Partie III - Résultats
3.2 Inactivation du gène ACYPI007803
3.2.2 Quantification du niveau d’expression du gène ACYPI007803 après inactivation par
ACYPI007803 après inactivation par RNAi
Le niveau d’extinction de l’expression du gène ACYPI007803 a été évalué
chez des pucerons injectés avec des ARN interférents. Ainsi, un, trois et
cinq jours après l’injection des larves L3, 4 pucerons appartenant à chaque
groupe expérimental (injectés avec de l’eau ou avec des ARN db dirigés
contre egfp ou le gène d’intérêt) sont disséqués afin d’isoler 4
compartiments corporels : la chaîne embryonnaire, les bactériocytes, le
tube digestif et la carcasse avec la tête. Les niveaux d’expression du gène
ACYPI007803 et d’un gène de normalisation (ACYPI000074) sont dosés
par RT-PCR en temps réel dans chacun de ces compartiments corporels.
Les analyses des données ont été réalisées à l’aide du logiciel REST (cf
Matériels et Méthodes §3.6.4 p 117). Le niveau d’expression du gène cible
est normalisé par l'expression du gène de normalisation. De plus, pour
correctement quantifier le niveau d’extinction du gène d’intérêt suite au
traitement, nous avons choisi de calculer l’expression différentielle du gène
ACYPI007803 dans la modalité d’intérêt (injection d’ARN db contre le
gène cible) comparativement à l’une des conditions de contrôle (injection
d’ARN db contre egfp). La Figure 70 présente les résultats obtenus pour les
quatre compartiments corporels chez les quatre individus analysés par jour
de prélèvement.
Figure 70. Niveau d’inhibition de l’expression du gène ACYPI007803 suite à
l’injection d’ARN db : dosage par RT-PCR en temps réel dans différents
compartiments corporels.
Le différentiel d’expression moyen du gène ACYPI007803 est représenté pour les
pucerons injectés avec des ARN db dirigés contre le gène cible par rapport à ceux
injectés avec des ARN bd dirigés contre egfp. Ces rapports sont indiqués pour 4
tissus : A) la chaîne embryonnaire, B) les bactériocytes, C) le tube digestif et D) la
carcasse et la tête appartenant à 4 individus (représentés par les lettres A à L) par
temps de cinétique (J1, J3, J5). Les seuils de significativité du différentiel
d’expression (lignes rouges) sont fixés à +1 dans le cas d’une sur -expression
(correspondant à une augmentation de 2 fois par rapport à la valeur de référence) et
à -0,5 dans le cas d’une sous-expression (correspondant à une diminution de 2 fois
par rapport à la valeur de référence).
D’un point de vue général, les différentiels d’expression obtenus
varient en fonction des quatre tissus étudiés (Figure 70). Pour les tissus
embryonnaires, nous obtenons, pour le temps J1, une nette diminution du
niveau d’expression du gène ACYPI007803 chez les quatre individus. En
revanche, pour les autres points de la cinétique, aucun changement
d’expression probant n’est observé (Figure 70A). En ce qui concerne les
bactériocytes, des réductions significatives du niveau d’expression sont
observées, un et trois jours après l’injection d’ARN interférents, pour les ¾
des individus. On notera toutefois la réaction différente du puceron « A »,
qui est le seul individu à présenter une sur-expression significative du gène
ACYPI007803 dans ces tissus (Figure 70B). Aucun résultat concluant n’a
été obtenu pour le tube digestif, en effet pour les trois points de la cinétique
très peu de variations d’expression sont observées pour ce tissu (Figure
70C). De même, de faibles différentiels sont observés pour les tissus
comprenant la tête et la carcasse des pucerons pour les jours 3 et 5, et de
fortes variations du niveau d’expression sont observées entre les individus
du jour 1, avec 2 sur-expressions significatives et 2 sous-expressions
significatives (Figure 70D).
Ces résultats mettent ainsi en évidence que l’injection d’ARN db
dirigés contre le gène ACYPI007803, chez le puceron du pois, a un impact
sur le niveau de transcrits de ce gène. Cette diminution du niveau
d’expression apparaît tissus dépendantes et de plus forte intensité le
lendemain de l’injection.
3.3 Discussion
Les études métaboliques et transcriptomiques réalisées au cours de ma
thèse m’ont permis de mettre en évidence l’importance de la tyrosine dans
le développement embryonnaire et larvaire précoce du puceron du pois. Le
rôle du gène ACYPI007803 dans la synthèse de cet acide aminé, en
particulier pour son accumulation durant les stades tardifs du
développement embryonnaire, a été démontré par l’analyse de son profil
d’expression. Nous avons ainsi décidé de perturber l’expression de ce gène
par la technique d’ARN interférence afin de confirmer son rôle fonctionnel.
Pour cela nous avons administré au puceron du pois des ARN db dirigés
contre ce gène par injection dans l’hémolymphe ou par voie alimentaire.
L’effet du traitement a été évalué par les suivis de la mortalité et de la
fécondité, et mis en relation avec l’éventuelle inhibition du gène produite
par l’interférence génique.
Concernant la mortalité des individus, nous avons constaté, pour
les deux méthodes d’administration, une plus forte mortalité chez les
individus traités avec des ARN db dirigés contre ACYPI007803 par rapport
aux contrôles (eau/milieu Ap3 ou ARN db dirigés contre le gène egfp).
