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Chapitre 2 : Désaromatisation d’indoles électrophiles p ar cycloaddition (3+2) avec des

I. Réactivités de l’indole

3. Réactivité umpolung

Dans toutes les réactions présentées précédemment, le C3 de l’indole à un caractère nucléophile tandis que le C2 à un caractère électrophile. Si on ajoute un groupement électroattracteur en position 3, le caractère électrophile du C2 est nettement accru ce qui

permet de modifier la réactivité de l’indole qui est alors assimilé à un accepteur de Michael.

Afin d’explorer de nouvelles méthodologies de synthèse, il est également possible de

renverser complètement la polarité de la double liaison C2-C3 de l’indole. Une telle réactivité

permet ainsi de former de nouvelles architectures moléculaires complexes.

a- Précédents travaux de la littérature

Plusieurs méthodes sur la réactivité umpolung de l’indole ont été reportées dans la

littérature.76

L’une des premières a été développée en 1999 par le groupe de Gribble.77 La méthode repose sur l’utilisation du 1-(phenylsulfonyl)indole substitué en position 2 par un groupement nitro

qui réagit avec des nucléophiles carbonés ou azoté dans le cas d’un indole (schéma 62). Le

mécanisme implique l’élimination du groupement sulfonyle.

75 D. Anumandla, A. Acharya, C. S. Jeffrey, Org. Lett. 2016, 18, 476

76 M. Bandini, Org. Biomol. Chem. 2013, 11, 5206

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Schéma 62 : Réactivité umpolung d’indoles à partir de 2-nitroindoles

En 2011, l’équipe de Zhang utilise la catalyse à l’or pour induire un effet umpolung de l’indole.78 Leur stratégie consiste à faire réagir des azidoarylalcynes avec l’anisole (schéma 63). L’intermédiaire de réaction 7 est formé après perte d’une molécule de diazote et subit ensuite une attaque nucléophile pour conduire aux indoles substitués en position 3 par un groupement aryle. Les produits sont obtenus avec de bons rendements, entre 51 et 95%.

Schéma 63 : Génération d’un intermédiaire indole électrophileen position 3 par catalyse à l’or

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Plus récemment, Shi a montré qu’il était possible d’ajouter des nucléophiles sur la position 3 de l’indole à partir d’indolylméthanols substitués par des groupements aryles (schéma 64).79

La réaction s’effectue en présence d’un acide de Brønsted et différents types de nucléophiles peuvent être employés. De nombreux exemples ont été décrits avec de très bons rendements.

Schéma 64 : Attaque nucléophile sur des indolylméthanols

Le groupe de Yamada a également réussi à introduire des nucléophiles sur la position 3 de l’indole.80 Leur stratégie consiste à fonctionnaliser le composé 8qu’ils obtiennent à partir du

N-tosylindole (schéma 65). En solution, ce composé se réarrange sous la forme d’un indole

-2,3-époxyde qui est extrêmement réactif. Les nucléophiles employés sont principalement des amines ou des alcools aromatiques.

79 C. Li, H.-H. Zhang, T. Fan, Y. Shen, Q. Wu, F. Shi, Org. Biomol. Chem. 2016, 14, 6932 ; Y.-Y. He, X.-X. Sun, G.-H. Li, G.-J. Mei, F. Shi, J. Org. Chem. 2017, 82, 2462 ; Z. Q. Zhu, Y. Shen, J.-X. Liu, J.-Y. Tao, F. Shi, Org. Lett. 2017, 19, 1542

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Schéma 65 : Une autre méthode pour l’umpolung d’indoles

b- Umpolung de N-acétyl indoles activés par le chlorure de fer (III)

L’umpolung d’indoles est un sujet émergent qui intéresse de plus en plus les chercheurs. Les méthodes qui ont été décrites précédemment permettent d’obtenir des indoles fonctionnalisés en position 3 par des nucléophiles.

