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Chapitre 1 – Étude de l’épissage alternatif de l’ARN 35S du CaMV

5) Ouverture sur le sujet d’étude

a) Données disponibles dans la littérature scientifique

L’existence de l’épissage alternatif, chez le CaMV, est évoquée pour la première fois dans une publication datée de 1985 où des chercheurs, analysant la population d’ADN viral au cours de l’infection, rapportent la présence de génomes viraux ayant une délétion, chez des choux chinois et des navets infectés par la souche CaMV-S (Hirochika et al., 1985). S’étendant sur 856 nucléotides, la zone délétée est cartographiée entre la fin de l’ORF I et le début de l’ORF II. Il s’avère que la délétion conduit à une fusion, en phase, de la partie 5’ de l’ORF I avec la partie 3’ de l’ORF II et que ses bor-dures correspondent aux séquences consensus des sites donneur et accepteur d ’épissage. Ainsi, les différents génomes observés témoigneraient d’un évènement d’épissage alternatif de type rétention d’intron – se rapporter à la figure 7 de la partie 4)b). Les génomes possèdant la délétion seraient pro-duits par rétrotranscription d’un ARN 35S épissé, l’ARN 35S non-épissé étant utilisé pour la production de génomes viraux complets. L’hypothèse de l’implication de l’épissage dans la délétion est renforcée par l’observation, en plantes infectées, d’ARN viraux plus courts d’environ 800 nucléotides que l’ARN

Figure 11 : Carte génomique du virus de la striure du maïs (MSV). Le génome du MSV est un ADN circulaire

simple-brin de 2,7 kpb. Des transcrits de sens « viraux » (V) et « complémentaires » (C) sont produits au cours du cycle infectieux. La grande région intergénique (LIR) contient les promoteurs viraux, ainsi qu’une séquence en tige-boucle impliquée dans la réplication du génome viral, par le mécanisme de cercle roulant (rolling circle). La petite région intergénique (SIR) contient quant à elle, des signaux de polyadénylation, ainsi qu’un site de fixation pour un fragment d’ADN (P) qui est utilisé pour initier la synthèse du brin complémentaire. Les ORF V1 et V2 codent respectivement pour la protéine de mouvement et la protéine de capside. L’ORF C1 code pour la protéine RepA, tandis que la fusion entre l’extrémité 5’ de l’ORF C1 et l’ORF C2, suite à l’épissage, crée un ORF codant pour la protéine Rep. Les transcrits produits pendant l’infection sont représentés par les flèches noires fines. I1 et

35S « complet ». En outre, des expériences de mutagénèse dirigée sont réalisées. L’inactivation du site donneur d’épissage putatif, par des mutations silencieuses – afin de ne pas modifier la séquence codante de l’ORF I –, conduit à l’utilisation de trois sites donneurs cryptiques et parfois, d’un autre site accepteur situé à proximité immédiate du site accepteur initialement décrit (Hirochika et al., 1985).

Une étude parue en 1995, rapporte l’existence de l’épissage alternatif chez l’ARN 35S de la souche Cabb-S du CaMV (Kiss-László et al., 1995). Quatre sites donneurs, nommés D1 à D4 et loca-lisés dans l’ORF I et dans la région 5’ non-traduite de l’ARN 35S, et un site accepteur unique A sont décrits (Figure 12). Selon cette étude, 70% des ARN 35S sont épissés. Le site A est identique au site décrit chez la souche CaMV-S. À l’inverse, aucun des sites donneurs n’est identique au site décrit chez CaMV-S. Seul D3 est identique à un des sites cryptiques ayant émergé suite à la mutation du site donneur initial. L’utilisation des sites donneurs D1 à D3 conduit à la fusion, en phase, de la partie 5’ de l’ORF I avec la partie 3’ de l’ORF II.

Un des résultats majeurs de cet article est la découverte de l’importance qu’à l’épissage pour le cycle viral du CaMV. En effet, des mutations censées rendre le site accepteur unique non-fonctionnel – et par extension empêcher l’épissage de l’ARN 35S – sont létales pour le virus puisque des plantes inoculées avec de tels mutants ne développent pas de symptômes. Il est fait l’hypothèse, à la fin de l’article, que le rôle de l’épissage pourrait être de permettre une meilleure expression des ORF III, IV et V en réduisant le nombre d’ORF situés en amont de l’ORF III. Alors qu’il y a trois ORF présents avant l’ORF III sur l’ARN 35S non-épissé – les ORF VII, I et II –, ce nombre est réduit à deux dans le cas des ARN épissés D1-, D2- et D3-A. L’ORF III est même situé en première position sur l’ARN épissé D4-A (Kiss-László et al., 1995).

