1. Organisation moléculaire des jonctions serrées
1.3 Les protéines de la plaque cytoplasmique
Les protéines de la plaque cytoplasmique jouent un rôle crucial dans l’organisation
structurale et la physiologie des jonctions serrées. Ces protéines forment un réseau complexe
de protéines dont les multiples interactions sont encore peu connues (Figure 15). Ces
protéines sont associées à diverses fonctions biologiques : liaison au cytosquelette,
transduction de signaux, trafic membranaire, régulation de la transcription. Parmi ces
protéines, certaines contiennent dans leur séquence des domaines PDZ leur permettant
d’interagir avec des protéines transmembranaires ou d’autres protéines de la plaque
cytoplasmique.
1.3.1 Les protéines ZO
La protéine adaptatrice ZO-1 fut la première protéine identifiée au niveau des
jonctions serrées (Stevenson et al., 1986). Les protéines ZO-1, ZO-2 et ZO-3 possèdent la
suivie d’un domaine SH3 (Src homology 3) et d’un domaine GUK (guanylate kinase). La
région C-terminale de ZO-1 et ZO-2 comprend à proximité du domaine GUK des domaines
riches en résidus acides. Les protéines ZO appartiennent à la famille des protéines MAGUK
(Membrane Associated Guanylate Kinase) qui fonctionnent comme des chaperonnes
moléculaires capables d’interagir avec de nombreuses protéines tels que des protéines
transmembranaires, des éléments du cytosquelette ou des molécules impliquées dans la
transduction de signaux (Gonzalez-Mariscal et al., 2000).
Figure 15 : La plaque cytoplasmique des jonctions serrées. Représentation schématique de
différentes protéines présentes au niveau de la plaque cytoplasmique des jonctions serrées.
Les protéines adaptatrices tels que ZO-1 lient les protéines transmembranaires aux éléments
du cytosquelette. La plaque cytoplasmique contient des protéines impliquées dans la
signalisation cellulaire telles que PTEN Cdc42, RhoA, ou le trafic membranaire (Rab).
Certaines protéines naviguant entre les jonctions serrées et le noyau de la cellule (par
exemple, la symplékine, ZO-2, ZONAB, ASH1) appartiennent à la famille des protéines
Les protéines ZO occupent une place centrale au sein du réseau d’interactions
protéiques siégeant au niveau de la plaque cytoplasmique. Le premier domaine PDZ de ZO-1,
ZO-2 et ZO-3 se lie directement à l’extrémité C-terminale des claudines (Itoh et al., 1999).
L’interaction entre les domaines PDZ de ZO-1 et ZO-2 avec les claudines est déterminante
pour l’assemblage et la formation des jonctions serrées (Umeda et al., 2006). Les domaines
SH3, GUK et acides (U5 et U6) de ZO-1 joueraient un rôle primordial dans la localisation
correcte de la protéine et la polymérisation des claudines au sein de l’architecture des
jonctions serrées (Fanning et al., 2007). Le second domaine PDZ de ZO-1 est responsable de
l’homodimérisation et l’hétérodimérisation de la protéine avec les autres protéines ZO
(Utepbergenov et al., 2006) ainsi que de sa liaison avec les connexines (Kausalya et al.,
2001). La dimérisation semble importante pour les fonctions adaptatrices des protéines ZO et
le recrutement adéquat des claudines au niveau des jonctions serrées (Umeda et al., 2006). Le
troisième domaine PDZ et le domaine GUK de ZO-1 interagissent, respectivement, avec les
protéines transmembranaires JAM-A (Itoh et al., 2001) et occludine (Schmidt et al., 2004). Le
domaine SH3 de ZO-1 se lie à des protéines de signalisation telles que des kinases (Balda et
al., 1996a), le facteur de transcription ZONAB (Balda and Matter, 2000) et la protéine Apg-2
(Tsapara et al., 2006) (cf paragraphe 2). La région C-terminale de ZO-1 est impliquée dans
l’interaction directe de la protéine avec les éléments du cytosquelette (Fanning et al., 1998).
ZO-1 interagit aussi de manière indirecte avec le réseau d’actine-myosine en se liant à des
protéines telles que shroom2 (Etournay et al., 2007) ou la cinguline (Cordenonsi et al., 1999).
ZO-1 pourrait réguler la perméabilité cellulaire par son interaction directe ou indirecte avec
des protéines du cytosquelette et des voies de signalisation impliquées dans le contrôle
dynamique du cytosquelette d’actine (Terry et al., 2010; Van Itallie et al., 2009).
