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1. PRESENTATION DE LA RECHERCHE

1.2. Q UESTIONS DE RECHERCHE

Selon Castel (1984), l’antipsychiatrie en tant que critique de l’institution psychiatrique se développe dans un moment historique de grandes contestations et de remise en question de l’autorité et des pouvoirs. Dans son ouvrage La révolution moléculaire, Félix Guattari écrit :

« […] ce qui a vraiment été important, c’est que l’anti-psychiatrie a marqué un début de prise de conscience, non seulement dans le grand public, mais même chez ceux que l’on est convenu d’appeler « les travailleurs de la santé mentale » » (Guattari, 2012, p. 258).

Dans ce sens, je pose la question première : la grande médiatisation de la problématique de la prise en charge psychiatrique, débutée avec les différents représentants de l’antipsychiatrie, a-t-elle favorisé le développement d’un mouvement de protestation local (comme par exemple le « Réseau Suisse Romand « alternative à la psychiatrie » », l’ « ADUPSY ») visant la remise en question de l’institution psychiatrique genevoise ?

Dans mon investigation j’essaierai de dégager un certain nombre de questions et d’y répondre :

• Qu’est-ce que le mouvement de l’antipsychiatrie et comment se manifeste sa critique de la psychiatrie traditionnelle ?

• Est-il possible d’établir un lien entre les idées antipsychiatriques développées en particulier par Ronald Laing, David Cooper, Thomas Szasz et Franco Basaglia et les revendications des mouvements militants dans le contexte genevois des années 1970 ?

• D’après Foucault (2003), la remise en question du pouvoir psychiatrique sous toutes ses formes est le cœur de la contestation antipsychiatrique, laquelle se décline de plusieurs façons chez les différents représentants du mouvement : quelles sont les revendications des mouvements militants genevois et comment se manifeste leur critique ?

• La contestation de la psychiatrie genevoise a-t-elle connu une remise en question ayant débuté de l’intérieur pour se propager ensuite dans la sphère publique, ou, à l’inverse, la pression de l’opinion publique et des groupes militants de l’extérieur a-t-elle miné la stabilité de l’institution ?

• Dans quelle mesure les idées antipsychiatriques développées en particulier par Ronald Laing, David Cooper, Thomas Szasz et Franco Basaglia, ont-elles influencé le contexte genevois des années 1970 ?

• La portée de l’impact des représentants de l’antipsychiatrie s’est manifestée de manière différente selon les contextes mais aussi selon les positions de pouvoir de ses représentants :

1.3. Méthodologie

Afin de répondre à la question de ma recherche – Quelle articulation existe-t-il entre le mouvement de l’antipsychiatrie, tel qu’il s’est manifesté en Italie, en Angleterre et aux Etats-Unis, et le mouvement local genevois ? – j’ai d’abord exploré les ouvrages des représentants des trois racines du mouvement de l’antipsychiatrie. Ces premières lectures m’ont permis de dégager les idées et les revendications constituant les bases du mouvement de l’antipsychiatrie, ainsi que les différentes formes à travers lesquelles ces idées se sont concrétisées. Cela m’a fourni les clés d’un premier ciblage de la documentation me permettant d’établir un lien avec le contexte psychiatrique genevois.

Cette sélection effectuée, je me suis employé à dégager les liens établissant une relation entre la remise en question de la psychiatrie développée par les représentants du mouvement de l’antipsychiatrie et le contexte genevois des années 1970. À cette fin, j’ai recherché dans les documents genevois l’existence d’un ou de plusieurs mouvements locaux s’intéressant à la problématique de la psychiatrie et en particulier à une remise en question de son fonctionnement.

Une première lecture de la documentation m’a permis de pointer les citations faisant explicitement référence aux représentants du mouvement de l’antipsychiatrie, ainsi qu’aux travaux et aux théories émanant des groupes militants locaux ou de leurs représentants. J’ai entrepris ensuite de reconstruire la réalité de la remise en question de la psychiatrie genevoise et des groupes militant contre ses abus pour confronter les critiques de la psychiatrie et les revendications des représentants de l’antipsychiatrie avec celles des mouvements locaux. Une analyse ultérieure a consisté à déterminer le rôle joué par ces mouvements genevois au niveau international, puis à établir une possible réciprocité des idées et des luttes menées à Genève.

