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Règles d'interprétation des accords internationaux

C. Place des accords sectoriels dans le système des relations

2. Interprétation des accords par la Cour de justice

2.3 Règles d'interprétation des accords internationaux

La Cour de justice ne s'est pas préoccupée de la nature des accords qu'elle a interprétés. Elle s'est déclarée compétente pour interpréter aussi bien des accords purement communautaires, des accords mixtes, des accords liant la Communauté 81 que des actes émanant d'organes institués par de tels ac-cords82. Elle a considéré que sa compétence en la matière est très large.

79 Voir supra nos commentaires sur la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice, sous lettre C, b ), 3.

80 Il y a lieu de mentionner dans ce contexte que les juridictions suisses ne disposent pas de la procédure du renvoi préjudiciel pour demander une interprétation de telle ou telle disposition de l'accord. Sur la question des divergences sur le plan suisse en-tre le pouvoir judiciaire (Tribunal fédéral et Tribunal fédéral des assurances) et le Comité mixte, voir la contribution du juge fédéral RAYMOND SPIRA, dans ce volume, p. 369 SS.

81 Il s'agit du cas du GATT de 1949.

82 CJCE, arrêt du 27. 9.1988, aff. 204/86, Grèce c. Conseil, Rec. 1988, p. 5323 (interpré-tation de la décision n° 2/80 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 14.11.1989, aff. 30, Grèce c. Commission, Rec. 1989, p. 3733 (interprétation de la dé-cision n° 2180 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE arrêt du 20. 9.1990, aff.

C-192/89, Sevince, Rec. 1990, p. I-3461; CJCE, arrêt du 16.12.1992, aff. C-237/91, Ka-zim Kus, Rec. 1992, p. 1-6781 (interprétation de l'art. 6 § 1 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 21.1.1993, aff. C-188/91, Deut-sche Shell, Rec. 1993, p. 1-383 (interprétation des art. 11 § 4 et 15 § 2 de la Conven-tion relative au transit commun CEE-Pays de l' AELE); CJCE, arrêt du 5.10.1994, aff. C-355/93, Eroglu, Rec. 1994, p. 1-5113 (interprétation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE-Tur-quie ); CJCE, arrêt du 6. 6.1995, aff. C-434/93, Bozkurt, Rec. 1995, p. 1-1475 (interpré-tation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la décision n° 1/80 du

Elle n'a d'ailleurs pas toujours justifié de son pouvoir d'interprétation des dispositions des accords qui ont un effet direct83Elle n'a, à notre connais-sance, jamais eu à interpréter des actes émanant de Comités mixtes.

Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 23.1.1997, aff. C-171/95, Recep Tetik, Rec. 1997, p. I-329 (interprétation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la décision n°1/80 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 29. 5.1997, aff. C-386/95, Süleyman Eker, Rec. 1997, p. 1-2697 (interprétation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la décision n° 1/80 du Conseil d'asso-ciation CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 5. 6.1997, aff. C-285/95, Suat Kol, Rec. 1997, p. I-3069 (interprétation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la déci-sion n°1/80 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 30.9.1997, aff.

98/96, Kasim Ertanir, Rec. 1997, p. I-5179 (interprétation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE-Tur-quie); CJCE, arrêt du 30.9.1997, aff. C-36/96, Faik Günaydin, Rec. 1997, p. I-5143 (interprétation de l'art. 2 de la décision n° 2176 et des art. 6 et 7 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 17.4.1997, aff. C-351/95, Sel-ma KadiSel-man, Rec. 1997, p. I-2133 (interprétation de l'art. 7 al. 1 de la décision n° 1/

80 du Conseil d'association CEE-Turquie); CJCE, arrêt du 19.11.1998, aff. C-210/97, Haydar Akman, Rec. 1998, p. 1-7519 (interprétation de l'art. 7 al. 2 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE-Turquie, droit de l'enfant d'un travailleur turc de répondre à toute offre d'emploi dans l'Etat membre où il a accompli une forma-tion professionnelle), CJCE, arrêt du 26.11.1998, aff. C-1/97, Mehmet Birden, Rec.

