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3.4. L’analyse des données

3.4.2. Un élément du cadre d’analyse : les catégories de causes de résistance au

Afin que l’analyse des données permette d’illustrer un maximum de dimensions de la problématique, nous avons choisi d’utiliser des catégories tirées de travaux sur la gestion du changement organisationnel. Ces situations peuvent s’approcher de celles que nous étudions. En partant de la proposition que les groupes-fondateurs puissent parfois rencontrer des résistances de la part de certains groupes, que ce soient les enseignants, les commissaires, les directions d’école ou même les parents des écoles régulières, une attention aux causes de ces résistances s’imposait. Ainsi, Bareil (2004, 2008), qui s’intéresse aux préoccupations vécues par les employés (les destinataires du changement) dans un contexte de changement organisationnel, a catégorisé les causes qui pouvaient mener à une certaine résistance de leur part : les causes individuelles, politiques, liées au collectif ou au culturel, à la qualité de la mise en œuvre du changement, au système organisationnel et les causes liées au changement lui-même. Cette catégorisation présente deux intérêts pour notre travail. 1) Elle s’intéresse à des situations de changement; elle ne fait pas l’analyse d’une organisation qui serait fixe, mais d’une organisation qui est en processus de changement, avec des possibilités d’obstacles ou de résistances. 2) Les catégories prennent en compte l’ensemble d’un phénomène social, de l’individu jusqu’à l’organisation. Le Tableau 1 à la page suivante présente ces catégories, assorties d’exemples de leur contenu.

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Tableau I. Les causes multiples de la résistance au changement

Adapté de Bareil (2004, 2008)

L’utilisation pour notre mémoire des travaux de Bareil s’arrête à l’usage de ces catégories. Bareil utilise et développe un bagage théorique qui ne sera pas convoqué dans ce mémoire. Aussi, chez Bareil, la classification des causes de résistance au changement est envisagée sous l’angle d’un changement du type top-down imposé dans une organisation, ce qui n’est pas le cas dans le contexte des demandes des groupes- fondateurs. Toutefois, elle permet de comprendre quelles catégories de causes sont en jeu, ce qui permet de mieux identifier les secteurs possibles de résistance face aux demandes de ces groupes.

À l’aide du Tableau 1 ci-dessus, il est utile de préciser chacune des catégories de causes de résistance proposées par Bareil afin de mieux comprendre comment ce cadre a été utilisé ensuite comme cadre d’analyse. Ainsi, sous les causes individuelles, de loin les plus étudiées (Bareil, 2004), les auteurs identifient chez le destinataire des « caractéristiques telles que l’intolérance à l’ambiguïté, la préférence pour la stabilité, la peur d’être incapable de s’adapter, l’insécurité, l’anxiété, la crainte de l’inconnu ou la perte de contrôle » (Bareil, 2008, p. 90). Bien qu’il puisse être intéressant d’en faire état, Bareil (2004) fait remarquer qu’en termes de gestion, il est difficile de changer la personnalité, les expériences passées et les caractéristiques individuelles du personnel.

Individu • mécanismes de défense • Peurs (de perdre des acquis, de ne pas être capable) • Ratio coûts/bénéfices • Pertes: sécurité, pouvoir, utilité, compétences, relations, repère • Dispositions psychologiques Collectif / Culturel • Normes sociales • Perte de droits acquis • Système social systémique Politique • Perte d’autorité, de ressources • Soutien des groupes d’intérêt • Coalition dominante • Influence des sous- groupes • Influence des personnes valorisées • Pouvoir du syndicat • Enjeux de pouvoir Qualité de mise en œuvre • Scénario de mise en oeuvre • Sensibilisation/Com munication • Consultation/Implic ation • Disponibilité des ressources • Mode d’introduction du changement Système organisationnel • Orientation • Culture et valeurs • Inertie organisationnelle • Structure Changement • Repetitive-change syndrome • Cohérence du changement avec les valeurs organisationnelles • Complexité du changement

Les causes de résistance au changement liées au collectif ou au culturel font référence à un groupe qui cherche à protéger ses acquis (Bareil, 2004, 2008, 2009). Ainsi, c’est le sentiment de perte des droits acquis et des privilèges qui provoque une résistance. Collerette, Delisle et Perron (1997) associent à ces résistances le système social en place et le désir de conformité aux normes sociales établies, à sa cohérence, ainsi qu’au maintien des intérêts.

Les causes politiques de la résistance au changement sont souvent associées aux enjeux de pouvoir et peuvent avoir comme sources les forces syndicales, les groupes d’intérêts et les coalitions dominantes (Bareil, 2008). En effet, « une perte de pouvoir et d’influence font (sic) souvent en sorte de créer de la résistance chez un destinataire qui a le plus à perdre » (Bareil, 2004, p. 8).

Les causes liées à la mise en œuvre du changement renvoient plutôt à la façon dont le changement est proposé ou implanté. Comme l’indique Rondeau (2002), outre la disposition positive des acteurs concernés, « il faut aussi développer les capacités individuelles et organisationnelles nécessaires à sa réalisation » (p. 152) par le biais d’activités « d’habilitation ». Pour lui, cette habilitation se produit si on fournit aux gens l’encadrement, les ressources et le pouvoir nécessaire pour y parvenir. Bareil (2008) insiste aussi sur les ressources disponibles comme un facteur important de résistance. De plus, l’absence de consultation et d’implication peut aussi provoquer de la résistance. D’ailleurs, plusieurs études en technologies de l’information font nettement ressortir ces variables concernant la participation et la consultation (Bernoux et Gagnon, 2008; Giangreco et Peccei, 2005; Line, 2004) ou le manque d’information (Lewis, 2006; Washington et Hacker, 2005). Collerette, Delisle et Perron (1997) soulignent de plus le facteur de la crédibilité de l’agent de changement comme dimension importante de la réaction au changement.

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fonctionnement de son organisation, à ses valeurs et sa culture, à son manque de leadership ou à l’absence de pression de l’environnement, y perçoit une forme d’inertie ou de difficulté d’adaptation, ce qui engendre chez lui de la résistance (Bareil, 2004; Rondeau, 2002). La lecture que le destinataire se fait de la capacité de changer de l’organisation affecte donc sa décision d’entériner ou non le changement.

Enfin, les causes liées au changement lui-même, sa légitimité, sa complexité, sa cohérence avec les valeurs de l’organisation ou le fait que le destinataire ait déjà subi trop de changements intempestifs, ce qu’Abrahamson (2004) nomme le repetitive-change syndrome (le « syndrome du changement répétitif », p. 2), peuvent mener à des comportements de résistance.

Au moment de faire le choix d’utiliser les catégories de résistance au changement selon Bareil (2004, 2008), nous avions des réticences, particulièrement parce que ces catégories ont été pensées pour un changement top-down. Or, cela n’a pas nui à l’analyse et ce choix s’est avéré utile dans la limite de son utilisation dans le cadre de ce mémoire.