• Aucun résultat trouvé

III. Réactivité des complexes d’or (I)

6. Réactions de cycloisomérisation

Les réactions qui mettent en jeu des nucléophiles carbonés intramoléculaires sont appelées cycloisomérisations. On peut distinguer plusieurs types de nucléophiles carbonés pour réaliser ces transformations:

• les nucléophiles carbonés classiques comme des cycles aromatiques ou des dérivés d’éthers d’énols.

• Les alcènes (et les allènes). Dans ce cas, on précisera que les réactions sont des cycloisomérisations d’énynes (ou d’allénynes).

43

a.

Addition de nucléophiles « classiques »:

Les cycles aromatiques riches en électrons sont capables de jouer le rôle de nucléophiles en réalisant des réactions de type Friedel-Crafts sur des alcynes, des allènes ou des alcènes activés par l’or (Schéma 33).44 Ces aromatiques sont également très utilisés pour piéger des carbènes d’or intermédiaires. Formellement, ces réactions sont des hydroarylations d’insaturations carbonées.

Schéma 33: Réactions d’hydroarylation d’alcynesBB2

Très souvent, l’addition du nucléophile n’est que la première étape d’une cascade réactionnelle. Dans certains cas, l’alcyne porte un groupement partant en position propargylique. Une attaque nucléophile de type SN2’ est alors possible. Les oxiranes et

aziridines en position propargylique peuvent jouer ce rôle de groupe partant, libérant un nucléophile oxygéné ou azoté (Schéma 34). Ce nucléophile peut alors cycliser sur l’allène intermédiairement formé. Dans l’exemple décrit ci-dessous reporté par Pale et coll., un cycle aromatique est utilisé pour initier la cascade réactionnelle, ce qui permet d’obtenir des dérivés de spiro-dihydropyrrole.45

44 a) Mamane, V.; Hannen, P.; Fürstner, A. Chem. Eur. J. 2004, 10, 4556; b) Ferrer, C.; Echavarren, A.M. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 1105; c) Tarselli, M.A.; Liu, A., Gagné, M.R. Tetrahedron 2009, 65, 1785. 45

Les 1,3-dicétones, 1,3-cétoesters, les malonates ainsi que les éthers d’énols silylés sont également d’excellents nucléophiles vis-à-vis des alcynes activés par l’or (Schéma 35). Ils permettent l’accès rapide à des structures complexes par le biais de réactions de type Conia-Ene.46

Schéma 35: Addition nucléophile de dérivés d’énolatesBD2

b.

Réactions de cycloisomérisation d’énynes:

Les réactions de cycloisomérisation d’énynes sont de loin les réactions les plus répandues et les plus étudiées dans le domaine de la catalyse à l’or. Les réactivités observées y sont en effet les plus surprenantes et souvent les plus intéressantes. Ces réactions permettent l’accès rapide à des structures polycycliques complexes, à partir de composés linéaires simples.47

46 a) Kennedy-Smith, J.J.; Staben, S.T.; Toste, F.D. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 4526;

b) Staben, S.T.; Kennedy-Smith, J.J.; Huang, D.; Corkey, B.K.; Lalonde, R.L.; Toste, F.D. Angew. Chem. Int. Ed. 2006,

45, 5991;

c) Brazeau, J.-F.; Zhang, S.; Colomer, I.; Corkey, B.K.; Toste, F.D. J. Am. Chem. Soc. 2012, 134, 2742. 47 Pour des revues générales sur les cycloisomérisations d’énynes métallocatalysées, voir:

a) Marinetti, A.; Jullien, H.; Voituriez, A. Chem. Soc. Rev. 2012, 41, 4884; b) Michelet, V.; Toullec, P.Y.; Genêt, J.-P. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 4268.

Cependant, le sujet de ce manuscrit n’ayant pas de lien direct avec ce type de réactivité, cette partie ne sera pas développée à la mesure de l’étendue des réactions existantes. Seuls la théorie générale et quelques exemples caractéristiques seront exposés.

