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La réactivité des cellules souches endogènes à la suite de la lésion

Comme décrits dans les parties précédentes, chaque cellule de la moelle spinale à une réponse spécifique suite à la lésion et chacun de ces types cellulaires participent à la mise en place de la cicatrice médullaire. Dans cette partie nous allons nous intéresser à la réponse des cellules souches neurales de la moelle : les cellules épendymaires et leur contribution au microenvironnement lésionnel.

Meletis et al. ont mené en 2008 une étude qui s’intéressait à la réactivité des cellules du canal épendymaire et de leur devenir suite à la lésion. Afin de suivre ces cellules, les auteurs ont utilisé deux lignées de souris transgéniques Nestin-CreERT2 et FoxJ1-CreERT2. En premier lieu, ils ont validé que seules les cellules épendymaires de la moelle coexpriment les marqueurs FoxJ1 et Nestin. Cette validation a été suivie par une investigation in vivo de l’activation des cellules épendymaires suite à la lésion du finuculus dorsalis, en utilisant le modèle de souris transgénique FoxJ1-CreERT2. Ces travaux ont ainsi pu montrer que ces cellules épendymaires prolifèrent peu dans les conditions physiologiques, cependant, suite à la

lésion, une augmentation significative de leur taux de prolifération au niveau du canal central est observée. Une partie de ces cellules quitte alors le canal central et migre vers le site de la lésion afin de contribuer à la mise en place de la cicatrice médullaire. Suite à cette migration, les cellules commencent à se différencier majoritairement en astrocytes, et minoritairement en oligodendrocytes au niveau du site de la lésion. La mise en évidence de potentiel souche a été observée également in vitro via des cultures de neurosphères de moelles issues de souris FoxJ1-CreERT2. Ces neurosphères recombinés après différenciation sont capables de donner des astrocytes, des oligodendrocytes et des neurones in vitro [52].

Cette multi potentialité des cellules épendymaires ainsi que leur capacité à conserver leur propriété de cellules souches endogènes, en conditions physiologiques et également dans un contexte lésionnel, ont été étudiées par Barnabé-Heider et al. en suivant trois populations cellulaires : les oligodendrocytes, les astrocytes et les cellules épendymaires. Pour cela, trois lignées transgéniques ont été utilisées : olig2-CreERT2, cx30-CreERT2et hFoxj-CreERT2. Cette étude a confirmé qu’en conditions physiologiques, seuls les progéniteurs oligodendrocytaires prolifèrent et donnent alors des oligodendrocytes matures au cours du temps, contrairement aux cellules épendymaires et aux astrocytes qui eux sont quiescents. Toutefois, suite à une lésion, seules les cellules épendymaires ont la capacité de s’autorenouveler et de se différencier en astrocytes et oligodendrocytes participant à la cicatrice médullaire [70]. Cette étude a donc mis en évidence que non seulement les cellules épendymaires constituaient une population de cellules souches endogènes présentes dans la moelle spinale mais également que ce potentiel souche était confiné à ces seules cellules [fig. 4.9].

FIGURE4.9 Réactivité des cellules médullaires. cellules épendymaires, astrocytes et oligodendrocytes en conditions physiologique et lésionnelle. D’après [70]

Récemment, des études ont montré que la réactivité des cellules souches endogènes de la moelle, à la suite de la lésion, est médiée par plusieurs facteurs présents lors de la phase secondaire. Ces facteurs ont été considérés comme délétères pour les neurones et les cellules gliales mais paradoxalement nécessaires à l’activation de ces cellules épendymaires via l’induction de leur prolifération et de leur différenciation [163].

Dans cette partie, nous nous intéresserons aux différents facteurs déclenchant l’activation de ces cellules souches endogènes [fig. 4.10].

En premier lieu, la libération du glutamate en grande quantité dans le site de la lésion provoquant une excitotoxicité est un des évènements majeurs de la phase secondaire. Une récente étude suggère que le glutamate a un effet activateur sur les cellules souches endogènes de la moelle. In vitro, il a été démontré que des concentrations élevées de glutamate, comparables aux niveaux observés in vivo après LMT, conduisent à leur prolifération massive et à une augmentation de leur taux de survie [164]. Les mécanismes par lesquels le glutamate stimule la prolifération et la survie de ces cellules restent inconnus. Il est cependant connu que les cellules souches adultes expriment des récepteurs fonctionnels AMPA, kaïnate et NMDA. Certaines études suggèrent que les récepteurs AMPA pourraient jouer un rôle central dans la régulation des réponses médiées par le glutamate, via l’augmentation du taux de BDNF [165,166].

