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L’évidence selon laquelle la littérature est entourée de nombreux éléments nécessaires à son existence même ne l’est pas pour les collégiens. S’il est entendu que le livre possède un auteur, une personne qui l’a écrit, qui a inventé l’histoire qui s’y trouve consignée (ou non), cela embrasse pourtant une réalité bien abstraite. D’abord, les écrivains appartiennent au passé. Lorsqu’ils étudient une œuvre, les élèves doivent noter les dates de l’auteur, naissance et mort. Et bien souvent, non seulement il y a bien une date de mort, mais en plus il s’agit bien souvent d’un autre siècle. Nés au XXIe siècle, ces jeunes sont confrontés

à un décalage entre l’époque à laquelle ils vivent et l’époque des auteurs qu’ils lisent en classe. Ainsi, même la littérature contemporaine peut leur sembler bien éloignée d’eux. Pour exemple, l’ouvrage choisi par leur enseignant, Vendredi ou la vie sauvage, de Michel Tournier, qui appartient bien à la littérature contemporaine mais écrit en 1971, il y a près de cinquante ans. Dans ces conditions, admettre que l’auteur peut être un de leurs contemporains semble difficile à envisager.

3.1.1 Ateliers de découverte des métiers de libraire, bibliothécaire et éditeur : vers un nouveau rapport au livre Dans la fiche de candidature de l’établissement au projet « Lectures pour tous », des ateliers de présentation des métiers du livre étaient prévus, permettant ainsi de donner aux élèves une vision globale de la chaîne du livre et de leur permettre de dépasser l’idée d’un texte isolé, d’une littérature dépourvue de contexte.

des documents, leur rangement au retour de prêt, l’élaboration des coups de cœur, la réfection des ouvrages et l’accueil du public. Cette présentation, rendue concrète par la pratique des élèves à chacune des taches, permet de justifier le rôle du bibliothécaire et de lui conférer un aspect abordable et utile.

Pour le métier de libraire, la même démarche n’a pas pu être adoptée en raison des difficultés d’organisation liées notamment aux contraintes calendaires des différents intervenants. Les créneaux pendant lesquels les collégiens étaient disponibles n’étant pas compatibles avec les horaires d’ouverture de la librairie, la présentation a été effectuée en bibliothèque. Enfin, le métier d’éditeur a été présenté aux élèves par les éditeurs de deux des ouvrages du corpus choisi dans le cadre du projet. Les deux fois, les éditeurs étaient présents en même temps que leur auteur. Si la première intervention, qui s’est déroulée à la médiathèque a permis aux élèves d’appréhender le métier d’éditeur, la seconde rencontre, qui a eu lieu au collège, s’est révélée, selon l’éditrice, sans réel intérêt, les élèves ayant de nombreuses questions pour l’auteur et assouvi leur curiosité au sujet de l’éditeur lors de la première intervention.

Pour les encadrants, il semble que le plus important soit de rendre les élèves acteurs. Cette première étape du projet a permis de les impliquer et de les « laisser faire ». Ils sont guidés mais on les laisse essayer et c’est une pratique inhabituelle. Habituellement dans l’observation, dans l’analyse mais surtout dans la consommation d’apprentissages qu’on leur dispense en masse, dans l’espoir que sur la quantité de savoirs déversés, ils en garderont bien un peu.

L’expérience de ces pratiques et de ces rencontres a permis aux élèves d’appréhender des facettes de la littérature qu’ils ne soupçonnaient pas. L’éditeur se présente aux élèves comme « celui qui essaye d’imaginer un passage entre l’auteur et les lecteurs ». Cette définition leur parle d’autant plus qu’ils ont été réceptifs à l’œuvre pour laquelle l’auteure et son éditeur sont là. Ce « passage » qu’évoque l’éditeur, ils avouent l’avoir emprunté et le comprennent d’autant mieux. L’efficacité de la rencontre doit aussi au fait que le travail entre l’éditeur et l’auteure est présenté par les deux acteurs conjointement sous la forme d’un échange de questions/réponses et la confrontation des points de vue permet de rendre la réalité du travail mis en place par l’éditeur avec son auteure.