Toutefois, lors des expériences d’administration par voie alimentaire, nous
avons également observé une plus forte mortalité des pucerons traités par
ARN db dirigés contre egfp par rapport au contrôle négatif (Ap3). On peut
donc supposer un éventuel effet toxique des ARN db sur les pucerons
traités per os. Ce type d’effet a déjà été observé dans des expériences
d’administration d’ARN db par voie alimentaire précédemment réalisées
dans notre unité (Sapountzis et al., communication personnelle). Pour les
deux modalités d’administration (injection ou alimentaire) la mortalité
apparaît principalement durant les trois premiers jours, comme cela a été
également constaté dans les études publiées sur les approches RNAi chez le
puceron du pois (Jaubert-Possamai, et al., 2007 ; Mutti, et al., 2006 ; Mutti,
et al., 2008 ; Shakesby, et al., 2009 ; Whyard, et al., 2009).
Le suivi de la fécondité journalière des femelles élevées sur milieu
artificiel Ap3 montre une réduction du nombre de larves pondues par
rapport aux femelles élevées sur plante. Cette observation est en accord
avec les observations réalisées par Sasaki et collaborateurs (1991) qui
observent, sur milieu Ap3, une réduction d’environ deux fois et demi du
nombre de larves pondues par rapport à celui pour les pucerons élevés sur
V. faba. On constate également un décalage du début de la ponte entre les
deux méthodes d’élevage. Cette observation n’est pas surprenante compte
tenu du développement ralenti des pucerons élevés sur milieu artificiel
(Febvay, et al., 1988 ; Sasaki, et al., 1991). Ainsi l’arrivée plus tardive au
stade adulte entraîne un décalage du début de la ponte.
Concernant la comparaison entre les différents traitements, on
remarque, pour les deux méthodes d’administration, une fécondité réduite
chez les femelles traitées avec des ARN db par rapport aux femelles des
groupes contrôles (eau ou Ap3). L’administration d’ARN db semble ainsi
perturber la fécondité des pucerons. Bien que, pour les femelles injectées
avec des ARN db, nous n’observions aucune différence significative entre
le nombre de larves pondues entre les conditions egfp et ACYPI007803, on
remarque en revanche, pour l’administration des ARN db par voie orale,
une diminution de la fécondité des femelles de la condition ACYPI007803
par rapport à egfp. Cela indique un effet spécifique de l’ingestion d’ARN
interférents dirigés contre le gène d’intérêt sur la fécondité. De plus,
l’administration d’ARN db dirigés contre ACYPI007803 paraît également
avoir une influence sur la viabilité des larves pondues quel que soit la
méthode d’administration. Notre étude est ainsi la première à montrer un
effet du traitement RNAi sur la fécondité des pucerons traités.
Notre attention s’est ensuite portée sur le niveau d’inhibition du
gène ACYPI007803. En comparant le niveau d’expression de ce gène chez
les individus injectés avec des ARN db dirigés contre le gène
ACYPI007803 par rapport aux individus injectés avec les ARN db dirigés
contre egfp, nous avons mis en évidence des différences du niveau
d’inhibition dans les quatre compartiments corporels étudiés. Ainsi, la
chaîne embryonnaire et les bactériocytes sont les compartiments montrant
des réductions d’expression les plus élevées. Nous avons également
observé d’importantes variations d’expression entre certains individus
(notamment au premier jour pour les bactériocytes et la carcasse). Ces
différences peuvent sans doute s’expliquer par la variabilité
inter-individuelle en réponse au traitement RNAi, telle qu’elle a déjà été montrée
par d’autres études sur le puceron du pois (Sapoutzis et al., communication
personnelle ; Jaubert-Possamai et al., 2007). La cinétique réalisée montre
également que la plus forte inhibition de l’expression du gène
ACYPI007803 est observée le premier jour après l’injection et persiste
jusqu’au 3
ème jour (pour les bactériocytes). Il apparaît donc que l’inhibition
de l’expression du gène ACYPI007803 se réalise rapidement et est de
courte durée. Cela n’est pas toujours le cas dans les expériences de RNAi
chez A. pisum où l’inactivation génique peut débuter très tôt à la suite de
l’injection et persister durant 5 jours (gènes cathepsine-L et calréticuline,
Jaubert-Possamai et al., 2007) ou ne débuter qu’au 3
ème jour et durer
jusqu’au 5
ème jour (gène C002 ; Mutti et al., 2006). Analysés dans leur
ensemble, mes résultats ainsi que ceux des études précédentes indiquent
que la durée de l’inhibition génique chez le puceron du pois dépend du
gène ciblé.
En conclusion, nous avons montré dans cette étude que le gène
ACYPI007803 pouvait être inactivé fonctionnellement dans les
compartiments symbiotiques (chaîne embryonnaire et bactériocytes), bien
que pendant une courte durée, par l’injection d’ARN db chez le puceron du
pois. La diminution de l’expression de ce gène peut être corrélée à une
augmentation de la mortalité des larves pondues par les femelles traitées,
confirmant ainsi le rôle du gène ACYPI007803 dans le développement de
cet insecte.
Partie IV – Conclusions et