Les complexes d’or sont capables d’activer aussi bien les alcènes que les alcynes. Lorsque le substrat contient à la fois un alcène et un alcyne, seule l’activation de l’alcyne conduit à une réaction de cycloisomérisation.48 L’addition nucléophile d’un alcène sur un alcyne activé par l’or est cinétiquement favorisée car l’énergie d’activation est plus faible que dans le cas inverse.

L’activation de l’alcyne par l’or initie l’attaque nucléophile de l’alcène et conduit à la formation d’un carbocation homoallylique intermédiaire possédant un motif vinyl or (Schéma 36). Il existe trois formes limites à cet intermédiaire, toutes en équilibre. L’évolution de cet intermédiaire dépend grandement de sa configuration spatiale et des conditions de réaction (catalyseur, solvant, température, présence de nucléophiles, etc.)

Schéma 36: Nature des intermédiaires des cycloisomérisations d’énynes2

On peut différencier deux types d’attaques de l’alcène sur l’alcyne activé par l’or.

48 Pour des revues récentes sur les cycloisomérisations catalysées à l’or, voir: a) Jimenez-Nuñez, E.; Echavarren, A.M. Chem. Rev. 2008, 108, 3326; b) Gorin, D.J.; Sherry, B.D.; Toste, F.D. Chem Rev. 2008, 108, 3351; c) Lee, S.I.; Chatani, N. Chem. Commun. 2009, 371;

d) Fürstner, A. Chem. Soc. Rev. 2009, 38, 3208;

e) Nieto-Oberhuber, C.; Perez-Galan, P.; Herrero-Gomez, E.; Lauterbach, T.; Rodriguez, C.; Lopez, S.; Bour, C.; Rosellon, A.; Cardenas, D.J.; Echavarren, A.M. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 269.

asymétriques, peuvent être formés de manière diastéréocontrôlée, grâce à la formation elle- même diastéréosélective de l’intermédiaire cyclopropylméthyl carbène d’or.

Schéma 37: Quelques évolutions possibles des cyclopropyl carbènes d’or lors des cycloisomérisations

Dans les exemples qui suivent, l’attaque de l’alcène se fait selon un mode endo et génère un cyclopropylméthyl carbène d’or endocyclique (Schéma 38). La migration 1,2 d’un hydrure ou la perte d’un proton accompagnée de l’ouverture du cyclopropyle permettent la formation d’un vinyl or, lequel est ensuite protodémétallé. On observe ainsi la formation d’un bicycle [3,1,0]49 ou d’un cycle à 10 chaînons contenant deux insaturations

49 a) Mamane, V.; Gress, T.; Krause, H.; Fürstner, A. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 8654; b) Gagosz, F. Org. Lett. 2005, 7, 4129;

non conjuguées.50 Ce type de réaction peut également être fait en présence d’un catalyseur de platine (II).51 Dans ce cas, la réaction doit se faire au reflux du toluène, alors que dans le cas de l’or, la réaction se fait à température ambiante.

Schéma 38: Exemples de cycloisomérisations mettant en jeu un cyclopropylméthyl carbène d’or endocyclique49,502

Lorsque l’attaque de l’alcène a lieu selon un mode exo, un cyclopropylméthyl carbène d’or exocyclique est obtenu. L’ouverture du motif cyclopropyle conduit à la formation de cyclobutènes52 (par agrandissement de cycle), ou de diènes (Schéma 39).53 La formation de ces derniers peut être expliquée par deux mécanismes différents, mettant en jeu une ou deux fragmentations de l’intermédiaire cyclopropylméthyl carbène d’or.

50 Comer, E.; Rohan, E.; Deng, L.; Porco, J.A. Org. Lett. 2007, 9, 2123. 51

a) Harrak, Y.; Blaszykowski, C.; Bernard, M.; Cariou, K.; Marinetti, E.; Mouriès, V.; Dhimane, A.-L.; Fensterbank, L.; Malacria, M. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 8656;

b) Zriba, R.; Gandon, V.; Aubert, C.; Fensterbank, L.; Malacria, M. Chem. Eur. J. 2008, 14, 1482;

c) Nieto-Oberhuber, C.; Muñoz, M.P.; Buñuel, E.; Nevado, C.; Cárdenas, D.J.; Echavarren, A.M. Angew. Chem. Int.