1998, p. I-7747 (interprétation de l'art. 6 § 1 de la décision n° 1/80 du Conseil d'asso-ciation CEE-Turquie, travailleur appartenant au marché régulier de l'emploi);

CJCE, arrêt du 4. 5.1999, aff. C-262196, Selma Sürül, Rec. 1999, p. I-2685 (interpréta-tion de certaines disposi(interpréta-tions de la décision n° 3/80 du Conseil d'associa(interpréta-tion CEE-Turquie, droit aux allocations familiales); CJCE, arrêt du 14.3.2000, aff. jtes C-102/

98 et C-211/98, Ibrahim Kocak et Ramazan ôrs, non encore publié au Recueil (inter-prétation de l'art. 3 § 1 de la décision n° 3/80 du Conseil d'association CEE-Turquie, domaine de la sécurité sociale), CJCE, arrêt du 16. 3. 2000, aff. C-329/97, Sezgin Er-gat, non encore publié au Recueil (interprétation de l'art. 7 al. 1 de la décision n° li 80 du Conseil d'association CEE-Turquie, droit à la prorogation du permis de sé-jour); CJCE, arrêt du 22.6.2000, aff. C-65/98, Safet Eyüp, non encore publié au Re-cueil (interprétation de l'art. 7 al. 1 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE-Turquie, membre de la famille d'un travailleur turc et notion de résidence ré-gulière).

83 Voir notamment CJCE, arrêt du 20.5.1976, aff. 111/75, Mazzalai, Rec. 1976, p. 657;

CJCE, arrêt du 16. 3.1883, aff. 267 à 269/81, SPI et SAM!, Rec. 1983, p. 801; CJCE, arrêt du 22. 6.1989, aff. 70/87, Fediol, Rec. 1989, p. 1781. La plupart des arrêts dé-montrent toutefois que les questions d'interprétation et d'effet direct sont souvent réunies dans un même arrêt.

Une première règle d'interprétation des accords internationaux a été éta-blie par la Cour de justice dans l'arrêt Bresciani de 197684. Cette règle, qui n'était en réalité pas nouvelle, car la Cour l'appliquait depuis de nombreu-ses années pour l'interprétation de dispositions des Traités communautai-res, consiste à envisager à la fois l'esprit, l'économie et les termes d'un ac-cord 85L'ordre des mots a son importance, car il indique la préférence de la Cour pour une interprétation téléologique plutôt que pour une interpré-tation littérale.

Dans l'avis 1191, la Cour de justice a considéré qu'un traité international doit être interprété «non pas uniquement en fonction des termes dans les-quels il est rédigé, mais également à la lumière de ses objectifs» 86Elle s'est référée à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 196987, qui a été mentionnée à plusieurs reprises par la Cour de justice comme instru-ment de référence en droit international dans le domaine de l'interpréta-tion des traités 88L'art. 31 de la Convention prévoit qu'un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but89Cette for-mule a notamment été reprise par la Cour de justice dans les arrêts Metalsa de 1993 90, Anastasiou de 199491 et El-Yassini de 199992

Sur la base de cette règle, la Cour de justice n'a pas hésité à donner une in-terprétation différente à des termes identiques en fonction des objectifs poursuivis par les accords dont ils font partie. Elle a développé cette appro-che différenciée aussi bien dans le cadre d'accords communautaires que

84 CJCE, arrêt du 5. 2.1976, aff. 87175, Bresciani, Rec. 1976, p. 129.

85 CJCE, arrêt du 5. 2.1976, aff. 87175, Bresciani, Rec. 1976, p. 129, p. 140, § 16 et 17.

Dans les premiers arrêts, la règle était «texte, contexte et finalité», voir l'arrêt du 29.11.1956, aff. 8155, Fédéchar, Rec. 1955-56, p. 291.

86 OCE, avis 1191 du 14.12.1991, Rec. 1991, p. I-6079, p. I-6101, § 14.

87 RS 0.111.

88 Sur la mention de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 dans la ju-risprudence de la Cour de justice, voir CHRISTINE KAooous (note 43), 1998, p. 93-96.

89 CJCE, avis 1191 du 14.12.1991, Rec. 1991, p. I-6079, p. 1-6101, § 14. Voir sur la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, JEAN GRoux, Convergences et conflits, dans l'interprétation du traité CEE, entre la pratique suivie par les Etats mem-bres et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, in: «Mé-langes Pescatore», Baden-Baden (Nomos), 1987, p. 275-286.

