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PARTIE 3 : Du PNRU au NPNRU, l’évolution du dispositif de participation des habitants

III. Des jeux d’acteurs complexes influant sur l’évolution de la démarche

1. La question des habitants absents, et de la représentativité des habitants participant

La difficulté de mobiliser des habitants est réelle que ce soit dans le cadre du dispositif participatif du PNRU ou du NPNRU :

- dans l’absolu : le niveau de participation des habitants au dispositif institutionnel comme aux APU est très faible par rapport à la population du quartier selon l’ensemble des acteurs, comme dans l’ensemble des démarches de participation. Une élue de l’ancienne municipalité estime ainsi : « On nous a beaucoup donné des leçons sur la démocratie

participative et sur toutes ces instances-là, mais, aujourd’hui, (…) personne n’a fait bien mieux, parce qu’en fait, c’est très compliqué. Avec la nouvelle municipalité, c’est juste les réseaux qui changent, mais ça ne change pas le fond du problème. Avant, c’était des habitants plutôt dans nos réseaux, qui participaient. Maintenant, c’est plutôt dans les leurs, mais il n’y a pas de changement fondamental sur le type ou le nombre de personnes qui participent ».

Au-delà de la forme et du contenu de la participation, c’est donc le fait même de participer qui peut être questionné au vu de la faiblesse de la mobilisation des habitants.

- en terme de représentativité de la population du quartier : il y a une minorité visible d’hommes plutôt « retraités, blancs, propriétaires, militants »216 qui prend beaucoup de place

dans le quartier. Un professionnel Ville/CCAS pointe le fait que cette appropriation « en creux » des espaces participatifs par ces habitants très impliqués, alors que d’autres sont absents, représente un point de faiblesse des dispositifs participatifs sur le quartier autant que de l’action de Planning. Planning avait l’ambition d’élargir le nombre et le type d’habitants

216 Ces quatre caractéristiques des habitants les plus fortement représentés dans les instances participatives

institutionnelles et dans les APU ont été citées dans sept entretiens (quatre entretiens avec des professionnels, trois entretiens avec des habitants). Par exemple, un technicien Ville/CCAS : « On a sur le territoire une

minorité très spécifique qui sont les retraités blancs du socio culturel, militants de longue date. C'est tout à leur honneur de rester habitants et mobilisés. Ce sont des gens qui ont pas mal de réseaux, qui savent faire avancer leurs questions leurs problématiques, savent se faire entendre, qui ont une bonne capacité d'organisation, de mobilisation, etc. et qui, en creux, prennent de la place, et n'en laissent pas aux autres, mais en creux (ce n'est pas une volonté active de ne pas en laisser aux autres) ».

participant dans une dynamique d’empowerment et en utilisant les méthodes de la planification et du community organising et n’a pas réussi à le faire217. Cela crée des tensions

sur le quartier, selon plusieurs habitants et professionnels. L’un d’eux, professionnel Ville/CCAS l’exprime ainsi : « Les APU ont contribué à renforcer les rapports de pouvoir

sur le quartier. Les points d'appuis que Planning a pu trouver, sont des gens très mobilisés, qui l'étaient déjà, et du coup, des gens qui parfois peuvent être clivants. Parce que sur le territoire, il y a des tensions fortes qui existent : symboliquement, qui représente le quartier ? qui est écouté… ? (…) La conséquence est (…) un ressenti réel, (…) exprimé par les habitants : qui sont ces gens qui prennent la parole? On ne les connaît pas, alors qu'on ne voit qu’eux, mais quelle est leur légitimité, qui sont-ils ? (…) Il y a des frustrations, le ressentiment d'être évincé par cette minorité-là. Je le dis comme ça : c'est comme si le conseil municipal était composé de commerçants vietnamiens, tous élus, qui font des choses très bien, mais il y a un moment où ça peut poser une question de représentation et du coup de légitimité. Par contre, ceux qui sont dans la frustration et réclameraient un droit à prendre la parole, ne veulent pas forcément fréquenter les lieux institutionnels ».

Cette question de la représentativité est intéressante car nous avons pu constater dans notre enquête qu’elle était amenée à la fois pour légitimer la pertinence de la mise en place de la participation (« C’est en ayant tous les avis des différents types d’habitants qu’on pourra

améliorer le projet »218) et à la fois pour délégitimer la pertinence de certains avis des APU

notamment, considérés comme non représentatifs de la population du quartier (« C’est

intéressant le travail qu’ils font, bien sûr, mais ils ne sont pas toute la Villeneuve, il sont plutôt catégorie socioprofessionnelle supérieure »219).

Certains enquêtés220, professionnels ou habitants, reprochent aux APU de parler pour LES

habitants alors qu’ils ne sont que DES habitants.

Un professionnel des APU explique : « L’argument massue (…) c’est de dire : « Vous,

finalement, vous n’êtes qu’une partie des gens, et, du coup, pourquoi ce serait plus à partir de vous qu’à partir d’autres ? » (…) On vise le pouvoir d’agir, mais quand les gens agissent, ce

217 En entretien, le professionnel et des habitants de Planning l’évoquent eux-mêmes comme un point faible de

leur action, et plusieurs techniciens également.

218 Cf. entretien avec un technicien ville/CCAS, idée présente aussi dans trois autres entretiens. 219 Entretien avec une élue de la municipalité actuelle.

n’est jamais les bons. On n’arrivera jamais à ce que tout le monde agisse. Ça, pour moi, ça fait partie des contradictions fondamentales ».

Pour l’élue de la municipalité DESTOT interrogée dans l’enquête, le fait de ne pas retrouver la diversité des habitants du quartier dans la mise en œuvre de la participation, et de n’avoir à faire qu’à un petit nombre d’habitants dans les espaces participatifs, remet en question la pertinence même du principe de la participation. Elle explique : « Nous, en tant qu’élus, on a

reçu un mandat électif de gens qui sont allés voter et qui nous ont fait confiance, mais qui n’ont pas forcément donné leur pouvoir et leur mandat à des habitants « lambda » qui participent à des réunions, alors qu’eux ne peuvent pas ou ne veulent pas y participer. (…) J’en reviens un peu de cette concertation. Je trouve que c’est un vrai enjeu pour notre société, mais, aujourd’hui, on n’a pas trouvé de modèle qui permette d’avoir une réelle démocratie participative, une réelle participation des habitants, pour un résultat efficace ».

Plusieurs enquêtés estiment également que l’absence de représentativité des habitants participant par rapport à la typologie du quartier pose problème, car ce sont des intérêts spécifiques qui peuvent être mis en avant (Par exemple, entre les propriétaires occupants du quartier des Géants et les locataires en logement social du quartier de l’Arlequin, des intérêts qui ne convergent pas forcément peuvent exister quant au renouvellement urbain : intérêt pour la revalorisation d’un patrimoine immobilier, prise en charge importante de la rénovation de l’ensemble du bâti par le programme ANRU évoqué par certains propriétaires, intérêt pour un travail davantage sur l’adaptation aux usages et le bâti le plus dégradé)221. Au-delà de la question des intérêts objectifs liés aux situations différentes des habitants, ce sont des positions très différentes vis-à-vis du quartier qui existent222, et qui éclairent d’une manière particulière la question de la représentativité des habitants participant.

221 Eléments issus d’un entretien avec un habitant des APU et un habitant hors APU, convergeant avec des

entretiens avec l’ancienne élue de secteur, un technicien Métro, et un technicien Ville/CCAS.

222 Cf. perception du renouvellement urbain par différents types d’habitants du quartier de la Villeneuve et sa

2. Des débats autour de la présence et de l’absence des élus