• Aucun résultat trouvé

Un travail écrit : "Quelle(s) plus-value(s) le rôle de Procureur amène-t-il au mécanisme de la Cour pénale internationale dans le cadre de l'instauration d'une justice internationale ?"

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Un travail écrit : "Quelle(s) plus-value(s) le rôle de Procureur amène-t-il au mécanisme de la Cour pénale internationale dans le cadre de l'instauration d'une justice internationale ?""

Copied!
64
0
0

Texte intégral

(1)

http://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be

Un travail écrit : "Quelle(s) plus-value(s) le rôle de Procureur amène-t-il au mécanisme de la Cour pénale internationale dans le cadre de l'instauration d'une justice internationale ?"

Auteur : Van de Poël, Moïra Promoteur(s) : Flore, Daniel

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit, à finalité spécialisée en mobilité interuniversitaire Année académique : 2018-2019

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/6835

Avertissement à l'attention des usagers :

Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite.

Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que

mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.

(2)

Quelle(s) plus-value(s) le rôle du Procureur amène-t-il

au mécanisme de la Cour pénale internationale dans le

cadre de l’instauration d’une justice internationale ?

Moïra V

AN

DE

P

OËL

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en Mobilité Interuniversitaire

Année académique 2018 - 2019

Recherche menée sous la direction de : Monsieur Daniel FLORE Professeur de Droit Pénal International et Européen


(3)
(4)

RESUME

Tout au long de notre travail, nous plaidons pour la nécessité d’une Cour pénale internationale, par une analyse des activités du Procureur.

La première partie du travail porte sur la Cour pénale internationale. La création d’une Cour pénale internationale se comprend par la volonté de la communauté internationale de combattre les crimes internationaux et mettre fin à l’impunité. Nous aborderons les fondements de la Cour. Nous parlerons ensuite du Bureau du Procureur érigé comme organe permanent de la Cour, ayant pour missions d’enquêter et de poursuivre les principaux responsables dans la commission de crimes internationaux. Pour terminer, nous mentionnerons les trois mécanismes déclencheurs entrainant qu’une situation ou qu’une affaire se retrouve devant le Procureur.

La deuxième partie, qui représente le coeur du travail, sera dédiée au Bureau du Procureur. D’abord, nous nous attarderons sur les missions et stratégies du Procureur via une analyse des

policy papers publiés par son Bureau. Ces derniers auront pour objet : les intérêts de la

justice, la stratégie du Procureur, le code de conduite du Bureau du Procureur, le plan stratégique et la sélection des cas et l’établissement des priorités.

Nous verrons comment ces stratégies s’agencent dans la pratique. Nous insisterons sur la section dédiée au pouvoir discrétionnaire du Procureur. A travers plusieurs affaires, nous expliquerons comment ce pouvoir s’est appliqué au fil du temps. Les affaires des Messieurs Lubanga, Bemba et Al Mahdi seront analysées à titre principal.

Des dispositifs ou organes existent afin de limiter ce pouvoir discrétionnaire. En effet, des contrôles institutionnels et judiciaires ont été mis en place. Ils sont au nombre de cinq : le Statut de Rome, l’Assemblée des Etats Parties, le Conseil de sécurité des Nations unies, les juges de la Cour pénale internationale, et divers acteurs, tels que les Etats, les victimes et les ONG. Pour finir, nous terminerons par un compte rendu des enquêtes ayant eu lieu sur le continent Africain. Nous découperons l’analyse en deux périodes : de 2002 à 2012 et de 2012 à aujourd’hui.

La troisième partie fera le point sur l’actualité. D’abord, nous ferons part de l’état de coopération des Etats Parties au Statut avec la Cour à ce jour. Ensuite, nous énoncerons trois sujets qui font l’actualité de la Cour : l’affaire de Monsieur Gbagbo et de Monsieur Blé Goudé, l’affaire de Monsieur Saif Al-Islam Gaddafi et la situation en Afghanistan.

En guise de conclusion, nous présenterons notre position face à la question, d’actualité, de l’utilité de notre Cour pénale internationale. 


(5)
(6)

TABLE DES MATIERES

Introduction………...8

I. La Cour pénale internationale………8

I. 1. Les fondements de la Cour………..8

I. 2. Le Bureau du Procureur en tant qu’organe de la Cour………..…10

I. 3. Les modes de saisine de la Cour………11

i) Le pouvoir proprio motu………11

ii) Situation déférée par un Etat Partie au Statut ou par le Conseil de sécurité……...11

Par un Etat Partie……….11

Par le Conseil de sécurité……….12

II. Le Bureau du Procureur……….13

II. 1. Missions et stratégies du Procureur……….……13

i) Principales fonctions……….…...…13

ii) Analyse de la stratégie du Procureur à travers les policy papers……….14

Policy paper sur les intérêts de la justice, Septembre 2007……….14

Policy paper sur la stratégie du Procureur, 2009 à 2012………16

Policy paper sur le code de conduite du Bureau du Procureur, Septembre 2013………17

Policy paper sur le plan stratégique, Juin 2012 à 2015………..19

Policy paper sur la sélection des cas et l’établissement des priorités, Septembre 2016………21

II. 2. Développements dans la pratique………23

(7)

Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo………..25

-

Comparaison avec la situation en Irak………25

Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo………27

-

Du Procureur Luis Moreno Ocampo à la Procureure Fatou Bensouda, comparaison à travers les affaires Lubanga et Katanga………..29

Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi………31

-

Comparaison avec la situation relative aux navires battant pavillons comorien, grec et cambodgien………..32

ii) Dispositifs ou organes tendant à limiter ce pouvoir discrétionnaire………34

Le Statut de Rome……….34

L’Assemblée Etats Parties………34

Le Conseil de sécurité des Nations Unies………35

Les juges de la Cour……….36

Divers acteurs : les Etats, les victimes et les ONG………..37

II. 3. Les enquêtes du continent africain : un compte rendu des activités de la Cour………..38

i) De 2002 à 2012 : les dix premières années d’activités de la Cour………...38

ii) De 2012 à aujourd’hui : pouvons-nous encore parler d’une orientation africaine ?………..41

III. Un point sur l’actualité de la Cour………...44

III. 1. Qu’en est-il de la coopération des Etats Parties au Statut de Rome ?………44

i) Retraits du Burundi et des Philippines du Statut de Rome………44

ii) Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir………..45

III. 2. Qu’en est-il de l’état d’avancement de certaines affaires ?………48

(8)

ii) L’affaire Saif Al-Islam Gaddafi……….……49

iii) La situation en Afghanistan………...50

Conclusion………52

(9)

INTRODUCTION

Nous appréhendons un sujet relativement d’actualité. A l’issue du vingtième anniversaire de l’adoption du Statut de Rome, il nous semble pertinent d’établir un bilan du parcours du Bureau du Procureur, organe de la Cour pénale internationale. Depuis sa création, les affaires traitées par ce dernier furent la cible de nombreuses critiques, que nous analyserons subséquemment. Nous verrons en quoi ces critiques sont partiellement fondées.

Nous avons divisé notre exposé en trois parties principales.

La première partie aura trait à la Cour pénale internationale. Nous présenterons en quelques mots les fondements de la Cour, ainsi que ses organes afin d’appréhender la suite.

La deuxième partie sera dédiée au Bureau du Procureur. Nous entamerons alors le coeur du sujet en commençant par un exposé théorique qui présentera les principales missions du Bureau du Procureur ainsi que sa stratégie, étayée dans les policy papers publiés à cet effet. Nous poursuivrons par un exposé pratique. C’est en analysant plusieurs affaires que nous pourrons établir l’étendue du pouvoir discrétionnaire accordée au Procureur.

