• Aucun résultat trouvé

Étude de l’export nucléaire des différentes formes d’ARN 35S par détermination

Chapitre 2 – Étude de l’export nucléaire des ARN viraux

3) Étude de l’export nucléaire des différentes formes d’ARN 35S par détermination

popula-tion globale d’ARN 35S, dans le noyau et le cytoplasme

Pour pallier aux limites énoncées ci-dessus, nous avons mis au point un système d’étude de l’export nucléaire de l’ARN 35S qui permet de s’affranchir de l’expression d’un rapporteur et qui re-pose sur la mesure directe d’un ratio témoignant de la quantité d’ARN 35S non-épissé au sein de la population d’ARN 35S. Ce ratio est calculé pour les ARN nucléaires et cytoplasmiques, et les valeurs obtenues dans différentes conditions sont comparées. Par exemple, l’accumulation d’ARN 35S non-épissé dans le noyau, suite à un traitement avec un inhibiteur de l’export nucléaire, peut être détectée. En théorie, ce système est plus adaptable que celui que nous avons développé précédemment car il permet l’étude de l’influence que peuvent avoir les éléments en cis – séquences virales – et en trans – protéines –, ainsi que certains inhibiteurs comme la leptomycine B, sur l’export de l’ARN 35S.

a) Développement du plasmide pBS-BJI dbA

Le plasmide de base pour ce système, nommé pBS-BJI dbA, est représenté dans la figure 10. Il permet la production de l’ARN 19S et, comme les plasmides pEXPORT, celle de l’ARN 35S complet avec ses répétitions de séquences aux extrémités 5’ et 3’. La stratégie de clonage utilisée est similaire à celle mise enœuvre pour les plasmides pEXPORT : la séquence virale d’environ 1100 nucléotides, issue du plasmide pCaMV-GFP (Khelifa et al., 2010) contenant le promoteur et le terminateur 35S (région hachurée en 5’ sur la figure 10) sous-clonée dans le vecteur LITMUS 28i a été insérée en amont du génome viral complet présent dans le vecteur pBS-BJI.

Figure 10 : Carte du plasmide pBS-BJI dbA. Les séquences qui sont dupliquées aux deux extrémités sont

hachurées. Les sites d’initiation de la transcription sont représentés par des flèches coudées. Les différentes espèces d’ARN susceptibles d’être produites à partir du plasmide sont indiquées par des arcs de cercle fléchés.

Inoculée mécaniquement à des plants de navets sans digestion préalable par des enzymes de restriction, le plasmide pBS-BJI dbA, qui renferme donc environ 1,1 copie du génome viral, conduit au développement de symptômes systémiques identiques à ceux de plantes inoculées avec un extrait brut et ce, sans délai dans leur apparition. Une observation similaire a déjà été faite avec un vecteur ayant des caractéristiques très proches du notre (Kobayashi et al., 2002). Ce résultat reflète certaine-ment la capacité qu’a le plasmide à conduire directecertaine-ment à la production de l’ARN 35S pré-génomique. En outre, la présence de deux séquences génomiques répétées de 1100 paires de bases offre également la possibilité d’excision et de circularisation de l’ADN viral, par recombinaison homo-logue.

b) Méthodes de transfection

Plusieurs méthodes de transfection ont été testées, le but étant d’obtenir un taux de transfec-tion suffisamment élevé pour permettre l’analyse des ARN transcrits à partir du vecteur viral, par nor-thern-blot et/ou qRT-PCR. Ce taux de transfection a été évalué par co-transfection des cellules ou protoplastes avec le vecteur pCK-eGFP, qui permet l’expression du gène codant l’eGFP sous le con-trôle du promoteur 35S.

i. Transfection par biolistique

La première méthode de transfection que nous avons testée est la biolistique, à partir de cel-lules de tabac BY-2 et d’Arabidopsis provenant de cultures liquides. Dans les deux cas, le système s’est révélé être insatisfaisant, surtout du fait du très faible taux de transfection obtenu – en général inférieur à 5% – et ce, quels que soient les paramètres sélectionnés – quantité d’ADN sur les billes, distance de tir, etc…

ii. Transfection de protoplastes au polyéthylène glycol

Des tests de transfection ont été réalisés sur trois types de protoplastes : des protoplastes de mésophylle de navet et d’Arabidopsis, ainsi que des protoplastes de cellules d’Arabidopsis en culture liquide. Les meilleurs taux de transfection – jusqu’à 70% – ont été obtenus avec des protoplastes de mésophylle de navet. Malheureusement, nous avons observé d’énormes variations puisque que ce taux est souvent descendu à 10%, ce qui était incompatible avec une utilisation en routine. Des taux de transfection assez moyens – généralement situés aux alentours de 20% – et également fortement variables d’une expérience à l’autre, ont été obtenus à partir des protoplastes de mésophylle d’Arabidopsis. Seuls les protoplastes préparés à partir de cellules d’Arabidopsis en culture liquide ont donné des taux de transfection relativement satisfaisants – allant de 30% à 40% – et assez reproduc-tibles.

