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populations particulières

8.4 Quelques exemples

8.4.1 L’insuffisant rénal

Modification du devenir du médicament et/ou de ses métabolites :

C’est à cela qu’on pense en premier, chez un sujet dont la dénomination évoque d’emblée une baisse d’un des processus d’élimination des médicaments.

Lorsqu’un insuffisant rénal reçoit un médicament qu’il n’élimine pas (ou dont il n’élimine pas le métabolite pertinent) aussi bien qu’un non insuffisant rénal, la demi-vie du médicament chez lui sera plus longue que d’habitude. Ceci implique que l’équilibre des concentrations (steady-state) se fera plus lentement, et, si on a prescrit la posologie habituelle, il se fera à un niveau de concentra-tions plus élevé.

Il faudra donc ajuster les posologies, soit en diminuant chaque prise, soit en conservant la dose uni-taire, mais alors en écartant les prises.

Le choix dépendra de l’intérêt ou des risques d’avoir ou non des pics. Pour un médicament dont un effet toxique très gênant se produit en raison des pics de concentration plasmatique, on préférera diminuer chaque prise. Si, en revanche, on pense que les pics plasmatiques sont nécessaires pour faire passer vers les tissus des quantités suffisantes de médicaments, on maintiendra les prises uni-taires, mais on allongera l’intervalle entre deux prises.

On trouve souvent dans le RCP des recommandations pour ajuster la posologie selon le degré d’in-suffisance rénale, c’est-à-dire selon la clairance de la créatinine.

Quelle que soit la solution choisie, le devenir ne sera pas identique à celui d’un non insuffisant ré-nal.

Sensibilité différente à certains effets :

Un insuffisant rénal chronique présente habituellement divers symptômes ; par exemple une anémie. On cherchera donc à lui éviter la prise de médicaments qui induisent des ané-mies. La même conduite s’appliquera pour chacun des symptômes présentés.

Interaction avec les médicaments qu’il prend déjà :

Un sujet qui a une insuffisance rénale prend habituellement de nombreux médicaments.

Chaque fois qu’on commencera à une prescription, il faudra vérifier si celle-ci est compa-tible avec les médicaments qu’il prend déjà.

Le même raisonnement s’appliquerait devant tout sujet qui présente une maladie au long cours traitée.

8.4.2 La femme enceinte

Il est toujours possible qu’une jeune femme « en activité génitale » soit enceinte, le jour où on lui fait une prescription, le lendemain ou depuis quelques temps. Ce n’est pas toujours possible de le savoir. Il faut donc penser avertir la femme, si on lui prescrit un médicament connu comme à risque pour un enfant in utero, voire même dans certains cas, lui proposer une contraception.

Plusieurs types de risques différents selon le stade de la grossesse :

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112/349 Pharmacologie - Service de pharmacologie clinique (Ph. Lechat) 2006 - 2007

— une exposition avant J12 peut interrompre la grossesse si toutes les cellules sont atteintes ; si-non, toutes les cellules peuvent remplacer celle qui serait atteinte, donc pas de risque malfor-matif à ce stade débutant de la grossesse.

— La période entre J12 et J56 est la période où un risque malformatif éventuel pourrait se pro-duire, à un moment qui dépend des médicaments ; de même, selon le stade de développement de l’embryon, c’est un organe ou un autre qui est « à risque ».

— Ensuite, jusqu’au moment où un nouveau-né serait viable, peu de médicaments présentent un risque pour le fœtus ; à ce stade, un médicament qui présente une toxicité peut l’entraîner sur le fœtus comme chez un adulte, mais si elle est de type réversible, elle sera le plus souvent guérie avant l’accouchement.

— pendant tout ce temps, un médicament donné à la mère arrive à l’embryon ou au fœtus (pas de « barrière » placentaire, sauf, en principe, pour les très grosses molécules comme l’hépa-rine, ou l’insuline) ; il est évacué par l’intermédiaire de la mère.

— à partir du 7ème mois, lorsqu’un accouchement prématuré est susceptible de produire un bébé viable, il faut penser, lorsqu’on administre un médicament, que l’enfant, s’il naissait, ne doit pas être trop gêné de l’imprégnation par ce médicament. Et un bébé, surtout prématuré, ne mé-tabolise encore que lentement les médicaments ; il aura donc du mal à s’en débarrasser, seul, et restera longtemps exposé.

Peuvent être particulièrement gênants certains types de médicaments, par exemple :

— Les dépresseurs de sa respiration,

— Les sédatifs,

— Les hémolysants (la bilirubine risque de se déposer dans les noyaux gris centraux),

— etc...

Certains médicaments, comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens / l’aspirine, ont des ef-fets pharmacologiques gênants in utero, le dernier trimestre ; ils entraînent notamment, une fermeture prématurée du canal artériel, fermeture utile à la naissance pour l’oxygénation du sang par les poumons, mais gênante avant, et à l’origine d’hypertension artérielle pulmonai-re...

Les essais cliniques chez les femmes enceintes sont rares. On dispose donc, en tout et pour tout, de données d’observations concernant des femmes suivies après :

— qu’elles aient pris un médicament alors qu’elles ne se savaient pas enceintes ;

— qu’on leur ait prescrit un médicament devant une situation où c’était indispensable, tout en sachant qu’elles étaient enceintes.