Un dernier article, publié en 2004, conclut que l’épissage du CaMV a pour rôle majeur de ré-guler négativement l’expression de l’ORF II, dont le produit d’expression P2 serait toxique pour le virus en cas de suraccumulation (Froissart et al., 2004). Comme cela a été dit dans l’introduction générale, P2 est une protéine virale impliquée dans la transmission du virus par les pucerons. Elle n’est cepen-dant pas indispensable au déroulement du cycle infectieux dans les plantes hôtes puisqu’il existe des souches défectives pour la transmission – la souche CM4-184 par exemple (Howarth et al., 1981) –, où une bonne partie de l’ORF II est délétée. Le site accepteur A se situe dans l’ORF II, or il a été mon-tré qu’il est indispensable au virus (Kiss-László et al., 1995). Pour aboutir à la conclusion d’un rôle de l’épissage sur l’expression de l’ORF II, les auteurs ont montré que le site accepteur d’épissage n’a d’importance que si le produit d’expression de l’ORF II peut s’accumuler. Ainsi, des mutations censées inactiver le site A, et qui sont létales en contexte normal, n’ont pas d’effet sur le cycle viral si d’autres mutations rendant la protéine P2 instable sont introduites concomitamment (Froissart et al., 2004).

b) Questions sur le rôle biologique de l’épissage alternatif chez le CaMV

Les données présentées dans la littérature scientifique montrent que l’épissage de l’ARN 35S implique, chez la souche Cabb-S, quatre sites donneurs et un site accepteur qui sont tous localisés

Figure 12 : Carte des 2500 premiers nucléotides de l’ARN 35S de la souche Cabb-S du CaMV. PBS : « pri-mer binding site », site d’initiation de la rétrotranscription.Ψ : signal d’encapsidation putatif. La séquence R est une séquence répétée et longue de 180 nucléotides, qui est retrouvée aux deux extrémités de l’ARN 35S. Les évènements d’épissage sont représentés par des traits en pointillés. D’après Kiss-László et al., 1995.

dans le premier quart de l’ARN (Kiss-László et al., 1995). Environ 70% des ARN 35S sont épissés, ce qui permettrait une régulation négative de l’expression de l’ORF II dont le produit serait toxique pour le virus (Froissart et al., 2004; Kiss-László et al., 1995). Les 30% d’ARN 35S non-épissé servent à répli-quer le génome viral complet ainsi qu’à exprimer la protéine de mouvement (P1) et le facteur assistant de la transmission (P2), deux protéines indispensables à la propagation du CaMV.

Si l’épissage alternatif est nécessaire au CaMV, plusieurs interrogations persistent. La pre-mière concerne le nombre de sites donneurs d’épissage. Si le rôle principal de l’épissage alternatif, chez le CaMV, est de réguler négativement l’expression de l’ORF II tout en sauvegardant une fraction d’ARN 35S non-, alors un seul site donneur est nécessaire et ce, quelle que soit sa position. La pré-sence d’un site donneur unique est aussi compatible avec l’hypothèse non-exclusive de l’épissage favorisant l’expression des ORF viraux situés en aval de l’ORF II (Kiss-László et al., 1995). Pourtant, quatre sites donneurs sont utilisés chez Cabb-S, et si l’utilisation d’un seul site donneur a été rappor-tée chez la souche CaMV-S (Hirochika et al., 1985), cela est probablement dû à des limitations liées aux techniques du moment – ce point sera abordé dans la discussion. On peut ainsi se poser les questions suivantes : pourquoi plusieurs sites donneurs sont utilisés, alors qu’un seul suffirait à effec-tuer les deux fonctions qui ont été proposées ? L’épissage alternatif est-il impliqué dans d’autres fonc-tions que celles qui ont été proposées ? Une autre interrogation concerne l’utilisation des trois sites donneurs D1 à D3, qui conduit à la création d’un ORF de fusion entre l’extrémité 5’ de l’ORF I et l’extrémité 3’ de l’ORF II : des protéines de fusion P1P2 sont donc potentiellement traduites à partir de certains ARN épissés. Ces protéines ont-elles une fonction particulière au cours de l’infection ?

Mon travail de thèse a eu pour but d’acquérir une connaissance plus approfondie de l’épissage alternatif de l’ARN 35S du CaMV, en essayant de répondre aux deux questions énoncées ci-dessus. Le phénomène a été étudié chez deux souches : la souche Cabb-S, utilisée dans deux des trois publications relatives à l’épissage chez le CaMV (Froissart et al., 2004; Kiss-László et al., 1995), et la souche Cabb B-JI, notre souche modèle au laboratoire.

RÉSULTATS

Notre étude sur l’épissage alternatif de l’ARN 35S du CaMV a été abordée de la façon sui-vante : dans un premier temps, l’existence d’évènements d’épissage putatifs a été déterminée par la recherche in silico de sites donneurs et accepteurs d’épissage, dans les séquences génomiques des souches du CaMV. Les sites d’épissage prédits par cette méthode, pour la souche Cabb B-JI, ont ensuite été caractérisés et étudiés in vivo.

1) Une analyse in silico révèle que des sites d’épissage de l’ARN 35S sont