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Chap 3 : Écrire sur le cirque

2. L'écriture communicationnelle des structures de diffusion

2.1. La réalité des pratiques

2.1.1. Le recours au dossier des artistes

De façon tout à fait empirique, il est d'abord notable que dans le cas du cirque actuel comme dans celui des autres arts vivants, les textes de présentation des spectacles qui ornent les brochures, sites internet et feuilles de salle conçus par les équipements culturels de diffusion se fondent sur les dossiers fournis par les artistes programmés. Par conséquent, on y retrouve les mêmes avantages et carences. On pratique le plus souvent un copier-coller plus ou moins direct qui réduit considérablement la possibilité de la part d'une structure d'exprimer là les raisons de ses choix de programmation.

Cependant, s'il y a bel et bien « copier-coller » la plupart du temps, on reconnaît parfois une sélection dans les éléments repris du dossier qui dénote ce que la structure choisit de mettre en avant ou non. Ce montage, dans le domaine des arts du cirque, laisse apparaître le choix de porter l'attention sur les aspects pratiques de la discipline (détails sur les disciplines présentes, les agrès et leurs spécificités) ou sur ses caractéristiques artistiques (teneur du propos, choix esthétiques...). Dans tous les cas, les textes relaient largement les intentions artistiques exprimées par les compagnies – ce qui semble évident ne serait-ce que pour signaler qu'il s'agit bel et bien d'un art – mais tendent à gommer subrepticement tout ce qui renvoie plus directement à la pratique exception faite quand cette dernière se veut particulièrement innovante (par exemple quand l'agrès est inédit). Il en résulte des textes parfois abscons qui reprennent les réflexions des artistes en amont de leur création en se fondant sur leurs sources d'inspiration. Cet élément se doit de figurer dans les informations attendues de tels textes mais il gagnerait à être réévalué à l'aune de l'évolution de la création ou, pour le

témoignent tacitement du peu de crédit que les structures semblent accorder à des spectateurs qu'il s'agit de séduire au prix de quelques petits arrangements avec la réalité. Les écritures les plus expérimentales sont parfois indécelables à la lecture de tels textes qui propagent l'idée d'un cirque comme pur divertissement ce qui semble étonnant spécifiquement quand il s'agit de structures qui entendent défendre les écritures circassiennes les plus éclectiques.

2.1.2. Une écriture ambiguë

Cette écriture communicationnelle semble tiraillée entre des finalités contradictoires qui marquent les arts du cirque de façon générale. D'un côté, il s'agit pour les pôles nationaux des arts du cirque de défendre la diversité des écritures de création circassienne ; de l'autre, dans un premier temps, de remplir les salles et chapiteaux et dans un deuxième temps de répondre à ce fameux idéal de mixité sociale que les arts du cirque semblent à même de réaliser.

Les scènes généralistes font face à ce même dilemme mais paraissent le plus souvent occupées à défendre les qualités fédératrices d'un cirque qui pourra attirer un public que le théâtre et la danse semblent tenir éloigné.

Car s’il y a quelques années le cirque, forme artistique permettant de rassembler le public, s’est en effet avéré intéressant pour les scènes généralistes et a progressivement pris une place plus importante dans les programmations culturelles, on trouve aujourd’hui des formes de recherche qui méritent un véritable accompagnement et demandent des efforts conséquents pour faire en sorte que le public soit au rendez-vous. Ce sont notamment ces formes expérimentales et ces langages innovants ouvrant de nouvelles voies que soutiennent les membres de Territoires De Cirque, afin de ne pas verser dans la tentation d’un cirque qui ne chercherait que la popularité immédiate (comme celle du cirque traditionnel). C’est pourtant cette tendance « populaire » que les équipes artistiques fragilisées par la précarité économique sont tentées de développer – au détriment souvent de leur créativité et de leur spécificité - afin de répondre non seulement à ce qui leur paraît être la demande des publics, mais aussi celles des scènes généralistes.79

D’où la nécessité pour les structures de production et de diffusion comme les pôles nationaux des arts du cirque d'assumer pleinement la défense de ces écritures auprès des publics et de les accompagner dans leur réception pour prévenir les déconvenues. Car s'il est vrai que les programmations révèlent un véritable éclectisme, les textes qui les défendent ne rendent pas justice à ces choix. Manquerait-on de confiance dans un public qui semble pourtant s’être tourné vers les arts du cirque quand

79 « Regards sur les publics des arts du cirque au sein de Territoires de Cirque : Constats et interrogations » [en ligne], Novembre 2008, <http://www.carre- magique.com/IMG/pdf/Territoires_de_Cirque_Regards_sur_les_publics_nov_2008.pdf> (Page consultée le 14/07/2014), p. 4

son propos s’est complexifié, quand ses formes se sont renouvelées. Si ce public a le sentiment que cette innovation s’émousse, il y a fort à parier qu’il en ira de même pour son intérêt…

Mais il est vrai que, parallèlement, les structures sont confrontées à des impératifs de « développement culturel », tout à fait salutaires d'ailleurs. Ces mêmes structures font également face à des coupes budgétaires qui rendent leurs impératifs de remplissage encore plus prégnants. C'est pourquoi cette écriture sur le cirque, qu'elle émane des compagnies ou des structures qui les diffusent, entretient volontiers cette ambiguïté qui permet tout à la fois une reconnaissance d'estime (quand l'écriture verse dans un intellectualisme parfois abscons) et une reconnaissance populaire (quand l'écriture se fait plus directement promotionnelle à grand renfort de clichés). En faisant bouger le curseur de cette écriture d'un pôle à l'autre de façon aléatoire, la communication culturelle alimente l'idée selon laquelle tout spectacle de cirque se vaudrait et nie à ses auteurs leur originalité. C'est précisément cette originalité qu'il s'agit de faire comprendre au public et cela passe par le décryptage du mode de dramaturgie à l'œuvre dans les spectacles.

2.1.3. L'étiquetage générique

Les esthétiques sont diverses on l'a vu. Cela entraîne d'emblée quelques difficultés d'appréhension pour un public majoritairement peu au fait du spectre que peuvent embrasser les dramaturgies circassiennes. Aider le public à appréhender ces esthétiques diverses peut passer par l'utilisation d'une terminologie spécifique qui viendrait clarifier des appellations génériques comme « arts du cirque » ou « cirque contemporain » par exemple. Cependant le risque est de sombrer dans un jargon peu accessible pour le grand public. Un référencement adapté des pratiques permettrait au public de se situer

proposition.80

On peut reconnaître en effet que le fait de vouloir à tout prix estampiller chacune des propositions relève de la gageure et peut s'avérer tout à fait contre-productif. C'est donc bien par le biais du texte de présentation de spectacle et par la feuille de salle qu'il faut chercher à accompagner la réception d'un public qui reste majoritairement en attente d'une certaine magie associée à l'image d'Épinal que l'on conserve du cirque. Cependant, comme tous les arts vivants, le cirque contemporain se nourrit de son environnement qui peut être sombre. Les écritures les plus expérimentales laissent alors une partie du public venue chercher là l'exploit et la beauté du spectacle dans un certain désarroi.

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