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Chapitre 2 – Étude de l’export nucléaire des ARN viraux

5) Export nucléaire des ARNm viraux

Comme c’est le cas pour de nombreux autres processus cellulaires, le s virus ont développé diverses stratégies pour exploiter les machineries nucléaires afin d’exporter leurs ARNm vers le cyto-plasme. Alors que certains, comme les herpèsvirus ou les rétrovirus simples, utilisent la voie « usuelle » médiée par TAP-p15 pour exporter tout ou partie des leurs transcrits, d’autres utilisent à cette fin une voie rarement réservée à l’export nucléaire d’ARNm, la voie dépendante de CRM1.

a) Utilisation de la voie TAP-p15 par les virus

i. Cas de l’herpès simplex virus de type 1 (HSV-1) et de l’herpèsvirus associé au sarcome de Kaposi (KSHV)

L’HSV-1 est un membre de la famille des Herpesviridae. Il possède donc un génome linéaire à ADN doublebrin. La protéine virale ICP27 a un rôle majeur de modulateur du transport nucléo -cytoplasmique, en plus de sa capacité à perturber fortement l’épissage chez l’hôte . ICP27 est capable, d’une part, de bloquer l’import de protéines vers le noyau en interagissant avec la FG-Nup62 et, d’autre part, d’assurer l’export nucléaire des ARNm viraux – qui sont majoritairement exempts d’introns – grâce à sa capacité à se fixer sur l’ARN et à interagir directement avec TAP-p15 et ALY (Yarbrough et al., 2014).

Figure 4 : Remodelage d’une mRNP, à la sortie d’un pore nucléaire. Alors que la directionnalité du transport

nucléo-cytoplasmique est imprimée par un gradient de Ran-GTP à travers la membrane plasmique, celle de l’export nucléaire des mRNP dépend de la dissociation progressive des facteurs d’export par l’hélicase ATP-dépendante Dbp5, dans le cytoplasme. L’activité de Dbp5 est fortement stimulée par son interaction avec la pro-téine Gle1. Modifié d’après (Stewart, 2007).

La protéine ORF57 du KSHV est également capable de stimuler l’export nucléaire des trans-crits viraux en fixant, à la fois, ARN et la protéine adapt atrice ALY. Ceci permet de recruter le reste du complexe TREX, ainsi que le dimère TAP-p15 (Schumann et al., 2013).

ii. Cas des rétrovirus simples

Les rétrovirus sont qualifiés de simples lorsqu’ils ne possèdent que les trois gènes gag, pol et env. Chez le MPMV, et comme chez tous les rétrovirus, le gène env codant pour la glycoprotéine d’enveloppe est exprimé à partir d’un ARN épissé tandis que gag et pol, codant respectivement pour la protéine de capside et la transcriptase inverse, sont tous deux exprimés à partir d’un ARN non-épissé, qui sert également d’ARN génomique (ARNg ; Figure 5).

L’expression des gènes gag et pol est permise par la relative faiblesse des deux sites d’épissage, ainsi que par la présence, à l’extrémité 3’ de l’ARN viral, d’une séquence nommée CTE qui permet de recruter directement TAP. Ainsi, une fraction suffisante d’ ARN viraux non épissés est exportée vers le cytoplasme (Shida, 2012).

Le virus du sarcome de Rous utilise une stratégie analogue pour exporter ses ARN non-épissés, à la différence que TAP est recrutée par deux séquences répétées et nommées direct re-peats (Shida, 2012).

Récemment, il a été décrit que le virus de la leucémie murine (MLV) utilise également la voie TAP-p15 pour exporter ses ARN épissés et non-épissés. Le recrutement de TAP semble dépendre d’une séquence localisée à la fin du gène pol et nommée CAE – pour « cytoplasmic accumulation element » (Pessel-Vivares et al., 2014; Sakuma et al., 2014).

b) Utilisation de la voie CRM1 par les virus

i. Cas du virus du sarcome de Rous (RSV)

Certaines données suggèrent qu’en plus d’utiliser la voir TAP-p15 pour exporter ses ARN non-épissés, le RSV pourrait utiliser un second mécanisme, qui dépendrait de la protéine virale Gag. Gag a la capacité de se fixer à l’ARN viral, en particulier au niveau d’un élément d’assemblage, et de s’associer à CRM1. En interagissant avec CRM1 et une fraction des ARN viraux non-épissés, Gag pourrait exporter séparément l’ARNg du reste des transcrits non-épissés, destinés à l’expression de gag et pol (Shida, 2012).