1.4. Sources

1.4.1. Les documents

• Plateforme Dewiki : les droits des patients en psychiatrie :

Dans le cadre du cours « Les institutions d'éducation spéciale entre archives mémoire et histoire, deuxième moitié du XXesiècle » donné par la Professeure Martine Ruchat, j’ai eu l’opportunité de participer à un atelier de recherche portant sur les droits des patients en psychiatrie. Cela a été pour moi une première occasion d’aborder cette problématique et d’interviewer M. Alain Riesen, militant contre les abus de la psychiatrie dans le contexte genevois. Le témoignage recueilli lors de cet entretien atteste de la lutte en faveur des droits

des patients psychiatriques à Genève et permet par ailleurs d’établir les premiers liens entre les représentants du mouvement de l’antipsychiatrie et les mouvements locaux.

(http://edutechwiki.unige.ch/dewiki/Droits_des_patients_psychiatriques)

• Les Archives Historiques du journal Le Temps:

Le quotidien Le Temps met à disposition des lecteurs les archives numériques de trois quotidiens romands dont il est le successeur : le Journal de Genève, la Gazette de Lausanne et Le Nouveau Quotidien. Dans le cadre de ma recherche, j’ai puisé à cette source pour collecter par mots clés dans les médias de l’époque des renseignements sur des liens éventuels entre le mouvement de l’antipsychiatrie et le contexte genevois, ainsi que sur les groupes militants, leurs actions et leur visibilité. Le recours à ce type d’informations m’a permis d’ouvrir un autre angle pour construire mon récit et ainsi mieux appréhender la portée médiatique de la remise en question du domaine de la psychiatrie, non seulement sous le rapport d’évènements et de mouvements locaux, mais aussi pour ce qui concerne les influences du mouvement de l’antipsychiatrie dans le contexte genevois.

(http://www.letempsarchives.ch/Default/Skins/LeTempsFr/Client.asp?Skin=LeTempsFr&en ter=true&AW=1424700605646&AppName=2)

1.4.2. Les archives

Pour ce qui concerne les fonds d’archives, j’ai d’abord consulté les archives de l’association

« Les Archives Contestataires », dont plusieurs fonds portant sur le thème de l’antipsychiatrie :

• Le Fonds Riesen-Schuler : Antipsychiatrie. Droits des patients.

• Le Fonds Jacques Siron : Contre-culture. Antipsychiatrie.

• Le Fonds Association des Médecins Progressistes (AMP) : Droits des patients.

Antipsychiatrie.

• Le Fonds Rolf Himmelberger : Antipsychiatrie. Droits des patients.

• Le Fonds June Howells Spalding : Antipsychiatrie. Droits des patients.

• Le Fonds Marie-Jo Glardon : Prison. Antipsychiatrie. Chômage. Immigration. Féminisme.

L’accès à ces différents fonds m’a permis d’appréhender de l’intérieur la réalité des groupes militants genevois, leurs revendications, leurs idées, ainsi que leur fonctionnement.

1.5. Revue de la littérature

Dans ce chapitre je porterai mon attention sur les ouvrages d’auteurs s’étant consacrés à l’étude de l’antipsychiatrie en termes historique et analytique, et je les présenterai par ordre chronologique sans les hiérarchiser. Ma recension concerne principalement les auteurs francophones ou étrangers dont les textes ont été également publiés en français.

Le mouvement de l’antipsychiatrie a suscité beaucoup d’intérêt et de fascination chez les historiens, les philosophes, les sociologues et les psychiatres. Comme nous le verrons en effet, les ouvrages traitant de ce phénomène datent des années 1970, fournissant une analyse contemporaine se poursuivant jusqu’à nos jours. Les méthodes d’investigation visant la reconstruction de l’histoire du mouvement de l’antipsychiatrie et la compréhension de ce phénomène sont très hétérogènes, parfois complémentaires mais aussi contradictoires, le problème majeur étant la définition du terme antipsychiatrie. Comme le dit Jervis :

[…] l’antipsychiatrie est surtout un nom que les consommateurs de la culture et la mode ont attribué tour à tour à des courants différents de la psychiatrie et à des psychiatres particuliers, sur la base du titre d’un livre intéressant de David Cooper, Psychiatrie et anti-psychiatrie.

(Jervis, 1977b, p. 32)

Par ailleurs, comme nous le verrons, l’antipsychiatrie, de par son caractère critique et militant, ne trouve pas que des partisans, ni chez les psychiatres traditionnalistes, ni chez les plus réformistes :

« l’antipsychiatrie veut même être la négation de ce réformisme […] » (Jervis, 1977b, p. 31).