ZO-2 et ZO-3 possèdent une organisation structurale semblable à ZO-1, avec une
extrémité C-terminale plus courte (Guillemot et al., 2008). Comme ZO-1, ZO-2 et ZO-3
interagissent avec les claudines, l’occludine et l’actine. ZO-2 pourrait avoir des fonctions
redondantes avec ZO-1 en favorisant l’assemblage des claudines au niveau des jonctions
serrées (Umeda et al., 2006) ou en régulant la perméabilité paracellulaire (Hernandez et al.,
2007). Les fonctions de ZO-3 n’ont pas encore été clairement établies. De nombreux éléments
mettent en évidence un lien entre les protéines ZO et les jonctions adhérentes. Par exemple,
l’interaction de ZO-1 avec le complexe nectine/afadine pourrait jouer un rôle dans le
recrutement de la protéine au niveau des jonctions cellulaires (Yamada et al., 2006).
1.3.2 Les autres protéines PDZ
En dehors des protéines ZO, d’autres protéines PDZ sont retrouvées au niveau de la
plaque cytoplasmique des jonctions serrées telles que les protéines MAGI (MAGUK with
inverted domain structure), AF6/afadine, MUPP1 (multiPDZ protein) ou encore les protéines
du complexe de polarité CRB3/Pals1/PATJ et PAR3/PAR6/aPKC (Guillemot et al., 2008). La
protéine AF6/afadine semble essentielle à l’organisation des jonctions serrées à travers son
interaction avec l’actine et sa capacité à moduler certaines voies de signalisation comme
Ras/Rap1 (Boettner et al., 2000; Ikeda et al., 1999).
Deux voies de signalisation impliquées dans la polarité cellulaire et conservées au
cours de l’évolution sont décrites au niveau des jonctions serrées. Bien que non entièrement
élucidée, la voie CRB3/Pals1/PATJ régule l’assemblage des jonctions et la biogénèse de la
membrane apicale dans les cellules épithéliales (Shin et al., 2006). L’autre voie implique le
complexe PAR3/PAR6/aPKC qui fut d’abord caractérisé chez le nématode Caenorhabditis
elegans comme un régulateur de la division cellulaire au cours de l’embryogénèse. La
protéine PAR6 contient un domaine CRIB (Cdc42/rac interactive binding) capable de se lier à
la forme active de la GTPase de la famille Rho, Cdc42 qui joue un rôle crucial dans
l’établissement la polarité cellulaire. Cdc42 régulerait l’activation du complexe
PAR3/PAR6/aPKC nécessaire pour promouvoir la maturation des jonctions serrées
fonctionnelles (Shin et al., 2006).
1.3.3 Les protéines sans domaine PDZ
De nombreuses protéines sans domaine PDZ sont décrites au niveau de la plaque
cytoplasmique (Guillemot 2008). La cinguline est une protéine adaptatrice qui lie les
jonctions serrées au réseau d’actine et de myosine du cytosquelette. Cette protéine interagit
avec ZO-1 qui permettrait son recrutement au niveau des jonctions serrées, (Umeda et al.,
2004) mais aussi avec les autres protéines ZO (Cordenonsi et al., 1999). La cinguline ne
semble pas jouer un rôle direct dans la structure et la physiologie des jonctions serrées
(Paschoud and Citi, 2008). Cependant, par son interaction inhibitrice avec l’activateur de
RhoA, GEF-H1 (guanine nucleotide exchange factor), la cinguline pourrait réguler
l’expression de la claudine 2 et la formation des jonctions serrées (Guillemot and Citi, 2006).
Les protéines JACOP/paracingulin et de la famille des angiomotines sont aussi retrouvées
Comme déjà évoqué précédemment, la plaque cytoplasmique contient aussi une
grande diversité de protéines impliquées dans la transduction de signaux: des kinases, des
phosphatases telles que PTEN (phosphatase and tensin homolog) ou PP2A, des régulateurs du
trafic membranaire (Rab 13, Rab 3A…) ou des régulateurs de l’activité des GTPases (RhoA,
Rac1, Cdc42) (se référer à (Gonzalez-Mariscal et al., 2008) pour une revue détaillée).
Dans le document
Caractérisation de l'ubinucléine, partenaire cellulaire du transactivateur ZEBRA du virus d'Epstein-Barr
(Page 77-81)