90 CJCE, arrêt du 1. 7.1993, aff. C-312/91, Metalsa, Rec. 1993, p. I-3769, p. I-3777, § 12.

91 CJCE, arrêt du 5. 7.1994, aff. C-432/92, Anastasiou, Rec. 1994, p. 1-3087, p. I-3132,

§ 43.

92 CJCE, arrêt du 2.3.1999, aff. C-416/96, El-Yassini, Rec. 1999, p. I-1209, p. 1242, § 47.

d'accords mixtes. D'où l'importance de la définition des objectifs des ac-cords en cause. Les acac-cords sectoriels comprennent tous un préambule qui rappelle les relations étroites des parties contractantes ainsi que les accords qui les lient déjà en soulignant les objectifs visés par chacun des textes. Ces préambules seront donc d'une grande utilité pour justifier une interpréta-tion identique des disposiinterpréta-tions conveninterpréta-tionnelles similaires dans leur contenu à des dispositions de droit communautaire93

Les accords purement communautaires (compétence exclusive de la Communauté européenne) le plus fréquemment interprétés par la Cour de justice sont les ALE que la Communauté a conclus avec les Etats de l' AELE dans les années 70. Les textes de ces accords étant pour ainsi dire identiques, la jurisprudence de la Cour relative à l'un vaut également pour les autres. Ces accords font l'objet d'une jurisprudence abondante, dans la-quelle la Cour de justice a mis en évidence le fait que la similitude de dis-positions des ALE et du Traité CE n'implique pas nécessairement une in-terprétation identique des deux catégories de dispositions94Toutefois, cer-taines dispositions jouent un rôle crucial et primordial dans le cadre de l'objectif de l'élimination des obstacles aux échanges, parmi lesquelles on peut mentionner l'interdiction des droits de douane et des taxes d'effet équivalant à des restrictions quantitatives. C'est pour cette raison que la Cour de justice a estimé, dans les arrêts Legros, Eurim-Pharm et Aprile95, que les ALE seraient privés d'une partie importante de leur effet utile si la notion de taxe d'effet équivalent qui y figure devait être interprétée comme ayant une portée plus restrictive que celle du même terme figurant dans le Traité CE. La Cour n'a cependant pas eu la même approche dans le do-maine de la protection des droits de propriété industrielle et commerciale

93 Voir supra nos commentaires sur le contenu essentiel des accords sectoriels, sous let-tre B.

94 CJCE, arrêt du 9. 2.1982, aff. C-270/80, Polydor, Rec. 1982, p. 329; CJCE, arrêt du 26.10.1982, aff. 104/81, Kupferberg, Rec. 1982, p. 3641; CJCE, arrêt du 1. 7.1993, aff.

C-312/91, Metalsa, Rec. 1993, p. I-3751; CJCE, arrêt du 16. 7.1992, aff. C-163/90, Le-gros, Rec. 1992, p. I-4625; CJCE, arrêt du 1. 7.1993, aff. C-207/91, Eurim-Phann, Rec. 1993, p. I-3723; CJCE, arrêt du 5.10.1995, aff. C-125/94, Aprile, Rec. 1995, p. I-2919; CJCE, arrêt du 25.5.1993, aff. C-228/91, Commission c. Italie, Rec. 1993, p. I-2701; CJCE, arrêt du 17. 7.1997, aff. jtes C-114/95 et C-115/95, Texaco, Rec.

1997, p. I-4263. Pour une étude approfondie de ces arrêts, voir CHRISTINE KAnnous (note 43), 1998, p. 328-335.

95 CJCE, arrêt du 16. 7.1992, aff. C-163/90, Legros, Rec. 1992, p. I-4625; CJCE, arrêt du 1. 7.1993, aff. C-207/91, Eurim-Pharm, Rec. 1993, p. I-3723; CJCE, arrêt du 5.10.1995, aff. C-125/94, Aprile, Rec. 1995, p. I-2919.

en relation avec les règles sur la libre circulation des marchandises (Poly-dor96), et dans le domaine de la fiscalité directe ou indirecte à l'égard des produits (Kupferberg et Metalsa97).

