• Aucun résultat trouvé

Les protéines de fusion P1P2 sont indétectables dans les plantes infectées

Chapitre 1 – Étude de l’épissage alternatif de l’ARN 35S du CaMV

3) Les protéines de fusion P1P2 sont indétectables dans les plantes infectées

La sélection par la machinerie d’épissage, des sites donneurs D1 et D2 – ainsi que D3 dans le cas de la souche Cabb-S – et du site accepteur A, crée des ORF de fusion entre la partie 5’ de l’ORF I et la partie 3’ de l’ORF II. Alors que la taille de la portion issue de l’ORF I varie en fonction du site donneur sélectionné, celle provenant de l’ORF II est identique à tous les ORF de fusion. Les protéines P1P2 (D1 et D2) résultant de l’expression de ces ORF ont une masse moléculaire théorique d’environ 31 kDa. Malgré de nombreuses tentatives, les protéines de fusion P1P2 n’ont jamais pu être immuno-détectées à l’aide d’anticorps polyclonaux anti-P1 et anti-P2, alors que la protéine P1 (46 kDa), son produit de clivage (38 kDa) (Thomas et Maule, 1995) et la protéine P2 (18 kDa) ont pu être révélées avec ces mêmes anticorps (Figure 16A). Les protéines de fusion ont également été recherchées dans des fractions cellulaires enrichies en paroi pecto-cellulosique car la protéine P1 colocalise avec les plasmodesmes, des canaux traversant la paroi pour connecter les cellules végétales les unes aux autres (Stavolone et al., 2005). Les fractions cellulaires testées n’ont pas révélé la présence de pro-téines P1P2 (Figure 16B). Ces résultats suggèrent que les propro-téines de fusion P1P2 sont faiblement exprimées et/ou qu’elles sont dégradées rapidement après leur biosynthèse.

La détection de la protéine P1P2(D2) a été également infructueuse lorsque des cellules de ta-bac Nicotiana tata-bacum BY-2 – pour « bright yellow - 2 » – ont été transfectées avec un plasmide re-combinant codant pour une protéine de fusion entre P1P2(D2) et la protéine fluorescente verte eGFP – pour « enhanced green fluorescent protein » –, alors que cette dernière, exprimée seule, a été par-faitement observée (Angèle Geldreich, données non-publiées). Par ailleurs, l’expression de la P1P2(D2) fusionnée aux étiquettes HA- ou myc- a été testée par agroinfiltration, sur feuilles de Nico-tiana benthamiana. Deux constructions codant pour la GFP étiquetée avec HA- ou myc- ont été utili-sées en parallèle, comme témoins positifs. Les deux protéines HA- et myc-GFP ont été détectées avec des anticorps dirigés contre leurs étiquettes, dans toutes nos expériences d’expression transi-toire. À l’inverse, des protéines ayant une masse moléculaire similaire à celle des P1P2(D2) étique-tées (environ 39 kDa) n’ont été mises en évidence que de rares fois et ce, en très faibles quantités (Figures 17 et 19). La plupart du temps, les P1P2(D2) étiquetées n’ont pas été immunodétectées dans des extraits protéiques totaux préparés à partir de feuilles agroinfiltrées (Figure 17A) et ce, alors que les ARNm correspondants ont pu être détectés par RT-PCR (Figure 17B).

Figure 16 : Immunodétection des protéines de fusion P1P2 chez des navets infectés par les souches Cabb B-JI ou Cabb-S. Les protéines totales (A) ou issues de fractions enrichies en paroi pecto-cellulosique (B)

ont été analysées par électrophorèse sur gel de polyacrylamide, en présence de SDS (SDS-PAGE) ; un western-blot a ensuite été réalisé avec des anticorps polyclonaux anti-P1 ou anti-P2. Les fractions S1, S2et S3 correspon-dent aux différents stades d’enrichissement en paroi. Les membranes de la partie (A) ont volontairement été surexposées afin de maximiser les chances de détection des protéines P1P2. La coloration des membranes et des gels, respectivement au rouge Ponceau et au bleu de Coomassie a permis d’apprécier les quantités de pro-téines analysées.

Il a été montré que P2 interagit avec elle-même (Hébrard et al., 2001), ainsi qu’avec P3 (Leh et al., 1999) et P6/TAV (Lutz et al., 2012). En plus d’oligomériser pour former les tubules permettant le mouvement viral de cellule à cellule (Perbal et al., 1993), P1 peut interagir avec P3 (Stavolone et al., 2005), via son extrémité carboxy-terminale, et P6/TAV (Hapiak et al., 2008). Nous avons fait l’hypothèse que les protéines de fusion pourraient interagir avec les partenaires viraux des protéines P1 et/ou P2 complètes. Pour évaluer les possibilités d’interactions entre les protéines P1P2 et d’autres protéines virales, des expériences de far western-blot ont été réalisées. La protéine P1P2(D2) fusion-née à la GST – pour « glutathion S-transférase » – et exprimée chez Escherichia coli a ainsi été incu-bée avec des protéines virales P1, P3 et P6/TAV recombinantes et radiomarquées au 32P, ainsi qu’avec des particules virales purifiées. In vitro, GST-P1P2(D2) a interagit avec les particules virales purifiées, les protéines P2 et P3 mais ni avec P1, ni avec P6/TAV (Figure 18). Aucune interaction n’a été détectée entre la GST seule et les protéines/particules virales. Des expériences de GST pull-down et de double-hybride, visant à confirmer les interactions observées par far western-blot, sont en cours de réalisation.

