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CHAPITRE 2 : MARCHÉ MONDIAL DU COTON : UN MARCHÉ

2.7. Protestations internationales au plus fort de la crise

La crise cotonnière de 2001, a entraîné avec elle une série de protestations au niveau de l’OMC. Une baisse brutale et durable du prix mondial du coton en 2001, a été le facteur déclencheur d’une crise cotonnière sans précédent. Dans cette section, nous présentons la crise cotonnière de 2001 et les différentes protestations menées par le Brésil et les pays du « C4 ».

2.7.1. Crise cotonnière de 2001

La baisse tangentielle et drastique du prix mondial de la fibre de coton observée de 1994 à 2001, a provoqué une crise cotonnière sans précédent en 2001. Le prix du coton est passé de 91,77 $US cent/lb à 41,81 $US cent/lb soit une baisse d’environ 54% (graphique 9). Le prix du coton a atteint en 2001, son niveau historiquement le plus bas depuis 1975. Le niveau des prix du coton en 2001 est largement en dessous des coûts de production du coton en Afrique de l’Ouest et du Centre. La baisse des prix du coton a eu des effets dévastateurs sur les économies des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre qui auparavant avaient déjà été désorganisées par les privatisations que leur ont imposées les bailleurs de fonds. Ces derniers interdisent tout soutien public à cette économie sinistrée, quand les agricultures du Nord, subventionnées, contribuent à la surproduction mondiale. La faiblesse des prix a provoqué une baisse des recettes d’exportations, une perte au niveau du PIB, une augmentation du niveau de la pauvreté rurale, un assèchement des finances des sociétés cotonnières etc. les pertes financières ont eu des effets néfastes sur les balances des paiements des différents pays africains dont les économies dépendent fortement des recettes du coton. De nombreux pays africains ont connu de nouvelles crises de la dette.

La baisse des prix du coton à leur plus faible niveau en 2001 s’explique par plusieurs causes. Il s’agit notamment de la concurrence des fibres synthétiques, de la baisse structurelle de la demande, de la hausse des stocks de fibres de coton, l’offre qui dépasse la demande, les mesures gouvernementales de soutien à la production et à l’exportation des pays de l’Union Européenne, des États-Unis et de l’Asie. Les États-Unis, premiers exportateurs mondiaux, et de loin, sont les principaux responsables de la hausse des exportations. Plusieurs études ont montré que les subventions au coton des États-Unis ont des effets distorsifs sur le marché mondial du coton [OXFAM (2003), p. 44, Sumner (2003), p. 50].

Le coton produit en Afrique de l’Ouest et du Centre est forcé d’entrer en concurrence avec le coton américain qui est fortement subventionné. Ces constats ont déclenché une vague

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de protestations contre les politiques cotonnières distorsives. Le gouvernement brésilien a porté une plainte contre les subventions américaines au coton en 2002 devant l’ORD à l’OMC, et quatre pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) ont lancé une initiative sectorielle en faveur du coton africain à l’OMC en 2003. La mise en œuvre des politiques cotonnières de certains pays membres de l’OMC a suscité des différends commerciaux au sein de l’OMC.

2.7.2. Introduction et traitement de la plainte du Brésil contre les subventions au coton des États-Unis

En septembre 2002, le Brésil introduit un recours devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC contre les subventions américaines sur le coton. Le gouvernement brésilien soutient que son secteur du coton a subi des pertes importantes en raison des subventions américaines. Le Brésil a montré que ses producteurs de coton subissaient directement des préjudices du fait des politiques cotonnières américaines qui ne sont pas conformes aux règles de l’AAUR. En particulier, le Brésil estime que certaines des aides non notifiées (non déclarées) par les États-Unis à l’OMC doivent être considérées comme des subventions à l’exportation, et que d’autres aides sont déclarées dans la mauvaise catégorie.

Les pays du groupe des « C4 » se sont portés, en mars 2003, comme tierce partie dans ce différend et non comme des co-plaignants. Ce statut permet à ces quatre pays de présenter des communications lors des procédures pour appuyer les demandes du Brésil. Néanmoins les solutions apportées au différend ne concerneront que le Brésil. Ce différend a connu plusieurs rebondissements, avec chaque fois un jugement du panel de règlement des différends de l’OMC en faveur du Brésil en décidant d’une reclassification des aides américaines.

Malgré la décision de l’organe d’appel de l’OMC sur le « cotton upland », qui demandait aux États-Unis de rendre conforme sa politique cotonnière aux règles de l’AAUR, les États- Unis ne se sont pas conformés à ces décisions. L’ORD a par la suite autorisé le Brésil à imposer des mesures de rétorsion contre les États-Unis pour un montant équivalent de 830 millions de dollars. Les États-Unis et le Brésil dans un cadre bilatéral ont décidé que (i) les États-Unis alimentent, à hauteur de $147.3 millions par an, un fonds d’assistance technique au profit des cotonculteurs brésiliens ; (ii) les États-Unis proposeront de nouvelles références pour le programme GSM-102 relatif aux crédits de garantie à l’exportation. Des discussions avec le Brésil sont programmées tous les six mois ; (iii) les États-Unis établiront une limite

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pour les subventions ayant un effet de distorsion sur les échanges. Des pourparlers bilatéraux auront lieu quatre fois par an. En échange, le Brésil accepte de continuer à suspendre la mise en œuvre des rétorsions croisées jusqu’à ce qu’une solution acceptable pour eux soit incluse dans la Farm Bill et votée par le Congrès américain [IDEAS (2010), p. 4].

