture moléculaire des deux complexes était similaire (Figure 13) (Hinek 1996). Il a d'ailleurs été démontré que l'association entre la β-galactosidase, la Nmase et la PP est nécessaire au niveau de la membrane lysosomiale pour la stabilité et l'activité de la β-galactosidase (D'Agrosa et Callahan 1988; Galjart et al. 1988;

Potier et al. 1990). Aucune structure tridimensionnelle n’est encore connue pour la β-galactosidase humaine ou pour la Nmase humaine.

La structure tridimensionnelle de la PP est représentée ci-dessous Figure 14.

Membrane plasmique

Protéine Protective PP 55 kDa

Milieu intracellulaire Milieu extracellulaire

Neuraminidase Nmase 61 kDa

Elastin Binding Protein EBP 67 kDa

Site galectolectine Site de liaison de

l’élastine

Figure 13 : Représentation schématique du récepteur de l'élastine (Hinek 1996).

La forme mature de la protéine protectrice humaine est formée de deux peptides de 32 et 20 kDa reliés par des ponts disulfures (D'Agrosa et al. 1992; Morreau et al. 1992) et sa structure a été résolue par cristallographie de rayons X (code PDB : 1IVY) (Rudenko et al. 1995).

C.2.b. Fonction

Le récepteur de l'élastine et plus précisément sa sous-unité EBP, possède deux rôles biologiques d'importance : un rôle de protéine chaperonne de la tropoélastine durant l'élastogenèse et un rôle de récepteur proprement dit. Son premier rôle est primordial dans la régulation de l'assemblage de la tropoélastine en fibre élastique (Figure 15).

1) Protection contre :

Figure 15 : Rôle de l'EBP durant l'élastogenèse :

1) l'EBP protège la tropoélastine contre la protéolyse intracellulaire et la coacervation, 2) après la fixation d'un ββββ-galactose sur l'EBP, la tropoélastine est libérée pour pouvoir

être assemblée dans la fibre élastique.

Durant la maturation intracellulaire et le transport de la tropoélastine vers le milieu extracellulaire, l'EBP protège la tropoélastine contre les élastases intracellulaires et son agrégation spontanée appelée "coacervation" (Hinek et al. 1993; Hinek et Rabinovich 1994).

En effet, l'EBP se lie à la tropoélastine par l'intermédiaire des répétitions VGVAPG de l'exon 24 de la tropoélastine qui sont aussi les sites de fixation des élastases sérine-protéinases, les

empêchant ainsi d'interagir avec la tropoélastine et de la dégrader. De même la coacervation résulte de l'interaction entre les domaines hydrophobes contenant des répétitions GVGVP, GGVP et GVGVAP (Vrhovski et Weiss 1998). L'EBP en se liant à la tropoélastine interdit ces interactions en masquant les répétitions VGVAPG. Il a été également montré que la séquence PGAIPG, répétée deux fois dans la tropoélastine, peut également être un site de fixation de la tropoélastine sur l'EBP (Grosso et Scott 1993c).

Durant l'élastogenèse, l'EBP et la tropoélastine sont synthétisées dans le réticulum endoplasmique rugueux où elles y forment un complexe qui est conduit dans des vésicules de transport à travers la cellule jusqu'à l'appareil de Golgi. Le complexe est sécrété par endocytose à l'extérieur de la cellule où il interagit avec la Nmase et la PP.

Protéine Protective

Figure 16 : Rôle extracellulaire de l'EBP :

1) permet l'adhésion aux fibres élastiques tout en la protégeant de la protéolyse, 2) rôle de récepteur des peptides d'élastine et induction d'effets biologiques.

Au voisinage des fibres élastiques en formation, sont présentes des glycoprotéines et des protéoglycanes dont les chaînes glycosidiques contenant du β-galactose vont se lier à l'EBP par l'intermédiaire du domaine galactolectine. L'EBP voit son affinité pour les deux autres sous-unités diminuer, provoquant leur séparation. Dans le même temps, il y a perte d'affinité de l'EBP pour la tropoélastine qui va pouvoir être incorporée dans les fibres élastiques (Hinek 1996). L'EBP va ensuite être endocytée et recyclée directement dans les vésicules de transport

de la cellule pour pouvoir jouer à nouveau son rôle de protéine chaperonne de la tropoélastine et continuer l'assemblage des fibres élastiques (Hinek et al. 1995).

C'est à la surface des membranes plasmiques des cellules, que l'EBP permet au récepteur de l'élastine d'acquérir ses propriétés de fixation vis-à-vis de l'élastine et de ses dérivés (voir ci-dessus Figure 16). On retrouve le récepteur de l'élastine à la surface de nombreux types cellulaires comme les fibroblastes, les cellules lisses musculaires, les chondroblastes, les myocytes vasculaires, les monocytes, les neutrophiles, les leucocytes et certaines cellules tumorales issues de mélanomes, de cancers des poumons ou des seins (Hinek 1996).

De la même manière que durant l'élastogenèse, en association avec les deux autres sous-unités du récepteur ancrées dans la membrane plasmique, l'EBP peut fixer la tropoélastine des fibres élastiques. Non seulement, il y a une protection contre la protéolyse extracellulaire de la tropoélastine, mais cela permet aussi l'adhésion de la cellule aux fibres élastiques pour permettre sa migration au sein de la MEC (Hinek 1996). L'EBP permet aussi l'adhésion des cellules au domaine V de la chaîne B1 de la laminine, via la séquence LGTIPG (Liotta et al.

1986), ainsi que sur le collagène de type IV (Senior et al. 1989).

A travers la fixation à l'EBP, de nombreux peptides d'élastines, parmi lesquels VGVAPG, PGAIPG, GVAPG, GLVPG et le peptide dérivant de la laminine LGTIPG, sont responsables des modifications du comportement cellulaire. Ils induisent des propriétés de chimioattraction, des modifications intracellulaires d'ions, ou encore la libération de MMPs … Ce rôle du récepteur de l'élastine a déjà été décrit précédemment. Mais, la manière dont sont déclenchés les effets biologiques après la fixation des ligands sur le récepteur de l'élastine reste inconnue. Il a été en revanche démontré que la production de pro-MMP1 par les fibroblastes humains impliquait les voies de signalisation intracellulaire MEK/ERK (Duca et al. 2002).

Il est cependant important de rappeler que la conformation et non pas seulement la séquence des peptides d'élastine semble être importante puisqu'une différence de structure est observable par spectroscopie de Dichroïsme Circulaire entre des peptides actifs et inactifs (Brassart et al. 2001; Fuchs et al. 2001). Il est donc vraisemblable que l'interaction entre les peptides d'élastine et l'EBP se fasse sur le modèle très courant "serrure-clé", c'est-à-dire que chacune des molécules en présence doit avoir une conformation particulière pour que l'interaction ait lieu. La structure active proposée pour les peptides dérivant de l'élastine est le coude β de type VIII (Brassart et al. 2001; Alix 2001; Fuchs et al. 2001; Floquet et al. 2004), mais la structure de l'EBP tout comme celle de son domaine de réception appelé Sgal reste totalement inconnue.

Partie II