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I La qualité : du concept à son instrumentation

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 63-66)

I.1 Le concept de qualité à l’hôpital objet de nombreuses publications

La notion de concept de qualité à l’hôpital fait l’objet de nombreuses publications (SCHWEYER, 2006). Or, pendant longtemps, ce domaine était ignoré des chercheurs. En effet, de 1946 à 1969, l'hôpital est invisible dans les publications. Elles apparaissent lorsque l'hôpital devient un enjeu gestionnaire. Les thématiques le plus souvent traitées sont : les réformes hospitalières, la maîtrise des coûts, les actions de modernisation structurelles. Les branches d'activités ne mentionnent pas le secteur de la santé.

Dans les années 60, il existe peu de publications dans des revues concernant les qualifications professionnelles et leurs évolutions. Les années 70 marquent la place de la modernisation de l'hôpital public. L'approche est alors statistique, en lien avec la tarification hospitalière. Les notions de régulation du système de santé, de coûts hospitaliers sont abordées. La vision est plus en lien avec des aspects techniques qu'organisationnels, (KIMBERLY & MINVIELLE, 1991 ; DJELLAL, C., & GALLOUG, 2004).

Dans les années 90 des auteurs comme J. Kimberly et E. Minvielle (1991) soutiennent que la contradiction soulevée entre qualité des soins et maîtrise des dépenses est erronée et que la mise en avant de cette théorie montre plutôt un retard du management hospitalier (STEBON, 1996). Enfin, dans les années 2000 la qualité à l'hôpital devient un « paradigme de l'action collective » (STEBON, 1996).

I.2 Un flou sémantique autour du terme qualité

I.2.1 Une interprétation hétérogène

La qualité est un concept flou. Son interprétation hétérogène apporte une caractéristique particulière à l’intégration de cette notion dans le domaine de la santé. On l’assimile souvent à d’autres termes : certification, évaluation, accréditation, contrôle… Elle est mobilisée dans le langage courant comme qualificatif ou comme l’appréciation de la fiabilité d’un produit, selon le niveau de qualification de chacun. Les individus désignent le terme différemment selon qu’ils soient consommateurs ou producteurs par exemple. Il regroupe ainsi dans sa signification plusieurs approches : celle du produit en termes de durabilité, de fiabilité et d’efficience ; celle d’utilisateur en termes de satisfaction avec la notion de qualité subjective perçue. Bien souvent pourtant, la qualité est associée à une recherche de l’excellence par l’idée d’amélioration continue, voire à une incantation managériale.

Au cours de notre recherche nous avons pu constater, lors d’entretiens avec une vingtaine de cadres supérieurs de santé, que la définition du terme qualité est très variable (voir tableau ci-dessous). Elle est parfois perçue comme un support technique de la performance ou de l’efficience, ou comme un outil managérial permettant une harmonisation des pratiques. Elle est encore considérée comme un savoir être, une façon standardisée d’amélioration des activités de soins. La notion de qualité est aussi corrélée à la satisfaction de l’usager et à la notion d’amélioration de sa prise en charge. Certains cadres interrogés l’associent également à une réglementation, à des normes, à des recommandations, voire à une standardisation des pratiques. Pour d’autres, la notion de qualité est intégrée au quotidien, elle est considérée comme un engagement d’amélioration continue des pratiques.

TABLEAU 17 :DEFINITION DU TERME QUALITE PAR 23CADRES SUPERIEURS DU CHRUX70

La notion de qualité dans les organisations hospitalières est présente depuis les années 80.

Les termes « d’évaluation », « d’accréditation », « de satisfaction », « d’amélioration continue de la qualité » verront le jour au gré des textes réglementaires et des évolutions organisationnelles apportées par les réformes. La compréhension de la qualité par les professionnels de la santé reste floue. Le terme de « qualité », dans le monde de la santé et des services aux personnes, est perçu différemment selon l’acteur en charge de l’appliquer. Il n’est plus uniquement lié à une notion de satisfaction du besoin par l’usager, mais plutôt à la conformité des pratiques professionnelles.

La perception de la qualité dans le domaine de la santé est ainsi bien souvent corrélée à la catégorie professionnelle interrogée (BOURDEUX, 2003, p. 7), elle s’exprime à travers des logiques professionnelles. Elle peut être envisagée d’un point de vue éthique pour les soignants (dans le sens d’une d’amélioration de la prestation des soins) et d’un point de vue plus gestionnaire pour l’administration (accréditation, indicateurs, performance…).

