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5.2 Récits du dévoilement de chaque participant

5.2.4 L’histoire de Catherine

Sarah : Les doutes de Catherine sur le vécu d’agression sexuelle de sa fille Sarah sont survenus lors de la lecture d’un message texte envoyé par celle-ci au jeune homme qu’elle fréquentait. Ce message révélait que, dans sa jeunesse, Sarah avait été exposée à des gestes sexuels. Catherine a attendu plusieurs semaines avant de parler de cet événement avec sa fille en raison de son admission récente au CEGEP. Ainsi, Catherine a alors souligné au cours de l’entrevue que 14 ans auparavant, les intervenantes de la garderie que fréquentait Sarah se demandaient si cette dernière n’était pas victime d’agressions sexuelles de la part d’un des membres de son entourage sans toutefois signaler leurs doutes aux autorités publiques. Catherine s’était alors questionnée sur l’intégrité de son propre père ou de celle du père de sa belle-mère, car ceux-ci avaient la réputation d’être des « mononcles cochons ». Catherine a alors tenté d’assurer la

protection de sa fille en surveillant davantage les comportements de ces derniers, surtout lorsqu’il était temps de coucher les enfants, lorsqu’ils étaient en contact avec Sarah. Au cours des ans, Sarah a parlé des agressions sexuelles dont elle a été victime, aux parents d’une de ses amies, aux garçons qu’elle fréquentait mais personne n’est entré en contact avec les autorités. Au CEGEP, lors de sa première semaine de relâche, Sarah a parlé des agressions sexuelles vécues à son nouvel amoureux alors étudiant en psychoéducation. Il a fortement encouragé Sarah à partager son vécu avec sa mère mais cette dernière voulait attendre d’avoir atteint la majorité (18 ans) craignant qu’avant cet âge il y ait des retombées judiciaires négatives liées à cette démarche. Une semaine après les échanges verbaux avec son amoureux, lors d’une dispute avec sa mère concernant ses faibles résultats scolaires, Sarah a fait part des comportements de son grand-père maternel.

Catherine a alors immédiatement contacté son ex-conjoint, le père de Sarah, pour qu’il l’aide à déterminer un plan d’action. Elle s’est également inquiétée de ses deux autres enfants qui étaient aussi régulièrement en contact avec l’agresseur. Catherine et le père de Sarah ont conjointement décidé de contacter des organismes communautaires et publics (CALACS, DPJ) pour s’informer des démarches à entreprendre afin d’entamer des poursuites judiciaires. En contactant la DPJ, Catherine a dû alors confirmer que Jeanne, alors âgée de quatre ans, avait aussi été victime d’agressions sexuelles de la part de son grand-père. L’entente multisectorielle a été mise en branle par la DPJ qui a contacté les enquêteurs. Catherine rapporte qu’elle ne savait pas encore à ce moment là si elle voulait porter plainte. Sarah a effectué trois témoignages enregistrés devant les policiers et la DPJ. Dans certains de ces témoignages, l’adolescente s’est contredite sur certains évènements, ces contradictions ont été justifiées par le TSPT. La psychologue qui suivait Sarah lui a conseillé d’aller temporairement habiter chez son père, car elle vivait trop de sentiments

de culpabilité à l’égard de la victimisation de sa petite sœur. Malgré sa peine, Catherine considérait que c’était la meilleure décision à prendre dans l’intérêt de Sarah.

La policière responsable de l’enquête a contacté le présumé agresseur mais elle n’a pas pu l’interroger très longtemps car, celui-ci s’est prévalu rapidement de l’assistance d’un avocat. Aucune preuve concluante n’a permis de porter des accusations envers le présumé agresseur. Catherine est très insatisfaite du travail exécuté par la policière et elle estime que l’enquête a été bâclée afin qu’il n’y ait pas de procès. Catherine et ses filles persévèrent dans leurs démarches afin de pouvoir accuser le présumé agresseur au civil. Leur avocat leur a conseillé de cumuler d’autres preuves auprès des membres de leur entourage immédiat et auprès des membres de leur famille élargie. Le père de Catherine aurait aussi abusé d’une autre de ses petites-filles. Sarah a rencontré cette dernière afin d’obtenir des révélations, mais cette cousine âgée de 14 ans présente des problématiques de consommation de matières illicites et fait partie d’un réseau de prostitution.

Jeanne : Après les révélations de Sarah, Catherine s’est questionnée sur la possibilité que ses deux autres enfants aient également été victimes d’agressions sexuelles de la part de son père. Afin d’éclaircir cette situation, elle avait établi un scénario avec Sarah où toutes les deux procéderaient, sous forme de jeu, auprès du reste de la fratrie lors de la période du coucher. Lorsque le moment est arrivé auprès de Jeanne, Catherine a reçu un appel téléphonique de la part d’une de ses cousines afin de discuter des événements. C’est donc Sarah qui a initié l’expérience en demandant à Jeanne de décrire sa routine du coucher quand elle était chez son grand-père. Sarah a alors reçu le dévoilement de Jeanne alors qu’elle était convaincue d’être la seule victime. Sarah a alors fortement réagi en manifestant des cris et des pleurs. Devant cette situation, Catherine a rejoint son ex-

conjoint lui demandant de se rendre à son domicile afin de gérer cette situation. C’est alors qu’ils ont contacté un intervenant de la DPJ et un CALACS pour s’informer des procédures à rendre.

On ne savait pas si on voulait porter plainte ou pas, je voulais savoir quels étaient les choix que quelqu’un pouvait avoir. Mais mettons que je n’ai pas pris la bonne tactique. J’appelle la DPJ pis là je dis, je viens d’apprendre que ma plus vieille a été agressée par mon père. Ils me demandent quel âge la plus vieille, 17ans… Est-ce qu’il y a d’autres enfants? Ben pour mon fils de 12 ans c’est non, pis pour ma fille de 4 ans c’est oui. Là j’avais perdu le contrôle de la machine. Ils ont pris les choses en charge. (Catherine)

Une intervenante de la DPJ a alors recueilli des informations sur le contexte des agressions sexuelles perpétrées auprès de Sarah et de Jeanne et ont planifié une rencontre pour l’entrevue d’investigation avec les policiers. Cette entrevue n’a malheureusement pas donné les résultats escomptés puisque que Jeanne a refusé de rencontrer les policiers. Il n’y a donc pas eu d’entrevue. Catherine a été très déçue du travail de l’enquêteuse car cette dernière n’a pas tenu compte de ses recommandations afin d’obtenir l’accord de Jeanne prétextant qu’elle savait faire son travail. Étant donné qu’aucune entrevue n’a été effectuée, le témoignage de la plus jeune n’a donc pas pu être recueilli sur caméra et ainsi le dossier n’a pas pu être soumis au procureur par manque de preuves.

Je ne peux pas dire que je trouve que le système judiciaire va bien. Les coupables s’en sortent toujours…tu sais, le hors de tout doute raisonnable…tu sais la policière a dit une journée bon je veux questionner la plus jeune. Fait que la policière a dit je vais questionner, viens je vais poser des questions à la plus jeune. Je connais ma fille, elle est très exubérante, elle prend beaucoup de place, mais si elle ne te connait pas, elle ne te parlera pas. (Catherine)