Les métiers présentés l’ont été sous l'angle de la technique mais aussi de l'art. Ainsi le plasticien ne s’est pas contenté de transmettre des « trucs » pour obtenir des bonnes photos, il a accompagné les élèves dans la création à partir de techniques de gravure. Le professionnel apporte une dimension de plus à un travail apparemment identique. C'est pourquoi ces

projets passionnent les élèves davantage que ne peuvent le faire les matières scolaires : l'âme du travail est apportée en sus de la technique par le professionnel qui accepte de transmettre son savoir-faire. Les élèves reçoivent ainsi, plus qu'un « mini-apprentissage», une «master classe».

3.1.2 Auteur en résidence : la médiathèque, lieu de tous les possibles

À Grigny, une opération, un projet ou un dispositif n’est jamais isolé(e). Il existe sur ce territoire une volonté de cohérence et une cohésion entre les différentes entités institutionnelles, culturelles, artistiques, qui permettent de lier les actions entre elles et de les prolonger. En 2015, La Constellation, compagnie de théâtre qui est en résidence à Grigny depuis 2009. Là encore, elle mène un projet de territoire à travers La Croisée des Chemins qui accueille de multiples artistes des arts dans l’espace public, du street art et des arts urbains. Elle a été missionnée par les services de la DRAC Île-de-France et la ville de Grigny afin de développer le dispositif "Culture, Citoyenneté et Vivre ensemble" à Grigny.

La Constellation a ainsi développé un projet artistique qu’elle a nommé "La Croisée des chemins" qui se matérialisera à terme par un chemin de randonnée artistique à Grigny. Pour ce faire, La Constellation invite plusieurs artistes dont le regard se porte sur la ville et ses habitants. Par l'intermédiaire de la présence de ces artistes, La Constellation mène des projets inclusifs sur le territoire qui génèrent la participation des habitants mais aussi des structures locales. L'action fait intervenir des artistes extérieurs à la ville, mais s'appuie et s'enrichit surtout des forces existantes, des talents locaux, des personnalités grignoises, des habitants... avec des notions de ramification sur le territoire. Chaque action, chaque proposition autour d'artistes invités est réfléchie dans une forme différente de la précédente de manière à intervenir dans une diversité de quartier mais aussi de public et dans une diversité artistique41.

C’est ce qui se produit avec l’éditeur que nous venons d’évoquer et qui a débuté au premier semestre 2019 une résidence d’écrivain à la médiathèque de Grigny. De fait, cet éditeur est également poète et c’est bien dans le cadre de son art qu’il occupe cette résidence.

la ville. Une fois traduit, ce poème sera ensuite lu à haute voix par les enfants, dans la langue de leurs parents. Une façon de mettre en valeur les langues, de se les (re)approprier mais aussi d’affirmer la nécessité de la langue première, de la langue affective dans la construction de l’individu.

De fait, Grigny, de par la diversité de sa population, compte approximativement 90 langues, c’est la ville des langues de l’ailleurs, les langues du monde. C’est une grande richesse, une porte vers d’autres cultures, un héritage, mais aussi une ouverture sur le monde... Cette richesse, c’est celle que possèdent ces jeunes qui ont avoué parler deux voire trois langues et même quatre pour d’eux d’entre eux.

La bibliothèque, qui a à cœur d’aller chercher les publics les plus éloignés d’elle et de sa fréquentation se donne donc les moyens de les faire venir notamment via la mise en place de partenariats. Si les partenariats avec l’école sont les formes les plus souvent évoquées, d’autres formes, comme celle-ci, permettent également de remplir cette fonction et, surtout, présentent l’avantage de pouvoir lier différents types de partenariats entre eux, assurant une cohérence sur tout un territoire.