Le groupe de notre collaborateur G. Vincent a développé une méthode lui permettant d’induire un effet umpolung de l’indole tout en l’incluant dans un processus de désaromatisation.

En 2012, le groupe reporte l’hydroarylation de N-acétylindoles électrophiles.81 D’après le

mécanisme postulé, la séquence débute par la coordination de FeCl3 sur le groupement acétyle

induisant une inversion de polarité de la double liaison C2-C3 de l’indole qui subit ensuite

une substitution électrophile aromatique en position 3 (schéma 66).

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Schéma 66 : Hydroarylation d’indoles électrophiles

En 2014, le groupe reporte la même réaction en l’étendant à d’autres nucléophiles

aromatiques (schéma 67).82 Afin de comprendre davantage le fonctionnement de la réaction,

un travail d’optimisation conséquent a été réalisé en testant 35 promoteurs et 6 groupements portés par l’azote de l’indole. Les résultats sont clairs: seule l’association de FeCl3 et du groupement acétyle permet d’induire efficacement l’effet umpolung. Le dichlorométhane est le meilleur solvant pour promouvoir la réaction.

Schéma 67 : Hydroarylation d’indoles électrophiles: extension à d’autres nucléophiles

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A la suite de ces travaux, le mécanisme de la réaction a été étudié grâce à différents types d’analyse.83 Dans un premier temps, le complexe 9 dans lequel une molécule de FeCl3 interagit avec 2 indoles, a été isolé (figure 7). Les charges atomiques et le potentiel

électrostatique de ce complexe ont été comparés avec ceux du N-acétylskatole seul afin de

comprendre leur différence de réactivité. Le potentiel électrostatique est obtenu grâce au

modèle de densité électronique Hansen-Coppens. Il s’agit d’une méthode cristallographique

qui permet d’identifier les régions électrophiles et nucléophiles d’une molécule. On remarque

que la complexation au fer a un impact sur les charges partielles puisqu’il existe une

dissymétrie entre les deux molécules d’indole du complexe 9. Pour l’une d’elles, on observe

une inversion des charges partielles de la double liaison C2-C3. Le C3 qui possède normalement une charge partielle négative a désormais une charge partielle positive.

Figure 7 : Comparaison du potentiel électrostatique du complexe 9 et du N-acétylskatole (en bleu : potentiels positifs, en rouge : potentiels négatifs)

83 R. Beaud, R. Kumar Nandi, A. Perez-Luna, R. Guillot, D. Gori, C. Kouklovsky, N.-E. Ghermani, V. Gandon, G. Vincent, Chem. Commun.2017, 53, 5834 ; R. K. Nandi, A. Perez-Luna, D. Gori, R. Beaud, R. Guillot, C. Kouklovsky, V. Gandon, G. Vincent, Adv. Synth. Catal. 2018, 360, 161

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Des analyses IR ont montré que la première étape du mécanisme passe par la coordination de

FeCl3 sur le groupement acétyle de l’indole et des études de Taft et Hammet ont permis de

faire le lien entre la nature des substituants portés par l’indole et la vitesse de réaction. Ainsi,

des groupements électroattracteurs en C5 et C6 ralentissent la réaction d’hydroarylation alors

que des groupements électrodonneurs en C3 permettent au contraire d’accélérer le processus. Basés sur plusieurs hypothèses, ces résultats expérimentaux ont été évalués par des calculs

DFT. Il en ressort que le groupement acétyle est chélaté par deux FeCl3 et la liaison C2-C3 est

activée par un proton qui provient probablement de la dégradation de FeCl3en présence d’eau

(schéma 68). Même si la réaction est conduite dans des solvants anhydres, des traces d’eau

peuvent subsister. Ceci entraine la formation d’un carbocation en C3 qui est ensuite attaqué par un arène nucléophile. L’intermédiaire de Wheland se réaromatise avec la perte d’un

proton qui permet d’activer une nouvelle molécule de N-acétylindole.

Schéma 68 : Influence des substituants sur la réactivité umpolung d’indoles