c) Préparation d’ARN nucléaires et cytoplasmiques

L’étude de l’export nucléaire de l’ARN 35S, à l’aide du plasmide pBS-BJI dbA, repose sur la mesure de la quantité de l’ARN 35S non-épissé au sein de la population d’ARN 35S, dans le noyau et le cytoplasme. Les ARN nucléaires et cytoplasmiques ont été isolés après fractionnement subcellu-laire des protoplastes transfectés. Les protoplastes ont été incubés dans un tampon hypotonique puis vortexés. Le lysat ainsi obtenu a été soumis à plusieurs étapes de centrifugation qui ont conduit à l’obtention d’une fraction nucléaire et d’une fraction cytoplasmique, d’où les ARN ont été extraits. La qualité du fractionnement a été estimée par détection de snoARN, qui sont des ARN exclusivement nucléaires, par northern-blot. Comme le montre la figure 11, le protocole de fractionnement cellulaire a permis d’obtenir des ARN cytoplasmiques relativement purs puisque les snoARN U25a et 37 n’ont été détectés que dans les fractions nucléaires ou à partir des ARN totaux.

d) Détection des différentes formes de l’ARN 35S

i. Détection par northern-blot

Plusieurs tentatives de détection des différentes formes de l’ARN 35S ont été faites par nor-thern-blot, en utilisant une sonde radioactive dirigée contre une région située immédiatement en aval du site accepteur. Des essais ont d’abord été réalisés avec des ARN totaux de protoplastes de méso-phylle de navet et de cellules d’Arabidopsis en culture liquide, extraits 24h après leur transfection avec le plasmide pBS-BJI dbA. Dans nos conditions expérimentales, la technique du northern-blot s’est avérée insuffisamment sensible pour pouvoir détecter les différentes formes de l’ARN 35S dans les protoplastes de navet transfectés. Il est intéressant de noter que nos difficultés à détecter l’ARN 35S ont été encore plus accentuées lorsque les protoplastes d’Arabidopsis ont été utilisés. Il semble d’ailleurs que ce différentiel dans l’accumulation d’ARN viraux soit généralisable aux plantes infectées étant donné que la quantité d’ARN 35S de la souche Cabb B-JI est plus faible chez Arabidopsis que chez le navet (Figure 12 ; comparer le signal à 21 dpi chez le navet à celui à 19 dpi chez Arabidopsis), alors que le moment d’apparition des premiers symptômes systémiques – 10 à 15 dpi – et le temps de réplication sont similaires chez les deux espèces (Cecchini et al., 1998; Khelifa et al., 2010). La faible accumulation des ARN viraux dans les protoplastes transfectés avec le plasmide pBS-BJI dbA et ce, quelle que soit l’espèce utilisée, n’a pas permis l’analyse, par northern-blot, des différentes formes de l’ARN 35S présentes dans les fractions nucléaire et cytoplasmique.

Figure 11 : Détection de snoARN dans des fractions nucléaires et cytoplasmiques obtenues à partir de protoplastes d’Arabidopsis et de navet B. rapa. (A) Détection du snoARN U25a dans des fractions nucléaires

(nucl) et cytoplasmiques (cyto) de protoplastes préparés à partir de cellules d’Arabidopsis en culture liquide. Deux expériences indépendantes sont présentées. (B) Détection du snoARN 37 dans les ARN totaux et dans des frac-tions nucléaire et cytoplasmique de protoplastes de mésophylle de navet. Les ARN ont été séparés par électro-phorèse sur gel de polyacrylamide (8%) - urée (8M), transférés sur membrane de nylon puis hybridés avec des sondes oligonucléotidiques radiomarquées au32P.

ii. Détection par RT-PCR quantitative (qRT-PCR)

La détection de l’ARN 35S par northern-blot étant limitée par le taux de transfection des pro-toplastes, une méthode de détection plus sensible, la qRT-PCR, a été choisie. Les protoplastes de mésophylle de navet et ceux de cellules d’Arabidopsis en culture liquide ont tous les deux été utilisés comme matériel expérimental. Deux régions de l’ARN 35S ont été ciblées : l’une située entre les sites D2 et A pour ne détecter que la forme non-épissée, et l’autre située en aval du site A pour détecter l’ensemble des formes de l’ARN 35S. Ces deux régions ont été quantifiées de façon absolue afin de pouvoir être comparées l’une à l’autre, en utilisant un composé marquant l’ADN de façon non-spécifique, le SYBR Green I (Life Technologies). La quantification absolue permet ici le calcul du ratio déterminant la part représentée par la forme non-épissée, au sein de la population globale d’ARN 35S. L’optimisation des paramètres pour cette approche – oligonucléotides utilisés, paramètres de rétrotranscription, etc… – a été particulièrement longue et ardue. Elle était encore en cours à la fin de mon doctorat, étant donné que les premiers résultats que nous avons obtenus se sont révélés être aberrants : une première expérience complète a été réalisée avec des protoplastes transfectés et traités à la leptomycine B, un inhibiteur de la voie d’export CRM1, pour tenter de déterminer si cette

Figure 12 : Détection de l’ARN 35S par northern-blot, chez des plants de navets et d’Arabidopsis infectés.