Dans la dernière partie, nous nous attarderons sur l’actualité, et précisément sur l’affaire Gbagbo et Blé Goudé, l’affaire Saif Al-Islam Gaddafi ainsi que la situation en Afghanistan. En guise de conclusion, nous tâcherons d’effectuer un résumé concis des développements et nous répondrons, évidemment, à la question essentielle à laquelle cet exposé tente de répondre. Gardons déjà à l’esprit que nous argumentons en faveur de la Cour pénale internationale. Nous sommes d’avis que la Cour pénale internationale est nécessaire dans l’établissement d’une justice pénale internationale.

I. La Cour pénale internationale

Sous l’intitulé de cette première partie, nous citerons quelques éléments caractéristiques de la Cour. Cela nous permettra d’avoir une vue d’ensemble avant d’entamer la partie centrale sur le Bureau du Procureur.

I.1. Les fondements de la Cour

À dater de la Grèce antique, les criminels de guerre étaient déjà poursuivis . S’en est suivi un 1

long procédé, devenu international, afin d’instaurer une procédure de poursuite. Nous avons connu une première volonté de réprimer des crimes de caractère international suite à la

A. CASSESE, « Reflections on International Criminal Justice », Journal of International Criminal Justice, 1

(10)

seconde guerre mondiale. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo furent érigés afin de poursuivre les grands criminels allemands ou japonais ayant participé aux atrocités commises durant cette guerre . Il ne s’agissait pas, à l’époque, d’investir les tribunaux d’un Procureur 2

doté d’un pouvoir de poursuite tel que nous le connaissons de nos jours. Les personnes investies de la repression de ces crimes n’étaient personne d’autre que les vainqueurs de la seconde guerre. Ces tribunaux furent accusés, à juste titre, de pratiquer une justice de vainqueur.

Par la suite, des tribunaux spécifiques furent érigés par le Conseil de sécurité des Nations Unies . Il s’agit du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal pénal 3

international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) . Les personnes responsables du génocide 4

rwandais pour le Tribunal du Rwanda, ainsi que les personnes coupables de violations humanitaires en Ex-Yougoslavie furent arrêtées et poursuivies par ces tribunaux. À ce stade, nous ne pouvons toujours pas considérer qu’il s’agit d’une action généralisée, ces derniers tribunaux ayant été établis pour des crimes spécifiques, liés aux territoires de ces deux pays. À partir de 1994, la rédaction du Statut de Rome fait naitre une discussion autour d’une Cour pénale internationale (ci-dessous « la Cour »). La commission investie de cette rédaction fixa une liste de crimes, touchant la communauté internationale, qui seront soumis à la compétence de la Cour . Ce travail aboutit à l’adoption du Statut de Rome en juillet 2002 (ci-dessous « le 5

Statut »). Le Statut de Rome instaure la Cour pénale internationale. La Cour se compose d’une présidence, d’une section des appels, de première instance et préliminaire, d’un Bureau du Procureur, et d’un greffe . L’axe principal de cet exposé concernant le Bureau du 6

Procureur, nous nous limiterons à présenter quelques caractéristiques de la Cour.

La Cour a reçu la compétence pour les crimes listés à l’article 5 du Statut, à condition que les éléments constitutifs de ceux-ci soient réunis. Il faut alors se référer à l’article 6 du Statut pour le crime de génocide, à l’article 7 pour les crimes contre l’humanité, à l’article 8 pour les crimes de guerre. Les éléments constitutifs du crime d’agression devront être fixés

The progression from Nuremberg to the ICC has been described as a long road ending in the triumph of the 2

Rome Conference. Voy. R CRYER R., H. FRIMAN, D. ROBINSON, E. WILMSHURST, An Introduction to

International Criminal law and Procedure, Cambridge University Press, 2014, p. 580.

W. SCHABAS, Cambridge Companion to International Criminal Law, Cambridge University Press, 2015, pp. 3

117 à 118.

W. SCHABAS, Cambridge Companion to International Criminal Law, Cambridge University Press, 2015, pp. 4

180 à 182.

W. SCHABAS, Introduction to the International Criminal Court, Cambridge University Press, 5th Edition, 2017, 5

pp. 46 à 74.

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 34. 6

(11)

ultérieurement par le Statut. La Cour a connaissance des crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut , c’est-à-dire à partir de la date du premier juillet 2002. 7

I.2. Le Bureau du Procureur en tant qu’organe de la Cour

Le Bureau du Procureur, avec le Procureur à sa tête, est un organe permanent de la Cour , 8

indépendant de la Cour et des Etats Parties . 9 10

La fonction d’un Procureur est généralement définie comme étant « la mise en oeuvre de la fonction procédurale de la poursuite pénale dans le sein de la Cour » . Il est reconnu comme 11

étant l’autorité publique compétente pour instruire les poursuites criminelles et amener les personnes coupables devant la Cour . 12 13

D’un point de vue externe, la position du Procureur dépend de celle de la Cour au sein de laquelle il se trouve et de sa place sur la scène internationale . Ainsi, les politiques du 14

Bureau du Procureur doivent former une harmonie avec celles menées par la Cour. Nous présenterons cela plus bas dans l’exposé, lors de l’analyse des policy papers. Le Bureau du Procureur souligne la portée de l’intérêt de la Cour dans plusieurs affaires. Notons également que les capacités du Procureur seront limitées par les capacités factuelles et financières données au Bureau . 15

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 11. 7

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 34. 8

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 42 (1). 9

H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 10

criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland 2015, p. 55.

H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 11

criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland 2015, p. 20.

H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 12

criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland 2015, p.20.

« As a result, the ICC Prosecutor became another authority, next to the judge, expected to assess impartially a 13

suspect’s guilt, and only after such an analysis may he proceed with the prosecution. Assisting the judge in establishing the truth and achieving true “justice” became the “ideological pillars and ultimate goals of international prosecution” ». Voy. H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal

Court : study of convergence of criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland 2015, p.

52.

H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 14

criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland 2015, p. 22.

H., KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 15

(12)

I. 3. Les modes de saisine de la Cour

Il existe trois « mécanismes de déclenchement » . La Cour peut exercer sa compétence à 16

l’égard des crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression si un Etat Partie ou le Conseil de sécurité défère la situation au Procureur. La Cour peut également exercer ses compétences lorsque le Procureur décide d’ouvrir une enquête de sa propre initiative.

i) Le pouvoir proprio motu

Le procureur peut, de sa propre initiative, ouvrir une enquête . Il s’agit d’un pouvoir dit 17 proprio motu.

L’octroi d’un pouvoir proprio motu fut un enjeu principal de négociation lors de la rédaction du Statut et fut finalement concédé par les Etats Parties au Statut. Ce pouvoir proprio motu ouvre un large pouvoir d’appréciation au Procureur puisqu’il décide de la situation qui va être mise sous enquête, à condition que la Chambre Préliminaire l’y ait préalablement autorisé. À titre d’exemple, le Kenya et la Côte d’Ivoire furent l’objet de ces enquêtes . Concernant la 18

situation du Kenya, le but émis par le procureur était qu’il voulait décourager les autres Etats africains d’exercer une pression de violence lors des élections . 19

Malgré les craintes des Etats Parties d’un Procureur trop actif, nous verrons que ce pouvoir fut peu utilisé dans la pratique par le Procureur.

ii) Situation déférée par un Etat Partie au Statut ou par le Conseil de sécurité Par un Etat Partie

Un Etat Partie au Statut peut renvoyer une situation au Procureur . Un tel droit de renvoi 20

n’est « pas réservé uniquement à l’État territorial », mais est « aussi réservé à tout autre État, par le simple fait d’être ‘partie’ au Statut de Rome, même lorsque cet autre État n’avait aucun

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 13. 16

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 15. 17

H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 18

criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland 2015, pp. 65 et 66.