« Même si aujourd'hui on ajoute des notions de finances, de rendement ce qui est normal, la société est ainsi faite, mais je crois que la base (de la qualité)

s'est essayer de faire bien »

« La qualité quel que soit le domaine, c'est s'appuyer sur des recommandations, respecter une réglementation, des bonnes pratiques et c'est donc concevoir comment on va faire, mettre en œuvre ce qu'on a écrit et évalué ce qu'on fait. »

Qualité

« Pour moi c'est un service rendu qui correspond aux attentes de la personne avec des normes sécuritaires

dans une cohérence globale. »

I.2.2 Une notion intégrée au contexte

Néanmoins, de façon plus large, la qualité chez les professionnels de santé apparaît comme un incontournable. En effet, la mise en œuvre des démarches d’amélioration continue de la qualité est désormais inscrite dans les axes stratégiques des établissements de santé et dans le cadre du développement d’une politique qualité. Des études sur l’impact des procédures de certification des établissements de santé ont, par ailleurs, démontré que la prise en compte de la qualité opérait des changements managériaux, organisationnels et culturels positifs pour l’établissement et pour les dynamiques professionnelles (HERREROS & MILLY, 2001, pp. 19-82 ; Haute Autorité de Santé, 2010)71. Ainsi, la polysémie du terme qualité loin d’être un obstacle au développement d’une culture qualité peut au contraire être une source de mobilisation des différentes catégories professionnelles vers des actions d’améliorations innovantes et spécifiques à leurs professions. La réponse est celle de la diversité des situations de travail, des savoir-faire, des catégories professionnelles dont les actions engagées sont fédératrices d’objectifs d’améliorations des pratiques et révélatrices d’engagement donnant un sens à la notion même de qualité.

I.3 Le concept de qualité : de l’industrie à l’hôpital

La qualité est un concept importé du monde industriel. L’évolution de la qualité dans l’industrie n’a pas été immédiate, il a fallu plus de 60 ans pour qu’elle devienne un outil de gestion intégré aux organisations. A contrario, son intégration dans les organisations de santé date d’une trentaine d’années. Pour autant, les conditions de son implémentation et ses répercussions ne sont pas analogues.

I.3.1 Une notion corrélée au produit

Dans ses fondements, la notion de qualité était traditionnellement associée à l’artisanat, à la création d’un produit spécifique pour un client unique. Dès le 19ème siècle, avec l’industrialisation, puis l’intégration début du 20ème siècle d’une organisation de travail de type taylorienne, la production se divise en fonctions : la conception, la fabrication et le contrôle. La production de masse entraîne alors une déresponsabilisation de l’individu face au produit final. La priorité est axée sur les entrées et les sorties du processus de production.

I.3.2 Du produit à l’organisation

Or, il s'est vite avéré essentiel d'intervenir à toutes les étapes de la production afin de prévenir ou d'agir sur les non-conformités à tout niveau. Le courant de la qualité s'est alors étoffé de dispositifs (tels que la « maîtrise statistique des procédés »72) permettant aux opérateurs de détecter et de corriger immédiatement les failles du processus. Dès lors, la qualité ne s’intéresse plus uniquement au produit, mais aussi à l'organisation dans son ensemble.

La qualité est considérée comme un instrument de gestion de la performance des entreprises. L'introduction de la qualité totale ou TQM73 après la seconde guerre mondiale en est l’illustration. Les notions de contrôle et de « non-qualité » apparaissent. Des auteurs

71 HAS. Analyse de la littérature sur l’impact des démarches de certification des établissements de santé. Novembre 2010.

pp.60.

72 “Statiscal Process Control “.

73 “Total Quality Management “.

tels Déming74 et Juran75 sont porteurs de la démarche qualité dans les industries et notamment dans les industries d’armement.

La France, quant à elle, crée l’Association Française pour le Contrôle Industriel de la Qualité (AFCIQ) en 1957. L’intégration plus générale de la démarche qualité se fera dans les années 70. La notion d’amélioration de la qualité par le renforcement du contrôle sera développée dans les années 80. Depuis les années 90, et le développement de la robotisation, la notion de « qualité totale » est remplacée par celle du « meilleur rapport qualité/prix » avec une externalisation du contrôle. La normalisation s’est imposée afin de pallier aux non-conformités et de satisfaire les besoins des clients. La qualité doit ainsi apporter la preuve que l'entreprise maîtrise ses processus. Pour cela, elle doit être transparente par l'affichage de ses modes opératoires, par l'autocontrôle qu'elle exerce et par la maîtrise collective de ses activités. Ce dernier point nécessite une certaine maturité de l’organisation et l’inscription de la qualité comme une composante essentielle de la politique d’établissement.

Par la suite, le mouvement de la qualité prend son essor, la qualité se gère, se coordonne à l’échelle de l’organisation. Des concepts de gestion de la qualité apparaissent76. L’organisation devient une ressource pour accompagner et motiver les acteurs à réaliser leurs tâches. Le mouvement de la qualité devient un mouvement de transformation culturelle des entreprises et une source de compétitivité.

La qualité est ainsi passée d’un concept à un instrument de gestion de la performance des organisations industrielles.

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