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Lien entre orientations de l’attachement à l’animal de compagnie et aux humains

Comme expliqué dans Partie 1 sur les modèles internes opérants (MIO), la théorie de l’attachement conceptualise les MIO comme hiérarchisés : à la base, les souvenirs épisodiques spécifiques d’une relation ; puis, les représentations internes dans certains domaines de relation (amicale, amoureuse, parentale, ...), jusqu’à une représentation générale des relations d’attachement (49,248,249). A partir de cette conceptualisation, il a été étudié les différences individuelles en termes de dimensions anxieuse et évitante de l’attachement sur le plan global, dans un même domaine de relation (par exemple, amoureuse) et dans une relation spécifique (par exemple, partenaire actuel). Ces études (250–252) suggèrent que les mesures de l’orientation de l’attachement, dans une relation spécifique et sur le plan général, sont corrélées mais non identiques. En effet, un sujet pourrait présenter des orientations d’attachement non congruentes, selon la relation (différents partenaires amoureux), dans un même domaine de relation (relation amoureuse) (253). De plus, la rencontre avec une personne peut activer une orientation d’attachement complémentaire à celle de cette personne, même si cette orientation est non congruente avec l’orientation d’attachement général du sujet (254).

Une autre étude apporte un éclairage sur l’organisation des orientations d’attachement (255). Chaque participant remplissait des auto-questionnaires mesurant les orientations de l’attachement dans trois relations, et cela, pour chaque domaine de relation proposé (familiale, amicale, amoureuse).

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Il était ensuite évalué si ces mesures étaient organisées selon : - un unique plan général de représentations ;

- trois types de représentations indépendants pour les relations familiales, amicales et amoureuses ;

- une hiérarchie de représentations spécifiques d’une relation, spécifiques du domaine et générales.

Le modèle hiérarchique était celui qui correspondait le mieux aux données, suggérant que les orientations d’attachement d’une relation spécifique sont intégrées dans, ou organisées par, les représentations dans un domaine de relation, qui sont elles- mêmes, intégrées dans, ou organisées par, l’orientation générale d’attachement. A partir de ce raisonnement, il est sensé de penser que les orientations d’attachement dans le domaine des relations à l’animal de compagnie sont liées aux orientations de l’attachement dans d’autres domaines et sur le plan général, mais néanmoins distinctes.

• Etude de Beck et Madresh (2008)

Dans cette étude (256), les auteurs ont adapté deux questionnaires éprouvés de l’attachement aux humains pour mesurer l’orientation d’attachement aux animaux de compagnie : le Relationship Questionnaire (RQ) et l’Experiences in Close Relationships-Revised questionnaire (ECR-R) (257,258). Les 192 participants adultes, propriétaires de chat et/ou de chien, ont rempli les questionnaires originaux pour l’attachement à leur partenaire amoureux et les questionnaires adaptés pour l’attachement à leur animal. La structuration dimensionnelle des mesures était similaire pour les partenaires amoureux et les animaux de compagnie. Cependant, les mesures de l’attachement à l’animal de compagnie n’étaient pas ou très peu corrélées aux

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mesures de l’attachement aux partenaires amoureux. Par ailleurs, pour chaque mesure, la relation à l’animal de compagnie se montrait significativement plus sécure que la relation au partenaire amoureux.

• Etude de Kurdek (2008)

Dans cette étude (197), il n’a pas été mesuré l’orientation de l’attachement à l’animal de compagnie mais la force du lien de l’attachement. Les auteurs ont émis l’hypothèse de trois scénarios possibles pour les résultats :

- Les sujets insécures (dimensions anxieuse ou évitante) dans la relation aux humains pourraient avoir un score élevé d’attachement à leur animal de compagnie, dans une perspective de substitution/compensation des humains par l’animal ;

- Les sujets sécures dans la relation aux humains seraient aussi sécures dans la relation à leur animal de compagnie car ils projetteraient leurs représentations positives des relations aux humains sur la relation à leur animal ;

- Les liens émotionnels dans la relation interpersonnelle et dans la relation à l’animal de compagnie correspondent à des processus différents et il n’y a pas d’association entre orientation de l’attachement aux humains et force du lien à l’animal.