Parmi les ouvrages d’analyse critique de l’antipsychiatrie, relevons celui de Robert Boyers (1971/1973) paru en 1971 dans sa version anglophone. L’auteur établit un dossier collectif intitulé

« Ronald Laing et l’antipsychiatrie » dans l’intention de rendre hommage à l’œuvre de Laing, en partant du début de sa carrière et de sa collaboration avec David Cooper et Aaron Esterson. Ce dossier s’attache aux idées les plus importantes développées par Laing, à partir de son approche existentialiste de la schizophrénie, jusqu’à la valorisation de la folie : conception d’une maladie mentale comme réponse à une situation de crise en interaction avec les groupes d’appartenance, début d’un processus de guérison. Ce projet, auquel participent de nombreux collaborateurs, propose une approche biographique explorant les différentes étapes de la vie de Laing permettant de contextualiser le développement de sa pensée à travers les influences et les expériences caractérisant son parcours, tout en questionnant les critiques le plus fréquemment adressées à la pensée de Ronald Laing.

En 1971 paraît le numéro 42 de La Nef, un cahier trimestriel français abordant les différentes thématiques d’actualité, intitulé L’Antipsychiatrie (1971/1983). Les collaborateurs ayant participé à ce numéro du cahier se sont fixé pour tâche de situer l’approche antipsychiatrique de la maladie mentale au sein d’un domaine en pleine période de renouvellement comme celui de la psychiatrie.

Cette nécessité, d’après les auteurs, est liée aux malentendus qui parasitent ce courant, malentendus occasionnés par le terme même d’« antipsychiatrie ». Or, dès qu’on critique une institution telle que la psychiatrie, il est inévitable de se trouver confronté à des contre-critiques ; dans cette bataille d’idées, des psychiatres du courant réformiste se sont penchés sur le phénomène de l’antipsychiatrie, en particulier le courant anglais, en retraçant l’histoire du mouvement et en mettant en évidence les nouvelles approches de la maladie mentale. Une analyse historique de l’évolution de la psychiatrie permet de contextualiser l’antipsychiatrie et une étude des ouvrages et des expériences pratiques des représentants du courant d’Outre-Manche de l’antipsychiatrie, en particulier Laing et Cooper, offre un terrain de confrontation faisant apparaître les limites, les contradictions et les échecs de cette nouvelle vague d’approche de la maladie mentale opposée au schéma traditionnel comme au réformiste. Les objections les plus importantes concernent la dénonciation de l’impact de la violence extérieure qui, exercée par le groupe des « normaux » sur ceux que l’on dénomme « malades mentaux », est, d’après les antipsychiatres, responsable du développement du phénomène de la folie. Selon les auteurs ayant collaboré à ce numéro de La Nef, cette approche nie l’existence de l’inconscient chez l’individu malade et suggère que « […] si on lui épargne les attaques de l’extérieur il redeviendra aisément bon et paisible. » (Faure, 1971/1983, p.

18).

Octave Mannoni (1973) dédie un article au mouvement de l’antipsychiatrie paru dans la Revue Internationale des Sciences Sociales : psychologie et psychiatrie au carrefour. Son intérêt se porte dans un premier temps sur les facteurs ayant fourni les bases de la naissance et du développement des différents courants du mouvement de l’antipsychiatrie au sein des pays occidentaux. À ce propos, Mannoni relève une convergence entre les influences des réflexions philosophiques et une crise propre à la psychiatrie traditionnelle sur les plans thérapeutiques mais aussi sociaux et politiques. En second lieu, l’article s’attache à analyser les racines diverses du mouvement antipsychiatrique et à signaler ses représentants respectifs, offrant au lecteur un panorama des revendications principales et du développement de l’antipsychiatrie dans les différents pays. Cette approche vise en outre à élucider la question de l’unité du mouvement de l’antipsychiatrie, en dépit de l’hétérogénéité des pensées et des expériences de chaque courant, ainsi que de la diversité des contextes dans lequel opèrent les antipsychiatres. Pour sa recherche, Mannoni s’attache surtout à l’analyse des ouvrages et des articles européens et étasuniens.

