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Les réactions de couplages catalysées au fer sur les oléfines

Chapitre 3 : Alkylation d’énamides par catalyse au fer

1. Les réactions de couplages catalysées au fer sur les oléfines

1.1. Par couplage croisé sur des oléfines halogénées

Les premiers travaux sur les couplages croisés utilisant une catalyse au fer remontent aux années 1940 avec les travaux de Motez et Vavon sur le couplage des réactifs d’aryle Grignard et des halogénoalcanes.139 En 1971, Kochi a montré que l’utilisation de FeCl

3 permet de réaliser le couplage entre

des réactifs de Grignard et des vinyles bromés (Schéma 132),140 un an avant que les équipes de Kumada et Corriu ne décrivent un couplage analogue en utilisant des sels de nickel appelé aujourd’hui couplage de Kumada-Corriu.141, 142

Schéma 132

Malgré ces travaux pionniers, les réactions de couplages catalysées au fer ont été éclipsées par le développement des couplages pallado-catalysés dans les années 1980. Le domaine de la catalyse au fer a ensuite été marqué par une renaissance à partir des années 2000 avec notamment les travaux de Fürstner, Nakamura143, Hayashi et Bedford144 sur le couplage des halogénoalcanes sur des arylmagnésiens.

Plusieurs mécanismes ont été proposés pour rationaliser cette réaction de couplage en faisant notamment intervenir les couples Fe(I)/Fe(III) ou Fe(0)/Fe(II). Des études récentes conduites par les équipes de Norrby et Bedford tendent à montrer que l’état de plus faible oxydation dans ces conditions est +1 et que l’élimination réductrice Fe(II) vers Fe(0) possède une barrière d’énergie trop importante.145, 146

Bien qu’aucune preuve formelle n’ait été apportée, tout semble indiquer que le mécanisme implique le couple Fe(I)/Fe(III) dans le cycle catalytique (Schéma 133). La première étape du mécanisme est la réduction du précatalyseur en espèce catalytique active C par l’organomagnésien A avec formation concomitante du produit d’homocouplage B. L’addition oxydante de l’espèce halogénée D sur le centre métallique C conduit à la formation du complexe E. Celui-ci subit une transmétallation par l’organomagnésien

A pour former l’espèce F. Après élimination réductrice, celle-ci libère le produit G et régénère l’espèce

catalytique C.

Depuis quelques années, le regain d’intérêt pour la catalyse au fer a permis de mettre au point des synthèses de médicaments en utilisant des catalyseurs peu onéreux et peu toxiques. Une liste non-exhaustive d’exemples est présentée ci-dessous (Schéma 134).147

Schéma 134 : Quelques exemples de synthèses de molécules pharmaceutiques à l’aide d’une catalyse au fer La synthèse de la Naftifine, un antifongique, a ainsi pu être réalisée avec un très bon rendement et en conservant la géométrie E de la double liaison C=C.148 Lors d’une montée en échelle, l’utilisation de faibles charges catalytiques et le faible coût des catalyseurs utilisés revêt une grande importance. Ainsi, en utilisant seulement 2 mol% de Fe(acac)3, l’équipe de Bandichhor a mis au point la synthèse d’un précurseur de

l’aliskirène qui est utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle, sur une échelle de plus de 50 kg.149 Il a également été montré que la catalyse au fer peut permettre des couplages énantiosélectifs.150 Ainsi, l’équipe de Nakamura a publié des conditions de couplage donnant des excès énantiomériques satisfaisants permettant d’obtenir, après hydrolyse de l’ester, le Dexibuprofen utilisé en tant qu’anti-inflammatoire.151

1.2. Par couplage sur la liaison C-H d’oléfines

Dans l’optique de développer une chimie durable, le développement de la fonctionnalisation C-H est un enjeu crucial. En effet, elle permet de former une liaison C-C avec une meilleure économie d’atomes et en s’affranchissant d’une étape de pré-fonctionnalisation. Depuis plusieurs dizaines d’années, de nombreux travaux ont montré la capacité de plusieurs métaux de transitions nobles dont entre autres le palladium, le rhodium ou le ruthénium152–154 à activer des liaisons C-H, l’exemple le plus connu étant la réaction de Heck. Cependant, la plupart de ces travaux portent sur l’arylation ou l’alcénylation d’oléfines. Les réactions d’alkylation présentent un plus grand défi car l’addition oxydante des halogénures d’alkyle sur le centre

métallique est beaucoup moins favorisée. De plus, dans le cas de la réaction de Heck, lorsque l’espèce Pd(II) formée possède un hydrogène en position β du palladium, une réaction secondaire d’élimination β-H se produit plus rapidement que l’insertion de l’alcène sur l’espèce palladiée (Schéma 135).

Schéma 135 : Cycle catalytique de la réaction de Heck

Pour cette raison, des réactions impliquant des mécanismes radicalaires ont été développés en utilisant différents métaux de transition, notamment le cobalt, le cuivre, le palladium ou le nickel.14 Cependant, alors que la catalyse au fer est utilisée dans les réactions de polymérisation,155, 156 seule l’équipe de Thomas a publié en 2017 l’alkylation d’oléfines par catalyse au fer (Schéma 136).157 Bien que cette méthode ne soit limitée qu’aux styrènes suffisamment riches en électrons, l’utilisation de FeCl2 sans ligand

comme espèce catalytique et de carbonate de sodium en tant que base rend ce travail particulièrement intéressant de par sa facilité de mise en œuvre et le faible coût des réactifs utilisés.

Schéma 136 : Alkylation de styrènes par Thomas et al

En utilisant des conditions similaires, l’équipe de Nishihara a très récemment décrit la synthèse de γ- lactones à partir d’alcènes pour la plupart de type styrène et d’α-halogénoacides ou esters en absence de base (Schéma 137).158 Bien que les conditions de réaction soient similaires à celles décrites par Thomas, ici une attaque du carbonyle sur le carbocation intermédiaire C permet d’obtenir la lactone D après une hydrolyse dans le cas où le composé B est un ester et non un acide carboxylique. En présence d’un α- halogénoester et d’une base et en absence d’eau, la réaction permet d’obtenir le produit d’alkylation de l’alcène E.

Schéma 137

Les couplages oxydants catalysés au fer sont peu nombreux dans la littérature. De plus, les exemples existants ne sont souvent décrits que sur des substrats de type styrène. Ainsi, aucun exemple de la littérature ne décrit l’alkylation de la position C3 d’énamides en utilisant une catalyse au fer. Cependant, plusieurs travaux permettant la formation de liaisons C(sp2)-C(sp3) en position C

3 d’énamides grâce à l’utilisation

d’autres catalyseurs métalliques font l’objet du paragraphe suivant.