Le deuxième facteur est l’inflammation induite lors de la lésion. En effet, l’équilibre entre les facteurs pro et anti-inflammatoires après une LMT induit des effets différentiels sur les cellules épendymaires. Une étude récente a montré que lors de la co-culture de cellules souches endogènes issues de moelles de souris, avec des macrophages pro-inflammatoires M1, a conduit à l’expression massive d’iNOS, de TNFα et d’IL-1β induisant la prolifération des cellules souches via la signalisation MAPK. En revanche, la co-culture avec des cellules M2 anti-inflammatoires a augmenté l’expression de l’arginase et d’IL-10 réduisant ainsi la prolifération de ces cellules et favorisant leur différenciation vers un profil neuronal [167].

Le troisième facteur est l’accumulation des protéines inhibitrices dérivées de la myéline, telles que Nogo-A, la MBP, la glycoprotéine associée à la myéline, ainsi que la molécule de guidage répulsive A, qui servent de barrières majeures à la régénération axonale suite à la lésion. En effet, ce n’est que récemment que la réponse des cellules souches de la moelle à ces molécules a été élucidée. En effet, il a été démontré que la diminution de leur potentiel de prolifération et de différenciation est due à l’expression du récepteur Nogo-66 par ces cellules. Ce dernier est un

récepteur commun à de nombreuses protéines inhibitrices dérivées de la myéline [168].

Une meilleure compréhension des réponses des cellules souches endogènes de la moelle suite à la LMT pourrait aider à cibler et moduler les cascades de signalisations régulatrices de leur prolifération et de leur différenciation. Ceci pourrait offrir une stratégie thérapeutique plus ciblée et plus efficace.

De plus, une meilleure investigation de la contribution cellulaire et fonctionnelle des cellules épendymaires, dans la cicatrice médullaire, pourrait également améliorer les stratégies thérapeutiques et ainsi le rôle bénéfique de la cicatrice tout en atténuant les effets inhibiteurs de cette dernière sur la régénération axonale.

FIGURE4.10 Les différents facteurs déclenchant l’activation de ces cellules souches endogènes de la moelle spinale. A ) la libération du glutamate B) l’inflammation induite lors de la lésion C) l’accumulation des protéines

Les stratégies thérapeutiques et leurs

cibles

Bien que ces dernières décennies, de nombreuses études ont permis d’apporter une meilleure compréhension de la physiopathologie des LMTs, il n’existe malheureusement pas, à l’heure actuelle, de traitement permettant une récupération des fonctions neurologiques perdues. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur les différentes approches thérapeutiques utilisées dans le cadre des lésions médullaires traumatiques, une attention particulière sera portée sur les thérapies utilisées dans les différents travaux de recherche qui composent ma thèse.

5.1 Approche neuroprotectrice

Un certain nombre d’innovations médicales et technologiques ont permis d’améliorer la prise en charge et la qualité de vie des patients médullo-lésés dès la phase primaire de la lésion, en mettant en place une stratégie neuroprotectrice afin de freiner et d’éviter la survenue des lésions secondaires. Cette stratégie est basée sur une prise en charge des patients le plus précocement possible. Dès l’arrivée des secours, les premiers gestes consistent à mettre en place l’immobilisation de l’axe cranio-spinal du patient. Suite à cela une administration d’agents pharmacologiques est effectuée afin de maintenir une perfusion médullaire optimale et d’atténuer les phénomènes inflammatoires par le biais de l’injection de minocycline [169, 170] ou de granulocyte colony stimulating factor (G-CSF) [171], à cela vient s’ajouter l’administration d’agents visant à réduire les signaux causant l’environnement excitotoxique via des injections de Riluzole [172]. Enfin une intervention chirurgicale dans le but de décompresser la moelle afin de diminuer les risques d’aggravation de la lésion peut être effectuée [173].

Bien que cette stratégie de neuroprotection a permis de réduire le taux de mortalité précoce chez les patients médullo-lésés et ainsi d’améliorer leur qualité de vie, la physiopathologie de la lésion médullaire reste complexe et aucune de ces stratégies ne permet d’induire une récupération fonctionnelle. Notamment du fait que ces stratégies ne ciblent que peu la cascade d’évènements qui constituent les lésions secondaires.

Diverses stratégies thérapeutiques sont en cours de développement, certaines semblent prometteuses et ciblent plus spécifiquement les différents dommages liés à la lésion, dans le but de favoriser la régénération et de remplacer les cellules perdues [174]. Cette recherche nécessite une connaissance précise et chronologique des différents évènements permettant de définir une fenêtre thérapeutique efficace pour chacune de ces stratégies [fig. 5.1] [175].

FIGURE5.1 Les différentes cibles thérapeutiques des stratégies neuroprotectrices et neurorégéneratives liées à la physiopathologie de la lésion de la moelle spinale. D’après [176]