The Situation in the Republic of Kenya, ICC-01/09, Decision Pursuant to Article 15 of the Rome Statute on the 19

Authorization of an Investigation into the Situation in the Republic of Kenya, 31 March 2010; ICC—ICC Prosecutor: Kenya Can Be an Example to the World, press release of 18 September 2009, ICC-OTP-20090918-PR452.

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 14. 20

(13)

lien de rattachement avec le crime » . Ainsi, lorsque des crimes sont commis sur un 21

territoire, la situation peut être déférée au Procureur par l’Etat concerné ou tout autre Etat Partie au Statut, pour autant que ces crimes rentrent dans la compétence matérielle de la Cour. Les auteurs du Statut ont souhaité une participation et une action active venant des Etats Parties. Comme nous le savons tous, le principe de complémentarité prône sur l’action du Procureur . Ce fut érigé en condition de recevabilité dans l’article 17, (1) du Statut. C’est 22

dans cette même optique que l’article 14 du Statut fut rédigé. Si un Etat constate que les crimes commis sur un territoire rentrent dans la compétence matérielle de la Cour, et que l’Etat constate qu’il n’est pas dans la mesure d’offrir une solution appropriée ni de résoudre le conflit par ses propres moyens ou qu’il estime que l’intervention de la Cour serait plus efficace, il lui est offert la possibilité de renvoyer cette situation au Procureur. Un Etat ne devrait pas rester inactif face à un évènement de nature à mettre en danger plusieurs personnes et/ou communautés.

Par le Conseil de sécurité

Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a également la possibilité de déférer une situation au Procureur. Le Conseil de sécurité peut saisir le Procureur d’une situation qui constitue une menace contre la paix et la sécurité. Ceci lui laisse une marge d’appréciation assez grande en ce qui concerne l’évaluation des termes ‘paix et sécurité’ durant certains événements.

Le renvoi de situation opéré par le Conseil de sécurité permettra à la Cour d'exercer sa compétence à l'égard d'une situation, indépendamment des limitations territoriales ou nationales énoncées à l'article 12 du Statut, sans toutefois dépasser les paramètres temporels ou thématiques de la compétence de la Cour énoncés aux articles 5 et 11 du Statut . 23

L'ensemble du cadre juridique du Statut est applicable aux situations renvoyées par le Conseil de sécurité, y compris ses régimes de complémentarité et de coopération . 24

J.B. MBOKANI, « La Cour Pénale Internationale : une cour contre les africains ou une cour attentive à la 21

souffrance des victimes africaines ? », in Revue Québécoise de droit international, volume 26-2, 2013, p. 53. Disponible sur : https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_2013_num_26_2_1321

« States have established international criminal courts and granted them authority to judge crimes of 22

individuals but they have stopped short of backing up this authority with all the enforcement tools required to make it fully operational ». Voy. A. CASSESE, « Reflections on International Criminal Justice », Journal of

International Criminal Justice, Volume 9, Issue 1, 1 March 2011, p. 273.

Disponible sur : https://academic.oup.com/jicj/article/ 9/1/271/911093?searchresult=1

Office of the Prosecutor, Policy paper on case selection and prioritisation, 15 September 2016, p. 10. 23

The Prosecutor v. Saif al-Islam Gaddafi and Abdullah al-Senussi, Decision on the postponement of the 24

(14)

II. Le Bureau du Procureur

En gardant en mémoire les principes sous tendant la Cour présentés ci-dessus, nous pouvons maintenant nous focaliser sur l’élément central de notre exposé : le Bureau du Procureur. Notre volonté est d’appréhender le déroulement interne du Bureau en premier lieu. Cela nous offrira la possibilité de comprendre, par la suite, la manière dont les affaires sont traitées par le Bureau de facto. Le but étant, à la fin de cette seconde partie, d’énoncer les principales défaillances attribuées au Bureau et, de cette façon, les relativiser.

II.1. Missions et stratégies du Procureur

Nous commencerons par une analyse essentiellement centrée sur le Statut. Il nous parait primordial de préciser l’étendue ainsi que les limites du pouvoir du Procureur étayées dans le cadre du Statut. Les documents de politique générale, communément appelé ‘policy papers’, seront analysés par la suite.

i) Principales fonctions

L’action du Bureau du Procureur intervient dans deux étapes de la procédure : l’examen préliminaire et l’enquête . 25

L’essentiel des fonctions du Procureur est traité aux articles 53 et 54 du Statut. Lors de l’ouverture d’une enquête, le Procureur doit examiner s’il y a une base raisonnable, si l’affaire est recevable au regard de l’article 17 du Statut et si cela servirait les intérêts de la justice. D’ores et déjà, nous sommes en mesure de constater qu’il y a une certaine liberté laissée au Procureur dans l’interprétation de ces notions. L’article 54, quant à lui, encadre les devoirs et pouvoirs du Procureur en matière d’enquête.

De l’article 54, I du Statut, nous pouvons en retirer que le Procureur est responsable de trois tâches. La première est de rechercher la vérité objective. Ne doivent être compris dans l’enquête que les éléments de faits et les éléments de preuve pertinents. Il est institué comme étant un organe de justice impartial. La deuxième tâche consiste à protéger les victimes et les témoins impliqués dans les affaires. Une obligation accrue pèse sur les épaules du Procureur car il doit apporter une attention aux intérêts des victimes ainsi qu’une protection importante à leurs situations personnelles. La dernière est l’obligation de respecter les droits des personnes découlant du Statut.

Sur la base des alinéas deux et trois de l’article 54 du Statut, le Procureur dispose d’une série de pouvoirs lors d’une enquête. Le Procureur a le pouvoir de mener des enquêtes sur le

H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International Criminal Court : study of convergence of 25

(15)

territoire d’un Etat . Il a aussi la faculté de rechercher la coopération et de conclure des 26

accords avec les Etats Parties . Il a également le pouvoir de garantir la confidentialité des 27

informations, la protection des personnes et la conservation des preuves. En outre, il doit protéger les personnes, en particulier les victimes et les témoins, étant dans une situation plus sensible. Pour finir, il peut prendre des mesures nécessaires afin d’assurer la préservation des éléments de preuve . 28

ii) Analyse de la stratégie du Procureur à travers les policy papers

Depuis l’entrée en service du Bureau du Procureur, la publication, par cet organe, de policy

papers est devenue une pratique courante, afin de développer la politique qu’il entendait

mener. Ceci fut également employé afin de servir le principe de transparence, exigé du Bureau par les autres membres de la Cour ainsi que par les Etats Parties au Statut. Nous présenterons divers policy papers entrant dans le cadre de notre exposé. Ces derniers auront pour objet : les intérêts de la justice, la stratégie du Procureur, le code de conduite du Bureau du Procureur, le plan stratégique et la sélection des cas et l’établissement des priorités. Nous les avons listé dans cet ordre car nous avons souhaité les présenter dans un ordre chronologique. De cette manière, nous pouvons suivre l’évolution de cette pratique du Bureau du Procureur.

Policy paper sur les intérêts de la justice, Septembre 2007

Ce texte a pour vocation de définir ce que le Bureau du Procureur retient dans la notion d’ « intérêts de justice » . Le Procureur dispose de la faculté de ne pas poursuivre une affaire si 29

cela ne servirait pas les intérêts de la justice.