Dans leur démarche, les brésiliens visaient une mise en conformité des politiques cotonnières avec les règles du Cycle de l’Uruguay Round. Les pays africains de coton veulent plus, ils demandent des engrangements supplémentaires de la part des pays développés qui subventionnent leurs producteurs de coton. La démarche des pays africains à travers le « C4 » s’inscrit dans le cadre des négociations commerciales multilatérales de Doha.

2.7.3. Introduction et traitement de l’initiative sectorielle au coton du « C4 »

L’«initiative sectorielle sur le coton » a été portée pour la première fois par le groupe de quatre pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, à savoir le Benin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad. Ce groupe a été dénommé par la suite le « C4 ». En avril 2003, le « C4 » a déposé une proposition de négociation à l’OMC intitulée « Réduction de la pauvreté : initiative

sectorielle sur le coton » (document TN/AG/GEN/4). Ces quatre pays se sont faits les portes

voix de l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre dont les économies dépendent fortement des recettes de la vente du coton. Au Bénin, au Burkina Faso, au Mali et au Tchad, les recettes du coton constituent 5 à 10% du produit intérieur brut (PIB) et près de 30% des recettes d'exportations totales, et plus de 60% des recettes d'exportations agricoles. Le coton représente une culture stratégique pour le développement économique et social et la lutte contre la pauvreté dans les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Le groupe des quatre pays « C4 » (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad), à travers l’initiative sectorielle en faveur du coton dénonce les effets négatifs des subventions des États-Unis, de l’Union Européenne et de la Chine sur les pays pauvres. En effet, les subventions illégales du point de vue des règles de l’OMC faussent la concurrence et affectent directement les prix de vente du coton. En s’appuyant sur cet argument, le « C4 » exige la suppression de toutes les formes de subventions distorsives et réclament une compensation financière relative aux pertes engendrées par les subventions si elles ne sont pas éliminées (TN/AG/SCC/GEN/2).

La cause du « C4 » a eu un écho favorable au sein de la communauté internationale et des organisations non gouvernementales. L’initiative sectorielle en faveur du coton bénéficie

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alors du réseau de soutiens à l’échelle internationale qui fédère des compétences diversifiées avec l’appui de certaines institutions spécialisées dans l’accompagnement des pays en développement dans les négociations commerciales. Les institutions sous régionales comme la CEDEAO et l’UEMOA ont également apporté leur soutien dans la constitution et la soumission du dossier coton à l’OMC. L’impossibilité de trouver une réponse adéquate à l’Initiative coton est un des facteurs d’échec de la Conférence ministérielle de Cancún (Mexique) en septembre 2003. Les pays africains producteurs, leurs organisations paysannes, ainsi que les ONG nationales et surtout internationales qui les soutiennent, sont présentés comme les principaux acteurs de ce blocage.

Le 1er août 2004, le conseil général de l’OMC affirme l’importance de l’Initiative sectorielle sur le coton et insiste sur la complémentarité des aspects relatifs au commerce et au développement (document WT/L/579). Par ailleurs, la session extraordinaire du Comité de l’agriculture a décidé le 19 novembre 2004 d’établir un Sous-comité du coton au sein de l’OMC. Conformément au paragraphe 1.b et aux paragraphes 4 et 5 de l'Annexe A de la décision adoptée par le Conseil général le 1er août 2004 (document WT/L/579), il est convenu que le coton sera traité de manière ambitieuse, rapide et spécifique, dans le cadre des négociations sur l'agriculture, en ce qui concerne les trois piliers accès aux marchés, soutien interne, et concurrence à l'exportation. Le président du Sous-comité du coton, a pour mandat de faire porter les travaux du Sous-comité du coton sur toutes les politiques ayant des effets de distorsion sur les échanges dans le secteur coton.

Grâce aux actions du « C4 », la question du coton a fait l’objet de nombreuses discussions qui ont mis en évidence des divergences entre les États membres de l’organisation mondiale du commerce. Par exemple, les États s’opposent au traitement spécifique du coton en arguant que l’un des principes fondamentaux de l’OMC reste « l’engagement unique ». Cela impose qu’on ne traite pas les produits de manière isolée et qu’on doit aboutir à un accord global et équilibré. Dans le cadre des négociations du Cycle de Doha, le « C4 » continue de défendre l’avenir de la filière cotonnière ouest africaine face aux subventions distorsives et fait des propositions.

La forte mobilisation africaine et internationale sur le dossier coton n’a pas modifié la position des États-Unis dans les négociations agricoles et leurs politiques cotonnières. En dépit de toutes les actions à travers le monde entier, les États-Unis continuent à soutenir ses producteurs de coton. L’Union européenne a modifié sa politique cotonnière en 2003, mais

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compte tenu de son faible poids sur le marché international du coton, cela n’a pas d’effet sur les prix.

