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Réactions des parents lors d’un dévoilement d’agression sexuelle de leur enfant

le dévoilement d’une agression sexuelle sur un de leur enfant. Les réactions vécues par les parents seront énumérées ainsi que les stratégies d’adaptation mises en place par les parents pour vivre avec la détresse émotive et cognitive provoquée par le dévoilement. Le dévoilement mérite d’être analysé dans ses particularités. Effectivement, cette étape cruciale dans le parcours de vie d’un enfant victime d’agression sexuelle présente une incidence certaine sur l’équilibre familial. De nombreux enjeux entourent le dévoilement. Par exemple, en investigation policière, l’enfant peut refuser d’admettre avoir été victime d’agression sexuelle ou alors minimiser les événements. Ce déni des événements peut être expliqué notamment par une perte de souvenirs liée aux agressions sexuelles (Cederborg, Lamb & Laurell, 2007). La capacité mnésique de raconter les agressions sexuelles est influencée entre autres choses par le nombre de victimisations, l’âge de l’enfant au moment des agressions, le moment auquel elles ont été commises, la signification personnelle accordée à celles-ci et si l’enfant en a déjà parlé par le passé (Cederborg et al., 2007). Les enfants plus jeunes oublient plus le contexte de leur victimisation et par le fait même, rapportent moins de détails des agressions sexuelles que les plus vieux (Cederborg et al., 2007). Les enfants qui ont vécu plusieurs événements d’agression sexuelle semblent

rapporter plus d’informations que ceux qui ont vécu un seul événement (Cederborg et al., 2007). En cas de rétractation de l’enfant, les adultes peuvent parfois se sentir confus et doutent de la véracité des propos de l’enfant. Il est alors primordial d’évaluer la situation de l’enfant et de reconnaître que de nombreux éléments peuvent mener à cette rétractation (Saint-Pierre & Viau, 2010). En effet, l’enfant peut vivre de la honte, de la pression de la part de son agresseur, le désir de protéger des membres de sa famille, la volonté de mettre fin aux démarches commencées après le dévoilement ou encore un découragement devant le fait d’être questionné à répétition (Saint-Pierre & Viau, 2010).

Le dévoilement est bien plus un processus qu’un événement déterminé dans le temps et est influencé par les différentes attitudes du parent (Saint-Pierre & Viau, 2010). Le dévoilement est perçu comme un processus puisque la divulgation de l’agression sexuelle vécue se fait à une première personne et devra se poursuivre aux différents intervenants du système judiciaire ou du système de santé et des services sociaux. De plus, tout au long de sa vie, l’enfant qui a été victime d’agression sexuelle aura à décider de dévoiler ou non son vécu aux personnes qui feront partie de son environnement social (Saint-Pierre & Viau, 2010), ce qui vient appuyer la perception du dévoilement comme un processus. Les experts soulignent que certaines attitudes des parents qui reçoivent le dévoilement de leur enfant victime d’agression sexuelle sont à encourager, dont celles de le croire, l’écouter, faire preuve d’empathie à son égard, recevoir l’émotion de l’enfant et en reconnaître l’impact (Boivin & Boucher-Dandurand, 2009). Il est aussi primordial de garder son calme et être rassurant, faire sentir à l’enfant qu’il est ce qu’il y a de plus important, déculpabiliser l’enfant de ce qu’il a vécu, demander de l’aide de professionnels et prendre le temps de s’outiller pour mieux agir et finalement, protéger l’enfant (Boivin & Boucher-Dandurand, 2009).

De nombreux auteurs ont abordé l’importance des réactions parentales en contexte de crise. Romano (2013) soutient la théorie qui stipule que la présence des parents et la nature de leurs réactions sont des éléments d’importance dans le développement d’un trouble de stress post-traumatique d’un enfant. En effet, les enfants démontrent une meilleure capacité de résilience à un traumatisme lorsque les parents sont calmes, apaisants et rassurants (Romano, 2013). Ces compétences parentales à faire face au traumatisme de l’enfant dépendent des ressources que possédaient chacun des parents avant la crise, ainsi que celles du couple parental (Romano, 2013).

