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Les écoles publiques alternatives demeurent un phénomène marginal, peut-être marginalisé, au Québec. Le RÉPAQ tente depuis le milieu des années 1990 de centraliser les informations concernant les écoles publiques alternatives existantes et de regrouper ses acteurs souhaitant faire reconnaître la valeur de leurs pratiques. Cette valeur pédagogique n’est pas encore suffisamment étudiée par les chercheurs pour pouvoir l’affirmer, mais il n’y a pas non plus d’évidence scientifique du contraire. Par ailleurs, une valeur pour la démocratie scolaire pourrait être présente. En effet, une étude exploratoire de deux écoles expérimentales situées en Nouvelle-Zélande avance que ce type d’école crée des espaces d'expérimentation où peuvent émerger des débats sociaux sur la fonction et le pouvoir de l’école ainsi que des visions spécifiques de la démocratie pouvant contribuer à améliorer l’institution (Boyask, McPhail, Kaur, O’Connell, 2008).

Toutefois, plusieurs groupes de parents tentent encore de faire accepter leur projet dans leur commission scolaire, et ce, en vain et sans motif clair de la part de la commission scolaire. Or, la Loi sur l’instruction publique québécoise prévoit une possibilité de dérogation permettant la mise en place de tels projets.

La pertinence sociale et scientifique de cette recherche, bien que présentée de façon implicite dans les pages précédentes, réside dans la possibilité d’éclairer certaines sphères de l’administration scolaire peu connues, soit les relations existantes entre les politiques éducatives et les usagers, dans le contexte public alternatif. Effectivement, il y a un manque actuel de connaissances et de savoirs dans ce domaine au Québec.

Notre étude pourrait donc contribuer à une meilleure connaissance du phénomène de l’ouverture des écoles publiques alternatives et ajouter au mince corpus de recherche en la matière. C’est en comprenant davantage les relations entretenues entre les acteurs scolaires et les parents que de meilleurs outils pourront être élaborés, servant ainsi à l’amélioration des rapports ainsi qu’au développement des projets citoyens en matière d’éducation.

Compte tenu des éléments présentés, il nous est apparu important de mieux cerner l’aspect problématique de la reconnaissance des nouveaux projets. Il serait intéressant de connaître le point de vue des groupes de parents fondateurs, passés et actuels, de même que celui des instances scolaires, pour décrire leurs interactions. Dans le cadre de cette recherche de maîtrise, nous commencerons par étudier le point de vue des parents sur ces interactions. Ce sont les conceptions, c’est-à-dire « les façons de voir et de comprendre » (Grand dictionnaire terminologique, 2017) des parents que nous documenterons. Nous nous attarderons aux facteurs facilitants et aux facteurs de résistance perçus par les groupes œuvrant à l’ouverture d’une école publique alternative lors de leurs démarches auprès des commissions scolaires du Québec. C’est la raison pour laquelle cette exploration répondra à cette question générale de recherche :

« Quelles sont les conceptions des groupes œuvrant à l’ouverture d’une école publique alternative quant aux facteurs qui 1- favorisent ou 2- contraignent l’ouverture des écoles publiques alternatives au Québec? ».

Deux sous-groupes de parents ont été approchés : ceux qui travaillent encore à l’ouverture d’une école alternative et ceux qui ont réussi à ouvrir leur école. Le chapitre de la méthodologie décrira comment le choix des participants prend en compte les conceptions de ces deux groupes.

DEUXIÈME CHAPITRE: LE CADRE THÉORIQUE

La problématique présentée au premier chapitre a permis de contextualiser le mouvement des écoles alternatives publiques au Québec et de cerner certaines controverses les entourant. Elle a mené à se questionner sur les conceptions qu’ont des groupes-fondateurs12

quant aux facteurs qui favorisent ou contraignent leurs démarches. Afin d’élaborer un cadre théorique apte à appuyer cette recherche dans le domaine de l’administration de l’éducation, ce questionnement sera situé dans le domaine de la gouvernance de l’éducation et plus particulièrement dans le contexte de la structure démocratique institutionnelle du système éducatif. Aussi, le cadre théorique choisi devra tenir compte de la participation des acteurs « de la base » dans la procédure d’ouverture de ces écoles, c’est-à-dire les parents. D’ailleurs, nous avons vu au chapitre précédent que la LIP met les parents au cœur de la demande d’ouverture d’une école alternative.

En l’absence d’assises théoriques provenant d’études antérieures au sujet du processus d’ouverture de ces écoles au Québec et de cette forme particulière d’implication collective des parents, c’est une théorie normative de la gouvernance qui a été choisie comme cadrage théorique. Il s’agit de la théorie de la gouvernance réflexive élaborée par Jacques Lenoble, Marc Maesschalck et leur équipe du Centre de philosophie du droit (CPDR) de l’Université catholique de Louvain. Elle a été, par la suite, adaptée au domaine de l’éducation par Christine Brabant, professeure-chercheure en administration de l’éducation à l’Université de Montréal et chercheuse associée au CPDR. Cette théorie est issue des sciences sociales et de la philosophie politique pragmatique. Ses propositions éthiques et philosophiques renvoient à un idéal de référence d’un point de vue politique et démocratique.

12 Afin d’alléger le texte, je nommerai les groupes de parents qui œuvrent à l’ouverture d’une école

Dans ce chapitre, nous définirons premièrement le concept général de gouvernance pour ensuite présenter la théorie de la gouvernance réflexive. Nous expliciterons à ce moment en quoi les bases de cette théorie normative proposent un idéal démocratique qui favorise l’expression des acteurs collectifs et leur prise de pouvoir dans le système démocratique. Nous énoncerons deuxièmement quelques caractéristiques de la gouvernance réflexive, soit son pragmatisme, son contextualisme et sa réflexivité. Troisièmement, nous préciserons le processus d’apprentissage de l'action collective et politique des acteurs de la base qui, selon la conception de Maesschalck (2005), est nécessaire à la prise en charge du changement par les acteurs. Quatrièmement, les principes d’opacité, d’ignorance et d’exception (Maesschalck, 2005) exposeront la fragilité qui découle de la position du sujet en relation avec l’institution. Finalement, nous présenterons une analyse des limites et des contraintes des dispositifs institutionnels actuels de participation des parents du point de vue des propositions de démocratie et de gouvernance réflexive de Maesschalck, ce qui mènera à nos objectifs spécifiques de recherche.