autre. Quoi qu’il en soit, cet ensemble de motifs et de traits de la tenture du
kourgane n
o20 de Noin-Ula, tant le thème principal que la bordure, nous oriente
directement vers les environs du début de n. è. et pointe, non pas vers le monde des
Xiongnu de Mongolie, mais en direction de celui des Yuezhi/Kouchans alors établis
en Bactriane et au Gandhāra. Sur une autre tenture (fig. 53), provenant du kourgane
n
o31, une cérémonie cultuelle est figurée où une procession de guerriers suit un
personnage royal que son diadème aux rubans flottants et sa physionomie
conduisent à identifier à Héraos ; l’autel à cornes, moulures et entablement sur
lequel brûle un feu et au-dessus duquel il lève un objet difficilement identifiable est
monstre marin (au Louvre) et une Néréide sur Triton (in situ) ; sur les sujets marins, p. 150-155, ils voyaient une inspiration milésienne et l’influence de Scopas (Plin. XXXVI. 26) était avancée ainsi que le parallèle avec les panneaux de Munich ; mais, selon Carle Claude Van Essen, ils datent des environs de 150 av. J.-C. et ils ne devraient rien à Scopas (« Notes sur le deuxième Didymeion », Bulletin de Correspondance hellénique, 1946, p. 612-613).
Fig. 53. – Noin-Ula (Mongolie), broderie à scène de cérémonie, kourgane no 31. Cliché N. V. Polos’mak,
Institut d’Archéologie d’ethnologie et d’anthropologie de la branche sibérienne de l’Académie des Sciences de Russie, Novosibirsk (« Nouvelles découvertes de tentures polychromes brodées du début de notre ère dans les tumuli no 20 et no 31 de Noin-Ula (République de Mongolie) », Arts asiatiques 70, 2015, fig. 26).
ordinaire dans le monde gréco-romain oriental et dans l’univers kouchan/Yuezhi de
Bactriane
236. De l’autre côté de l’autel, face à lui et à la théorie, un personnage
masculin moustachu, armé d’une épée au côté, présente un aspect très différent.
Il s’agit probablement d’un suzerain, d’un « roi des rois » à qui les guerriers rendent
un hommage (comme des tribus réunies). Nous sommes en présence d’une scène
tout aussi royale que celle de la libation. Les fragments d’une autre tapisserie du
kourgane n
o31 représentent une scène de bataille à l’épée, où un Saka en armure est
représenté mort, comme ceux de Khalchayan défaits par les Yuezhi
237(fig. 54).
À son côté se tient un personnage debout en pantalon et tunique, barbu et coiffé
d’un chignon ou d’un bonnet traversé par des baguettes
238. À droite, un Yuezhi
apparemment (voir la procession), en veste croisée ceinturée à revers et pantalon
galonné, lève un bras armé sur un homme à longue chevelure noire ondulée, à la
barbe fournie, vêtu d’une tunique marron serrée par une ceinture à laquelle est
suspendue une épée et qui s’abrite derrière un grand bouclier rectangulaire orné
d’une série de six paires de losanges emboîtés. Il s’agit vraisemblablement d’un
Scythe combattant à pied, sans autre protection que ce bouclier, d’un type
étonnamment semblable à ceux qui étaient utilisés dans les régions de l’Altaï,
connus par des représentations et par les trouvailles du kourgane n
o1 de Pazyryk
239236. Voir N. Polosmak, op. cit. (n. 228), p. 18-27, fig. 26 à 40 (fig. 38 : l’autel) ; NomInst, p. 1566-1570, et les parallèles des realia et des compositions avec l’art parthe et palmyrénien. Comme dans l’art du Gandhāra, sur les palettes et ailleurs, la flamme représentée n’indique pas nécessairement que le feu soit l’objet du culte.
237. NomInst, p. 1568 avec références ; N. Polosmak, p. 28-29, fig. 46-47.
238. N. Polosmak, op. cit. (n. 228), fig. 48 ; les coiffures en haut chignon traversé par des baguettes apparaissent sur des représentations chinoises du Xinjiang, mais à une date bien plus récente. À ma connaissance elles ne sont pas connues à notre époque.
239. N. Polosmak, op. cit. (n. 228), fig. 46 ; la forme et le décor sont exactement les mêmes que les boucliers en clayonnage doublés de cuir des cavaliers scythes de Pazyryk, kourgane no 1 qui sont petits
(24 x 36 cm), mais ornés précisément de losanges emboités (S. I. Rudenko, Frozen tombs of Siberia. The
Pazyryk Burials of Iron-Age Horsemen, Londres, J. M. Dent & Sons Ltd, 1970, p. 219-220, pl. 114). Nous
sommes donc très probablement en présence de la représentation d’un Scythe combattant à pied, protégé par un bouclier beaucoup plus haut que celui des cavaliers. Un tel bouclier rectangulaire est très caractéristique mais il ne correspond exactement à rien de connu, autant que l’on puisse le savoir : les boucliers en Bactriane et au Gandhāra sont circulaires ou ovales (B. Litvinskij, TiS II), les décors de losanges sont inconnus et le costume du personnage n’est pas une tenue spécifique de guerrier.Mais des Scythes combattant à pied, vêtus de tunique et pantalon, l’épée à la main, et sans protection aucune, sont représentés sur le casque en or de Perederieva Moguila au nord-est de la mer d’Azov (Scythes, fig. 242 et 277 : l’un brandit un petit bouclier). Dans l’Altaï, en Touva, en Mongolie, des stèles de pierre, dites « stèles à cerf », sont des images anthropomorphiques de guerriers et représentent schématiquement par des gravures l’armement, offensif et défensif. Ce dernier comprend le bouclier en clayonnage, de petites dimensions, plus souvent pentagonal que rectangulaire (E. A. Novgorodova, Drevnjaja Mongolija, Moscou, Nauka, 1989, tableau p. 97) ; une dalle remployée dans la construction du kourgane d’Arjan-2 représente l’un de ces boucliers (K. V. Chugunov, « Plity s petroglifami v komplekse Arzhan-2 (k khronologii arzhano-
Fig. 54. – Noin-Ula (Mongolie), broderie à scène de bataille, kourgane no 31. Cliché N. V. Polos’mak,
Institut d’Archéologie d’ethnologie et d’anthropologie de la branche sibérienne de l’Académie des Sciences de Russie, Novosibirsk (« Nouvelles découvertes de tentures polychromes brodées du début de notre ère dans les tumuli no 20 et no 31 de Noin-Ula (République de Mongolie) », Arts asiatiques 70, 2015, fig. 46).
Fig. 55. – Pazyryk 1, Russie. Bouclier à losanges du kourgane no 1. D’après
S. I. Rudenko, Frozen tombs of Siberia. The Pazyryk Burials of Iron-Age