Avant toute chose, nous devons nous arrêter sur plusieurs éléments.

Le premier est qu’il existe une présomption en faveur d’un examen et d’une enquête, lorsque les critères de l’article 53 (1), a) et/ou b) du Statut sont remplis. Cette présomption prévaut sur tout exercice de pouvoir discrétionnaire du Procureur, dont la décision de ne pas poursuivre. Le second est que l’exercice du Procureur doit être guidé par les objectifs et les buts énoncés par le Statut. Ceux-si sont la prévention des crimes graves et la fin de l’impunité.

Le troisième est qu’il faut faire une différence entre les intérêts de la justice et les intérêts de la paix. Le Procureur fut reconnu compétent par le Statut afin d’examiner si les intérêts de la

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, chapitre 9. 26

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 54, (3), (c). 27

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 54, (3), (f). 28

(16)

justice sont rencontrés ou non. Quant aux intérêts de la paix, cela relève de la compétence d’autres institutions, dont le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Le dernier élément est que le Procureur a une obligation d’information envers la Chambre préliminaire, qu’il s’agisse d’une décision d’enquêter ou de ne pas enquêter . La décision ne 30

sera rendue effective que lorsqu’elle aura été confirmée par la Chambre préliminaire.

De manière générale, nous devons retenir que le Statut favorise la poursuite d’enquêtes et d’affaires lorsqu’elles sont recevables. Le préambule du Statut nous rappelle déjà que les Etats ont le devoir d’exercer leur compétence pénale à l’égard des responsables de crimes internationaux et que les Etats s’engagent à mettre fin à l’impunité . 31

Nous avons vu précédemment que lors de l’ouverture d’une enquête, le Procureur vérifie s’il existe des motifs raisonnables pour ouvrir une affaire. Ensuite, il examine la recevabilité. Par la suite, il prend en considération les intérêts de la justice dans l’affaire en question. C’est seulement suite à un examen de juridiction et suite à un examen d’admissibilité que les 32

intérêts de la justice seront évalués par le Procureur. Le Procureur n’est donc pas tenu d’atteindre cette étape.

Retenons ainsi que le principe est la poursuite. L’exception étant la non poursuite lorsque cela ne servirait pas les intérêts de la justice.

Etant investi du rôle d’enquêtes et de poursuites des responsables de crimes relevant de la compétence de la Cour, le Procureur peut prendre en considération plusieurs facteurs. Il y aura lieu d’évaluer d’abord la gravité du crime. Cela comprend l’échelle du crime, la nature du crime, la manière dont il est commis ainsi que son impact. Ensuite, rentrent en compte l’intérêt de(s) victime(s). Elles ont la possibilité de présenter leurs préoccupations à la Cour avant l’ouverture d’une enquête.

De manière générale, il est logique de penser que la prise en compte de l’intérêt des victimes penchera pour que justice soit faite. Un autre intérêt, d’importance égale, est d’assurer leur protection . Ainsi, le Bureau du Procureur accueillera tous les points de vue, venant de 33

toutes les parties concernées et établira une balance des intérêts. Pour finir, le Procureur se doit de prendre en considération les circonstances particulières dans lesquelles se trouve

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 53 (1) (c) ou article 53 (2) (c). 30

Préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, paragraphes 4 et 6. 31

W. SCHABAS, Introduction to the International Criminal Court, Cambridge University Press, 5th Edition, 32

2017, pp. 169 à 188.

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 54 (1) (b) et article 68 (1). 33

(17)

l’accusé, telles que son âge, la présence d’un handicap ou son rôle dans la commission du crime.

Le Bureau du Procureur indique que les enquêtes sont principalement axées sur les personnes qui assument le plus de responsabilités. Il y aura lieu de prendre en compte le statut ou le niveau hiérarchique ainsi que l’implication de cette personne dans la commission du crime. De plus, il existe d’autres mécanismes de justice qui jouent un rôle complémentaire. Tel est le cas des poursuites nationales, du programme de réparation ou des mécanismes de justice traditionnels.

En quelques pages, le Bureau du Procureur a pu ainsi résumer les grandes lignes directrices quant à l’interprétation de la notion des ‘intérêts de justice’. Ceci est également une manière d’indiquer que le choix du Procureur de ne pas poursuivre reste une exception. C’est un policy

paper essentiel dans le travail quotidien du Bureau du Procureur. Ces policy papers servent

également aux juges qui s’y réfèrent pour rendre leurs décisions.

Policy paper sur la stratégie du Procureur, 2009 à 2012

Ce policy paper fait le point sur le travail du Bureau du Procureur durant trois années : de 2009 à 2012. Le Bureau du Procureur entame un policy paper d’optique plus étendue, comparé au policy paper sur les intérêts de la justice.

Le Bureau s’était donné plusieurs objectifs. Il a établit un plan, divisé en cinq parties, afin d’étaler sa stratégie. Celle-ci concernait les poursuites, les enquêtes, les examens préliminaires, la coopération et l’impact de son travail. Ne nous attardons pas longuement sur ce plan, mais retenons déjà que le Bureau aménage ce plan en donnant des lignes directrices spécifiques.

La stratégie du Bureau se base sur quatre principes fondamentaux.

Le premier est celui de la complémentarité positive. Elle se réalise grâce au test d’admissibilité et sur une politique de coopération active avec les Etats Parties au Statut. À

priori, cela signifie que le Bureau encouragera les procédures nationales.

Le deuxième est que le Bureau entamera des enquêtes et des poursuites ciblées. De manière semblable au policy paper sur les intérêts de la justice, le Bureau indique qu’il compte enquêter et poursuivre ceux qui portent la plus grande responsabilité pour les crimes les plus graves.

Le troisième est la prise en compte des intérêts des victimes durant les différents stades de la procédure. Le Bureau doit surveiller et examiner de manière active les informations,

(18)

communications provenant de groupes de victimes, de particuliers, ou des ONG . Il interagit 34

systématiquement avec les victimes afin d’évaluer l’ampleur du crime commis. Les victimes participent non pas seulement préalablement à l’ouverture d’une enquête, mais également tout au long des procédures judiciaires. Cette volonté d’inclure les victimes dans le processus était déjà pressentie dans le policy paper de 2007.

Le dernier tient en ce que le Bureau veut maximiser l’impact de son travail lors de chacune de ses activités, que ce soit durant l’examen préliminaire, durant l’enquête ou durant la condamnation éventuelle.

La motivation du Bureau est différente par rapport à celle de 2007. Le Bureau catalogue son travail durant ces trois années. Il est primordial d’établir ce catalogue car des membres de la Cour et de l’Assemblée des Etats Parties exigent des résultats. Le policy paper indique que huit affaires ont été effectuées, menant à quatre arrêts définitifs. Les personnes mises en cause dans ces affaires étaient Monsieur Lubanga Dyilo, Monsieur Germain Katanga, Monsieur Mathieu Ngudjolo, Monsieur Jean-Pierre Bemba et Monsieur Bahr Idriss Abu Garda.

L’étendue du travail du Bureau doit pouvoir se répandre autant en interne qu’en externe. En interne, le Bureau promulgue un Règlement, un manuel des opérations et des politiques en vue d’une diffusion externe. En externe, il faut un suivi des crimes et les rendre publics afin de contribuer aux efforts nationaux et internationaux visant à mettre fin à la violence.

