Outre ses fonctions transactivatrices, ZEBRA joue un rôle majeur dans la réplication de
l’ADN EBV pendant le cycle lytique mais cet aspect ne sera pas développé dans ce manuscrit.
4.1 Promoteurs viraux activés par ZEBRA et régulation par les protéines virales et
cellulaires
La protéine transactivatrice ZEBRA a la capacité de se fixer à une grande variété de
séquences d’ADN cibles, similaires aux sites AP-1 et aux séquences reconnues par C/EBP,
appelés sites ZREs (Z-responsive elements), lui permettant d’activer la transcription de
nombreux gènes viraux ou cellulaires (se rapporter au paragraphe portant sur « la
caractérisation structurale de ZEBRA »). La caractérisation des différents sites de réponse à
ZEBRA a permis de montrer que la protéine reconnaît et se fixe sur une séquence
relativement dégénérée autour du consensus suivant : T-G/T-T/A-G-T/C-G/C/A-A (Speck et
al., 1997). Des sites ZREs ont été identifiés à proximité des promoteurs de nombreux gènes
viraux dont le gène très précoce BRLF1 codant pour la protéine transactivatrice Rta (le
promoteur de ZEBRA possède aussi des sites ZREs ou sites ZIII). Les promoteurs de
nombreux gènes précoces contiennent des sites ZREs comme par exemple les promoteurs
BSLF2+BMLF1 (protéine Mta ou EB2 ou SM impliquée dans la stabilité et l’export des
transcrits sans introns), BHLF1, BHRF1, BRRF1 (facteur de transcription coopérant avec
Rta), BMRF1 (facteur de transcription et facteur de processivité de l’ADN polymérase virale).
La protéine transactivatrice ZEBRA est responsable de l’activation de nombreux gènes
précoces du cycle lytique en coopération avec la seconde protéine transactivatrice de l’EBV,
la protéine Rta. Ces 2 protéines peuvent activer les gènes du cycle lytique indépendamment
l’une de l’autre quand elles sont surexprimées mais l’expression de l’ensemble des gènes du
cycle lytique de l’EBV dépend de l’action synergique de ces 2 protéines (Feederle et al.,
2000). L’induction du cycle lytique est initiée par ZEBRA qui active le promoteur du gène
BRLF1. La protéine Rta néosynthétisée est capable d’activer de manière indirecte sa propre
expression et celle de ZEBRA créant ainsi une boucle d’amplification. Le promoteur de
ZEBRA est activé au niveau de la séquence régulatrice ZII par l’intermédiaire des facteurs de
transcription c-jun et ATF-2 dont la phosphorylation résulte de l’activation de la voie des Map
kinases par Rta (Adamson et al., 2000). A noter que la protéine précoce BRRF1, codant pour
le facteur de transcription Na, est capable, en coopération avec Rta, d’activer aussi le
promoteur de ZEBRA au niveau du site ZII en activant la phosphorylation de c-jun (Hong et
al., 2004).
Le virus EBV a besoin de la machinerie cellulaire pour activer la transcription des
gènes dont les promoteurs possèdent des sites ZREs (Sinclair, 2003). ZEBRA interagit au
niveau de sa région transactivatrice avec les facteurs de transcription cellulaires TFIIA et
TFIID. L’interaction entre ZEBRA et TFIID stabilise l’association de TFIID au niveau de la
boîte TATA du gène précoce BHLF1 et la formation du complexe d’initiation de la
transcription (Lieberman and Berk, 1991). ZEBRA interagit aussi avec la protéine CBP dont
l’activité histone acétyl-transferase conduit à un remodelage de la chromatine favorable à la
transcription des gènes viraux (Adamson and Kenney, 1999; Zerby et al., 1999). L’activité
transactivatrice de ZEBRA étudiée au niveau du promoteur du gène précoce BMRF1 est aussi
potentialisée par une interaction directe de ZEBRA avec le facteur c-myb (Kenney et al.,
1992). Récemment, une étude a suggéré le rôle du facteur de transcription cellulaire MACF1
(microtubule-actin crosslinking factor) dans l’activation des promoteurs de gènes précoces de
l’EBV. MACF1 se fixerait au niveau des sites ZREs en formant un complexe ternaire avec
ZEBRA et Rta. En médiant l’interaction entre ZEBRA et Rta, MACF1 serait responsable de
la synergie d’action de ces 2 transactivateurs viraux sur les sites ZREs des gènes précoces de
l’EBV (Chang et al., 2010).
4.2 ZEBRA et reconnaissance de l’ADN méthylé
La méthylation de l’ADN cible les cytosines au niveau de régions riches en
dinucléotides CpG (ilots CpG) et est généralement associée à l’inhibition de l’expression des
gènes viraux ou cellulaires. Différents mécanismes peuvent être impliqués dans la répression
de l’expression des gènes médiée par la méthylation de l’ADN : le recrutement de complexes
à activité histone déacétylase ou de protéines MBPs (Methyl-CpG-binding proteins)
conduisant à un remodelage de la chromatine, ou encore l’inhibition de la fixation de facteurs
de transcription au niveau de leur promoteur (voir revue Klose and Bird, 2006). Le génome
EBV est non méthylé dans les virions. Cependant, dans les cellules supportant l’infection
latente et non nouvellement infectées, le génome EBV est hautement méthylé conduisant à
l’expression d’un nombre limité de gènes (Bhende et al., 2005; Takacs et al., 2010).
La protéine ZEBRA représente le premier facteur de transcription capable d’activer
des gènes viraux ou cellulaires méthylés et capable d’outrepasser l’inhibition induite par ces
modifications épigénétiques (Bhende et al., 2004; Dickerson et al., 2009; Flower et al., 2010).