À l’inverse, certaines attitudes peuvent être nuisibles au dévoilement d’un enfant. Si le parent panique ou qu’il nie ce qui s’est passé et ne croit pas l’enfant, celui-ci peut décider de continuer de subir les agressions sexuelles sans en parler à nouveau (Saint- Pierre & Viau, 2010). Ensuite, le parent peut porter des jugements sur l’enfant ou sur ses réactions devant la situation. Il peut imputer à l’enfant la responsabilité des agressions sexuelles qu’il a subies et ainsi le culpabiliser ou le punir d’avoir été agressé. Le parent nuit au dévoilement lorsqu’il cherche à connaître tous les détails des événements ou qu’il accorde plus d’importance aux événements qu’à ce que l’enfant ressent (Boivin & Boucher-Dandurand, 2009). De ce fait, en minimisant l’impact de ce que l’enfant vit, l’enfant peut être porté à s’isoler et se sentir responsable de sa détresse. Finalement un parent qui demande à l’enfant de confronter son agresseur ou qui l’oblige à raconter son histoire sans l’avoir préparé nuit au bon déroulement du dévoilement de l’enfant (Boivin & Boucher-Dandurand, 2009).

Lorsque l’enfant vit une agression, peu importe la nature de celle-ci, les parents vivent souvent un sentiment de culpabilité. La mission principale des parents est d’assurer

la sécurité de leurs enfants face aux dangers extérieurs et lui garantir une protection. Une agression signifie donc un échec dans cette tâche (Bourcet & Gravillon, 2004; Romano, 2013), ce qui peut contribuer au sentiment de culpabilité pour les parents et instiguer un doute sur leur identité.

L’enfant va rarement se confier à quelqu’un qui ne lui apporte pas d’attention ou de soutien. Il va principalement se tourner vers les personnes en qui il a confiance pour divulguer son vécu d’agression sexuelle. « La réaction de l’enfant dépend de la perception

qu’il a de son milieu familial, ce qui s’avère subjectif et personnel » (Saint-Pierre & Viau,

2010 : 125). Lorsque les pratiques parentales ne sont pas adéquates, l’enfant peut être porté à développer un traumatisme de plus grande importance (Romano, 2013). Dans les cas où l’enfant est agressé, les parents vont parfois tenter d’obtenir une réparation de la part du coupable, par le biais de procédures judiciaires ou de demande d’excuses à leur enfant (Bourcet & Gravillon, 2004). Cette démarche vise à « réparer » leur enfant de l’agression vécue et à se « réparer » eux-mêmes (Bourcet & Gravillon, 2004). Parfois les démarches de réparation peuvent se muter en acharnement. Les parents doivent accepter de lâcher prise lorsque les procédures s’éternisent ou que l’indemnisation n’est pas aussi importante que prévue. Il importe que la vie de la famille ne tourne pas constamment autour de l’agression parce que l’enfant peut vivre un traumatisme secondaire lié à cet acharnement (Bourcet & Gravillon, 2004).

Pendant longtemps, l’étude des réactions parentales à la suite d’un dévoilement d’agression sexuelle par un enfant s’est intéressée exclusivement aux mères et à leur rôle dans ladite agression sexuelle. Herman et Hirschman ont établi en 1981 une typologie des mères d’enfants victimes d’agression sexuelle qui les désigne comme responsables de

façon directe ou indirecte de l’agression subie par leur enfant. En effet, cette typologie présentait un premier profil où la mère est en collusion avec l’agresseur qui lui, pousse sa victime à jouer un rôle maternel et conjugal qui ne lui appartient pas. Le deuxième profil présentait une mère dépendante et sans pouvoir qui vit l’oppression, sous forme de violence ou de dépendance financière par rapport à son conjoint, tandis que le troisième profil présentait la mère comme étant elle-même une survivante d’agression sexuelle. Ces trois profils tendaient à responsabiliser la mère de l’agression sexuelle subie, en partie parce qu’elles sont incapables d’assumer leur rôle de soutien et de soins à l’enfant. Quant au premier profil, il blâme directement la mère pour la survenue de l’agression sexuelle (Cyr, McDuff & Wright, 1999). Cette typologie a longtemps présenté les mères comme étant négligentes et a contribué à perpétrer une perception négative des parents non- agresseurs d’enfants victimes.

Heureusement, certaines études empiriques ont permis de démontrer par leurs conclusions que ces perceptions négatives étaient des préjugés et que la majorité des mères croyaient leur enfant, le soutenaient et tentaient de les protéger de l’agresseur à la suite du dévoilement (Cyr et al., 1999; 2013; Deblinger, Stauffer & Landsberg, 1994; de Young, 1994; Elbow & Mayfield 1991; Heriot, 1996).

Ces dernières sections sur les réactions et les conséquences démontrent bien que l’un ou l’autre de ces concepts ne s’élabore pas sans l’autre; ces deux éléments étant étroitement reliés. Ainsi, les conséquences peuvent survenir suite à des réactions parentales et l’inverse est aussi vrai.