Bien que louables, ces arguments restent de l’ordre théorique. En réalité, depuis l’établissement de la Cour, uniquement quatre enquêtes ont été conduites à terme, toutes ne menant pas à une condamnation. Voyons si par la suite, le Bureau modifie sa ligne de conduite afin de faire face à de nouveaux défis.

Policy paper sur le code de conduite du Bureau du Procureur, Septembre 2013

La disposition que nous analysons établit un ensemble de normes de conduite minimales applicables à tous les membres du Bureau, en complément des autres normes générales de conduite édictées sous l’égide de la Cour . 35

Le Bureau nous indique qu’il sera guidé par quelques principes fondamentaux. Ceux-ci sont au nombre de six. Il s’agit de l’indépendance, de l’éthique et de l’intégrité professionnelle, de

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 15. 34

« For the purposes of ensuring full compliance of the OTP with this obligation, the Code of Conduct defines in 35

detail what will be considered to constitute fulfilling the obligation to “investigate incriminating and exonerating circumstances”. Foremost, this duty should be related equally to all steps involved in the planning and conduct of investigative and prosecutorial activities ». Voy. H. KUCZYŃSKA, The accusation model before the International

Criminal Court : study of convergence of criminal justice systems, Springer International Publishing Switzerland

(19)

la poursuite d’enquêtes équitables, impartiales, efficaces et rapides, du respect de la confidentialité des enquêtes et des poursuites, du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi que la non discrimination à l’égard de tout individu ou groupe d’individus et les principes et buts poursuivis par le Statut. Nous reconnaissons déjà quelques principes énoncés dans les policy papers précédents. Nous constatons une certaine continuité dans les lignes directrices poursuivies par le Bureau.

Ce code liste ainsi une ligne de conduite à suivre par le Bureau du Procureur. Celle-ci ne sera réalisée que dans le respect de certaines exigences. À titre d’exemple, nous pouvons en citer quelques-uns. Ainsi, il y est indiqué que les membres du Bureau doivent prêter serment avant d’entrer en fonction. Il y a une exigence de conduite honorable et consciencieuse envers les autres membres du Bureau mais également envers les autres organes de la Cour, et les victimes. Une autre manière de respecter cette ligne de conduite est de ne pas accepter de cadeaux, rémunérations ou faveurs venant de sources externes. N’oublions pas que les membres du Bureau bénéficient d’une liberté d’expression et d’association, mais ces libertés doivent s’exercer d’une manière compatible avec leur fonction et de manière à ne pas affecter l’indépendance et l’impartialité du Bureau.

Finalement, une série de fonctions particulières sont formulées afin d’accomplir les objectifs du Bureau.

Les membres du Bureau se doivent d’abord de rechercher la vérité d’une manière objective. Ensuite, les enquêtes ainsi que les poursuites doivent être menées de manière efficace. Il y a également une politique stricte en ce qui concerne la divulgation de certaines informations d’une enquête et le traitement des informations et des éléments de preuve. La sécurité sera traitée par la suite, afin que les membres du Bureau n’agissent pas de sorte à mettre une personne à risque. Finalement, les différentes relations de travail seront réglementées. De manière générale, une égalité de traitement, de non-discrimination et de non-harcèlement doit être satisfaite.

Dans les relations avec les autres organes de la Cour, les membres du Bureau ne peuvent engager de communication directe ou indirecte avec les juges, les Chambres ou tout membre du personnel de ceux-ci, à moins que le Statut l’autorise expressément ou que la Chambre ou que le juge l’ait exigé. Avec les victimes et les témoins, une relation de confiance et de respect doit être instaurée par le Bureau. Dans les relations avec les personnes faisant l’objet d’une enquête et les accusés, ces derniers doivent être traités de manière équitable et juste. Ceci rejoint l’exigence d’une recherche effective de la vérité énoncée au début de ce paragraphe.

(20)

À supposer qu’un membre du Bureau ne suive pas ces exigences, une section entière est dédiée à la discipline et aux sanctions applicables. Ne faisant pas partie du sujet que nous traitons dans le cadre de ce travail, nous ne les mentionnerons pas.

Nous constatons une volonté de transparence de la part du Bureau du Procureur. En érigeant ce code de conduite et en le publiant sur le site internet de la Cour, le Bureau du Procureur rend accessible à quiconque l’organisation et le fonctionnement en interne du Bureau. De prime abord, ce code de conduite parait satisfaire à l’exigence de transparence. Cependant, une transparence accrue devrait également se percevoir dans le travail journalier du Bureau, et pas seulement dans l’organisation de son Bureau.

Policy paper sur le plan stratégique, Juin 2012 à 2015

Le Bureau entame une analyse du milieu. Il comptabilise les accomplissements antérieurs afin de pouvoir appréhender les défis futurs. La motivation du Bureau est de créer un bureau opérationnel. À cet effet, il commence à lister les défis qui se présentent à lui. Le policy paper doit évaluer si la stratégie actuelle est adaptée à ces défis. Il constate tout d’abord qu’ils sont en sous-effectif. De plus, les juges s’attendent à ce que le Bureau soit encore plus prêt pour le procès à un stade plus précoce de la procédure et à ce que le Bureau présente une panoplie plus importante de preuves durant ces procès.

Nous devons tout de même préciser que le Bureau mène des enquêtes et des poursuites dans des structures complexes. Les plus responsables gardent une distance entre les crimes et eux, en utilisant, par exemple, différentes opérations afin de dissimuler leur rôle dans la situation. Le problème auquel le Bureau est confronté, encore plus grand que ce que peuvent connaitre les juridictions nationales, consiste en ce que les outils d’enquête dont il dispose sont plus limités et dépendent de la coopération des Etats Parties.

Subséquemment, le Bureau introduit des changements dans trois niveaux afin de s’adapter aux défis cités ci-dessus. Il va d’abord procéder à un examen de sa stratégie énoncée dans les

policy papers précédents, en raison des limites dans les possibilités d’enquête et du manque

de coopération. Le Bureau va commencer par enquêter et poursuivre un nombre limité d’auteurs d’infractions de moyen et de haut niveau afin d’avoir une chance de faire condamner les plus responsables.

Sur ce point, nous constatons ici qu’il y a une bifurcation sur une des lignes directrices principales du Bureau, qui était de poursuivre les personnes responsables de haut rang. Ainsi, le Bureau va poursuive les auteurs d’infractions de moindre importance lorsque leur comportement a été grave et qu’ils ont acquis une notoriété considérable. Cela permettrait d’augmenter le niveau de rentabilité du Bureau.

(21)

De plus, étant donné que les juges s’attendent à recevoir des affaires qui sont prêtes pour le procès au moment de l’audience de confirmation des charges avec des éléments de preuves plus étayés, le Bureau adapte en conséquence sa stratégie en matière de poursuite. Premièrement il va élargir et diversifier sa collecte de preuves afin de répondre aux attentes des Chambres. Deuxièmement, il va appliquer des hypothèses de cas multiples (incrimination et exonération) tout au long de l’enquête. Cela pourrait renforcer la prise de décision en ce qui concerne les poursuites. Troisièmement, il va présenter à l’audience de confirmation des charges des affaires aussi prêtes que possible pour le procès.

Au deuxième niveau d’action, le Bureau va procéder à un examen des ressources. Le Bureau arrive à la conclusion qu’il ne sera pas en mesure de produire des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites de grande qualité sans une augmentation substantielle des ressources. Le Bureau propose une augmentation progressive des ressources, étalée sur une période de quatre ans.