La Cour de justice a également interprété un grand nombre d'accords mixtes, notamment des accords de coopération98, d'association99, les Conventions de Lomé100 et l'accord EEE101La jurisprudence rendue à ce jour concerne essentiellement les droits des ressortissants d'Etats tiers dans l'Union européenne 102L'arrêt Razanatsimba de 1977 concerne l'interpré-tation de l'art. 62 de la Convention de Lomé de 1975 en rapport avec le droit d'établissement des avocats en France103L'arrêt Kziber de 1991 a trait à un litige entre une ressortissante marocaine, Mme Kziber, et l'Office

96 CJCE, arrêt du 9. 2.1982, aff. 270/80, Polydor, Rec. 1982, p. 329.

97 CJCE, arrêt du 26.10.1982, aff. 104/81, Kupferberg, Rec. 1982, p. 329; CJCE, arrêt du 1. 7.1993, aff. C-312/91, Meta/sa, Rec. 1993, p. 3751.

98 Sur les accords de coopération entre la CEE et le Maroc et l'Algérie de 1976, voir CJCE, arrêt du 31.1.1991, aff. C-18/90, Kziber, Rec. 1991, p. I-199; CJCE, arrêt du 20.4.1994, aff. C-58/93, Zoubir Yousfi, Rec. 1994, p. I-1353; CJCE, arrêt du 3.10.1996, aff. C-126/95, Hallouzi-Choho, Rec. 1996, p. I-4807; CJCE, arrêt du 5. 4.1995, aff. C-103/94, Krid, Rec. 1994, p. I-719.

99 Sur l'accord d'association entre la CEE et la Turquie de 1961, voir CJCE, arrêt du 29. 4.1982, aff. 17/81, Pabst, Rec. 1982, p. 1331.

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CJCE, arrêt du 5.2.1976, aff. 87175, Bresciani, Rec. 1976, p.129; CJCE, arrêt du 24.11.1977, aff. 65/77, Razanatsimba, Rec. 1977, p. 2229; CJCE, arrêt du 12.12.1995, aff. C-469/93, Chiquita, Rec. 1995, p. I-4533. La quatrième Convention ACP-CE a expiré le 29 février 2000 et dans l'attente de l'entrée en vigueur du nou-vel accord de partenariat ACP-CE, signé à Cotonou le 23 juin 2000, qui la remplace-ra, le Comité des ministres ACP-CE a prévu que les dispositions de l'accord de par-tenariat font l'objet, à partir du 2 août 2000, d'une application anticipée, sous ré-serve de certaines exceptions. Voir la décision n° 1/2000 du Comité des ministres ACP-CE, du 27 juillet 2000, concernant des mesures transitoires applicables du 2 août 2000 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord de partenariat ACP-CE, JOCE n° L 195 du 1. 8. 2000, p. 46.

101 CJCE, avis 1191 du 14.12.1991, Rec. 1991, p. I-6084; TPI, arrêt du 22.1.1997, aff.

T-115/97, Opel Austria c. Conseil, Rec. 1997, p. II-39; CJCE, arrêt du 15.6.1999, aff.

C-321/97, Ulla-Brith Andersson et Suzanne Wakeras-Andersson c. Svenska staten, Rec. 1999, p. I-3551.

102 Toutefois, la Cour a également rendu deux arrêts concernant la fiscalité indirecte (CJCE, arrêt du 29.4.1982, aff. 17/81, Pabst, Rec. 1982, p.1331 et CJCE, arrêt du 12.12.1995, aff. C-469/93, Chiquita Jtalia, Rec. 1995, p. I-4533) et la notion de taxe d'effet équivalent (CJCE, arrêt du 5. 2.1976, aff. 87/75, Bresciani, Rec. 1976, p. 129).

103 CJCE, arrêt du 24.11.1977, aff. 65/77, Razanatsimba, Rec. 1977, p. 2229.

national de l'emploi belge au sujet du refus d'octroi d'allocations de chô-mage, en raison de sa nationalité 104Dans l'arrêt Hallouzi-Choho de 1996, le litige oppose une ressortissante marocaine au bureau social d'Amster-dam au sujet du refus d'octroi de certaines prestations de vieillesse. L'ar-rêt Krid de 1995 concerne un litige entre une ressortissante algérienne et la Caisse nationale d'assurance-vieillesse des travailleurs salariés, au sujet du refus d'octroi d'une allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité105Dans l'arrêt El-Yassini de 1999, le litige oppose un ressortis-sant marocain au «Secretary of State for the Home Department» au sujet du refus de la prorogation de son permis de séjour au Royaume-Uni 106 L'arrêt Mesbah de 1999 concerne un litige entre une ressortissante maro-caine et l'Etat belge au sujet du refus d'attribution d'une allocation pour handicapés 107

