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PARTIE 3 : Du PNRU au NPNRU, l’évolution du dispositif de participation des habitants

II. Une évolution de la commande politique qui induit une évolution dans la conception

1. De la concertation à la co-construction

La plupart des acteurs expliquent que la participation relève de la co-construction pour le dispositif NPNRU alors qu’il s’agissait de concertation pour le PNRU.

Par exemple : « Il y a eu un vrai changement, on ne parle plus de concertation maintenant. Il

y a eu de gros débats sur la question de la co-décision, entre les élus, avec les techniciens aussi, et puis finalement, ça a été tranché, et c’est très clair maintenant : co-construction oui, co-décision, non »186, « il y a eu un changement dans la commande politique : on n’est plus

dans une concertation, mais dans un processus de co-construction »187, « avec la nouvelle

municipalité, ce qu’on a obtenu, c’est d’avoir comme objectif la co-construction, même si c’est compliqué et qu’on n’y arrive pas toujours »188

Parmi les acteurs, beaucoup présentent cette évolution comme un changement réel, modifiant la conception du dispositif de participation.

186 Entretien avec une chargée de participation de la ville. 187 Entretien avec un professionnel CCAS.

Cela rejoint l’idée selon laquelle « la co-construction suppose des modes d’engagement des

acteurs sensiblement plus forts que ceux qui sont associés à la concertation ou à la consultation »189 , en estimant que « le terme de co-construction apparaît comme

appartenant de plein droit à l’univers de la participation, son émergence récente signant en quelque sorte la progression de l’idéal participatif. Il ouvre vers l’idée d’un débouché concret qui matérialise en quelque sorte les efforts conjoints des acteurs impliqués, et ce faisant, il spécifie le contenu de cette participation. »190

Pourtant, d’autres acteurs relèvent cette évolution des termes sans lui accorder un sens particulier. Par exemple, le technicien responsable du projet de renouvellement urbain à la Métro explique en début d’entretien : « Il y a un positionnement assumé par la nouvelle

municipalité de proscrire le terme de concertation et d’aller vers un processus de co- construction de projet, avec tout ce que ça signifie derrière un terme valise comme celui-ci. Chacun met un petit peu ce qu’il veut dedans, ce qu’il comprend, ce qu’il y projette », avant

de lui-même utiliser le terme de concertation pour évoquer le dispositif participatif du NPNRU tout au long de l’entretien.

Cela rejoint d’autres définitions de ces deux termes, qui n’impliquent pas d’opposition entre eux, la co-construction étant considérée comme l’une des formes que peut prendre la concertation, entendue comme « un processus de construction collective de visions,

d’objectifs, de projets communs, en vue d’agir ou de décider ensemble, qui repose sur un dialogue coopératif entre plusieurs parties prenantes et vise à construire de nouvelles coordinations autour d’un ou plusieurs objets problématiques »191, n’impliquant pas en lui-

même un niveau ou une forme spécifique de participation.

Nous pouvons noter le lien entre ce changement de vocabulaire autour du processus de participation et le rapport BACQUÉ-MECHMACHE qui a eu un retentissement fort et mettait en avant les logiques de co-construction en utilisant ce terme.

Une professionnelle ville explique d’ailleurs qu’il y avait déjà eu un changement dans l’approche de la concertation pour le NPNRU par les élus de l’ancienne municipalité sur les

189 DICOPART. « Co-construction » [en ligne]. AKRICH, Madelaine. In CASILLO avec BARBIER,

BLONDIAUX, CHATEAURAYNAUD, FOURNIAU, LEFEBVRE, NEVEU et SALLES (sous la dir.).

Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation. Paris : GIS Démocratie et Participation, 2013.

Disponible sur <http://www.dicopart.fr/es/dico/co-construction>. [Consulté le 05 juillet 2015].

190 Ibid.

191DICOPART. « Concertation (démarche de) » [en ligne]. BEURET, Jean-Eudes. In CASILLO avec

BARBIER, BLONDIAUX, CHATEAURAYNAUD, FOURNIAU, LEFEBVRE, NEVEU et SALLES (sous la dir.). Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation. Paris : GIS Démocratie et Participation, 2013. Disponible sur <http://www.dicopart.fr/es/dico/co-construction>. [Consulté le 05 juillet 2015].

six premiers mois de concertation avant les élections, en lien avec ce rapport : « il y a aussi eu

le rapport BACQUÉ-MECHMACHE et nos élus ont senti qu’un changement de pratique allait être attendu du côté de l’ANRU 2. Ils ont compris qu’ils ne pourraient pas juste faire des réunions publiques de temps en temps (même si des efforts avaient été faits déjà auparavant) mais qu’ils allaient devoir faire le projet autrement et envisager les choses autrement ».