Cette augmentation est nécessaire pour plusieurs raisons. D’abord, pour atteindre les normes de qualité plus élevées exigées par les juges. De plus, la réduction du nombre d’enquêtes et de poursuites en prolongeant les délais de ceux-ci, due au manque de ressources, n’est pas une option viable car de tels retards pourraient entraîner la perte d’éléments de preuve. Le Bureau doit pouvoir agir rapidement. Au surplus, le Bureau constate que les économies qui pourraient être réalisées dans d’autres domaines sont insuffisantes pour soutenir la nouvelle stratégie. Dernièrement, pour ce qui est du troisième niveau, le Bureau va réaliser un examen du fonctionnement de son organisation. Il va introduire un modèle de coopération. Plusieurs changements vont être actés : recueillir d’autres formes de preuve que les déclarations de témoins, améliorer des capacités analytiques, compléter et valider les normes d’enquête auprès d’un groupe d’experts internationaux et former son personnel en conséquence, accroître sa présence sur le terrain, procéder à un réalignement du profil de son personnel, et renforcer les capacités de protection du Bureau en collaboration avec le Greffe.

Dans l’alignement de sa stratégie antérieure, le Bureau listera par la suite les buts stratégiques qu’il compte poursuivre. Ceux-ci sont au nombre de six. De manière générale, nous n’apercevons pas de grands changements. La constante reste de mener des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites de manière impartiales, indépendantes, de haute qualité, efficaces et sûres. Le Bureau garantit également le maintien d’un bureau professionnel, en accordant une attention particulière aux les sexes et les nationalités, à la qualité et à la motivation du personnel et à la gestion et à la mesure du rendement.

Néanmoins, le Bureau tente d’améliorer constamment les différentes étapes de la procédure. Il a pour ambition d’améliorer la qualité et l’efficacité des examens préliminaires, d’améliorer

(22)

encore la qualité et l’efficacité des enquêtes, d’améliorer encore la qualité et l’efficacité des poursuites, et d’améliorer l’intégration d’une perspective hommes-femmes dans tous les domaines d’activité et continuer à accorder une attention particulière aux crimes sexuels, de genre et commis contre les enfants.

Un des éléments clés de tout rendement futur du Bureau est la coopération. Le Bureau tente de renforcer le plus possible la complémentarité et la coopération en accentuant le système du Statut à l’appui de la Cour et des efforts internationaux, dans les situations faisant l’objet d’un examen préliminaire ou d’une enquête. Retenons d’ores et déjà que toute politique présente ou future du Procureur ne saurait subsister sans la coopération, la complémentarité et la communication avec les Etats Parties au Statut.

Nous sentons une réelle volonté d’améliorer les différents paliers de la procédure, en prenant compte des réalités du terrain. À ce stade, une augmentation des ressources est considérée comme nécessaire. De plus, le rôle de Etats Parties est rappelé afin d’assurer une coopération.

Policy paper sur la sélection des cas et l’établissement des priorités, Septembre 2016

Le dernier policy paper est un document de sélection des cas. Le Bureau décide d’élaborer un document de sélection de cas. Au fur et à mesure que chaque nouvelle situation fait l’objet d’une enquête, le Bureau inclura les cas potentiels dérivant de cette situation dans ce document. Ce document demeure strictement confidentiel.

Il s’agit d’un document dynamique qui nécessite d’être examiné et mis à jour de manière constante. Au minimum une fois par an, le Bureau devra examiner ce document afin de revoir ses décisions concernant la sélection et l’établissement des priorités. Ensuite, le document sera adapté par rapport au niveau d’information et au nombre de preuves disponibles à ce moment-là.

Compte tenu de la charge de travail globale du Bureau et de sa taille et des contraintes générales en terme de capacité, ce document est crucial parce qu’il permet d’établir un ordre des priorités des cas. Cette initiative du Bureau se comprend aussi dans le sens où les ressources, dont dispose le Bureau, sont limitées. Le nombre d’affaires sur lesquelles il peut enquêter et intenter des poursuites est donc, lui aussi, limité. Le document de sélection indique le nombre approprié d’affaires à prendre en considération et à traiter.

Le Bureau rappelle les principes généraux qui sous-tendent son travail quotidien et que nous avons vu précédemment. Il s’agit du principe d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité. En ce qui concerne les critères légaux, nous avons également vu que le Bureau sélectionne les affaires qui relèvent de la compétence de la Cour, qui sont recevables et qui ne sont pas

(23)

contraires aux intérêts de la justice. Quant aux critères de sélection des cas, afin de déterminer la poursuite d’une affaire, le Bureau se penchera sur les critères suivants : la gravité du (des) crime(s), le degré de responsabilité des auteurs présumés et les charges.

Nous arrivons au coeur du policy paper présent : les critères de priorisation des cas . Pour 36

établir l’ordre de priorité des cas, le Bureau établit plusieurs critères. Au préalable, le Bureau opère une évaluation comparative des cas sélectionnés, basée sur les mêmes facteurs qui guident la sélection des cas. Par la suite, si une personne ou des membres du même groupe ont déjà fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite, que ce soit par le Bureau ou par un Etat Partie, pour une autre infraction, ces affaires auront une priorité sur les autres.

L’impact des enquêtes et des poursuites sur les victimes de crimes consiste également en des éléments de poids considérables à prendre en considération lors de la sélection des affaires. L’incidence de ces enquêtes et poursuites sur la criminalité en cours et leur contribution à la prévention des crimes consiste pareillement en une motivation pour la poursuite d’une enquête. Dernièrement, l’impact et la capacité du Bureau de poursuivre des affaires qui impliquent des parties adverses à un conflit parallèle seront évalués.

Par ailleurs, le Bureau peut également tenir compte d’autres critères opérationnels. Il s’agit de : la quantité et de la qualité des preuves à charge et à décharge en possession du Bureau ainsi que de la disponibilité de preuves supplémentaires et du risque de dégradation de celles-ci, de la coopération internationale et de l’assistance judiciaire à l’appui des activités du Bureau, de la capacité du Bureau à mener de manière efficace les enquêtes nécessaires dans un délai raisonnable et de la possibilité d’obtenir la comparution des suspects devant la Cour, en employant soit la méthode de l’arrestation et de la remise, soit celle de la citation à comparaitre.

Nous nous situons en 2016, à un moment où les enquêtes et les poursuites du Bureau du Procureur sont connues de tous, et à un moment où la machine d’enquête et de poursuite est déjà lancée depuis plusieurs années. À cette fin, le Bureau s’est vu obligé d’établir ce document de sélection des cas car il lui est évidemment impossible de traiter toutes les affaires qui arrivent dans son Bureau.

Notons qu’une affaire qui n’est pas temporairement classée par ordre de priorité n’est pas écartée pour autant. Elle fait toujours entièrement partie du document de sélection des affaires et pourrait se voir attribuer la priorité lors de la réexamination annuelle du Bureau et en cas d’éléments d’information ou de preuves nouvelles. En effet, si les circonstances le permettent, le Bureau devra s’efforcer d’enquêter et de poursuivre cette affaire.

