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La déstabilisation des jonctions serrées comme instrument de la pathogénèse

3. Interaction des virus avec les protéines des jonctions serrées

3.2 La déstabilisation des jonctions serrées comme instrument de la pathogénèse

3.2.1 Exemples des rotavirus, du VIH et des arboviroses

Les rotavirus sont des virus non-enveloppés à ARN responsables d’épidémies de

gastroentérites. Pendant l’infection, la glycoprotéine VP4 de la capside des rotavirus est clivée

et donne naissance au fragment VP8 qui interfère avec la localisation de protéines des

jonctions serrées tels que la claudine-3, ZO-1 et l’occludine. Ces changements induisent une

rupture de l’intégrité des jonctions serrées durant l’infection (Beau et al., 2007; Nava et al.,

2004; Obert et al., 2000). Le mécanisme par lequel VP8 interfère avec les jonctions serrées est

inconnu mais VP8 pourrait rentrer en compétition avec les homodimères d’occludine

obstruant l’espace intercellulaire (Nava et al., 2004). Les rotavirus produisent aussi une

entérotoxine appelée NSP4. L’exposition à long terme de cette toxine sur des cellules MDCK

cause une augmentation de la perméabilité paracellulaire et inhibe le recrutement de ZO-1 au

niveau des jonctions intercellulaires (Tafazoli et al., 2001).

Une étude récente a suggéré que le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine)

pourrait entraîner une altération de l’intégrité de la barrière des muqueuses épithéliales et

favoriser ainsi l’infection par d’autres agents pathogènes (Nazli et al., 2010). Des cultures

primaires de cellules épithéliales provenant de la sphère génitale féminine ont été exposées au

VIH pour observer l’effet du virus sur la barrière épithéliale. L’exposition au VIH était

associée à une dégradation des protéines des jonctions serrées claudines (isoformes 1,2 et 4),

occludine et ZO-1 et à une augmentation de la perméabilité paracellulaire. La glycoprotéine

d’enveloppe gp120 semble directement impliquée dans l’altération de la barrière épithéliale

via l’activation de cytokines pro-inflammatoires telles que TNF- (Nazli et al., 2010).

Le virus de la dengue et le virus West Nile (WNV) sont deux arbovirus de la famille

des Flaviviridae transmis par deux différentes espèces de moustiques. De récents travaux ont

montré que ces virus pouvaient interférer avec des protéines des jonctions serrées pour assurer

leur pathogénèse. In vivo, l’infection par le WNV entraîne une diminution de l’expression des

claudines au niveau des cellules épithéliales du tubule rénal de souris. L’infection de cellules

épithéliales en culture est associée à une augmentation de la perméabilité membranaire. Cet

effet semble relié à la capside du virus qui activerait la dégradation des claudines au niveau

des lysosomes. La perte de l’intégrité des jonctions serrées au niveau des cellules épithéliales

pourrait favoriser la dissémination du virus dans l’organisme (Medigeshi et al., 2009). Une

l’expression était altérée suite à l’infection par le virus de la dengue. Parmi ces protéines,

certaines sont associées au cytosquelette et aux jonctions cellulaires, comme la protéine des

jonctions serrées ZO-1. Ces résultats, confirmés sur le plan fonctionnel, pourraient expliquer

l’augmentation de la perméabilité vasculaire observée dans les cas graves de dengues

hémorragiques (Kanlaya et al., 2009).

3.2.2 Les virus oncogènes

La relation entre jonctions serrées et cancer est bien documentée (voir revue

(Gonzalez-Mariscal et al., 2007)). Par exemple, l’expression des protéines des jonctions

serrées dans différents carcinomes est souvent diminuée ou augmentée. D’autre part, la perte

de la fonctionnalité des jonctions serrées peut être associée à la progression du cancer et à

l’apparition de métastases. Enfin, nous avons abordé précédemment, dans le chapitre traitant

des protéines NACos, le fait que les jonctions serrées jouaient un rôle dans le contrôle de la

prolifération et de la différenciation cellulaires. Certaines protéines des jonctions serrées sont

ciblées par des oncoprotéines virales révélant aussi le lien entre protéines des jonctions

serrées, virus et cancers.

