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Un lien fondamental existerait entre l’humain et les autres animaux : dès le plus jeune âge, l’enfant est attiré par les animaux, qu’ils soient familiers ou non, et la plupart des enfants entre spontanément en contact avec les animaux qu’ils croisent. Cela étaye l’hypothèse de biophilie de Wilson (160), selon laquelle les humains ressentent un besoin fondamental d’affiliation à la nature et aux animaux et donc, intrinsèquement, présenteraient un intérêt et une attirance pour les animaux de compagnie. Le degré d’attirance serait modulé selon l’animal impliqué, son espèce, son apparence, sa taille. Selon une étude de Baker et al. (161), l’attirance pour les animaux est fonction du degré d’appartenance phylogénique des espèces, c’est-à-dire que les mammifères sont préférés aux oiseaux, eux-mêmes préférés aux reptiles et aux poissons. De plus, chez les mammifères et animaux de compagnie, les chats, les chiens et les lapins seraient les espèces les plus attirantes. Ces animaux ont tous la particularité de présenter un doux pelage et des caractéristiques néoténiques. La néoténie est la conservation de caractéristiques physiques et/ou comportementales juvéniles, même à l’âge adulte (tête ronde, ratio yeux/tête plus élevé, petite taille, …)(162–164). Elle rend ces animaux particulièrement attachant auprès des humains et les présente comme des êtres ayant besoin de soins et d’amour, réaction similaire à celle devant un petit humain (165). De ce fait, la néoténie a tendance à inhiber les comportements agressifs et favoriser les comportements affiliatifs.

En dehors de l’attirance liée au physique des animaux, plusieurs compétences partagées entre l’humain et certains animaux servent de base à une interaction de qualité. Montagner décrit, ainsi, cinq compétences-socle : l’attention visuelle soutenue, l’organisation structurée du geste, l’élan à l’interaction, les comportements affiliatifs et

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l’imitation (148). Pour Montagner (148), les animaux réceptifs et disponibles pour des interactions proximales, c’est-à-dire combinant ses compétences-socle, sont principalement le dauphin, le chien, le chat, le cheval et le perroquet.

L’attention visuelle soutenue est définie par la capacité à poser son regard de façon soutenue sur une cible qui l’intéresse, non fugitive et sans interruption ni balayage visuel. Elle est la base essentielle de la communication multicanaux : elle installe le sujet dans un ancrage sensoriel et relationnel qui permet de combiner et d’associer les informations visuelles à celles recueillies par les canaux auditifs, somesthésiques, olfactifs. La plupart des humains recherchent le regard de leur animal de compagnie mobilisant pour cela une attention visuelle soutenue et sont fascinés par ce qu’ils lisent ou croient lire dans le regard, attribuant à l’animal des perceptions, émotions ou pensées, animales ou humaines. De façon réciproque, les chiens familiers sont en quête permanente du regard des humains. Ils initient et acceptent ce regard, qui peut être à la fois durable et renouvelé, et offrant à l’humain un cadre permanent de repères bienveillants, apaisants et sécurisants. Cette compétence est très marquée chez les chiens, les dauphins et les chevaux et plus aléatoire chez les chats et les perroquets. Cependant, la latéralisation des yeux chez les chevaux et leur physique imposant limite les interactions proximales les yeux dans les yeux.

Concernant l’organisation structurée et ciblée du geste, elle facilite la compréhension des intentions du partenaire d’interaction et peut permettre des échanges ajustés. La plupart des animaux présentent cette caractéristique.

L’élan à l’interaction correspond aux manifestations entraînant une réduction de la distance avec le partenaire d’interaction, et permettant ainsi une proximité corporelle. La réduction de la distance interpersonnelle avec le partenaire, combinée à l’attention visuelle soutenue jouent un rôle majeur dans le développement des interactions

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affiliatives et dans la mise en place de processus d’attachement sécure. Les animaux de compagnie présentent de manière marquée des élans à l’interaction, fréquents et durables, qui stimulent et réactivent ceux de l’humain, partenaire d’interaction. Par exemple, les chiens sont en permanence à l’écoute des enfants de la famille, prêts à interagir, réceptifs à leurs actions, et ces comportements incitent l’enfant à se rapprocher. Les chiens acceptent et renforcent alors les interactions, et leur comportement s’ajuste à celui l’enfant, ce qui est parfois interprété comme un accordage émotionnel et affectif. Les cinq espèces présentent cette compétence d'élan à l'interaction.

Les comportements affiliatifs sont les comportements permettant de transmettre au partenaire une intention d’interaction sociale sécurisante, ajustée et accordée, et de recevoir les conduites de celui-ci sans insécurité. C’est le fondement des processus de socialisation qui régulent les interactions dans les groupes de pairs. Il s'agit de comportement d'« affection ». Ils sont très marqués chez les dauphins, chiens, chats et chevaux et moins chez les perroquets.

Enfin, l’imitation est la capacité à reproduire et imiter les actes, vocalisations, activités, paroles et conduites de l’autre. Cette compétence est partagée principalement par les chats, chiens, dauphins et perroquets. Il est intéressant de noter que les loups à l’état naturel et les chiens ont des expressions faciales similaires à celles des humains et qu'ils utilisent leurs muscles faciaux pour l’expression des émotions de la même façon (166).

Au final, il semble que le plus important dans la relation à l’animal soit bien la possibilité d’interaction réciproque et ajustée. En effet, les compétences-socle décrites précédemment sont toutes fondamentales pour le rapprochement physique et émotionnel sous-tendant l’ajustement relationnel. D’ailleurs, dans une étude (167)

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évaluant l’influence des propriétés tactiles, sonores ou de mouvements dans les interactions d’enfants à leur animal, il a été mis en exergue que, plus que le mouvement, ce serait le caractère réciproque de l’interaction qui attirerait l’enfant. La synchronie dans les interactions est l’une des bases de l’attachement enfant/parent, et c’est ce même mécanisme qui pourrait être en jeu dans l’attachement entre l’humain et son animal de compagnie (168).