Il ressort de la jurisprudence que la Cour a admis le principe de l'interpré-tation analogique des dispositions d'accords d'association (Turquie) ou de coopération (Algérie et Maroc) identiques en substance à des dispositions du Traité CE ou d'un acte de droit dérivé. La Cour a joué ici un rôle tout à fait particulier, car elle s'est positionnée comme le plus ardent défenseur

l04 CJCE, arrêt du 31.1.1991, aff. C-18/90, Kziber, Rec. 1991, p. I-199. Cette dame a in-voqué le principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans le domaine de la sécurité sociale. La Cour a considéré que la notion de sécurité sociale figurant dans l'art. 41 § 1 de l'accord entre la CEE et le Maroc de 1976 doit être comprise par analogie avec la notion identique figurant dans le règlement n° 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale des travailleurs salariés et de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Cette jurispru-dence a été confirmée dans les arrêts Yousfi de 1994 et Hallouzi-Choho de 1996, en faisant toutefois une différence entre la disposition de l'accord et le règlement quant au champ d'application personnel de l'art. 41 § 1. Voir aussi l'arrêt Krid de 1995 re-latif à l'art. 39 § 1 de l'accord de 1976 entre la CEE et l'Algérie.

1os CJCE, arrêt du 5.4.1995, aff. C-103/94, Krid, Rec. 1994, p. I-719.

106 CJCE arrêt du 2.3.1999, aff. C-416/96, El-Yassini, Rec.1999, p. I-1209 (interpréta-tion de l'art. 40 de l'accord entre la CEE et le Maroc de 1976).

107 CJCE, arrêt du 11.11.1999, aff. C-179/98, Mesbah, Rec. 1999, p. I-7955 (interpréta-tion de l'art. 41 § 1 de l'accord entre la CEE et le Maroc de 1976, principe de non-discrimination en matière de sécurité sociale, membre de la famille d'un travailleur migrant). Selon la Cour, l'accord n'a pas pour objectif de réaliser la libre circulation des ressortissants marocains à l'intérieur de la Communauté, mais tend uniquement à consolider la situation sociale des travailleurs marocains et des membres de leur famille résidant avec eux dans le seul Etat membre d'accueil(§ 36 de l'arrêt).

des droits des ressortissants d'Etats tiers 108Toutefois, aucun arrêt n'a en-core été rendu concernant les accords «européens» conclus avec les PE-COs. Une affaire est pendante. Elle a pour objet l'interprétation de la no-tion d'activité économique dans le cadre des accords conclus avec la Polo-gne et la République tchèque109, qui contiennent de nombreuses disposi-tions inspirées du Traité CE.

Ce bref survol montre que la jurisprudence de la Cour de justice et du TPI a été rendue au coup par coup, sans souci excessif de cohérence. Cette mé-thode éclectique ne favorise guère la sécurité juridique 110L'extension de l'interprétation d'une disposition du Traité CE à une disposition rédigée en des termes comparables, similaires ou identiques figurant dans un accord

108 STEVE PEERS, Towards Equality: Actual and Potential Rights of Third-Country Natio-nals in the European Union, CMLRev 1996, p. 7-50, p.12. Voir aussi KAY HAIL-BRONNER, Privilegierte Drittstaatsangehorige in der Europaischen Union, in: «Mélan-ges Everling», Baden-Baden (Nomos), 1995, p. 399-414; STEVE PEERS, Commentaire de l'arrêt Bozkurt, CMLRev 1996, p. 103-112; MARC MARESCEAU, La libre circula-tion des personnes et les ressortissants d'Etats tiers, in: «Relacircula-tions extérieures à la Communauté européenne et marché intérieur: aspects juridiques et fonctionnels»

(Colloque 1986), PAUL DEMARET (éd.), Belgique (Story scienta), 1988, p. 109-136;