Ces données sont, le plus souvent parcellaires (quelques dizaines ou centaines de femmes au plus) et il faut donc y penser en prescrivant : peu, utile, et plutôt, à efficacité équivalente, des médica-ments sur lesquels on a « du recul », c’est à dire des médicamédica-ments largement prescrits par ailleurs, sans qu’un signal inquiétant ait émergé en ce qui les concerne.

Très peu de médicaments sont clairement tératogènes dans l’espèce humaine (isotrétinone = Ro-Accutane, thalidomide++, certains antimitotiques) ; ces médicaments sont également tératogènes sur une des 2 espèces animales sur laquelle on les a testés. Il existe un doute pour quelques autres ; pour la majorité des médicaments existants, aucun signal inquiétant n’a été repéré mais les données humaines restent maigres.

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8.4.3 L’enfant

1. Sensibilité particulière, du fait qu’il est en croissance, et que les médicaments peuvent la mo-difier.

2. L’absorption (chez le tout-petit), la distribution et les transformations et éliminations se font différemment.

3. Les risques les plus habituels sont liés à des erreurs posologiques, conduisant au surdosage.

Les posologies sont exprimées en mg/kg/j souvent, et varient selon l’âge

4. Pour permettre au pharmacien de vérifier que la prescription n’est pas un surdosage évident, il convient de toujours noter sur l’ordonnance l’âge et le poids de l’enfant.

Les ordonnances doivent être écrites de façon lisible, pour éviter les erreurs de délivrance ou de prise

8.4.4 Les personnes âgées

Il y en a, habituellement, quelques centaines dans les premiers essais, de « plus de 65 ans », ce qui signifie souvent un petit peu au-dessus de 65 ans, en fait.

Rien, en général, sur les sujets vraiment âgés.

Chez eux, pourtant, de nombreuses modifications rendent la prescription délicate. Elle concerne

• et le devenir du médicament dans l’organisme,

• et la capacité de réguler (et donc d’éviter des à coups à l’introduction de certains médica-ments),

• et diverses fonctions (vue, mouvements précis nécessaires pour inhaler, pour faire tomber des gouttes...), déjà altérées.

• et le nombre de maladies ou de symptômes déjà traitées par des médicaments.

L’ajout de nouveaux médicaments rend habituellement nécessaire de réfléchir à l’intérêt de chacun de ceux qui sont déjà pris, de façon à ne pas arriver à des listes de 15 médicaments, petit à petit.

Pour ne pas laisser se constituer de telles listes, il est impératif que tout au long de la vie, le pres-cripteur précise clairement pendant combien de temps chaque traitement doit être pris, et qu’il ne dise presque jamais : ce médicament, vous devrez le prendre toute votre vie. Si le malade a bien compris ce que le médicament apporte, et les limites de ce qu’il apporte, il acceptera plus facile-ment qu’on propose l’arrêt s’il s’avère nécessaire à un mofacile-ment donné.

Au plan des modalités de prescription, ce qui est au premier plan est la diminution de la fonction rénale (physiologique) avec l’âge. Elle n’est pas apparente sur l’indicateur habituel, la créatininé-mie, car cette dernière est fonction de la masse musculaire, qui elle-même diminue en général avec l’âge. Il faut donc, avec des formules ad hoc, estimer la clairance de la créatinine, à partir de la créa-tininémie, en tenant compte du poids, de l’âge, et du sexe.

Ex : formule de Cockroft, une des plus utilisées pour faire ce type d’estimation :

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Pour les médicaments dont l’élimination rénale est prépondérante, ou dont l’élimination rénale d’un métabolite actif (ou toxique) est prépondérante, les posologies seront, en général, à diminuer ; on trouvera, en général, des indications dans le résumé des caractéristiques du produit sur la façon de le faire pour les médicaments à marges thérapeutiques étroites, en prenant l’estimation de la clairance de la créatininémie comme reflet de la fonction rénale.

Compte tenu des difficultés de contre-régulation que les personnes âgées présentent, c’est chez el-les qu’on voit le plus souvent des effets dits de première dose ; pour cette raison, si cela ne pose pas de problème en terme d’efficacité, on commencera à dose particulièrement basse, et on aug-mentera progressivement.

Chez le sujet âgé plus encore que chez quelqu’un d’autre, l’adaptation de la dose en fonction des signes de début d’effets indésirables devra être particulièrement soigneuse ; il est donc particuliè-rement important que la personne âgée ait compris que le médecin attend d’elle qu’elle dise ce qui ne va pas très bien, et qu’elle sache que le médecin ne sera ni fâché, ni déçu, ni en colère...

Enfin, le sujet âgé bien entendu a besoin d’une bonne coordination entre ces différents médecins, qui savent très bien qu’on ne devrait pas prescrire plus de trois médicaments à une même personne, mais qui bien souvent ne savent pas ce que prend cette personne âgée qui est dans leur cabinet et oublient que chacun des autres médecins ne prescrit, lui aussi, « que » 3 médicaments. La coordi-nation doit se faire par un bon médecin généraliste, et si possible un pharmacien unique chez lequel le malade achète tous ses médicaments.

Cette attitude pourrait permettre aux pharmaciens de détecter les cumuls inutiles, ou les interac-tions médicamenteuses.

Clairance (en ml/mn) =

Femme créatininémie (en μM / 1) (140-âge) poids

Clairance (en ml/mn) =

Homme créatininémie (en μM / 1) (140-âge) poids × 1,25

Pharmacologie cardio-vasculaire

Chapitre 9

Pharmacologie