Les ARN totaux ont été séparés par électrophorèse sur gel d’agarose (0,8%) - urée (7M), transférés sur mem-brane de nylon puis hybridés soit avec une sonde oligonucléotidique dirigée contre l’ORF III, soit avec des sondes générées aléatoirement par random priming, et dirigées contre ce même ORF.

Figure 13 : Évolution du ratio (ARN 35S non-épissé)/(ARN 35S), en fonction de la présence de leptomy-cine B. Des protoplastes de mésophylle de navet ont été transfectés avec le plasmide pBS-BJI dbA, incubés

dans 50 µM de leptomycine B et récoltés 16 h après transfection. Les quantités de la forme non-épissée et de la population globale d’ARN 35S ont été déterminées dans les fractions nucléaire et cytoplasmique par qRT-PCR, à partir de deux réplicats biologiques indépendants.

dernière était impliquée dans l’export nucléaire de l’ARN 35S. Les données obtenues par qRT-PCR n’ont pas permis de répondre à cette question puisqu’elles ont abouti à des ratios (ARN 35S épissé)/(ARN 35S total) supérieurs à 1 (Figure 13). Ce résultat n’est pas dû à la fixation non-spécifique des oligonucléotides utilisés puisque aucune amplification n’a été détectée lorsque des ARN issus de protoplastes transfectés avec un vecteur vide, le vecteur pBS, ont été utilisés. Le sys-tème d’étude de l’export nucléaire de l’ARN 35S par détermination de la quantité d’ARN non-épissé présente au sein des populations nucléaire et cytoplasmique d’ARN 35S est actuellement en cours d’optimisation.

DISCUSSION

1) Les différents ARN viraux produits lors de l’infection

La présence des ARN du CaMV dans le compartiment cytoplasmique est consécutive à plu-sieurs processus nucléaires – transcription, épissage et transport nucléaire notamment – dont certains auront sans doute été détournés à profit par le virus. Le CaMV est un modèle d’étude particulièrement intéressant pour ce qui a trait à l’export nucléaire des ARNm car les différents types d’ARN viraux exportés du noyau, pendant l’infection, ont des caractéristiques bien distinctes. L’ARN monocistro-nique 19S, codant pour P6/TAV, est un ARNm qui n’a pas été épissé, étant donné que son pré-ARNm est dépourvu d’introns. Cette caractéristique est partagée avec un nombre limité de transcrits produits par la plante hôte, vu que plus de 80% des pré-ARNm de gènes nucléaires possèdent au moins un intron chez les plantes (Reddy, 2007). À ce point de vue, les ARN 35S dits spliced-liked se rappro-chent de l’ARN 19S car ils n’ont pas d’introns au stade pré-ARNm, et si leur séquence est identique à celle d’un ARN épissé, c’est qu’ils sont transcrits à partir de génomes issus de la rétrotranscription d’ARN épissés. Les pré-ARN 35S transcrits à partir du génome viral complet contiennent des introns qui seront épissés ou non, avant l’export nucléaire. Ainsi, au cours du cycle infectieux, environ 30% des molécules d’ARN 35S échappent au processus d’épissage et sont directement exportées vers le cytoplasme. Au sein de ce compartiment, elles auront la double fonction d’ARN pré-génomique et d’ARNm pour permettre, à la fois, la réplication du génome viral et l’expression des ORF I et II, ce qui assurera la pérennité du virus. Considérant les caractéristiques variées qui viennent d’être énoncées, il est possible que les différents transcrits produits par le CaMV mettent en jeu des mécanismes variés pour recruter leurs facteurs d’export, voire même qu’ils utilisent des voies d’export différentes, comme c’est le cas, dans le monde animal, des rétrovirus complexes. Pour finir, le cas des ARN 8S sens et anti-sens, qui sont probablement transcrits à partir de la forme relâchée de l’ADN viral, est plus énig-matique. Ces ARN, qui sont non-polyadénylés, ne sont pas utilisés à des fins d’expression mais plutôt clivés par les quatre protéines Dicer-like (Blevins et al., 2011), qui semblent avoir une localisation majoritairement nucléaire (Hiraguri et al., 2005; Xie et al., 2004). Par conséquent, rien ne prouve que ces ARN soient exportés vers le cytoplasme.

On peut donc supposer que des voies d’exportation nucléaire et/ou des machineries d’export différentes sont utilisées pour l’export des différents ARN viraux. À ce titre, l’élucidation des méca-nismes d’export des ARN du CaMV contribuerait, sans aucun doute, à une meilleure compréhension de l’export des ARNm cellulaires chez les plantes, d’autant plus que les informations à ce sujet sont clairsemées. Notre projet sur l’export des ARN du CaMV comprenait trois questions principales : quelle est la voie empruntée pour l’export nucléaire de l’ARN 35S complet ? L’export est-il contrôlé par une ou plusieurs protéines virales ou est-il entièrement sous la dépendance de la machinerie cellu-laire ? Quels sont les éléments structuraux de l’ARN 35S qui régulent cet export en cis ?