MARIE-CLAIRE FLOBETS, Europe and its Aliens After Maastricht. The Painful Move to Substantive Harmonization of Member-States? Policies Towards Third-Country Na-tionals, AJCL 1994, p. 783-805; TAMARA K. HERVEY, Migrant Workers and their Fa-milies in the European Union: the Pervasive Market ldeology of Community Law, in

«New Lega Dynamics of European Union», J. SHAWIG. GILLIAN (éd.), Oxford (Cla-rendon Press), 1995, p. 91-110; RoMAN A PETROVOMAN, Rights of Third Country/

Newly lndependant States' Nationals to Pursue Economie Activity in the EU, Euro-pean Foreign Affairs Review, 1999, p. 235-251; NANETTE NEUWAHL, The EU-Turkey Customs Union: a Balance, but No Equilibrium, European Foreign Affairs Review, 1999, p. 37-62; ALVARO CASTRA OLIVEIRA, Immigrant from Third Countries under EC External Agreements: The Need for improvement, European Foreign Affairs Re-view 1999, p. 215-233; LEIF SEVONIMARTIN JoHANSSON, The Protection of the Rights of lndividuals under the EEA Agreement, ELRev 1999, p. 373-386.

109 Il s'agit d'une affaire C-268, Aldoona Malgorzata Jany e. a. et Staatssecretaris van Justifie, introduite en octobre 1999. C'est un renvoi préjudiciel concernant l'inter-prétation de l'art. 44 de l'accord avec la Pologne et de l'accord avec la République tchèque. Il s'agit de savoir si l'activité indépendante de prostitution entre ou non dans la notion d'activité économique au sens de l'accord. Les conclusions de l'avo-cat général n'ont pas encore été rendues.

110 FERNANDO CASTILLO DE LA TORRE, Commentaire des affaires C-207191, Eurim-Pharm c. Bundesgesundheitsamt et C-312191, et Metalsa srl, CMLRev 1994, p. 1093-1099, p.1098.

international dépend en grande partie des buts politiques à long terme des Traités communautaires et des objectifs plus limités des accords conclus par la Communauté avec des Etats tiers111

On peut toutefois soutenir que les dispositions des accords sectoriels qui sont identiques en substance à des dispositions du Traité CE ou d'un acte de droit dérivé devraient être interprétées de manière analogue aux dispo-sitions communautaires en cause. Les objectifs des accords sont très pro-ches, dans certains domaines, de ceux poursuivis par le Traité CE 112 L'in-terprétation téléologique que la Cour a privilégiée ne devrait donc pas conduire, dans ce contexte, à des interprétations différentes.

3. lnvocabilité des accords en justice par les particuliers

La doctrine de l'effet direct en droit communautaire (ou applicabilité di-recte 113) a été, comme on le sait, posée par la Cour de justice dans son célè-bre arrêt Van Gend en Loos114 de 1963. L'effet direct peut être défini comme une caractéristique qui s'attache à la norme communautaire qui lui confère la capacité de créer, par elle-même, des droits et des obligations pour les par-ticuliers. C'est aussi le droit pour toute personne de demander à son juge de lui appliquer traités, règlements, directives ou décisions communautaires.

La Cour de justice a admis que des dispositions d'accords internationaux sont susceptibles d'engendrer des droits invocables par les particuliers si les conditions de l'effet direct sont réunies 115La question de l'effet direct pré-sente un grand intérêt, car, si un accord est interprété comme donnant nais-sance uniquement à des obligations entre parties contractantes, son effica-cité réelle est beaucoup plus limitée que si l'on admet qu'il crée des droits dont les individus peuvent obtenir la sauvegarde en s'adressant à leurs tri-bunaux nationaux.

Dans l'arrêt Demiref 116, la Cour a énoncé la règle générale selon laquelle

«une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers

111 En ce sens, voir I. MACLOED/I. D. HENDRYIS. HYEIT, The Externat Relations of the European Communities, Oxford (Clarendon Press), 1996, p. 141.

112 Sur les objectifs des accords, voir nos commentaires supra sur le contenu essentiel des accords sectoriels, sous lettre B.

113 Pour les besoins de notre étude, nous utilisons les expressions de manière équiva-lente.

114 CJCE, arrêt du 5. 2.1963, aff. 26/62, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p. 6.

114 CJCE, arrêt du 5. 2.1963, aff. 26/62, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p. 6.

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