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Facteurs de malnutrition au cours de l’insuffisance rénale chronique

II. Facteurs de malnutrition en hémodialyse

5- La qualité du traitement d’eau

La qualité de l’eau pour hémodialyse doit répondre à des normes. Elle doit faire l’objet de nombreux contrôles pour garantir au patient une eau de bonne qualité bactériologique et physico-chimique. Le sang du patient est mis directement en contact avec le dialysat. Seule la membrane du dialyseur les séparent. Toute contamination de l’eau, même minime, risque d’altérer la qualité du dialysat et la santé du patient. La désinfection périodique et soigneuse de l’ensemble du système de traitement d’eau contribue à minorer le risque d’entretenir un état inflammatoire chronique, source de malnutrition.[76]

L'eau servant à la préparation du dialysat provient du réseau et n'est pas stérile, elle nécessite donc un traitement. Malgré celui-ci des bactéries dites Gram négatif ont la possibilité de se multiplier assez rapidement dans l'eau pure sans aucun nutriment. Elles résistent également aux désinfectants.

Les endotoxines, peuvent exercer des effets biologiques sur les patients même en l'absence de bactéries. Elles sont thermostables. Ce sont des molécules pyrogènes dont les conséquences croissantes en fonction de leur concentration sont : des réactions fébriles, un état de choc, une coagulation sanguine, un état de faiblesse, une diarrhée, une inflammation jusqu’à une hémorragie intestinale, un trouble de la coagulation. Il existe également une hypothèse selon laquelle de petites quantités d'endotoxines, insuffisantes pour produire des réactions fébriles pourraient contribuer au développement de l’amylose, complication bien connue de la dialyse chronique.[77]

Tableau 3 : Normes Européennes pour la qualité bactériologique de l’eau pour dialyse[25]

III. Le rôle de l’inflammation

L’inflammation est définie comme une réponse à l’agression endogène ou exogène de l’organisme. La réponse de la phase aigue est un phénomène physiopathologique majeur qui accompagne l’inflammation. Elle est associée à une augmentation de l’activité des cytokines pro-inflammatoires. L’inflammation est généralement un phénomène de défense bénéfique, mais elle

Pharmacopée européenne Niveaux max

Eau pure Eau ultra-pure Stérile

<100 <0,1 < 0,000001 Bactéries (cfu/ml)

peut être nuisible et peut intéresser un ou plusieurs organes voire l’organisme tout entier. Lorsque l’inflammation est prolongée et persistante, elle devient chronique. Ainsi elle peut conduire à des conséquences défavorables tels que, l’altération de l’état nutritionnel, l’augmentation de la perte protéique des muscles squeletiques et d’autres tissus, l’hypercatabolisme, des lésions endothéliales, et l’athérosclérose.[4, 78]

Le processus inflammatoire est fréquent chez les patients insuffisants rénaux chroniques.[79] Environ 30 à 60% des patients nord américains et européens sous dialyse ont une augmentation du taux des marqueurs inflammatoires ; Cependant les patients dialysés en Asie ont une faible prévalence d’inflammation.[4] Cela peut être dû à des facteurs génétiques, ou environnementaux, y compris diététiques. L’inflammation chronique peut relever de plusieurs mécanismes secondaires à l’insuffisance rénale elle-même ou à son traitement. Les phénomènes inflammatoires induits par le traitement peuvent être liés à l’interaction entre le sang et la membrane d’hémodialyse ou à la qualité de l’eau utilisée.[80] L’utilisation d’un dialysat ultrapur permet de diminuer la concentration moyenne de la CRP chez des patients hémodialysés, avec des conséquences positives sur l’état nutritionnel. Les phénomènes infectieux sont fréquents chez les patients hémodialysés [81], de même que les complications des abords cardiovasculaires, les problèmes articulaires, qui tous peuvent induire un état micro-inflammatoire.

Le patient hémodialysé chronique a une susceptibilité particulière à l’infection, nosocomiale ou communautaire. Toute séance d’hémodialyse comporte le risque de transmission d’un micro-organisme pathogène à chaque niveau du processus d’épuration : eau de dialyse, solutions concentrées, générateur, lignes et accès vasculaires.[82]

Les abords vasculaires, en particulier les cathéters, sont une source potentielle d’infection.[83] En dehors des problèmes infectieux, les abords vasculaires peuvent être à l’origine de phénomènes inflammatoires. Les abords vasculaires thrombosés sont relativement fréquents et représentent une source d’inflammation chronique chez lez patients hémodialysés.[84] Les infections entraînent une forte mortalité cardiovasculaire chez les patients hémodialysés.[85]