Les virus HPV (Human Papilloma Virus) oncogènes sont les principaux agents

étiologiques des cancers du col de l’utérus. La protéine E6 est considérée comme le

déterminant majeur du pouvoir oncogène des virus HPV à haut risque. Cette protéine possède

des motifs de liaison aux domaines PDZ qui interagissent avec les protéines des jonctions

serrées MUPP1 (Lee et al., 2000), MAGI-1 (Glaunsinger et al., 2000; Thomas et al., 2001) et

PATJ (Storrs and Silverstein, 2007). La protéine E6 cible ces protéines PDZ pour les dégrader

dans le protéasome. L’expression de E6 dans les cellules épithéliales déstabilise les jonctions

serrées et induit une mauvaise localisation de ZO-1 (Nakagawa and Huibregtse, 2000). Une

partie du pouvoir oncogène de la protéine E6 pourrait être reliée à ses effets sur les jonctions

serrées mais les mécanismes précis mis en jeu ne sont pas encore établis.

Les adénovirus peuvent induire des tumeurs chez l’animal et transformer les cellules

fibroblastiques de rongeurs. Le pouvoir oncogène de l’adénovirus humain de sérotype 9 est lié

à la protéine E4-ORF1 qui contient dans sa séquence des motifs de liaisons aux protéines

PDZ. Cette oncoprotéine interagit à ce niveau avec les protéines des jonctions serrées ZO-2,

MAGI-1, MUPP1 et PATJ en les séquestrant dans le cytoplasme des cellules fibroblastiques

(Glaunsinger et al., 2000; Glaunsinger et al., 2001; Latorre et al., 2005; Lee et al., 2000). Dans

des cellules épithéliales, E4-ORF1 inhibe la localisation de PATJ et ZO-2 au niveau des

jonctions serrées et altère l’intégrité de la barrière épithéliale et de la polarité cellulaire

(Latorre et al., 2005). En interférant avec la localisation de ZO-2, E4-ORF1 inhiberait son

activité antiproliférative et anti-tumorale (Glaunsinger et al., 2000; Tapia et al., 2009).

Le pouvoir oncogène du virus SV40 (Simian Virus) est établi chez l’animal mais

encore discuté chez l’homme (Javier and Butel, 2008). La protéine oncogène sTag (small

tumor antigen) du SV40 interagit avec la phosphatase PP2A localisée au niveau de la plaque

cytoplasmique des jonctions serrées où elle induit la déphosphorylation des protéines ZO-1,

occludine et claudine-1 (Gonzalez-Mariscal et al., 2008). Au cours de l’infection par le SV40,

la protéine sTag forme un complexe avec PP2A inactivant son activité au niveau des jonctions

serrées. La surexpression de sTag dans les cellules épithéliales entraîne une désorganisation

du réseau du cytosquelette et une altération des propriétés de barrière des jonctions serrées

pouvant expliquer le rôle du SV40 dans la transformation des cellules épithéliales

(Nunbhakdi-Craig et al., 2003).

Conclusion

L’intérêt porté par les scientifiques aux jonctions serrées est grandissant. Les

connaissances sur ces structures évoluent rapidement. Considérées initialement comme de

simples barrières régulant la perméabilité paracellulaire, les jonctions serrées sont composées

en réalité d’un réseau protéique dense et dynamique régulant de multiples fonctions dans la

cellule. En particulier, une nouvelle famille de protéines pouvant naviguer entre les jonctions

serrées et le noyau des cellules a été décrite ces dernières années : la famille des protéines

NACos. Ces protéines sont impliquées entre autres, dans la régulation de l’expression des

gènes, et le contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires. Fait intéressant, les

protéines des jonctions serrées sont aussi la cible d’agents pathogènes, comme les virus. Ces

derniers peuvent se servir de ces structures pour infecter les cellules épithéliales et accomplir

leur cycle viral, ou les déstabiliser pour disséminer dans l’organisme.

Partie I :

Caractérisation de l’ubinucléine au niveau des

jonctions serrées des cellules