Contrairement au Brésil qui a déposé une plainte, les quatre pays africains choisissent la voie du dialogue et de la négociation.

2.8. Conclusion

L’examen des statistiques des échanges internationaux de fibres de coton montre que le marché mondial du coton est en pleine croissance. Le marché mondial du coton est par ailleurs caractérisé par une forte volatilité des cours avec une tendance à la baisse qui a engendré, à l’échelle internationale, une crise cotonnière sans précédent en 2002.

De 1960 à 2010, la production mondiale de fibres de coton a été multipliée par trois, elle est passée de 9,8 millions de tonnes en 1960 à plus de 25 millions de tonnes de fibres de coton en 2010. Le taux de croissance annuel moyen de la production mondiale de fibres de coton de 1960 à 2010 est de 2,3% par an. La production mondiale de fibres de coton a continué à augmenter depuis 1960, bien que la filière ait connu trois principales crises en résonnance de la baisse des cours du coton. Cette progression remarquable de la production de coton est due d’une part à une demande réelle pour la fibre de coton par les industries textiles, et les innovations technologiques et institutionnelles dans la production de coton. La Chine est le premier producteur de fibres de coton de 2004 à 2010. Elle occupe cette place de leader de la production de fibres de coton de façon stable depuis au moins une décennie. Les États-Unis et l’Inde se disputent la deuxième place des producteurs de fibres de coton. De 2004 à 2005, les États-Unis occupaient le second rang après la Chine suivis de l’Inde qui occupait le troisième rang des producteurs de fibres de coton. Les pays africains sont de très petits producteurs de coton comparés aux États-Unis et à la Chine.

La Chine est le principal importateur de fibres de coton. Les importations de la Chine sont très variables d’une année à l’autre en fonction de ses besoins et de sa production. La Chine est le principal acteur sur le marché international de fibres de coton. Par ailleurs, le tissu industriel chinois est très développé et sous-tend une demande pour la fibre de coton assez forte.

Les États-Unis représentent l’acteur le plus important des exportations de fibres de coton. En 2010, les États-Unis sont les principaux exportateurs mondiaux de fibres de coton. En effet, à eux seuls, les États-Unis ont compté pour 41% des exportations mondiales du coton. Les États-Unis sont suivis par l’Inde (12%) et l’Ouzbékistan (10%). Le paysage des

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exportations de fibres de coton est dominé par les États-Unis, l’Inde et l’Ouzbékistan qui concentrent à eux seuls, environ 63% des exportations mondiales de coton. Les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre sont un acteur majeur du commerce international du coton depuis les années 1990. Néanmoins, la région voit sa position concurrencée par de nouveaux pays, comme l’Inde.

La majorité des pays producteurs de coton met en œuvre des politiques cotonnières de soutiens à leurs producteurs de coton. C’est le cas des États-Unis, de l’Union Européenne (pour les producteurs de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie), du Brésil, de la Chine, de la Turquie, du Mexique et de certains pays africains. Les politiques de soutiens aux producteurs de coton de certains pays développés incitent à la surproduction et créent des distorsions sur le marché international du coton. Les négociations du Cycle de Doha pour le Développement sont bloquées sur la question du coton. Les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ne disposent plus de politiques de soutiens aux prix du coton. Les programmes d’ajustements structurels ont imposé dans les années 80, le démantèlement des mécanismes de stabilisation des prix du coton. Alors que ces politiques de stabilisation des prix avaient permis à la filière cotonnière ouest africaine d’être compétitive. C’est le cas des politiques de soutien aux prix du coton qui existaient en Côte d’Ivoire. Ces politiques ont permis à la filière cotonnière ivoirienne de se développer grâce à la stabilisation des prix aux producteurs.

A partir de 1995, les règles de l’Organisation mondiale du commerce, interdisent certaines mesures (boîte orange) et en autorisent d’autres (boîte bleue et verte). Les pays africains, n’ont pas les moyens de mettre en œuvre les mesures autorisées par l’Organisation mondiale du commerce, pendant que les pays développés (États-Unis, Union Européenne) continuent d’accorder à leurs producteurs une série de mesures de soutiens souvent interdites par l’Organisation mondiale du commerce. Pourtant, il est communément accepté aujourd’hui que les subventions des pays développés influencent les prix. Sans les subventions américaines par exemple, les prix du coton augmenteraient et pourraient stimuler la production et les exportations des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre qui dépendent fortement des exportations du coton. Les subventions distorsives octroyées par les États-Unis par exemple, sont à l’origine de plusieurs protestations à l’échelle internationale. C’est le cas de la plainte du Brésil à l’OMC contre les subventions au coton des États-Unis et de l’introduction de l’initiative sectorielle au coton du « C4 ». Le Cycle de Doha pour le Développement offre une belle opportunité de trouver un accord agricole qui soit équilibré et équitable.

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CHAPITRE 3 : RÉGULATION INTERNATIONALE AVEC PERSPECTIVE