• Aucun résultat trouvé

PARTIE 3 : Du PNRU au NPNRU, l’évolution du dispositif de participation des habitants

III. Des jeux d’acteurs complexes influant sur l’évolution de la démarche

2. Des débats autour de la présence et de l’absence des élus dans les dispositifs

Les élus ont fait le choix d’être peu présents dans les débats lors de la semaine de la co-construction afin de « laisser la place aux habitants, pour qu’ils puissent échanger entre

eux, construire le projet ».223

Cela fait écho au programme de campagne de la nouvelle municipalité, qui précisait le souhait de ne pas avoir de constat et de projet pré-établi pour le quartier.

Nous avons pu constater des réactions diverses à cette absence : trois habitants et un professionnel associatif interrogés estiment qu’en l’absence des élus, on ne peut pas parler de co-construction, puisque pour eux cela impliquerait un travail et des débats entre citoyens et élus, en présence.

« Du fait qu’on ait une Mairie qui est portée sur l’ouverture des décisions sur un certain

nombre de sujets, etc., je pense que déjà il devrait y avoir un lien direct entre habitants et élus. Par exemple il y a un truc qui m’a vachement posé problème, c’est la présence des techniciens sur les décisions et sur la rédaction, alors que pour moi c’était un engagement politique dont il y avait besoin en fait. Et du coup je trouve que, dans cette affaire-là, les élus ne sont pas assez présents dans la négociation avec des groupes d’habitants qui s’organisent et qui demandent quelque chose ».224

Un portage politique moins fort de la thématique de la rénovation urbaine est par ailleurs constaté par les techniciens qui l’expriment presque tous dans l’enquête, ainsi que par deux habitants. « On a des élus qui, jusqu’à présent je trouve, n’ont pas d’axe très fort pour le

projet, (…) On avait une ancienne équipe qui était là depuis quasiment 20 ans et qui avait eu, elle, le temps de réfléchir à tout ça ».225

Nous pouvons constater dans les propos tenus par certains habitants, notamment très impliqués dans les APU, une difficulté à définir le rôle supposé des élus. Des reproches forts faits à la municipalité DESTOT d’un verrouillage trop important de la construction des projets et des choix politiques par les élus (« c’était insupportable : ils arrivaient avec les

223 Entretien avec une élue de la nouvelle municipalité. 224 Entretien avec une habitante.

projets déjà décidés, sans dire qu’ils étaient décidés, en estimant qu’ils étaient légitimes juste parce que… parce qu’ils étaient élus »226). La municipalité actuelle subit aussi la critique de

sa posture à l’opposé et de ses conséquences (« mais bon, le problème c’est que d’un côté les

élus sont ouverts, et d’un autre, moi, personnellement, en fait je suis un peu entre les deux. D’un côté j’ai envie qu’ils soient ouverts et d’un autre, en fait, je vois des enjeux justement qui dépassent ceux de la Mairie, sur la rénovation urbaine, qui sont ceux des bailleurs sociaux, etc., et qu’ils ne prennent pas le pouvoir là-dessus. Parce qu’ils sont dans leur logique d’ouvrir aux habitants, mais en fait, après, ils ont des rôles aussi, de s’immiscer dans les décisions des bailleurs sociaux, de tout un tas d’acteurs, de tout un tas de structures, et là moi j’ai l’impression qu’ils ne sont pas là.(…) Donc, oui il faut laisser de la place aux habitants, mais il faut aussi se rendre compte qu’une Mairie elle a des postes à occuper, la présidence de tout un tas de structures, et que, si elle n’est pas présente là, en fait elle peut bien ouvrir la participation des habitants, mais ça n’aura pas de pouvoir ».227), ou encore,

une autre habitante remet en cause le rôle de décideur des élus (« en septembre on devrait

aller un peu plus vers le concret peut-être, d’après ce que j’ai compris. Après que les élus aient eux-mêmes plus ou moins présélectionné ce qu’ils souhaiteraient voir arriver. Donc, c’est ça qui perturbe, vous voyez. C’est qu’à un moment donné, ils interviennent quand même, hein. C’est pas du « totalement indépendant ». Quelque part, il y a quand même la municipalité qui est là, donc voilà. Ils disent que c’est de la démocratie participative, il n’empêche qu’à un moment ils interviennent aussi. Il faut pas rêver. De toute façon, c’est eux qui vont voter le budget, c’est clair. Ou alors ils le disent clairement “Ce budget-là, c’est vous qui en êtes maîtres et nous, nous voterons ce que vous aurez décidé”, ce qui n’a pas été dit comme ça, ce qui n’est pas tout à fait la même chose »228).

Il semble difficile de recomposer une nouvelle manière d’envisager le rôle de l’élu, y compris pour les habitants demandant plus de pouvoir d’agir, notamment concernant la garantie d’un portage politique conforme à l’intérêt général, et défendant des intérêts collectifs.

Un technicien, évoquant à un moment le premier atelier de la semaine de la co-construction, sur le thème de la gouvernance, explique qu’« une diversité très très forte, est sortie de

l’atelier, entre des habitants qui revendiquent (…) que les habitants soient présents partout, co-décident de tout, voire décident de tout, et puis d’autres qui disent “non, non, on a des

226 Entretien avec un habitant des APU. 227 Entretien avec une habitante des APU. 228 Entretien avec une habitante des APU.

élus, on les a élus pour ça on va pas s’emmerder, c’est à eux de prendre leurs responsabilités sinon il fallait pas qu’ils se présentent”. Avec des discours aussi tranchés que ça. Donc on voit bien que, selon les objets, il y a des attentes différentes et je pense, parce qu’on ne parle pas tout à fait de la même chose, parce qu’il y en a qui pensent gouvernance, il y en a qui parlent de co-construction, il y en a qui réfléchissent à certaines échelles, il y en a qui ont une expertise et d’autres moins… ».

Certains habitants reprochent par ailleurs fortement aux élus de ne pas s'imposer face aux services pour garantir la prise en compte de la participation des habitants et assurer le développement du pouvoir d’agir dans la réalité, au-delà de la posture politique et du discours229.

La place des services municipaux et métropolitains dans le processus participatif est ainsi questionnée.

3. Des controverses quant à la place importante prise par les