Ed. 2004, 43, 2402.

52 a) Nieto-Oberhuber, C.; Lopez, S.; Muñoz, M.P.; Cárdenas, D.J.; Bunuel, E.; Nevado, C.; Echavarren, A.M Angew.

Chem. Int. Ed. 2005, 44, 6146;

b) Odabachian, Y.; Gagosz, F. Adv. Synth. Catal. 2009, 351, 379;

c) López-Carillo, V.; Echavarren, A.M. J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 9292.

53 a) Nieto-Oberhuber, C.; Muñoz, M.P.; Bunuel, E.; Nevado, C; Cárdenas, D.J.; Echavarren, A.M. Angew. Chem. Int.

Ed. 2004, 43, 2402;

b) Ochida, A.; Ito, H.; Sawamura, M. J. Am Chem. Soc. 2006, 128, 16486;

Schéma 39: Cycloisomérisations mettant en jeu un cyclopropylcarbène d’or exocyclique52,53

L’addition d’un nucléophile au milieu réactionnel permet de piéger le cyclopropyl carbène d’or.54 Ce processus peut également être réalisé de manière intramoléculaire (Schéma 40).55 Dans le cas des carbènes d’or endocycliques, l’attaque nucléophile a généralement pour conséquence l’ouverture du motif cyclopropyle. Une des deux nouvelles liaisons carbone-carbone est alors rompue. Deux nouvelles liaisons sont ainsi crées pendant la réaction. La première provient de l’attaque de l’alcène sur l’alcyne activé par l’or. La seconde provient de l’attaque du nucléophile sur le cyclopropyl carbène d’or. Il s’agit généralement d’une liaison carbone-hétéroatome. L’utilisation de nucléophiles intramoléculaire permet la formation de produits bicycliques.

54 Zhang, L.; Kozmin, S.A. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 6962. 55 Exemples de nucléophiles utilisables:

a) pour l’eau: Buzas, A.K.; Istrate, F.M.; Gagosz, F. Angew. Chem. Int. Ed. 2007, 46, 1141; b) pour un alcool: Toullec, P.Y.; Blarre, T.; Michelet, V. Org. Lett. 2009, 11, 2888; c) pour une oléfine: Böringer, S.; Gagosz, F. Adv. Synth. Catal. 2008, 350, 317;

d) pour un aromatique: Amijs, C.H.M.; Lopez-Carrillo, V.; Raducan, M.; Pérez-Galán, P.; Ferrer, C.; Echavarren, A.M.

Schéma 40: Exemples de cycloisomérisations mettant en jeu un cyclopropylmethyl carbène d’or endocyclique en présence d’un nucléophile54,55a2

Les carbènes d’or exocycliques peuvent être piégés, de la même manière, par des nucléophiles. Les exemples suivants montrent l’utilisation de cycles aromatiques comme nucléophiles en version intramoléculaire ou intermoléculaire (Schéma 41).56 Un nouvel alcène peut également piéger le carbène d’or pour former un nouveau motif cyclopropyle.57 Enfin, le carbène d’or peut être directement piégé par un oxydant pour former un aldéhyde.58

56 a) Amjis, C.H.M.; Lopez-Carillo, V.; Raducan, M.; Perez-Galan, P.; Echavarren, A.M. J. Org. Chem. 2008, 73, 7721; b) Toullec, P.Y.; Genin, E.; Leseurre, L.; Genêt, J.-P.; Michelet, V. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 7247;

c) Leseurre, L.; Toullec, P.Y.; Genêt, J.-P.; Michelet, V. Org. Lett. 2007, 9, 4049; d) Chao, C.-M.; Toullec, P.Y.; Michelet, V. Tetrahedron Lett. 2009, 50, 3719.

57 Nieto-Onberhuber, C.; López, S.; Muñoz, M.P.; Limenez-Nuñez, E.; Buñuel, E.; Cárdenas, D.J.; Echavarren, A.M.

Chem. Eur. J. 2006, 12, 1694.

