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F1 F2 F2 F3 kHz 2.1 1.8 1.5 1.2 0.9 2.1 2.4 2.7 3.0 3.3 0.3 0.5 0.7 0.9

La diminution de F2 observée en position Mi pour le locuteur 2M reste à expliquer. Le rapprochement de F3, particulièrement bas en Mi pour ce locuteur (fig. 3.26) peut pousser F2 vers le bas. Cette diminution peut également être la conséquence d'un changement plus dramatique dans la qualité de la voyelle. En général, pour la voyelle /i/, F2 est affilié à la cavité à l'arrière de la constriction linguale. Pour la voyelle /y/ par contre, une augmentation de la cavité antérieure par protrusion des lèvres peut provoquer un changement dans l'affiliation des formants aux cavités de façon à ce que F2 se trouve affilié à la cavité avant [Boé et al. 1992, Fougeron 1993]. Dans ce cas, F2 serait aussi affecté par la protrusion de la voyelle. A l'oreille, lorsqu’ils sont coupés de leur contexte, les /i/ en début de Mot sont très proches d'un /y/. Il se peut donc que, pour le locuteur 2M, la labialisation soit telle en début de Mot que F2 se trouve aussi affecté.

penser que la différence de labialisation de /i/ entre ces deux positions est fonction de la durée de l'intervalle temporel entre le relâchement de l'occlusion de /p/ et le début de la voyelle. Cette figure est trompeuse car l'axe temporel n'est pas identique entre les positions. Un examen statistique montre que la durée de l'intervalle entre le relâchement de /p/ et le début de /i/ (intervalle de friction, aspiration, ou glottalisation) a la même durée pour les positions GAi et Mi (F(1,30)=4,3; p=0,5 pour 1F, F(1,29)=2,5; p=0,1 pour 2M)41.

D.3. Conclusion I.D. : la voyelle /i/

L'articulation de la voyelle /i/ en position initiale dans une syllabe VC est affectée par sa position prosodique. Les indices d'une variation articulatoire sont donnés par des informations électropalatographiques et des informations spectrales.

Sur les données EPG, le degré de contact linguopalatal augmente du début de Mot aux débuts de GA et de GI. Cette variation va dans le sens des modifications observées pour les consonnes en fonction de la position prosodique : la constriction de la langue contre le palais est plus importante en début de constituant supérieur. Par contre, pour la voyelle, cette augmentation de contact ne distingue que le début de Mot des positions supérieures.

Les caractéristiques spectrales de la voyelle /i/ indiquent qu'il existe une variation articulatoire progressive entre les positions Mi, GAi et GIi qui se traduit par une augmentation progressive de F3. Les simulations articulatoires effectuées suggèrent que les variations spectrales de F3 peuvent résulter d'une diminution de l'influence labialisante des consonnes environantes sur la voyelle dans les positions supérieures. Les variations de F3 peuvent aussi résulter d'une élévation progressive de la masse de la langue contre le palais. Mais dans ce cas, la stabilité de F1 dans les trois positions prosodiques reste à expliquer. L'augmentation de F2 en position GAi et GIi pour le locuteur 2M suggère que l'augmentation de contact dans ces positions reflète une antériorisation de l'articulation de /i/.

II. VARIATIONS ARTICULATOIRES SUR "L'UNITE" INITIALE DU

CONSTITUANT PROSODIQUE : GROUPE DE CONSONNES /kl/ ET SYLLABE

CV INITIALE

Les résultats présentés dans la section précédente ont montré que l’articulation des consonnes et des voyelles en position initiale dans un groupe prosodique varie en fonction de la hauteur de ce constituant dans la hiérarchie prosodique. Jusqu’à maintenant, nous nous sommes intéressés au segment initial absolu dans une syllabe CV ou VC. Dans la section qui suit, il s’agira de voir si l’influence de la position prosodique se limite à ce segment initial absolu.

J’essaie d’évaluer si l’influence de la position prosodique est un effet local sur le premier élément du constituant prosodique ou s'il s’étend sur une unité plus grande, comme un groupe de consonnes initial (/kl/, section B.I) ou une syllabe initiale CV (section B.II), en affectant les deux membres de l’unité.