De nombreux travaux ont montré une corrélation nette entre l’existence d’un syndrome inflammatoire et l’altération de l’état nutritionnel chez le patients insuffisants rénaux chroniques, qu’ils soient au stade prédialytique ou traités par dialyse.[10, 80, 86] Chez les patients présentant des signes chroniques d’inflammation, il est fréquent de constater une diminution des concentrations sanguines des protéines nutritionnelles, en particulier l’albumine et la préalbumine.[86] Même s’il est établi que la malnutrition protéino-énergétique peut entraîner une hypoalbuminémie, l’inflammation est de plus en plus connue comme une cause importante de celle-ci chez les patients dialysés.[87] Cet effet de l’inflammation sur la composition des protéines plasmatiques est la conséquence de la réponse de la phase aigue. Certaines protéines voient leur taux de synthèse augmenter tandis que d’autres le voient diminuer et leur concentration plasmatique baisser. Les protéines positives de la phase aigue comprennent la protéine C-réactive (CRP), la céruleoplasmine. Les protéines négatives de la phase aigue comprennent l’albumine, la préalbumine, la transferrine, et l’apo lipoprotéine A1 (ApoA1). Alors que la malnutrition, comme l’inflammation, entraîne une diminution des protéines de ce dernier groupe, elle n’entraîne pas l’augmentation du taux des protéines positives de la phase aigue.[87] Ce qui permet de différencier ces deux conditions l’une de

l’autre. La CRP est significativement élevée chez les patients dialysés et reflète une inflammation chronique.[80, 88] Sa synthèse est régulée par différentes cytokines en particulier l’IL-6.[78] Qureshi et al ont montré que les patients hémodialysés chroniques souffrant de malnutrition sévère présentent des signes d’inflammation chronique (CRP≥20mg/l).[3] Des études ont montré une corrélation négative nette entre la CRP et les marqueurs de l’état nutritionnel.[80] Dans une étude récente il a été démontré une augmentation progressive de la masse grasse au cours de la première année de dialyse, puis survient une diminution progressive de celle-ci dans les années qui suivent.[78] Cette diminution de la masse grasse est négativement corrélée à la concentration sérique de la CRP. Ces résultats suggèrent une relation entre inflammation chronique et malnutrition, menant à une perte de la masse grasse. La malnutrition est considérée comme une conséquence du processus inflammatoire chronique.[78] Stenvinkel propose l’existence de deux types de malnutrition chez les insuffisants rénaux chroniques.[9] L’une est caractérisée par l’absence de signes inflammatoires, une albuminémie normale, une baisse du catabolisme protidique. La seconde, elle, est marquée par la présence de marqueurs de l’inflammation, une augmentation du stress oxydatif et surtout l’hypoalbuminémie profonde, la présence de co-morbidité et la non réponse au traitement par dialyse et la renutrition.

IV. Relation malnutrition-inflammation-complications cardiovasculaires

Chez les dialysés, l’inflammation peut contribuer à une mortalité excessive non seulement par altération de l’état nutritionnel mais également par le développement d’une athérosclérose accélérée.[80] Il existe une forte inter

relation entre malnutrition inflammation et complications cardiovasculaires,[9] d’où l’appellation MIA-syndrome qui signifie une association entre malnutrition (M), inflammation (I) et athérosclérose (A). Cette inter dépendance s’explique principalement par le fait que l’athérosclérose doit être considérée comme une maladie inflammatoire. La lésion initiale d’athérosclérose est purement inflammatoire consistant en l’accumulation de monocytes-macrophages et de lymphocytes T. L’athérogenèse est liée à une dysfonction endothéliale ou chaque lésion, de la strie lipidique aux lésions avancées, représente différentes étapes d’un processus inflammatoire dans l’artère.[89] Le rôle clé de l’inflammation dans le développement de l’athérosclérose est illustré par la mise en évidence d’une relation directe entre l’augmentation du risque cardiovasculaire et l’augmentation du taux de marqueurs de l’inflammation.[90] Dans la population générale, la CRP constitue un marqueur établi de risque cardiovasculaire. Chez l’insuffisant rénal chronique, de nombreuses études ont montré l’augmentation du risque de mortalité globale et cardiovasculaire avec l’augmentation des taux de CRP.[86, 90] La première cause de mortalité chez les patients dialysés reste l’atteinte cardiovasculaire. Ce fait parait surprenant si l’on considère qu’il existe une relation inverse entre les marqueurs de l’inflammation et le taux de cholestérol total sérique.[87] L’hypocholestérolémie prédit la mort presque aussi étroitement que l’hypoalbuminémie. Une étude rapportée par l’EDTA (European Dialysis and Transplant Association) a montré une relation entre cholestérolémie et mortalité chez les patients hémodialysés.[55] Cette étude a révélé un risque de mortalité 4 fois plus important chez les patients dont le taux de cholestérol est < 2,6 mmol/l. Ce paradoxe peut s’expliquer par la relation qui existe entre l’inflammation et les protéines dont la concentration plasmatique est augmentée au cours de celle-ci. La lipoprotéine (a) (LP (a)) est

un important facteur de risque d’athérosclérose.[91] Habituellement sa concentration plasmatique est génétiquement déterminée, mais elle peut augmenter dans certaines conditions pathologiques acquises, telles que le diabète ou l’insuffisance rénale chronique.[87] Cette augmentation serait due à une baisse de l’activité lipolytique de la lipoprotéine lipase.[92] Chez les hémodialysés, l’anomalie la plus significative, concernant le métabolisme du cholestérol, est la diminution du cholestérol HDL.

