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• Perspective de Bowlby

Bowlby pense les représentations d’attachement comme plutôt stables que susceptibles de changement (36). Bowlby définit 3 classes de processus contribuant à la stabilité (36):

 La contrainte mutuelle des transactions personne-environnement : les MIO ont alors peu de risque d’être remis en question dans le développement ;

 La diminution de la sensibilité des modèles aux influences environnementales dans le temps (perspective épigénétique) ;

 Les représentations stables des expériences d’attachement (prototypes) servent de fondation, voire de filtre, pour les expériences ultérieures.

Selon lui, plus les émotions sont intenses, plus les modèles les plus anciens et les plus automatiques tendent à dominer. Il évoque cependant une possibilité de révision des

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représentations d’attachement en fonction des expériences vécues par le sujet (26). Par exemple, les périodes de changement qui impactent le caregiving dont il bénéficie peuvent amener un changement de trajectoire chez le sujet (accommodation).

• Perspective actuelle

Actuellement, il existe deux théories principales qui tentent d’expliquer simultanément stabilité et changement.

La première est la théorie prototypique, qui développe la pensée de Bowlby sur les trajectoires de développement et se fonde sur les travaux de Fraley (56). Le pattern d’attachement d’un sujet, à une période du développement fixée, serait déterminé par deux types de MIO : les modèles précoces prototypiques et les modèles actuels de travail. Les modèles prototypiques se construisent dans la petite enfance et persistent tout au long de la vie alors que les modèles actuels de travail s’actualisent tout au long du développement grâce aux expériences relatives à l’attachement et peuvent différer des expériences antérieures et du savoir existant.

La deuxième est la théorie révisionniste développée par Fraley et Brumbaugh (56). Elle soutient le changement permanent en fonction de l’adaptation à un nouveau contexte. Elle est étayée par la méta-analyse de Pinquart (57) .

Les deux approches convergent vers une complexité de la trajectoire développementale de l’attachement de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte. L’attachement chez l’adulte s’enracine dans les expériences précoces de l’enfance avec les parents (modèles prototypiques précoces) mais est aussi affecté par les expériences d’attachement rencontrées tout au long de la vie.

En effet, dans la perspective actuelle, l’influence de l’environnement de caregiving est cruciale. D’abord, le caregiving parental, impactés par de possibles événements de

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vie interpersonnels (deuil, divorce, naissance d’un puîné), peut se manifester de manière plus ou moins adaptée au cours du temps et ne pas répondre aux défis du développement, notamment le soutien de l’exploration et de la socialisation (58,59). L’environnement de caregiving doit également être étendu aux autres relations familiales, dont la fratrie, et extrafamiliales, comme les pairs ou les figures « beaux- parentales » parfois temporaires (58). L’influence d’autres relations nouées au cours de la vie, comme les relations thérapeutiques et celles aux figures alternatives de soutien, est aussi capitale (60,61) .

Les changements intrapsychiques du sujet liés au développement sont également à prendre en compte. L’adolescence et le début de l’âge adulte présentent de nouveaux défis et opportunités qui ont le potentiel de confirmer les MIO existants mais aussi de les recalibrer (60). Les changements cruciaux, biologiques, cognitifs, émotionnels et sociaux de l’enfance et de l’adolescence permettent de revisiter les modèles antérieurs et de développer des représentations de plus en plus généralisées et abstraites (1). Les études longitudinales de l’attachement apportent un regard sur ces théories. Néanmoins, l’étude de la stabilité de l’attachement pose la question critique des mesures d’attachement au cours de la vie. Or, les méthodes et la nature d’évaluation de l’attachement varient : il n’y a, à ce jour, pas d’équivalence entre l’observation de comportements dyadiques dans la petite enfance spécifiques à la relation (Situation Etrange) et l’étude des représentations mentales de l’attachement chez l’enfant plus grand, l’adolescent et l’adulte (60). Par ailleurs, le problème de stabilité test-retest des mesures d’attachement chez l’adolescent et chez l’adulte est complexe : la diversité des modèles de travail relatifs à l’attachement, plus ou moins accessibles selon le contexte, fournit des variations dans les patterns d’attachement captés chez un même sujet. Il a été, en outre, constaté que la stabilité test-retest diminue avec le temps (61).

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Cependant, plusieurs études récentes sont intéressantes.

L’étude longitudinale de Fraley et al. (60) trouve une association faible entre la qualité de la relation parent-enfant et le style d’attachement à l’âge adulte (r = 0,10), ce qui plaide pour d’autres influences tout au long du développement.

La méta-analyse de Pinquart en 2013 (57) inclue les études longitudinales majeures sur l’attachement. Elle confirme certains résultats de la précédente méta-analyse de Fraley (62) et en apporte de nouveaux:

- Stabilité de l’attachement modérée d’autant plus qu’on part de la petite enfance et que les intervalles de temps entre évaluations s’allongent ;

- Stabilité plus importante pour le pattern sécure que pour les patterns insécures ; - Stabilité de l’attachement varie en fonction de l’âge à la première évaluation (plus

élevée si la première évaluation est après la petite enfance) et de la cohérence des mesures (plus élevée si mesures uniquement représentationnelles).

D’après l’auteur, les résultats de la méta-analyse plaideraient plus en faveur de la théorie prototypiste que de la théorie révisionniste.

L’étude de Van Ryzin et al. (59), basée sur la cohorte du Minnesota Study, se concentrent sur les patterns de stabilité ou de changement. Elle étudie 5 trajectoires : deux continues et trois discontinues avec trois points de mesure (petite enfance, adolescence et âge adulte). Ils concluent à la diversité des trajectoires de l’attachement au cours du temps et à leurs associations avec le contexte social. Quatre groupes d’enfants ayant un niveau similaire de sécurité dans la petite enfance divergent de manière notable à l’adolescence et à l’âge adulte. Cette divergence n’est compréhensible qu’à l’examen du contexte des relations interpersonnelles et non du pouvoir unique du caregiving précoce qui modèlerait le développement des relations

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proches. Ils évoquent aussi l’influence de la longueur des trajectoires de développement, qui peut impacter les trajectoires ultérieures. Ainsi, le groupe stable sécure, après une transition marquée par le stress à l’âge adulte, a tendance à revenir ensuite à sa trajectoire de développement bien ajustée. Deux trajectoires coexistent donc : stabilité des MIO si les circonstances ne changent pas ; possible changement des MIO si de nouvelles conditions environnementales sont rencontrées.