Dans son analyse du pouvoir psychiatrique à l’occasion des Cours au Collège de France en 1973-1974, Foucault (2003) se penche également sur le mouvement de l’antipsychiatrie auquel il dédie une partie d’un cours. D’après le philosophe, le cœur de la critique antipsychiatrique réside dans la remise en question du pouvoir psychiatrique, d’où cette affirmation que toute la psychiatrie

moderne a été traversée par des antipsychiatries. En effet, une première remise en question du pouvoir psychiatrique a eu lieu lors du mouvement de « dépsychiatrisation » qui s’est manifesté en deux phases mais qui n’a pas produit de changement dans la relation médecin-patient, caractérisée par un rapport de domination du premier sur le second. La première phase de dépsychiatrisation vise la réduction de la maladie mentale aux seuls symptômes permettant de la diagnostiquer et aux techniques nécessaires pour la soigner ; la deuxième phase, fondée sur le discours, est liée au développement de la psychanalyse. Comme le dit Foucault : « à ces deux formes de dépsychiatrisation, toutes deux conservatrices du pouvoir, l’une, parce qu’elle annule la production de vérité, l’autre, parce qu’elle tente de rendre adéquats production de vérité et pouvoir médical, s’oppose l’antipsychiatrie » (Foucault, 2003, p. 349). L’antipsychiatrie se développe de façon différente chez Basaglia, Szasz, Cooper et Laing, tant au niveau théorique qu’au niveau pratique, cependant l’unité du mouvement est indéniable et se manifeste dans l’attaque contre l’institution psychiatrique et de tous les mécanismes de pouvoir la caractérisant.

Christian Delacampagne (1974), lui, concentre son intérêt sur la source anglaise de l’antipsychiatrie dont font partie Laing, Esterson et Cooper, berceau, selon l’auteur, du mouvement.

Delacampagne s’intéresse en particulier à leur approche de la notion de maladie mentale comme résultat d’une interprétation culturelle de la part de la discipline psychiatrique. L’existence du phénomène en tant que tel n’est pas remise en question, ce qui est remis en question, c’est la conception médicale de la psychiatrie définissant ces personnes comme des malades. À cette conception, le courant anglais de l’antipsychiatrie oppose une approche de la folie en termes existentialistes, considérant la maladie mentale comme un état de crise dont les causes sont à rechercher dans la violence à laquelle est exposée la personne au sein de ses groupes de référence.

À travers une étude de l’histoire de la maladie mentale basée sur des ouvrages psychiatriques et philosophiques, Delacampagne retrace l’évolution des idées et des influences ayant constitué le socle des revendications et de la critique de l’antipsychiatrie à l’égard de la psychiatrie traditionnelle sur le plan théorique, thérapeutique mais aussi sur le plan de sa fonction policière.

En 1974 Cirille Koupernik dirige un ouvrage auquel collaborent de nombreux psychiatres traditionnels et réformistes : Anti-psychiatrie. Sens ou non-sens ?, l’idée étant de situer l’antipsychiatrie au sein du domaine de la psychiatrie. En particulier, Koupernik et ses collaborateurs proposent une critique des théories des trois courants originels du mouvement de l’antipsychiatrie (Angleterre, Etats-Unis, Italie) sous l’angle de leur lien indissociable avec la psychiatrie, et ils exposent leur désaccord avec la négation systématique de tout le savoir théorique et thérapeutique accumulé par la psychiatrie depuis sa naissance, considéré par les antipsychiatres comme responsable de tous les maux qui aggravent l’état du malade mental. Cependant, Koupernik

reconnaît l’utilité de l’antipsychiatrie en tant que questionnement des fondements de la discipline psychiatrique car, écrit-il : « l’antipsychiatrie est la mauvaise conscience nécessaire pour que la connaissance ne devienne pas elle aussi mauvaise » (Koupernik, 1974, p. 6).

Un autre travail est présenté en 1976 par la Bibliothèque Laffont des grands thèmes sous la direction de Henri Tissot : Psychiatrie et Antipsychiatrie. Cette étude s’applique à l’analyse des ouvrages traitant de l’histoire de l’évolution de la notion de folie depuis l’antiquité jusqu’au XXe

siècle, jusqu’à la naissance du mouvement antipsychiatrique. Ce travail propose un parcours de l’histoire de l’antipsychiatrie afin d’appréhender ce phénomène, en partant de ses précurseurs, pour détailler ensuite les œuvres et les expériences de Laing et de Cooper, les contextualiser et en faire ressortir les idées maîtresses. L’ouvrage, qui se penche également sur la situation de l’antipsychiatrie en Italie, en France et en Espagne, est le résultat d’une analyse d’études et de photographies, complétée par une interview de Franco Basaglia.