Les patients hémodialysés présentant une atteinte cardiovasculaire sont plus fréquemment malnutris que ceux n’ayant pas de maladie cardiovasculaire. Selon Srinivasan et al, la malnutrition est un facteur de risque cardiovasculaire évident[8], cependant son association avec l’inflammation est mal élucidée. Selon Qureshi, malnutrition, inflammation et maladies cardiovasculaires sont des facteurs de risque de mortalité significativement indépendant, dont la fréquente coïncidence accroît le risque de mortalité chez les patients hémodialysés.[10] Stenvinkel pense que ces trois entités sont étroitement liées et constituent un important facteur de risque de mortalité chez les patients hémodialysés.[9]

V. Le stress oxydatif

Le stress oxydant est un état qui résulte d’un déséquilibre entre la production d’éléments oxydants et le mécanisme de défense anti-oxydante au sein d’un individu. Ce déséquilibre provient soit d’une production exagérée d’agents oxydants, soit d’une altération des mécanismes de défense. De nombreuses études ont montré l’existence du stress oxydant chez les urémiques.[7, 93, 94] Il est observé dès le stade débutant de l’IRC.

Les patients atteints d’ IRC subissent des modifications délétères de la structure des protéines et des lipides [87] dues à la perte des défenses antioxydantes ou à l’augmentation du stress oxydant. Trois principales familles d’oxydants sont actuellement connues et à l’origine de nombreux effets biologiques.[95] Il s’agit des formes réactives de l’oxygène, des oxydants chlorés et des formes réactives de l’azote. L’organisme se protège en permanence contre la formation et l’agression de ces oxydants grâce à divers mécanismes de défense tant enzymatiques que non enzymatiques.[96] Parmi les antioxydants non enzymatiques, on retrouve le glutathion réduit, l’acide urique, la vitamine E, la vitamine C, le glucose, la bilirubine. Les vitamines C et E agissent en synergie. Elles représentent le mécanisme de défense le plus puissant contre les formes réactives de l’oxygène et la peroxydation lipidique. La réduction des antioxydants se manifeste par un déficit en vitamine E et C.[97] Les enzymes antioxydants les plus connus sont la super oxyde dismutase, la glutathion peroxydase et la catalase. La famille des glutathions peroxydases constitue la plus importante défense intra et extracellulaire contre l’oxydation. L’insuffisance rénale réduit l’activité antioxydante du plasma.[87] L’accumulation de toxines urémiques plasmatiques ayant une activité pro oxydante a été mise en évidence chez les urémiques. Le reflet du stress oxydant est l’augmentation de la concentration plasmatique des produits de la peroxydation lipidique ainsi que des produits de l’oxydation avancée des protéines (AOPP).[94] Les marqueurs de la peroxydation des lipides mis en évidence sont : le malonyldialdéhyde (MDA), des substances réagissant avec l’acide thiobarbiturique et des LDL oxydées. Les valeurs plasmatiques du MDA retrouvés chez les patients hémodialysés sont en moyenne deux fois plus élevées que les valeurs de référence déterminées chez le sujet sain.[93] Les membranes

cellulaires sont également une cible pour l’atteinte oxydative. Des marqueurs d’altération des bases de l’ADN ont été mis en évidence dans les leucocytes des patients hémodialysés. Cela signifie que l’ensemble des constituants cellulaires (lipides, protéines et acides nucléiques) sont des cibles du stress oxydant chez les hémodialysés. Le stress oxydant observé chez les patients hémodialysés relève, d’une part des troubles métaboliques associés à l’urémie, et d’autre part du traitement par hémodialyse en lui-même. L’hémodialyse ne réduit pas le stress oxydant, mais l’accentue au contraire.[87] Chaque séance de dialyse majore la production d’oxydants chez des patients ayant un déficit en antioxydants. La membrane de dialyse contribue fortement à la production d’oxydants lors des séances de dialyse.[97] Les membranes cellulosiques, en particulier le cuprophane, induisent une production d’agents oxydants. Ce phénomène est considérablement réduit avec les membranes synthétiques.[95]

Le stress oxydatif est un facteur qui contribue à l’augmentation de la prévalence des maladies cardiovasculaires chez les patients insuffisants rénaux chroniques ayant une malnutrition ou une inflammation.[98] La cause de cette augmentation du stress oxydatif chez les patients malnutris est mal connue. Vu l’importante relation entre la malnutrition et l’inflammation, il est possible que la réponse inflammatoire chronique soit la première cause de l’accroissement du stress oxydatif chez ces patients.

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