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III. Un point sur l’actualité de la Cour

III. 1. Qu’en est-il de la coopération des Etats Parties au Statut de Rome ?

La coopération des Etats est centrale au fonctionnement de la Cour, et ce, dans toutes les 113

étapes de son activité. Le défi majeur fut alors d’assurer qu’une telle coopération ait lieu entre les Etats Parties au Statut et la Cour. Récemment, deux Etats ont décidé de se retirer du Statut. Il s’agit du Burundi, le 27 octobre 2017 et des Philippines, le 17 mars 2018.

Suite au retrait du Burundi, le Président de l'Assemblée des États Parties a déclaré que « le retrait d'un État partie constituerait un recul dans la lutte contre l'impunité et la marche résolue vers l'universalité du Statut » . De même, suite au retrait des Philippines dernièrement, la 114

Cour a déclaré vouloir « réaffirmer que la participation des États au Statut de Rome et leur soutien continu à la CPI dans l'exécution de son mandat indépendant et impartial sont essentiels aux efforts mondiaux en vue d'assurer la responsabilité et le renforcement de l'état de droit international » . 115

Le retrait d’un Etat du Statut représente un recul majeur dans les activités de la Cour, c’est pour cette raison que les membres de la Cour insistent régulièrement sur la nécessité d’une coopération des Etats Parties . 116 117

Le domaine qui demande une coopération accrue entre les Etats Parties et la Cour se situe dans l’arrestation et la remise des suspects. C’est une étape cruciale du processus d’incrimination. En effet, « sans arrestation, il ne peut y avoir de procès et sans procès, les victimes se verront à nouveau privées de justice et les auteurs potentiels pourraient être

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, chapitre 9. 113

Déclaration du Président de l’Assemblée des États Parties relatif au processus de retrait du Burundi du Statut 114

de Rome, le 18 octobre 2016.

Disponible sur : https://www.icc-cpi.int//Pages/item.aspx?name=pr1244&ln=fr

Déclaration de la CPI sur la notification de retrait des Philippines : la participation des États au système du 115

Statut de Rome est essentielle à la primauté du droit international, le 20 mars 2018. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1371&ln=fr

Communiqué de presse : 1 April 2019. Le Président de la CPI appelle les dirigeants américains à soutenir la 116

Cour et à « rejoindre leurs plus proches alliés et amis à la table du Statut de Rome ». Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1444&ln=fr

Communiqué de presse : 15 April 2019. Le Greffier de la CPI achève une visite officielle au Panama pour 117

encouragés à commettre de nouveaux crimes dans l'espoir de l’impunité » 118. La Cour ne dispose pas du pouvoir d’arrêter les défendants, et dépend ainsi entièrement de la coopération de l’Etat concerné . 119

A titre d’illustration, nous allons nous arrêter quelque peu sur une affaire mettant en exergue un manque de coopération venant d’un Etat. Il s’agit de l’affaire mettant en cause l’ancien Président du Soudan, Monsieur Omar Hassan Ahmad Al Bashir.

ii) Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir

Cette affaire éleva de nombreuses critiques et mit en lumière de nombreuses carences dans la coopération entre la Cour et le Gouvernement Soudanais. Voyons les faits.

Monsieur Omar Hassan Ahmad Al Bashir fut le Président de la République du Soudan pour une période allant du 16 octobre 1993 au 11 avril 2019. Dans la mesure où il était le Président du Soudan et le commandant en chef des Forces armées soudanaises, il a joué un rôle essentiel dans le conflit survenu sur le territoire de Darfour entre mars 2003 et juillet 2008. Deux mandats d’arrêts furent délivrés à son encontre, en 2009 et en 2010, pour cinq chefs de crimes contre l’humanité, deux chefs de crimes de guerre et trois chefs de génocide. Suite à ces mandats d’arrêt, il y eut des rapports conflictuels entre la Cour et l’Union Africaine . 120

Replaçons-nous dans le contexte géopolitique précédant la délivrance de ces mandats d’arrêt à l’encontre de Monsieur Al Bashir. Le 27 avril 2007, la Cour délivra des mandats d’arrêt contre Monsieur Ahmad Harun, ancien Ministre de l’Intérieur, et Monsieur Ali Kushayb, chef de milice. Suite à cela, le Gouvernement soudanais refusa de remettre ces individus à la Cour. Alors que, jadis, ce Gouvernement était plus enclin à la coopération avec la Cour.

Le Gouvernement soudanais avait fait valoir qu’il n’avait aucune obligation légale de coopérer car il n’était pas partie au Statut, et de plus, le système judiciaire soudanais avait

R. BLATTMANN, K. BOWMAN, « Achievements and Problems of the International Criminal Court : A View 118

From Within », Journal of International Criminal Justice, Volume 6, Issue 4, 1 September 2008, pp. 722 à 723. Disponible sur : https://academic.oup.com/jicj/article/6/4/711/899159searchresult=1

R. BLATTMANN, K. BOWMAN, « Achievements and Problems of the International Criminal Court : A View 119

From Within », Journal of International Criminal Justice, Volume 6, Issue 4, 1 September 2008, p. 720. Disponible sur : https://academic.oup.com/jicj/article/6/4/711/899159searchresult=1

J.B. MBOKANI, « La Cour Pénale Internationale : une cour contre les africains ou une cour attentive à la 120

souffrance des victimes africaines ? », in Revue Québécoise de droit international, volume 26-2, 2013, p. 50. Disponible sur : https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_2013_num_26_2_1321

déjà traité les affaires contre ces individus 121. Le Gouvernement soudanais avait en effet instauré le Tribunal pénal spécial pour le Darfour en juin 2005.