ii. Cas des rétrovirus complexes

À l’inverse des rétrovirus simples, les rétrovirus complexes possèdent, en plus des gènes gag pol et env communs à tous les rétrovirus, un ou plusieurs gènes codant des protéines dites acces-soires, mais qui en réalité jouent un rôle prépondérant dans la pathogénèse de ces virus . Leurs ARN peuvent subir plusieurs évènements d’épissage. Ces virus ont dû développer des stratégies pour fav o-riser l’export de leurs ARN partiellement épissés et non-épissés, afin de permettre l’expression de

Figure 5 : Génome et transcrits du MPMV. Les différents ARN produits, et les gènes qu’ils portent, sont

indi-qués. Les LTR – pour « long terminal repeat » – sont des répétitions générées lors de la rétrotranscription, et qui contiennent le promoteur et le terminateur de transcription. CTE : constitutive transport element. D’après Shida, 2012.

certaines protéines et de maintenir l’intégrité génomique, alors que la machinerie cellulaire aurait te n-dance à seulement exporter leurs ARN complètement épissés.

Le génome du virus T-lymphotropique humain de type 1 (HTLV-1) code pour un gène acces-soire nommé rex, qui est exprimé à partir d’un ARN doublement épissé (Figure 6A). La protéine Rex possède un signal de localisation nucléaire (NLS) et un NES. Elle est donc capable de faire la navette entre le noyau et le cytoplasme. Dans le noyau, Rex interagit spécifiquement avec les ARN viraux, en se liant, sous une forme multimérique, à une séquence fortement structurée et localisée en 3’, la sé-quence RXRE – pour « Rex response element ». Par son NES, Rex recrute CRM1, ce qui conduit à l’export nucléaire des ARN viraux, en particulier ceux qui partiellement et non-épissés (Bogerd et al., 1996; Hidaka et al., 1988; Shida, 2012).

Le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (HIV-1) utilise une stratégie analogue pour exporter certains de ses ARN, grâce à sa protéine Rev. La séquence de fixation de Rev, RRE – pour « Rev response element » –, est localisée dans le gène env et n’est présente que sur les ARN partiel-lement et non-épissés (Figure 6B). Comme Rex, Rev est capable de multimériser sur RRE et de r e-cruter CRM1 pour l’export des ARN viraux non-épissés et partiellement épissés (Fischer et al., 1994; Malim et al., 1990; Shida, 2012).

iii. Cas des foamy virus

Le prototype foamy virus (PFV) est un rétrovirus et membre type du genre Spumavirus. En plus du promoteur habituel des rétrovirus qui se situe dans la région 5’ LTR, le PFV possède un pro-moteur interne localisé dans la région du gène env. L’export des ARN non-épissés et partiellement épissés du PFV repose sur la voie CRM1 mais, à l’inverse des autres rétrovirus, aucune protéine v i-rale n’est impliquée. C’est la protéine cellulaire HuR, agissant également dans l’export nucléaire de

Figure 6 : Génomes et transcrits du HTLV-1 (A) et du HIV-1 (B). Les différents ARN produits, et les gènes

qu’ils portent, sont indiqués. LTR : long terminal repeat. RXRE : Rex response element. RRE : Rev response

fixe probablement à une séquence virale qui n’a pas encore été caractérisée puis, avec l’assistance des protéines ANP32A et ANP32B, recrute l’exportine CRM1 pour exporter les ARN viraux vers le cytoplasme (Bodem et al., 2011).

iv. Cas du virus de l’influenza A (IAV)

L’IAV est un virus à ARN simple-brin multipartite et de polarité négative, membre de la famille des Orthomyxoviridae, et dont la transcription et la réplication, effectuées par une ARN polymérase ARN-dépendante virale, ont lieu dans le noyau des cellules infectées. Les segments du génome viral sont produits sous forme de vRNP : la polymérase virale – un hétérotrimère – réplique le génome viral en utilisant les ARN antigénomiques comme matrice, et de nombreuses protéines NP se fixent à chaque ARN nouvellement synthétisé. Les vRNP sont exportés par la voie CRM1 grâce aux protéines virales M1 et NEP tandis que les cRNP, qui sont constituées des RNP contenant l’ARN antigéno-mique, restent dans le noyau. La protéine M1 peut à la fois interagir avec les protéines NP et NEP. Grâce aux différents NES localisés sur M1 et NEP, les différentes vRNP peuvent être exportées vers le cytoplasme puis s’accumuler au niveau de la membrane plasmique, où le processus d’assemblage des virions pourra commencer (Hutchinson et Fodor, 2013). L’IAV est capable d’inhiber, en parallèle, l’export nucléaire des ARNm de l’hôte via des interactions entre la protéine virale NS1 et certains composants clés de la machinerie d’export, tels que TAP et p15 (Satterly et al., 2007).

