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3.3 Le rôle des activités de création : le projet Numook pour valoriser la créativité des jeunes et

3.3.2 Réalisation d’un e-pub : l’émergence de la figure auctoriale

Les ateliers d’écriture réalisés dans le cadre de ce projet, au nombre de quatre, ont été encadrés et animés par une auteure, missionnée par Lecture Jeunesse. Lorsque l’auteure- animatrice arrive au collège pour le premier atelier, elle ne connaît ni les enseignants, ni les élèves et encore moins le projet « Lecture pour tous » inclus dans le projet global d’incitation

Du côté des jeunes, le rapport à l’écriture est qualifié de globalement « instrumental ». L’écriture semble aujourd’hui être avant tout un moyen, un mode d’expression et non une fin en soi. L’écriture leur sert donc avant tout à créer du lien : les SMS ou échanges via les réseaux sociaux ont fait émerger de nouvelles formes d’écriture qui permettent aux adolescents d’atteindre un but purement social. L’activité d’écriture, au démarrage du projet, ne va donc pas de soi. Il convient de ramener les élèves vers une pratique d’écriture plus légitime, de créer une posture d’auteur et un contenu « labellisé ».

Le déroulement de l’ensemble des ateliers sur une même période, alternant les ateliers d’écriture Numook et les ateliers autour du livre (rencontres d’auteur, d’éditeur, d’artiste plasticien…), permet aux élèves de mettre en perspective le rôle de chacun des acteurs et leur propre rôle, dans la création de leur histoire. À l’issue du deuxième atelier d’écriture, alors qu’aucun récit n’émerge encore et que seuls des idées, des personnages, des lieux, commencent à s’ébaucher, les deux tiers des élèves interrogés déclarent se sentir fiers de ce qu’ils vont réaliser et présenter. Ils précisent leur hâte et leur envie de présenter leur e- pub non seulement dans le cadre des restitutions institutionnelles prévues à la fois par la BNF dans le cadre de « Lecture pour tous » et par Lecture Jeunesse dans le cadre de Numook. Les élèves prennent conscience de leurs possibilités et découvrent un talent qu’ils n’imaginaient pas. Ils réalisent qu’ils deviennent auteurs à leur tour et peuvent alors reconsidérer la figure auctoriale, sans pour autant se comparer aux auteurs qu’ils connaissent, étudient en classe ou rencontrent dans le cadre de leur projet.

Il faut noter que cette découverte est rendue possible par la sociabilité produite par ce projet. La pratique de l’écriture chez Isaac, évoquée dans son questionnaire et réellement explicitée lors d’un entretien individuel, montre à quel point les élèves n’ont pas conscience de ce qu’ils produisent dans la sphère privée et leur incapacité à reconnaître en eux des possibilités. Isaac dessine et crée des mangas, ses livres préférés. Il accompagne donc ses dessins de textes en permettant la compréhension, mais « je fais juste ça comme ça, pour m’occuper ». Il n’existe pour lui aucune légitimité dans sa pratique, aucune forme d’art non plus, d’autant que pour lui, comme pour de nombreuses personnes, les mangas ne sont pas de vraies lectures.

Deuxième partie : derrière la vitrine, entre écueils et bienfaits

1 À l’école de tous les possibles : « Lectures pour tous », un dispositif

pour réinventer la forme scolaire

Souvent synonyme de projet, ou de partenariat, le terme « dispositif » embarque avec lui une certaine conception de l’action50

. Et si l’on s’en tient aux travaux de Michel Foucault51 , on peut dire qu’un dispositif, qu’il soit militaire, organisationnel ou pédagogique, est un « faire faire », un moyen de coordonner l’action, qui ne passe pas par l’intentionnalité ou par le sens qu’y attribuent les acteurs, contrairement à des conceptions plus classiques de l’action.

« Lectures pour tous » est bien présenté comme un dispositif pédagogique visant à favoriser le goût de la lecture studieuse. Il s’agit d’une action mise en place et encadrée par l’Institution pour accompagner de nouvelles pratiques ayant pour but d’atteindre des objectifs que les institutions scolaires n’ont, jusqu’alors, pas ou partiellement, réussi à atteindre.

Ce nouveau dispositif, pourtant, ne semble pas réellement présenter de nouveautés notables par rapport au panel de dispositifs, projets ou partenariats existants et destinés à promouvoir la lecture et à faire lire les jeunes.

1.1 L’enseignement artistique et culturel au service de la lecture

Dans le champ du livre et de la lecture, l'accès à la sensibilité littéraire est favorisé à travers des projets amenant les jeunes à rencontrer les acteurs de la chaîne du livre et à pratiquer l’écriture, notamment par le biais d’ateliers. En effet, l'éducation artistique et culturelle concerne aussi l'écrit ; l'écriture mais aussi la lecture pouvant relever d'une démarche artistique. Le livre et la lecture sont d’ailleurs bien les premiers vecteurs e l’éducation artistique et culturelle.

la circulaire de 2013, ces partenariats peinent à se mettre en place. Si quelques établissements semblent avoir adopté des projets reconductibles d’une année sur l’autre, comme celui présenté, lors du séminaire « Visites de clases en bibliothèques », par un bibliothécaire et une enseignante pour le lycée Condorcet de Montreuil, cela reste marginal.

Il convient toutefois de souligner que les contextes liés aux territoires peuvent avoir leur part de responsabilité et permettre d’expliquer en partie pourquoi les échanges ne sont pas toujours facilités, même si ce sont bien les quartiers « sensibles » qui sont les plus encouragés, notamment financièrement.

1.1.1 La question de la démocratisation : Les inégalités de réussite en fonction du milieu social