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INTRODUCTION

Les maitres deviennent-ils plus prudents "avec l'âge et l'expirience" ? c'est la question qui ~eur itait posie 1C1. On leur suggérait : "Peut-être qu'on change moins ce que 1 'on ·fait, qu'on est un peu plus sceptique quant aux réformes, qu~on ~emet en qu~stion un peu moins qu'avant ... • 64 maltres (401.) ne se reconnaissent pas dans ce tableau. 47 d'entre eux (301.) nuancent leur riponse en disant oui en certains aspects, non pour·d'autres", et 45 (281.) admettent que, de façon générale, ils sont devenus plus prudents.

Après avoir examiné les différences en fonction de l'expérience, de l'ige, de l'établissement et du sexe, nous pouvons tracer les portraits-robots très approximatifs - suivants. Celui du maitre qui répond "non" i cette question est une femme d'ige indéterminé, mais de moins de 10 ans d'expérience qui enseigne une branche plut6t scientifique au Cycle ou au Collège. A l'opposé, le maitr~ qui· répond seulement par l'affirmative i cette question e~t un homme de n'i~porte

quel ige enseignant au Cycle ou au Collège une branche littéraire.

10. 1. POURQUOI CERTAINS NE SONT PAS DEVENUS PLUS PRUDENTS

Comment les ·maitres. qui ont répondu "non" i la question expliquent-ils et justifient-ils leur réponse ? Il y a tout d'abord ceux qui prétendent avoir "autant ou plus envie de .se lancer dans des exper1ences pédagogiques" (64 cas). Quant i ceux qui disent ~tre

toujours aussi "enthousiastes, dynamiques et avides de s'instrui~~·.

ils r~présentent le quart de tous les maitres interrogés (40 ~as):

Presque autant d'enseignants ( 36 cas l affirment qu'ils

:·se

remettent autant ou même plus en question" qu'en début de carrière. Un nombre d'enseignants non négligeable (23 cas), et parmi eux plus de femmes que d'hommes, disent aussi qu'ils sont devenus plutôt moins prudents" avec les années. Surtout pout ceux qui ont eu des dibuts

~ifficiles, une certaine exper1ence donne l'assurance qui faisait défaut les premières années. Cependant, si les m'aitres 'semblent relativement nombreux i conserver un certain enthousiasme pour la recherche pédagogique, rares sont ceux (16 cas) qui ·ont .encore réellement "envie de participer ide nouvelles réformes". Les adeptes des changements de structures se recrutent surtout parmi les maitres les plus igés du Collège, souvint ceux qui ont priparé ou mis en place certaines réformes,

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10.2. LES DIFFERENTS ASPECTS DE LA PRUDENCE

Quels sont les aspects qu'évoquent les maitres qui sont devenus plus prudents ? Nous retrouvons 1c1 aussi la désillusion, le scepticisme face aux "changements de structure et aux réformes", une attitude partagée par 49 maitres (317.). Parmi eux, on trouve une majorité d'enseignants du Cycle (567. d'entre eux), un tiers environ des maitres du Collège (337.), plus d'hommes (377.) que de femmes (267.) et un peu plus de littéraires (347.) que de scientifiques (3l'l.).

Si l'on trouve chez ces maîtres plus prudents un scepticisme presque aussi grand face aux "exoériences pédagogiques" (44 cas, soit 28'l.), il faut souligner que ce scepticisme est lié surtout à l'aspect

"collectif" de ces innovations. Les différences relevées selon le sexe, l'établissement, l'âge et la branche enseignée vont dans le même sens que pour le scepticisme face aux réformes. Ces caractéristiques sont les mêmes pour le troisième aspect évoqué par les maitres, à savoir une "conduite pédagogique personnelle plus statique". (36 maîtres, soit 237.).

Les maitres interrogés mentionnent encore trois autres aspects de leur prudence. Par ordre décroissant, ils citent : la "baisse de leur niveau d'énergie, d'investissement," ou une certaine "paresse" (97.).

Certains disent qu'ils sont devenus plus p~udents "dans leurs rapports avec les élèves" {77.), et 67. d'entre eux prétendent qu'ils ont "moins d'espoir face aux possibilités ou à l'évolution rapide des élèves."

10.3. RAISONS INSTITUTIONNELLES DE LA PRUDENCE

Mais comment ·les enseignants expliquent-ils leur scepticisme et leur conduite pédagogique plus statique ? Nous avons d'abord envisagé les raisons institutionnelles que les maitres avancent pour expliquer leur prudence.