L’établissement de l’ordre des priorités des affaires découle de l’exigence de l’article 54, §1, b) du Statut de 36

(24)

II. 2. Développements dans la pratique

Maintenant que nous avons une vue plus précise du fonctionnement du Bureau du Procureur, nous pouvons nous attarder plus longuement sur les affaires traitées par ce dernier. C’est en analysant certaines affaires que nous pourrons dégager l’ampleur du pouvoir discrétionnaire dont dispose le Procureur. En agissant de la sorte, nous révèlerons la manière dont le Procureur sélectionne les affaires.

i) L’étendue du pouvoir discrétionnaire du Procureur

Il est admis de manière générale par la doctrine que le Procureur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite . Ce pouvoir fut considéré comme nécessaire dans 37

une Cour pénale internationale car, ne pouvant enquêter sur toutes les situations ni toutes les poursuivre, le Procureur se devait d’être sélectif. Ainsi, cela requiert une certaine flexibilité dans son champ d’action. De plus, il lui est indispensable de conserver l’impartialité des enquêtes et des poursuites. En octroyant au Procureur un large pouvoir discrétionnaire, il est mit à l’abris de toutes supervisions ou ingérences extérieures . 38

Comment le Procureur a-t-il décidé d’exercer un tel pouvoir ? Comment peut-il choisir parmi des centaines d’affaires de victimisations, chacune d’entre-elles méritant une réparation ? Le Procureur justifie ses choix par une stratégie qu’il poursuit. Comme nous l’avons vu précédemment, le Procureur poursuit les personnes d’un échelon supérieur, afin d’avoir un récit plus large. En se concentrant sur des situations plus étendues, le Procureur pourra cibler les principaux dirigeants et criminels étant les plus responsables dans la commission de crimes. Il cible les « gros poissons » . 39

De plus, il développe des principes pour le guider tels l’indépendance, l’impartialité, l’objectivité et la non discrimination. A cela s’ajoutent certaines conditions, érigées par le Statut, et qui doivent être remplies tels que la compétence matérielle, la recevabilité et la gravité.

Le pouvoir discrétionnaire implique donc une certaine indépendance. Nous ciblerons trois branches d’indépendance. L’article 15 du Statut octroie au Procureur le pouvoir d’ouvrir une

G. SLUITER, C. STAHN, The Emerging Practice of the International Criminal Court, Legal Aspects of 37

International Organization, v. 48, Part III - Prosecutorial Policy and Practice, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, p. 187.

G. SLUITER, C. STAHN, The Emerging Practice of the International Criminal Court, Legal Aspects of 38

International Organization, v. 48, Part III - Prosecutorial Policy and Practice, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, p. 249.

C. M. BASSIOUNI, I. P. BLISHCHENKO, J. DORIA, H-P. GASSER, The legal regime of the International Criminal 39

Court : essays in honour of Professor Igor Blishchenko : in memoriam Professor Igor Pavlovich Blishchenko (1930-2000), International humanitarian law series, v. 19, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, p. 363.

(25)

enquête sur base des informations qu’il a reçu, peu importe d’où elles proviennent . Le 40

Procureur examine les multiples plaintes et informations qu’il reçoit et sélectionne celles où il existe un motif raisonnable pour ouvrir une enquête. Ensuite, le Procureur détermine la manière dont il compte mener les enquêtes. Il détermine les circonstances ou les individus sur lesquels se concentrer . De cette manière, il présente la façon dont l’enquête se déroulera. 41

Pour finir, le Procureur est indépendant dans l’organisation de son Bureau . Il dispose ici 42

d’une très large marge d’appréciation . 43

Le Statut déclare que la responsabilité d’engager des poursuites revient principalement aux Etats Parties. Initialement, l’action du Procureur s’est comprise de manière complémentaire à celle des Etats Parties. Le Procureur avait adopté une politique consistant à inviter les Etats à effectuer des renvois volontaires des situations au Bureau du Procureur. Ainsi, « le Procureur n’enquêtera que dans les cas où il existe un cas manifeste d’absence d’action nationale, en raison de la mauvaise volonté de l’Etat ou de l’incapacité de l’Etat à enquêter ou à engager lui-même des poursuites » . 44

Petit à petit, nous constatons que le Procureur se détache de cette politique et emploie ses pouvoirs progressivement. Voyons comment cela s’agence dans la pratique, à travers plusieurs affaires.

Nous commencerons par l’affaire de Monsieur Lubanga Dyilo. Ensuite nous commenterons de l’affaire mettant en cause Monsieur Jean-Pierre Bemba Gombo. Finalement, l’affaire de Monsieur Al Mahdi sera énoncée. Dans l’analyse de chaque affaire, nous tâcherons de mettre en parallèle d’autres affaires ou situations afin de faire ressortir d’avantage le pouvoir discrétionnaire opéré par le Procureur dans l’affaire en question.

C. M. BASSIOUNI, I. P. BLISHCHENKO, J. DORIA, H-P. GASSER, The legal regime of the International Criminal 40

Court : essays in honour of Professor Igor Blishchenko : in memoriam Professor Igor Pavlovich Blishchenko (1930-2000), International humanitarian law series, v. 19, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, p. 351.

C. M. BASSIOUNI, I. P. BLISHCHENKO, J. DORIA, H-P. GASSER, The legal regime of the International Criminal 41

Court : essays in honour of Professor Igor Blishchenko : in memoriam Professor Igor Pavlovich Blishchenko (1930-2000), International humanitarian law series, v. 19, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, p. 351.

Voy. Policy paper sur le code de conduite du Bureau du Procureur, Septembre 2013. 42

C. M. BASSIOUNI, I. P. BLISHCHENKO, J. DORIA, H-P. GASSER, The legal regime of the International Criminal 43

Court : essays in honour of Professor Igor Blishchenko : in memoriam Professor Igor Pavlovich Blishchenko (1930-2000), International humanitarian law series, v. 19, Martinus Nijhoff Publishers, 2009, p. 360.

C. M. BASSIOUNI, I. P. BLISHCHENKO, J. DORIA, H-P. GASSER, The legal regime of the International Criminal 44

(26)

Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo

Il s’agit du premier verdict rendu par une Chambre de Première Instance de la Cour. Le 3 mars 2004, la République Démocratique du Congo a déféré la situation à la Cour. Sur base des informations transmises, le Procureur prit la décision d’ouvrir une enquête le 21 juin 2004. A l’issue de la première enquête portant sur les crimes commis dans le district de l’Ituri depuis le 1er juillet 2002, le Procureur demanda un mandat d’arrêt à l’encontre de Monsieur Thomas Lubanga Dyilo.

Les faits sur lesquels portent les charges sont les suivants. Monsieur Lubanga Dyilo fut Président de l’Union des Patriotes Congolais (« UPC »). L’UPC, avec sa branche militaire, pris le pouvoir en Ituri en septembre 2002. Cette dernière a procédé à un recrutement forcé d’enfants âgés de moins de 15 ans. Ils ont été déployés en tant que soldats ou gardes de hauts fonctionnaires tel l’accusé . La Chambre établit ainsi que « l’accusé a convenu avec ses 45 46

coauteurs d’un plan commun et qu’ils ont participé à la mise en oeuvre de ce plan pour mettre sur pied une armée dans le but de prendre et conserver le contrôle de l’Ituri, aussi bien politiquement que militairement » . 47

Au début de 2006, le Procureur obtint un mandat d’arrêt à l’encontre de Monsieur Lubanga Dyilo. Ce dernier fut remis à la Cour par les autorités congolaises le 17 mars 2006, conformément au mandat d’arrêt émis à son encontre, et confirmé par la Chambre préliminaire le 10 février 2006.

-

Comparaison avec la situation en Irak

Quelques jours avant l’arrestation de Monsieur Lubanga Dyilo, le Procureur prit la décision de ne pas ouvrir une enquête sur la situation en Irak. Il était question de crimes de guerre prétendument commis par des ressortissants du Royaume-Uni dans le cadre du conflit en Iraq et de l'occupation ultérieure pour une période allant de 2003 à 2008 . La situation en Irak fut 48

mise sous examen préliminaire par le Procureur. Cependant, dans une réponse publiée par le Bureau du Procureur concernant les communications reçues à propos de l'Irak, ce dernier décida de mettre un terme à cet examen. Dans cette réponse, le Procureur vérifie alors si les critères établis par le Statut sont réunis.