II.A. Le groupe de consonnes /kl/

On a vu dans la section précédente que l’articulation de la consonne /k/ et de la consonne /l/ varie en fonction de leur position prosodique lorsqu’elles sont la consonne initiale seule d’une syllabe CV42. Aux positions

41 On verra dans le chapitre V qu'il existe, par contre, des différences au niveau de la glottalisation de la voyelle entre ces deux positions.

prosodiques supérieures (GIi, et aussi GAi pour 1F), /k/ a plus de contacts linguoplalaux, une occlusion plus large qui s’étend vers l’avant du palais et une durée d'occlusion plus longue. Pour /l/, la variation articulatoire des positions Si à Mi à GAi-GIi se traduit par une augmentation du contact au niveau de l’occlusion centrale antérieure, une réduction de l’asymétrie des contacts latéraux et un rétrécissement du passage latéral.

Dans cette section, il s’agira de voir si l’articulation des consonnes /k/ et /l/ subit les mêmes modifications en fonction de la position prosodique lorsque ces consonnes se trouvent dans un groupe /kl/ à l'initiale d’une syllabe CCV. Je chercherai à voir si seule la consonne initiale absolue (/k/) du constituant prosodique est affectée par la position prosodique ou si les deux consonnes subissent l’influence de la position du groupe comme entité. Plus particulièrement, je vérifierai si l’articulation de la deuxième consonne du groupe (/l/) et la coordination temporelle entre les deux membres du groupe consonantique varient en fonction de la position du groupe.

Il faut garder à l’esprit que, dans cette étude, il n’est pas question de manipuler la frontière prosodique entre les deux consonnes /k/ et /l/ (comme dans les études présentées en introduction II.B.3, p. ex. Hardcastle 1985, Marchal 1985, 1987). Ici, les deux consonnes sont toujours tautosyllabiques dans le groupe consonantique /kl/. C’est le poids de la frontière prosodique précédant le groupe de consonnes qui est modifié. Ainsi, je compare des groupes /kl/ placés en début de mot ("Tonton et Tata Clara...."), en début de Groupe Accentuel ("Tonton, Tata, Clara...") et en début de Groupe Intonatif ("Pauvre Tata, Clara...").

A.1. Degré de contact linguopalatal pour la première consonne, /k/, dans le groupe /kl/ :

variations spatiales

Pour /k/ isolé, l’augmentation du contact linguopalatal dans les positions supérieures se traduit par un élargissement de l’occlusion postérieure vers l’avant. Pour le /k/ de /kl/, je ne présenterai donc que le degré de contact sur cette région postérieure (les variations de contact sur la totalité des électrodes du palais suivent la même tendance).

La consonne vélaire /k/ placée devant /l/ a un contact plus étroit et plus postérieur que la consonne /k/ isolée. Cette différence apparaît lorsque l’on compare les profils de contact de /k/ isolé (fig. 3.8) avec les exemples de contact présentés figure 3.32 pour la séquence /kl/ (point B). Cette différence articulatoire a souvent été notée dans la littérature et pour plusieurs langues [Simon 1967, Marchal 1985, 1987, Hardcastle 1985, Gibbon et al. 1993]. D'après ses données cinéradiographiques, Simon (1967) met en évidence ce phénomène, en français, en montrant que l'articulation de /k/ est palato-vélaire dans un groupe /kl/ alors qu'elle est palatale pour un /k/ isolé. Récemment, une étude articulatoire combinant des données EPG et EMA [Hardcastle et al. 1996] a montré que la postériorisation de /k/ dans un groupe /kl/ en anglais est la conséquence d'une inhibition de la trajectoire en boucle du dos de la langue lorsque la consonne postérieure est suivie de /l/. La région postérieure définie pour le /k/ de /kl/ est présentée sur la figure 3.33. Cette région est plus petite et moins antérieure que la région définie pour /k/ isolé. Elle comprend 14 électrodes et s’étend de la ligne la plus postérieure (ligne 1) à la ligne 5 située à peu près au milieu du palais dur. La mesure du degré de contact pendant l'articulation de /k/ est effectuée sur la première image présentant, à l'arrière du palais, un contact maximal et stable (qui ne varie pas dans les images suivantes). De cette manière, j’élimine les variations de contact sur les bords latéraux car il est difficile de savoir si ces contacts appartiennent à /k/ ou à la consonne antérieure suivante. Ce point de mesure est représenté par la lettre B sur la figure 3.32 qui illustre l'évolution temporelle du contact pour quelques exemples du groupe /kl/.

Dans le groupe /kl/, puisque la consonne est plus postérieure, la limitation des observations relative aux bordures postérieures du palais est d’autant plus importante. Dans ce contexte, il est fort probable que l’occlusion est vélo-palatale et que le palais artificiel ne présente qu’une information partielle du contact réel. Ici encore, mes observations ne sont valables que pour le contact visible sur le palais artificiel.