Figure 17 : Immunodétection des protéines de fusion P1P2(D2) étiquetées HA- et myc- et exprimées de façon transitoire, par agroinfiltration de feuilles de Nicotiana benthamiana. (A) Les protéines totales ont été

extraites à partir des feuilles agroinfiltrées 2,5 jours après infiltration et les protéines de fusion P1P2(D2) ont été recherchées par western-blot, avec des anticorps anti-HA ou anti-myc. Des feuilles agroinfiltrées avec des cons-tructions codant pour HA-GFP ou myc-GFP ont été utilisées comme contrôles positifs. Les images résultent d’une surexposition volontaire des membranes, afin d’augmenter les chances de détection des protéines P1P2. (B) La présence de transcrits correspondant aux différentes constructions agroinfiltrées a été vérifiée par RT-PCR, à partir d’ARN totaux extraits à partir de feuilles agroinfiltrées.

Le fait que les protéines de fusion P1P2 ne soient pas détectées au cours de l’infection mais puissent interagir in vivo avec certains partenaires viraux de P1 et P2, suggère que ces protéines sont rapidement dégradées après leur expression, possiblement afin de prévenir la mise en place de telles interactions qui interféreraient avec les fonctions de P1 et/ou P2. Pour savoir si la voie de l’ubiquitine/protéasome est impliquée dans la dégradation des protéines de fusion, nous avons réalisé des cinétiques d’inhibition du protéasome. Deux constructions codant pour deux versions étiquetées de la protéine P1P2(D2) ont été agroinfiltrées dans des feuilles de Nicotiana benthamiana. 1,5 jour après infiltration, les feuilles ont été traitées avec du MG132, un inhibiteur de la voie de l’ubiquitine/protéasome, ainsi qu’avec de la cyclohéximide, un inhibiteur de la traduction eucaryote. La protéine DELLA RGA – pour « repressor of the ga1-3 mutant » –, liée à une étiquette HA-, a été utili-sée comme témoin positif. Cette protéine, dont le rôle est de r éprimer la voie de signalisation des gib-bérellines, est connue pour être une cible de la voie de l’ubiquitine/protéasome (Feng et al., 2008).

Alors que la protéine RGA-HA a été stabilisée par le traitement au MG132 (Figure 19), il n’a pas été observé de tel effet pour la protéine de fusion P1P2(D2) exprimée chez N. benthamiana. Même si la forte difficulté à exprimer de façon reproductible la protéine de fusion P1P2(D2) ne nous permet pas d’éliminer complètement l’hypothèse d ’une dégradation par la voie de l’ubiquitine/protéasome, il semble que les protéines P1P2 soient intrinsèquement instables.

Figure 18 : Tests d’interaction par far western-blot, entre la GST-P1P2(D2) exprimée en système bacté-rien, et des protéines virales recombinantes et des particules purifiées. La GST-P1P2(D2) et la GST seule

ont été fractionnées par SDS-PAGE, transférées sur membrane de polyfluorure de vinylidène (PVDF), puis cette dernière a été incubée avec des virions purifiés ou des protéines virales P1, P3 ou P6/TAV recombinantes et radiomarquées au32P (overlay).

Figure 19 : Cinétique d’inhibition de la voie de l’ubiquitine/protéasome, par traitement au MG132. Des

feuilles de Nicotiana benthamiana ont été agroinfiltrées avec deux constructions codant pour la P1P2(D2) étique-tée HA-. 1,5 jour après infiltration, les feuilles ont été incubées avec du MG132 puis, 1,5 h après le début d’incubation, de la cyclohéximide a été ajoutée au mélange. Le moment de l’ajout de la cyclohéximide correspond au temps 0. La présence des protéines étiquetées HA- a été recherchée par western-blot, à l’aide d’anticorps

Pour évaluer l’importance des protéines de fusion P1P2 au cours du cycle infectieux, nous avons inséré un codon d’arrêt de la traduction immédiatement en aval du site accepteur A – mutant P1P2stop, où la séquence AGGAAGAAGCUUACUCGGA est remplacée par AGGAAGAAGCUUA-CUCUGA. L’inoculation de plants de navets avec ce mutant a conduit à l’apparition de symptômes systémiques identiques à ceux provoqués par la souche Cabb B-JI sauvage ; aucun délai dans l’apparition de ces symptômes n’a été observé. Par ailleurs, les protéines de capside résultant de clivages du précurseur P4 ont été retrouvées en même quantité chez le mutant et le virus sauvage (Figure 20). Ceci indique que, dans nos conditions expérimentales, les protéines de fusion, ou du moins la portion issue de l’ORF II, n’ont pas d’importance pour le cycle infectieux. L’analyse des formes d’ARN 35S présentes chez les plantes infectées par le mutant P1P2stop a révélé une absence relative de formes épissées (Figure 15C, échantillon P1P2stop avec la sonde ex). Ce résultat surpre-nant indique que les protéines de fusion P1P2 et/ou P2 – puisque le codon stop inséré conduit à l’expression d’une P2 tronquée au deux tiers – pourraient réguler positivement l’épissage de l’ARN 35S.

4) Un site donneur cryptique est utilisé lorsque les sites D1, D2 et D4 sont