Tout d'abord, 54 enseignants (34'l.) relèvent les "résultats décevants des réformes, des changements et des expériences". Pourquoi

~ette déception ? Bien qu'il n y ait aucun présupposé dans la question, les mêmes mots, les mêmes idées reviennent fréquemment. Le plus courant de ces leitmotive est formulé comme suit : "les réformes ne changent rien, elles correspondent à des modes". Un cas particulier, mais révélateur, de cette déception est celui des anciens maitres primaires qui ont passé au Cycle. La plupart de ceux que nous avons interrogés ont participé, de près ou de loin, à la création du Cycle d'Orientation et presque tous étaient· enthousiastes au départ.

Il y avait une nouvelle structure à créer, ils avaient l'impression d'être "des bâtisseurs". De surcroit, ils considéraient leur passage au Cycle comme une promotion sociale. Mais ils ont pourtant été déçus, comme une partie importante du corps enseignant interrogé a été déçu des réformes. En effet, selon certains maitres, les "changements, les expériences ont été mal conçus, mal exécutés". Tel est l'avis de 29 d'entre eux (187.). Parmi leurs critiques, les maitres dénoncent

les expériences. Ils ont eu aussi le sentiment désagréable que les riformes avaient iti "parachuties" et qu'ils itaient mal pr&paris pour les mettre en oeuvre.

D'autres maitres sont d'avis que c'est "le poids de l'institution"

(13%) ou du "contexte social" (16%) qui rend les riformes inefficaces.

Soulignons encore pour terminer que ceux qui sont devenus sceptiques quant aux riformes ou aux expiriences pidagogiques imposies ne sont pas devenus pour autant amorphes ou routiniers. Ils soulignent friquemment que c'est au sein de leur classe qu'ils poursuivent leurs propres recherches pédagogiques.

10.4. RAISONS PERSONNELLES DE LA PRUDENCE

Parmi les raisons personnelles d'une attitude plus prudente vient en t~te une "vision diffirente des choses, l'ivolution des idies"

&noncie par 46 maitres (29% de l'ichantillon~. Certains, parmi lesquels une forte majorité d'hommes, parlent aussi de "diception lors de tentatives de changements de structure ou de méthodes". (36 cas, soit 23%). Il faut noter que l'on ne trouve que 28 maitres qui parlent ouvertement ici de leur "lassitude" et disent qu'ils sont victimes de

"la routirie", de "l'ige", ou qu'ils ont "moins de dynamisme". Ils ne sont que 7 (4%) i dire qu'ils ressentent un "besoin de s&curiti" ou qu'ils ont "peur du risque".

En itudiant de pris les cas des "diçus de l'enseigement", on voit se confirmer une tendance qui apparaît tout au long de cette &tude : il y a plus de lassitude et de diception chez les hommes,· en particulier face i la problématique du changement, que chez les femmes.

10.5. CE QUE LES MA!TRES NE FERAIENT PLUS

La question de la prudence comportait un deuxiime volet. On demandait aux maitres s'ils pouvaient citer des choses qu'ils auraient faites plus t6t dans leur carr1ere et qu'ils ne feraient plus aujourd'hui. 35 maitres (22%) répondent qu'ils ne modifieraient pas leur conduite pédagogique. Parmi les riponses affirmatives, celle que l'on rencontre le plus fréquemment est donnée par 33 maitres (21%).

Ils disent "J'accepterais moins aujourd'hui de.sortir de mon r6le d'enseignant". Cette riponse fait surtout allusion .. aux activitis extrascolaires. Celles dont l'initiative revient i l'itole (classes de neige, voyages d'itudes, etc.) et les activités privées, en deh6rs du systime scolair~. dont l'initiative a été prise par le~ maitres.

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CONCLUSION

En conclusion, nous remarquons que si les maitres interrogés, et plus particulièrement les hommes, admettent volontiers qu'avec l'âge ils deviennent plus prudents, ils refusent en général de mettre en cause leur évolution personnelle. Selon eux, leur changement d'attitude est lié à l'institution et a ses structures trop ou insuffisamment directives. Quant aux réformes, ce n'est pas leur bien-fondé qu'ils contestent, mais la manière dont elles ont été imposées ou les limites qui leur ont été fixées. Soulignons pour terminer que le pessimisme assez général qui s'exprime quant aux réformes institutionnelles fait écho à un optimisme et un enthousiasme très réels pour la recherche pédagogique individuelle, qui ne diminue guère au cours des années.