Figure 3.32 : Exemples de profils de contact linguopalatal pour le groupe de consonnes /kl/ dans les 3 positions prosodiques étudiées. Les profils successifs se succèdent avec une image toutes les 10 ms. Les premières images apparaissent pendant le /a/ précédent. Le point (A) correspond à l'apparition de l'occlusion complète postérieure pour /k/, (B) indique le point où le contact est maximal pendant l'occlusion de /k/ (point de mesure du degré de contact), (C) correspond à la dernière image présentant une occlusion arrière (image précédant le relâchement), (D) indique le point où l'occlusion antérieure pour /l/ est formée et est la plus complète.

[kl] GIi

A C D B

[kl] GAi

A C D E B

[kl] Mi

A C D E B

Figure 3.33 : Région postérieure (cadre grisé) définie pour /k/ dans le groupe de consonnes /kl/. Entre parenthèses est indiqué le nombre d'électrodes inclues dans la région. Les électrodes en noir donnent un exemple de profil de contact pour un /n/ produit par le locuteur 2M en position GIi.

Région Postérieure (14)

Ligne 5

Ligne 1

Figure 3.34 : Degré de contact linguopalatal postérieur pour /k/ dans le groupe /kl/ en fonction de la position prosodique. Exprimé en % d'électrodes contactées sur la région postérieure. (pour les abréviations des positions, cf. figure 3.1)

20

40

60

80

100 Loc. 1F Loc. 2M

%

Mi GAi GIi Mi GAi GIi

Tableau III.8 : Comparaisons entre positions prosodiques pour le groupe de consonnes /kl/ en termes de (1) degré de contact dans la région postérieure pour /k/ ; (2) degré de contact dans la région antérieure pour /l/ ; (3) degré de contact dans la région latérale droite et (4) gauche pour /l/ ; (5) l’index d’asymétrie des contacts latéraux pour /l/. Résultats statistiques des tests ANOVA (1 facteur "position") et des comparaisons par paire effectuées par un test post-hoc Ficher PLSD. "ns" = p ≥ 0,05. "*" = p < 0,05.

Locuteur 1F Locuteur 2M Degré de contact F(2,42)=13,5; p=0,0001 F(2,42)=25,4; p=0,0001

postérieur /k/ Mi, GAi <* GIi Mi, GAi <* GIi Degré de contact F(2,41)=1,0; p=0,4 ns F(2,41)=5,46; p=0,008

antérieur /l/ Mi <* GAi

Degré de contact F(2,41)=0,6; p=0,5 ns F(2,41)=2,12; p=0,1 ns latéral droit /l/

Degré de contact F(2,41)=0,4; p=0,7 ns F(2,41)=4,2; p=0,02 latéral gauche /l/ GAi <* GIi

Index d’asymétrie F(2,41)=1,2; p=0,3 ns F(2,41)=2,83; p=0,07 ns (GAi <* GIi)

Les pourcentages moyens (sur 15 répétitions) de contact sur la région postérieure sont illustrés sur la figure 3.34 et les résultats des comparaisons statistiques sont présentées dans le tableau III-8.

• La consonne initiale du groupe /kl/ varie de façon similaire à la consonne /k/ seule. Aux positions supérieures, l’occlusion postérieure s’élargit. Par contre, seules deux types de positions se distinguent par ces caractéristiques : pour les deux locuteurs, le contact augmente des positions Mi-GAi à la position GIi. • Si l’on compare ces résultats aux différences observées pour les /k/ isolés, le locuteur 1F perd la distinction

GAi < GIi). Le fait que les différences de contact pour /k/ de /kl/ ne permettent de distinguer que deux types de positions (Mi, GAi vs. GIi) peut être la conséquence d’une saturation du contact à l’arrière du palais (où se fait la constriction principale pour toutes les positions). Le contact peut se différencier à l’arrière des limites du palais artificiel sans que l'on puisse l'observer.

A.2. Degré et distribution du contact linguopalatal pour la deuxième consonne, /l/, dans le

groupe /kl/ : variations spatiales

L’articulation de la consonne /l/ dans le groupe de consonnes /kl/ est étudiée au point où le contact est maximal pour /l/ après la disparition de l’occlusion arrière et des contacts centraux postérieurs de /k/. Ce point correspond au point E sur la figure 3.32. L’occlusion centrale est généralement alvéolaire comme pour la consonne /l/ isolée. Par contre, la position du passage latéral de l’air est plus variable que dans le cas de la consonne isolée. Ce passage peut être situé à l’arrière au niveau des molaires, comme dans le cas des exemples présentés aux positions Mi et GIi sur la figure 3.32. Il peut être aussi beaucoup plus antérieur, au niveau des prémolaires, comme dans l’exemple présenté pour la position GAi et il peut aussi être double, à l’avant et à l’arrière (non illustré).