S.C GROVER, Humanity’s Children — ICC Jurisprudence and the Failure to Address the Genocidal Forcible 45

Transfer of Children, London, Springer Heidelberg New York Dordrecht, 2013, pp. 86 à 87.

S.C GROVER, Humanity’s Children — ICC Jurisprudence and the Failure to Address the Genocidal Forcible 46

Transfer of Children, London, Springer Heidelberg New York Dordrecht, 2013, pp. 100 à 101.

Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, p. 2. 47

Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/CaseInformationSheets/lubangaEng.pdf Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/iraq?ln=fr

(27)

Attardons-nous sur l’analyse que le Procureur a effectué lors du stade de la recevabilité. En ce qu’il s’agit des crimes de guerre, une condition minimale de gravité spécifique est formulée à l’article 8 (1) du Statut, qui énonce que « la Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle » . Le Procureur estime que cette condition n’est pas remplie, au vu des informations 49

disponibles.

Plusieurs facteurs rentrent en jeu pour l’évaluation de la gravité. Le Procureur estime qu’un des facteurs clés se situe dans le nombre de victimes de crimes graves, tels que l’homicide intentionnel ou le viol. Il établit ainsi que le nombre de victimes potentielles irait de 4 à 12 victimes en Irak.

Le Procureur va alors opérer une comparaison avec trois situations à propos desquelles il était en train d’enquêter, concomitamment à celle d’Irak. Il s’agissait de conflits survenus dans le Nord de l’Ouganda, en République Démocratique du Congo et au Soudan. A ce sujet, il indique notamment que « chacune des trois situations faisant l’objet d’une enquête implique des milliers d’homicides intentionnels ainsi que des violences sexuelles et des enlèvements à grande échelle. Dans l’ensemble, elles ont entraîné le déplacement de plus de 5 millions de personnes » . 50

Le Procureur fit le choix de consacrer ses ressources sur les enquêtes de ces trois pays, qui selon lui, satisfaisaient à l’exigence de gravité. C’est pourquoi le Procureur ne sollicitera pas l’ouverture d’une enquête relative à la situation en Irak.

Cependant, nous constatons qu’en ce qui concerne la République Démocratique du Congo, aucune allégation d’homicide n’avait été portée dans le rapport d’enquête. Il s’agissait, comme nous l’avons vu, de réprimer le recrutement d’enfants soldats de moins de 15 ans par l’UPC. Dans la situation de la République Démocratique du Congo et celle d’Irak, le Procureur semble insister sur des éléments différents de la gravité.

Dans la situation de la République Démocratique du Congo, le Procureur a porté son attention sur l’impact des recrutements d’enfants soldats et sur le fait qu’il s’agissait d’un recrutement forcé d’enfants. Alors que dans la situation en Irak, il semble porter son regard sur le nombre de victimes présentes ou potentielles.

Réponse du Bureau du Procureur concernant les communications reçues à propos de l'Irak, 9 février 2009, p. 49

8.

Disponible sur : https://www.icc-cpi.int//Pages/item.aspx?name=otp-response-iraq-06-02-09&ln=fr

Réponse du Bureau du Procureur concernant les communications reçues à propos de l'Irak, 9 février 2009, p. 50

(28)

Il adopte une approche quantitative de la gravité, et cela a pour conséquence qu’il néglige une dimension importante du crime. Il opère une comparaison d’éléments qui nous semblent incomparables.

Nous comprenons alors que face à différentes situations mises sous examen préliminaire à cette époque, le Procureur a choisi de poursuivre principalement celles qui lui semblaient remplir le critère de gravité, dont la situation en République démocratique du Congo.

Nous remarquons qu’une importance particulière fut portée au recrutement d’enfants par le Procureur. Cela s’explique notamment par le fait qu’un réel danger s’attachait à recruter des enfants soldats. Les enfants sont placés dans des positions dangereuses, mettant en péril leurs propres vies. Ils sont amenés à commettre des atrocités. Ce type de recrutement est alarmant car se pose la question du discernement des enfants . Se rendent-ils compte des crimes 51 52

qu’ils commettent ? . Les violences qu’ils subissent quotidiennement font partie inhérente 53

du processus de recrutement. Cela a également des conséquences pour le futur de ces enfants. Le Procureur a donc décidé d’enquêter sur ces situations, au détriment des autres.

Nous avons là un premier aperçu de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Procureur dans le choix de procéder à une enquête, sur base de l’interprétation qu’il fait des critères de gravité établis par le Statut.

Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo

Monsieur Jean-Pierre Bemba dirigeait un groupe non gouvernemental qui s’intitulait le Mouvement de Libération du Congo (MLC). Ce mouvement avait une branche militaire qui était dénommée l’Armée de Libération du Congo (ALC). La Cour entendait par cette affaire réprimer les atrocités commises en République centrafricaine par le bras armé de cette organisation. Etant le commandant en chef de l’ALC, Monsieur Bemba fit déployer trois bataillons en République centrafricaine, suite à une rébellion, à la demande du Président de ce pays.

FPLC Child Soldiers and Their Lack of Criminal Culpability. Voy. S.C GROVER, Humanity’s Children — ICC 51

Jurisprudence and the Failure to Address the Genocidal Forcible Transfer of Children, London, Springer

Heidelberg New York Dordrecht, 2013, pp. 141 à 143.

A. KAI, « The First Judgment of the International Criminal Court (Prosecutor v. Lubanga): A Comprehensive 52

Analysis of the Legal Issues », International Criminal Law Review 12, 2012, pp. 134 à 136.

« The Prosecution, furthermore, presented a video in evidence of Lubanga addressing his UPC/FPLC forces, 53

including children, which included these words as follows : We come – we have come to see you and encourage you. Why give you courage? Because the work we are doing, we are doing with you. The work you know, being enlisted in the army (…) trained, using weapons, is blessed ». Voy. S.C GROVER, Humanity’s Children — ICC

Jurisprudence and the Failure to Address the Genocidal Forcible Transfer of Children, London, Springer

Références

Documents relatifs

En conséquence, la République démocratique du Congo a prié la Cour de dire et juger que l’Ouganda s’était rendu coupable d’un acte d’agression en violation du paragraphe 4 de

De même, qu’en ayant la possibilité de vérification d’adresse, des témoignages peuvent être retenus avec plus ou moins d’importance selon les liens, qu’en comparent des noms

La Cour a appliqué un test compose de trois parties pour l’analyse de la loi pénale selon l’ancienne constitution : 1 si l’objectif est suffisamment important pour justifier

Depuis les années 90, au siècle dernier, j’ai joué pendant de nombreuses années un rôle important dans le domaine de la coopération judiciaire internationale : formateur des

Ce mécanisme ayant pour objet « d’organiser les échanges entre les parties en vue d’accélérer la préparation du procès » ou « d’assurer un déroulement rapide de

1. Avant de traiter devant vous de « La Cour internationale de Justice et les droits de l’homme », je souhaiterais en premier lieu exprimer mes remerciements aux organisateurs de

Principalement au sein du parquet dont l’unité peut pâtir « d’un domaine réservé » du procureur de la République, mais aussi auprès des magistrats du siège, dès

Cependant si les juges découvrent ce petit manège, ils ne manqueront pas de dire que je suis un fripon ; et vous savez dans votre conscience, que ce que j'en ai fait, n'est que