En 1977, paraît Le Mythe de l’antipsychiatrie de Giovanni Jervis qui est la traduction française du dernier chapitre de « Il buon rieducatore » (1977a). Jervis, psychiatre et professeur de psychiatrie ayant entre autre travaillé en étroite collaboration avec Franco Basaglia dans les années 1960 à l’hôpital de Gorizia, entreprend d’élucider ce qu’est l’antipsychiatrie, de la redéfinir et de défendre un concept prêtant trop souvent à confusion. Son analyse est une tentative de replacer l’antipsychiatrie dans son contexte socio-historique et d’en dégager les idéaux politiques et les courants philosophiques ayant contribué à son développement. D’après Jervis (1977b), antipsychiatrie est un terme qui, né sous la plume de Cooper en 1967, a été attribué par la suite à toute une panoplie de courants psychiatriques, dont une partie n’est rien d’autre que de la psychiatrie réformiste, réformisme lui-même contesté par l’antipsychiatrie. En outre, la plupart des psychiatres taxés d’antipsychiatres ont ouvertement rejeté cette étiquette, mais Jervis souligne que le phénomène existe et qu’il ne peut être nié. Selon l’auteur, le noyau sur lequel se fonde l’antipsychiatrie et à partir duquel se développent ses idées est la question de la définition d’une personne saine et d’une personne normale ainsi que des concepts « normal » et « anormal » ; question qui mine les fondements de la psychiatrie institutionnelle.

Un autre auteur qui s’est penché sur le phénomène de l’antipsychiatrie est Robert Castel (1984) dans son ouvrage La Gestion des risques. De l’antipsychiatrie à l’après-psychiatrie.

L’auteur s’attache en particulier à l’histoire française de la psychiatrie, dédiant une partie de l’ouvrage aux contestations du 1968 et aux influences du développement du mouvement de l’antipsychiatrie en termes de contestation et de remise en question de la psychiatrie. L’année 1968 se caractérise par la remise en question de l’autorité sous toutes ses formes, et l’antipsychiatrie s’inscrit de la sorte dans un mouvement culturel global antiautoritaire. Or, la psychiatrie incarne

l’image de l’autorité : elle est une institution patriarcale, fortement hiérarchisée et dont le pouvoir s’exerce de façon coercitive, se trouvant ainsi directement au cœur d’un conflit idéologique généralisé. Comme l’écrit Castel, « la contestation anti-psychiatrique a été ainsi un point de fixation privilégié d’un imaginaire politique de libération vécu à l’époque sous la forme d’une sensibilisation exacerbée à la répression » (1984, p. 23).

Parmi les travaux de recherche parus en Suisse Romande, notons le mémoire de licence en Sciences de l’Education de Paola De Benedetti (1992), Vers une société sans psychiatrie ? Le parcours italien de la destruction de la logique asilaire à la création des structures intermédiaires, qui s’intéresse au parcours italien d’abandon des structures asilaires entrepris sous l’impulsion de Franco Basaglia avec l’ouverture de l’hôpital de Gorizia dans les années 1960 ; ce fut le début d’une critique radicale de la psychiatrie traditionnelle italienne. Cette désinstitutionalisation aboutira à la promulgation de la très controversée loi 180 de 1978 et se traduira par la création de structures intermédiaires de prise en charge. Dans son récit, De Benedetti investigue le terrain où elle opère comme éducatrice pour tenter ensuite une analyse critique de l’évolution de la prise en charge psychiatrique post-1978 à travers une comparaison des théories et des idéaux ayant conduit à la destruction de la logique asilaire.

Un deuxième travail a été effectué dans le cadre de la formation ESTS, présenté par Aicha El Kautit, Carolin Han et Florence Vonaesch (1996). Ces auteurs essaient de retracer les répercussions actuelles du mouvement de l’antipsychiatrie dans le travail social à Genève à travers

Un deuxième travail a été effectué dans le cadre de la formation ESTS, présenté par Aicha El Kautit, Carolin Han et Florence Vonaesch (1996). Ces auteurs essaient de retracer les répercussions actuelles du mouvement de l’antipsychiatrie dans le travail social à Genève à travers