Pour caractériser les variations articulatoires de /l/ en fonction de la position prosodique, les régions antérieure et latérales définies pour la consonne isolée (fig. 3.20) sont utilisées. Les degrés de contact dans ces régions sont présentés sur les figures 3.35, pour la région antérieure, et 3.36 pour les régions latérales gauche (barres noires) et droite (barres blanches). Les comparaisons statistiques sont données dans le tableau III-8.

• Le locuteur 1F ne distingue aucune position prosodique par une variation significative du contact, ni sur la région antérieure, ni sur les régions latérales.

• Le locuteur 2M distingue les positions Mi et GAi par une augmentation de contact sur la région antérieure en GAi, et les positions GIi et GAi par une augmentation de contact sur le coté gauche en GIi. Sur le coté droit, le degré de contact ne varie pas en fonction de la position. Si l’on regarde les pourcentages moyens sur les graphes pour ce locuteur 2M, il semblerait que les différences significatives obtenues soient le reflet des caractéristiques spécifiques à la position GAi (beaucoup de contacts antérieurs et peu de contacts à gauche) et non une tendance générale d’augmentation progressive du contact entre les trois positions. Pourtant, je ne peux expliquer les caractéristiques particulières de cette position. Elles sont peut-être dues à la définition des régions.

Figure 3.35 : Degré de contact linguopalatal antérieur pour /l/ dans le groupe /kl/ en fonction de la position prosodique. Exprimé en % d'électrodes contactées sur la région antérieure (définie sur la figure 3.20). (pour les abréviations des positions, cf. figure 3.1)

0

20

40

60 Loc. 1F Loc. 2M

%

Figure 3.36 : Degré de contact linguopalatal latéral pour /l/ dans le groupe /kl/ en fonction de la position prosodique. Les barres blanches indiquent le degré de contact sur la région latérale droite, les barres noires sur la région latérale gauche. Exprimé en % d'électrodes contactées sur ces régions (définies sur la figure 3.20). (pour les abréviations des positions, cf. figure 3.1)

20

40

60

80

100 Loc. 1F Loc. 2M

%

Mi GAi GIi Mi GAi GIi

Figure 3.37 : Index d'asymétrie entre le contact linguopalatal dans les régions droite et gauche pour /l/ dans le groupe /kl/. (pour les abréviations des positions, cf. figure 3.1)

asymétrie

Loc. 1F Loc. 2M

Mi GAi GIi Mi GAi GIi

5

-5

-15

-25

15

25

droite

gauche

La figure 3.37 présente l’indice d’asymétrie calculé entre les contacts dans les régions droite et gauche du palais. • Comparés aux /l/ isolés (fig. 3.23), les /l/ dans les groupes /kl/ ont un contact beaucoup moins asymétrique43, particulièrement dans les positions inférieures comme Mi. Dans le groupe de consonnes /kl/, on n’observe pas de réduction de l’asymétrie des contacts latéraux, comme celle observée pour les /l/ isolés en position haute. Au contraire, on note en position GIi une augmentation de l’asymétrie par rapport à GAi pour le locuteur 2M. Ceci est le reflet de la différence de contact dans la région latérale gauche relevée précédemment.

En conclusion, la deuxième consonne dans le groupe /kl/, ne subit pas les mêmes modifications que la consonne seule initiale de syllabe. Pour un locuteur, le degré et la distribution du contact de /l/ dans le groupe /kl/ ne varient pas en fonction de la position prosodique. Pour l’autre locuteur, on observe des variations entre des positions isolées qui semble être le reflet de particularités inhérentes à la position GAi, plutôt qu’à une tendance graduelle en fonction de la position prosodique.

A.3. Coordination temporelle entre les gestes postérieur pour /k/ et antérieur pour /l/ dans le

groupe /kl/

Le groupe consonantique /kl/ est particulièrement intéressant car il implique la coordination de deux parties de la langue (la pointe et le corps) pour des occlusions dans deux zones éloignées du conduit vocal (alvéolaire et palato-vélaire). Dans cette section, je vais examiner la cohésion temporelle entre le geste postérieur de /k/ et le geste antérieur de /l/ en fonction de la position prosodique du groupe de consonnes.