Dans cette étude, les orientations d’attachement dans la relation interpersonnelle des sujets n’étaient pas associées à la force du lien à leur animal, suggérant que la relation à l’animal de compagnie n’est pas un substitutif à la relation aux humains. Il est à noter que la population de cette étude n’était pas une population clinique et était constituée d’étudiants ayant un chien. Par ailleurs, l’utilisation de la force de l’attachement à l’animal est critiquable et moins informative car elle ne renseigne pas l’orientation de l’attachement à l’animal.

107 • Etudes de Zilcha-Mano et al (2011)

Dans un article publié en 2011 (259), les auteurs se concentrent sur les types d’attachement de leurs sujets dans la relation humain-animal de compagnie. Ils présupposent, d’une part, que l’attachement dans la relation humain-animal de compagnie des sujets aurait la même structure que celui dans la relation humain- humain ; et d’autre part, que les types d’attachement de la relation humain-humain et humain-animal de compagnie sont associés mais néanmoins distincts par certains aspects.

La première partie de leur travail a été la construction d’un questionnaire mesurant l’orientation d’attachement à l’animal de compagnie selon deux dimensions, anxieuse et évitante, sur le modèle de questionnaires d’attachement aux humains. Ce questionnaire est le PAQ (Pet Attachement scale Questionnaire), qui a été utilisé dans notre travail.

L’orientation de l’attachement général aux humains était mesurée grâce à l’ECR (Experiences in Close Relationships Scale) (260).

La deuxième partie de leur travail consistait à déterminer si les orientations d’attachement à l’animal de compagnie et aux humains étaient liées. Ils pensaient que les scores du PAQ seraient modérément associés à l’orientation de l’attachement général aux humains et que cette association correspondrait à l’une des hypothèses suivantes :

- Hypothèse de correspondance : les dimensions d’attachement, anxieuse et évitante, du PAQ sont corrélées positivement à celles de l’ECR

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- Hypothèse de compensation : la relation à l’animal apporterait une sécurité affective, qui serait non satisfaite dans la relation aux humains. Les dimensions d’attachement du PAQ seraient alors inversement corrélées à celles de l’ECR. Dans cette étude, chez 212 sujets adolescents et adultes, propriétaires de chat ou de chien, le score de dimension anxieuse du PAQ était significativement et positivement associé aux scores de dimension anxieuse et évitante de l’ECR (ρ=0.35 et ρ= 0.60, p<0.001). En revanche, le score de dimensions évitante du PAQ était positivement corrélé à la dimension anxieuse du l’ECR (ρ=0.19, p<0.01) mais pas à la dimension évitante de l’ECR (ρ=0.08, p>0.05). Ces résultats correspondent mieux à l’hypothèse de correspondance puisque l’insécurité de l’attachement à l’animal est positivement associée à l’insécurité de l’attachement aux humains. Cependant, le caractère modéré de ces corrélations et le fait que les dimensions évitantes de l’ECR et du PAQ n’étaient pas associées suggèrent que l’insécurité de l’attachement dans les deux relations n’est pas identique.

Dans la première étude d’un autre article écrit par les mêmes auteurs, chez 165 propriétaires adultes de chat ou de chien (205), le score de dimension anxieuse du PAQ était significativement et positivement associé au score de dimension anxieuse de l’ECR (ρ=0.36, p<0.01) mais pas à celui de dimension évitante (ρ=0.03, p>0.05) alors que le score de dimensions évitante du PAQ était positivement corrélé à la dimension anxieuse du l’ECR (ρ=0.19, p<0.01) mais pas à la dimension évitante de l’ECR (ρ=0.13, p>0.05).

Dans la seconde étude de cet article, chez 120 adultes propriétaires de chat ou de chien, le score de dimension anxieuse du PAQ était significativement et positivement associé au score de dimension anxieuse de l’ECR (ρ=0.51, p<0.01) mais pas à celui de dimension évitante (ρ=0.04, p>0.05). En revanche, le score de dimension évitante

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du PAQ n’était, ici, pas corrélé à la dimension anxieuse du l’ECR (ρ=-0.04, p>0.05) mais était corrélé à la dimension évitante de l’ECR (ρ=0.38, p<0.01).

Au total, la corrélation significative et positive entre dimensions anxieuses du PAQ et de l’ECR semble robuste alors que les résultats concernant les autres associations ne sont pas stables selon les études.

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