6) Ouverture sur le sujet d’étude

À ce jour, aucune donnée concernant l’export nucléaire des ARN du CaMV n’a été publiée. De plus, les connaissances sur l’export nucléaire des ARNm, chez les plantes, sont minces voire inexis-tantes en ce qui concerne l’export des ARN viraux des quelques virus de plantes dont le génome est à ADN (Caulimoviridae, Geminiviridae et Nanoviridae). Ainsi, la difficulté majeure du problème réside dans le fait qu’il ne peut être abordé qu’à la lumière de ce qui existe dans des systèmes relativement éloignés de notre sujet, chez des virus animaux par exemple.

Une fraction d’ARN 35S du CaMV doit nécessairement être exportée sous la forme non-épissée afin de garantir l’intégrité génomique du virus ainsi que l’expression des protéines P1 et P2, impliquées respectivement dans le mouvement du CaMV de cellule à cellule et dans sa transmission de plante à plante. Chez les animaux, où les pré-ARNm, lorsqu’ils ne sont pas encore épissés, sont retenus dans le noyau, les rétrovirus utilisent deux stratégies pour exporter des ARN viraux partielle-ment et non épissés. D’une part, leur sites d’épissage sont souvent faibles, par nature ou grâce à des séquences régulant négativement leur utilisation par le splicéosome (Leblanc et al., 2013). D’autre part, ils possèdent des séquences, et parfois codent également pour des protéines, qui promeuvent l’export de leurs propres ARN via la voie d’export utilisée par les ARNm cellulaires et/ou celle utilisée par les protéines.

Une différence notable existe chez les plantes : l’évènement d’épissage alternatif qui est le plus fréquent est la rétention d’intron, alors que ce phénomène représente moins de 5% des évène-ments d’épissage chez l’humain (Reddy et al., 2013). Ainsi, nombre d’ARNm de plantes sont exportés du noyau alors même qu’ils contiennent un ou plusieurs introns. Il n’est donc pas impossible que les mécanismes régulant l’export d’ARNm avec intron(s) diffèrent entre les animaux et les plantes. Alors que la voie majeure d’export des ARNm de plantes n’a pas encore été décrite, l’export nucléaire de leurs protéines est mieux caractérisé. Deux homologues de CRM1, codés par les gènes XPO1A et XPO1B, ont été mis en évidence, et le processus d’export est très similaire à celui des animaux (Blan-villain et al., 2008; Merkle, 2011). Ce processus peut d’ailleurs être inhibé par l’inhibiteur classique qu’est la leptomycine B. Ainsi, l’étude d’une possible implication de la voie CRM1 dans l’export des ARN du CaMV semble envisageable.

Les trois questions principales qui ont sous-tendu notre approche expérimentale ont donc été les suivantes : quel(s) mécanisme(s) utilise le CaMV pour préserver en partie de l’épissage l’ARN

35S, et exporter l’ARN 35S non-épissé vers le cytoplasme ? Quelles sont les protéines qui intervien-nent en trans dans ce processus ? Quelles sont les séquences qui gouverintervien-nent, en cis, l’export de l’ARN 35S ? Pour tenter d’y répondre, la mise en place de protocoles expérimentaux a été nécessaire et beaucoup de temps y a été consacré.

RÉSULTATS

La thématique de l’export nucléaire des ARN de virus de plantes était, à notre connaissance, encore inexplorée lorsque j’ai commencé mon doctorat. Par conséquent, il était impératif de mettre au point des protocoles expérimentaux qui nous permettent d’apporter des éléments de réponse sur l’export de l’ARN 35S du CaMV. J’ai donc consacré le plus clair de mon temps à la conception de vecteurs viraux idoines, à l’obtention et à la transfection de protoplastes et à l’expérimentation d’approches différentes pour évaluer l’export nucléaire des ARN viraux. Deux systèmes ont été déve-loppés pour pouvoir étudier l’export de l’ARN 35S et les facteurs impliqués en cis et trans dans ce processus. Le premier système présenté repose sur l’expression d’un rapporteur fluorescent comme témoin de l’export de l’ARN 35S non-épissé ; le second est basé sur une détection ciblée des ARN 35S, dans le noyau et le cytoplasme. Dans les deux cas, la souche Cabb B-JI a été utilisée comme modèle d’étude.

1) Étude de l’interaction entre P6/TAV et la protéine AtXPO1, par GST