La capacité de ZEBRA à se fixer et à activer préférentiellement les promoteurs méthylés a
initialement été décrite pour le promoteur de BRLF1 (pR) qui contient 3 motifs ZREs
(Bhende et al., 2004). Les motifs ZREs ont été classés en 3 groupes suivant la présence d’îlots
CpG dans la séquence et la sélectivité d’interaction de ZEBRA vis-à-vis du site méthylé. Les
ZREs de classe I (ZRE1 de pR) ne contiennent pas de motifs CpG et ZEBRA n’est donc pas
affectée par la méthylation de la séquence. Les ZREs de classe II (ZRE2 de pR) contiennent
un motif CpG, ZEBRA interagit avec la séquence quel que soit son état de méthylation. Les
ZREs de classe III (ZRE3 de pR) contiennent un ou plusieurs motifs CpG qui doivent
obligatoirement être méthylés pour permettre la fixation de ZEBRA (Bhende et al., 2004;
Karlsson et al., 2008b). Les résidus S186 et C189 de ZEBRA ont été identifiés comme jouant
un rôle majeur dans la reconnaissance des sites méthylés ZRE2 et ZRE3 du promoteur de
BRLF1 (Bhende et al., 2005; Karlsson et al., 2008a). Une étude récente a mis en évidence un
second promoteur viral contenant 2 sites ZREs avec des motifs CpG : le promoteur du gène
précoce BRRF1 (pNa), codant pour le facteur de transcription Na. ZEBRA ne fixe et n’active
efficacement le promoteur pNa que dans la mesure où les motifs CpG de ses deux séquences
ZREs sont méthylés. Le résidu S186 semble indispensable à la fixation et à l’activation des
sites ZREs méthylés de pNa dans les cellules en latence virale (Dickerson et al., 2009). Bien
que la structure de ZEBRA en complexe avec les sites ZREs méthylés n’ait pas été encore
résolue, des travaux de modélisation ont permis de suggérer des mécanismes expliquant la
reconnaissance préférentielle de ZEBRA pour les promoteurs méthylés (Dickerson et al.,
2009; Karlsson et al., 2008a; Petosa et al., 2006).
Les travaux menés par l’équipe d’Hammerschmidt ont permis d’apporter de nouveaux
éléments et d’identifier de nouveaux sites ZREs méthylés au niveau de promoteurs de gènes
précoces de l’EBV (Kalla et al., 2009). Les promoteurs BMRF1 et BSLF2/BMLF1
contiennent des sites ZREs mais aucune étude n’avait encore identifié de motifs CpG dans
leur séquence. D’autre part, les promoteurs des gènes BSRF1 (protéine du tégument) et
BBLF4 (hélicase) pourraient aussi contenir des séquences méthylées pouvant fixer ZEBRA
bien que la régulation de ces 2 gènes par ZEBRA soit pour l’instant encore inconnue. Enfin,
certains résultats semblent remettre en cause l’importance du rôle de la méthylation sur le
promoteur de BRLF1 dans l’activation du cycle lytique (Kalla et al., 2009).
De récentes études ont révélé que ZEBRA pouvait aussi activer des promoteurs
cellulaires contenant des motifs CpG méthylés au niveau de leur site ZREs (Flower et al.,
2010; Heather et al., 2009). ZEBRA est donc aussi capable de s’affranchir de l’inhibition
induite sur le génome cellulaire par la méthylation.
4.3 Résumé : rôle de la méthylation et de ZEBRA dans la régulation du cycle lytique
Les derniers travaux menés par les équipes de Sinclair, Kenney et d’Hammerschmidt
ont apporté de nouveaux éléments dans la compréhension du rôle de la méthylation et de
ZEBRA dans la régulation de l’infection lytique. Ces données récentes permettent d’envisager
un modèle de régulation de l’infection lytique en fonction de l’état de méthylation du génome
du virus EBV et le type cellulaire. Dans les cellules supportant une infection lytique, comme
les cellules épithéliales oropharyngées, le génome EBV est non méthylé empêchant ZEBRA
d’accomplir efficacement ses fonctions transactivatrices. Les facteurs de transcription Rta et
Na, n’étant pas inhibés, seraient alors les premiers médiateurs impliqués dans l’expression des
gènes lytiques. Dans un autre modèle cellulaire correspondant au début de l’infection des
cellules B, ZEBRA est exprimée à faible niveau mais ne peut induire le cycle lytique car le
génome EBV est non méthylé (Kalla et al., 2009). Durant cette phase, ZEBRA pourrait
participer à l’établissement de la latence et jouer un rôle dans la prolifération cellulaire des
cellules B de manière à protéger le virus contre le système immunitaire (Kalla et al., 2009).
Durant l’établissement de la latence, le génome viral est progressivement méthylé. Rta et Na
ne peuvent alors activer les promoteurs des gènes du cycle lytique. A la suite d’un signal
extérieur tel que la différenciation cellulaire en plasmocytes, ZEBRA serait exprimée et
pourrait engager le cycle lytique en activant les promoteurs méthylés de Rta et Na. La
combinaison d’action de ZEBRA, Rta et Na serait ensuite suffisante pour initier l’expression
de l’ensemble des gènes du cycle lytique. Grâce, en partie, à la capacité de ZEBRA à réguler
ses fonctions suivant le degré de méthylation cellulaire, le virus EBV a réussi à s’adapter
pour, d’une part, persister dans les cellules B et échapper à la réponse immune au début de
l’infection puis, d’autre part, produire de nouveaux virions et infecter de nouveaux hôtes à un
stade ultérieur de l’infection (Dickerson et al., 2009; Kalla et al., 2009).
Dans le document
Caractérisation de l'ubinucléine, partenaire cellulaire du transactivateur ZEBRA du virus d'Epstein-Barr
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