Malgré ces événements, le Bureau du Procureur a tout de même décidé de demander un mandat d’arrêt à l’encontre du Président Al-Bashir, qui fut délivré.

L’Union Africaine, dont le Soudan est membre, a toutefois estimé qu’une solution régionale serait plus adaptée pour « les questions de responsabilité et de lutte contre l’impunité, d’une part, et de réconciliation et de guérison d’autre part » . C’est pourquoi, avec la participation 122

du Conseil de sécurité des Nations Unies, l’Union Africaine a crée l’African Union High- Level Panel on Darfur (dénommé « AUPD »).

Dans cette affaire, un manque de concordance des volontés dans le chef de ces deux entités est flagrant. Le Gouvernement soudanais avait exprimé sa volonté de voir un système de justice s’établir localement. Il avait donc refusé frontalement de coopérer avec la Cour. La Cour, de son côté, avait continué d’émettre une série de mandats d’arrêts à l’encontre d’auteurs soudanais. Nous sommes d’accord que l’action de la Cour n’est pas toujours la plus appropriée. Cette dernière doit reconnaître de son côté qu’il est parfois préférable de laisser place à un règlement local. Dès lors, il faudrait également prendre en compte les justices locales. Les Etats doivent à leur tour reconnaitre qu’une action de la Cour est incontournable lorsque les événements sont tels qu’ils deviennent ingérables. Dans le cas présent, une justice locale n’aurait pas porté remède.

Les acteurs régionaux et internationaux doivent pouvoir contribuer ensembles à la répression des crimes commis au Darfour. Effectivement, « le recours à des mesures régionales, conjugué à la menace de non-coopération, pose un défi à la CPI et peut avoir de graves implications pour l’avenir de la justice pénale internationale » . 123

Le 11 décembre 2017, la Chambre préliminaire II décida de se pencher sur la non-coopération de la Jordanie, qui avait manqué à son obligation en n’exécutant pas la demande d’arrestation et de remise de Monsieur Al Bashir. La Chambre préliminaire II considère « que le Royaume hachémite de Jordanie, État partie au Statut de Rome de la CPI depuis 2002, a manqué à ses obligations en vertu du Statut en n'exécutant pas la demande d'arrestation d'Omar Al-Bashir et

L. OETTE, « Crimes in Darfur before the ICC : Five Years on. Peace and Justice, or Neither ? The 121

Repercussions of the al-Bashir Case for International Criminal Justice in Africa and Beyond », Journal of

International Criminal Justice 8, 2010, p. 347.

L. OETTE, « Crimes in Darfur before the ICC : Five Years on. Peace and Justice, or Neither ? The 122

Repercussions of the al-Bashir Case for International Criminal Justice in Africa and Beyond », Journal of

International Criminal Justice 8, 2010, p. 348.

L. OETTE, « Crimes in Darfur before the ICC : Five Years on. Peace and Justice, or Neither ? The 123

sa remise à la Cour alors qu'il était sur le territoire jordanien lors du Sommet de la Ligue des Etats arabes le 29 mars 2017 » . 124

Un appel de cette décision fut intenté par la Jordanie. La Chambre d’appel devrait se prononcer le 6 mai 2019 à cet effet . Cette décision à venir de la Chambre d’appel pourrait 125

orienter les comportements futurs des Etats Parties quant à la volonté de coopération.

À supposer que la Jordanie soit réprimandée pour sa non-coopération lors de la demande de délivrance de Monsieur Al Bashir, la garantie d’un respect futur de cette obligation de coopération se verrait renforcée. Il est primordial que la Cour accentue cette obligation autrement que par des déclarations et autrement qu’en s’appuyant sur les obligations énoncées dans le Statut.

Ce prochain arrêt de la Chambre d’appel pourrait dissuader les Etats Parties de réfuter les prochaines demandes d’arrestation des inculpés. Nous souhaitons que soit illustré, à travers l’arrêt de la Chambre d’appel, une volonté renforcée quant à l’obligation de coopération. Récemment, le 11 avril 2019, Monsieur Al Bashir fut déchu de son poste de Président du Soudan suite à un coup d’Etat, après avoir été plus de trente années au pouvoir. Un Conseil militaire va régir le Soudan, avec à sa tête, le ministre de la défense, Awad Ahmed Ibn Auf. Selon certains militants, « Awad Ahmed Ibn Auf et Bashir sont les deux faces d'une même pièce » 126, ainsi la révolution, ayant débuté en avril, n’aurait pas apporté de changements fondamentaux dans la gestion du pays.

Cependant, nous voyons ces événements comme étant une avancée pour le peuple soudanais, et comme offrant une occasion d’amener l’ancien Président Omar Hassan Ahmad Al Bashir devant la Cour. La condamnation effective de ce dernier par la Cour pourrait se percevoir comme une victoire pour la Cour, et pour le Bureau du Procureur.

Au surplus, Monsieur Al Bashir n’est pas la seule personne, mise en cause par la Cour, qui est actuellement en fuite. Quinze défendants sont encore recherchés, car la Cour a délivré un mandat d’arrêt à leur encontre 127. Il faut impérativement une action conjointe des Etats Parties au Statut et du Conseil de sécurité, le cas échéant, afin d’amener ces individus devant la Cour et d’obtenir à un jugement à leur égard . 128

Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1349&ln=fr 124

Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=ma237&ln=fr 125

Disponible sur : https://www.lemonde.fr/afrique/live/2019/04/11/en-direct-au-soudan-l-armee-s-apprete-a- 126

faire-une-declaration-importante_5448750_3212.html

Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/defendants?k=At%20large&ln=fr 127

W. SCHABAS, Cambridge Companion to International Criminal Law, Cambridge University Press, 2015, pp. 128

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