Par ailleurs, en reprenant les caractéristiques des dispositifs participatifs envisagés, nous constatons que les niveaux d’implication des habitants envisagés dans les deux types de processus participatifs ne correspondent techniquement pas exactement au même stade, même s’il sont proches, si l’on se réfère à l’ « échelle d’ARNSTEIN »192 (référence classique en

matière d’analyse et d’évaluation de la participation, qui permet de situer une démarche en fonction de différents niveaux d’implication).

Nous pouvons en effet considérer que la participation dans le cadre du PNRU correspond au niveau de la « coopération symbolique », inférieur au niveau de la participation réelle, entre les stades de « consultation », sans « assurance que les attentes et suggestions des personnes

consultées seront prises en compte », et de « réassurance » « consistant à autoriser ou même inviter des citoyens à donner des conseils et à faire des propositions mais en laissant ceux qui ont le pouvoir seuls juges de la faisabilité ou de la légitimité des conseils en question ».

Dans le cadre du NPNRU, on se situe entre le stade de la « coopération symbolique –

réassurance », et le stade de « participation » à proprement parler au premier niveau , qui « consiste en la formation d’un partenariat, ce qui revient à une redistribution du pouvoir par une formule de négociation entre les citoyens et ceux qui le détiennent. Ces partenariats se concrétisent dans la formation de comités associant ces parties, qui deviennent responsables des décisions et de la planification des opérations », si l’on considère le souhait de mise en

place des futures tables de quartier, et leur participation à la gouvernance du projet.193

192 ARNSTEIN, Sherry. A Ladder of Citizen Participation. Journal of the American Institute of Planners, 1969,

n° 35, p.216-224.

193 Analyse réalisée à partir du croisement des caractéristiques des dispositifs de notre terrain d’enquête avec la

présentation de l’Echelle d’ARSTEIN In DONZELOT, Jacques. EPSTEIN Renaud. Démocratie et participation : l'exemple de la rénovation urbaine. Esprit, 2006, n° 326, p. 5-34.

Notons cependant que l’utilisation de cette échelle est controversée du fait du manque de définition politique de son contenu. « En France, les acteurs de la participation se reposent parfois sur une échelle issue de la

sociologie des organisations anglo-saxonne des années soixante et qui distingue quatre échelons de la participation selon le degré d’implication des habitants : l’information, la consultation, la concertation et la co- décision. Mais cette échelle n’est pas des plus stables conceptuellement. Les catégories en sont floues et ne possèdent aucune valeur juridique ou normative. Cette échelle n’a pas fait non plus l’objet d’un travail de

Mais au-delà de la question technique, c’est surtout une évolution de la posture des élus, caractérisée par « plus d’ouverture à la participation »194, une volonté de « laisser une place

aux citoyens dans les projets et les décisions »195 qui est mise en avant.

« Nous avons un contexte politique vraiment ouvert sur le NPNRU, ce qui n'était pas

forcément le cas de la majorité précédente, qui avait des idées pas sur tout, mais assez précises sur le point d'arrivée. Où nous les professionnels, on se retrouvait avec des injonctions paradoxales de concerter avec des points d'arrivée fléchées. Ici, les choses sont très ouvertes, et je sens une équipe municipale d'accord pour de vrai, volontaire pour de vrai sur la co-construction, d'avancer « avec » sans avoir d'idées trop précises. On a une fenêtre politique exceptionnelle, ce n'est pas un jugement sur l'équipe, c'est qu'on a une conjoncture qui fait que, en tant que professionnel, je suis confortable pour faire de la concertation », dit

un technicien Ville/CCAS.

Cela a une influence sur les pratiques des professionnels et leurs missions.

Un agent de développement local CCAS explique ainsi : « Avant, on était beaucoup dans un

rôle d’amener les habitants à participer à des réunions descendantes définies par les politiques pour présenter leur projet et avoir des retours. (…) Auparavant, on nous disait : « il va y avoir une rencontre du projet, agents de développement local, ramenez du public ». Là, dans notre feuille de route, on nous attend plutôt sur le projet de territoire. On nous demande (…) d’être en veille, et de saisir les demandes des habitants et les besoins repérés sur le territoire pour construire ensemble (...). C’est intéressant, comme commande politique, parce que là on se situe dans le développement du pouvoir d’agir. Avant, on était plutôt « rabatteurs de public » pour ramener des gens à des réunions, c’était le travers ».

conceptualisation politique véritable, qui permettrait de dégager clairement les critères d’une bonne concertation ou d’une véritable co-décision, par exemple. »

BLONDIAUX, Loïc. L’idée de démocratie participative : enjeux, impensés et questions récurrentes. Conférence prononcée à l’Université du Québec à Montréal le jeudi le 11 novembre 2004.

194 Propos tenus par un habitant des APU lors d’un entretien.

2. L’évolution de la politisation des débats entre l’ANRU 1 et