58

Schéma 41: Exemples de réactions de cyclisation en présence d’un nucléophile56,57,582

Toste et coll. ont développé des réactions de cycloisomérisation hautement énantiosélectives utilisant des complexes chiraux bimétalliques monocationiques.59 En particulier, l’utilisation du ligand 3,5-(tBu)2-4-MeO-MeOBIPHEP a permis la formation de polycycles fusionnés, et la formation d’un centres quaternaires asymétriques, avec d’excellents excès énantiomériques Schéma 42). Dans cette statégie, le cyclopropylméthyl carbène d’or exocyclique formé intermédiairement est piégé par un nucléophile. L’exemple présenté ci-dessous illustre la possibilité de piéger en cascade le cyclopropyl carbène d’or généré lors de la première étape de la cycloisomérisation. Quatre nouveaux centres asymétriques sont créés, dont deux sont quaternaires. Le contrôle de ces nouveaux centres est rendu possible par l’état de transition chaise-chaise-chaise de la réaction.

59

Schéma 42: Polycyclisation initiée par une cycloisomérisation d’ényne énantiosélective592

Quelques autres exemples de cycloisomérisations moins classiques ont été décrits dans la littérature. En particulier, Cossy et coll. ont montré que des cyclopropènes peuvent être utilisés, comme équivalents synthétiques de vinyl carbènes, pour réaliser des réactions de cycloisomérisation avec des alcènes, et générer des dérivés de bicyclo[4.1.0]heptanes Schéma 43).60

Schéma 43: Exemple de cycloisomérisation de cyclopropènesD42

Enfin, les réactions de cycloisomérisation impliquant un allène sont moins répandues, mais néanmoins particulièrement intéressantes. Elles permettent l’accès à un nombre encore plus conséquent de squelettes carbonés (Schéma 44). L’allène peut jouer le rôle de nucléophile, ou d’électrophile. Lorsque le partenaire réactionnel est un alcyne, l’allène est nécessairement le nucléophile.61 Par contre, face à un alcène riche en électrons, l’allène jouera le rôle d’électrophile. Certaines réactions de cycloisomérisation peuvent également

60 a) Miege, F.; Meyer, C.; Cossy, J. Org. Lett. 2010, 12, 4144. b) Miege, F.; Meyer, C.; Cossy, J. Chem. Eur. J. 2012, 18, 7810.

61 a) Luzung, M.R.; Mauleon, P.; Toste, F.D. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 12402;

Schéma 44: Exemples de cycloisomérisations impliquant des allènesD38D68D18DB2 2

Dans tous les cas, la substitution des différentes insaturations, leurs configurations relatives, ainsi que la nature des chaînes qui les relient sont essentielles pour le contrôle de la sélectivité des réactions. De nombreuses études sont donc menées pour mieux comprendre les facteurs qui favorisent tel ou tel chemin réactionnel.

62

Cheong, P.H.-Y.; Morganelli, P.; Luzung, M.R.; Houk, K.N.; Toste, F.D. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 4517.

63 a) Alonse, I.; Trillo, B.; López, F.; Montserrat, S.; Ujaque, G.; Castedo, L.; Lledós, A.; Lascareñas, J.L. J. Am. Chem.

Soc. 2009, 131, 13020;

b) Mauleón, P.; Zeldin, R.M.; Gonzalez, A.Z.; Toste, F.D. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 6348; c) Gonzales, A.Z.; Toste, F.D. Org. Lett. 2010, 50, 11496;

d) Alonso, I.; Faustino, H.; López, F.; Mascareñas, J.L. Angew. Chem. Int. Ed. 2011, 50, 11496. 64 Pour d’autres types de cycloisomérisations mettant en jeu des allènes, voir par exemple: a) Zriba, R.; Gandon, V.; Aubert, C.; Fensterbank, L.; Malacria, M. Chem. Eur. J. 2008, 14, 1482; b) Yang, C.-Y.; Lin, G.-Y.; Liao, H.-Y.; Datta, S.; Liu, R.-R. J. Org. Chem. 2008, 73, 4907.