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3.2 Propagation et traitements classiques

3.2.2 Propri´ et´ es des modes

Les modes poss`edent diverses propri´et´es physiques int´eressantes, ayant un impact important sur les traitements adapt´es. Nous en listons quelques unes ici.

Propri´et´es des fonctions modales

En tant que solutions d’un probl`eme de Sturm-Liouville, les fonctions modales ψm sont orthonormales [Jensen et al., 2011] :

Z

ψm(z)ψn(z)

ρ(z) dz = δn,m (3.6)

o`u δn,m d´esigne le symbole de Kronecker. Cette propri´et´e est largement utilis´ee dans un contexte de type antenne verticale.

Le comportement oscillatoire des fonctions modales est largement dict´e par l’environnement, notamment par le profil de c´el´erit´e dans la colonne d’eau. En pr´esence d’un profil de c´el´erit´e relativement constant, le champ acoustique interagit largement avec les interfaces (surface de l’eau, plancher oc´eanique). Les fonctions modales sont alors oscillantes sur toute la colonne d’eau. On dit alors que les modes sont libres. En pr´esence d’un profil de c´el´erit´e avec des variations franches, une partie d’un champ acoustique devient domin´ee par la r´efraction. La propagation est alors guid´ee dans le (ou les) minimum(s) du profil de c´el´erit´e, sans interaction avec la surface et/ou le fond. Les modes correspondants `a ce type de propagation sont dits pi´eg´es : leur comportement n’est oscillatoire que sur une partie de la colonne d’eau. De mani`ere plus formelle, on d´efinit comme pi´eg´es les modes dont la vitesse de phase est

3.2. PROPAGATION ET TRAITEMENTS CLASSIQUES 27 inf´erieure au maximum de la c´el´erit´e du milieu [Premus and Helfrick, 2013]. A titre d’exemple, la figure 3.2 illustre le cas d’un profil de c´el´erit´e petit fond avec un gradient n´egatif de c´el´erit´e `a la surface. Lorsque la c´el´erit´e est sup´erieure `a la vitesse de phase, les modes pi´eg´es (ici 1 et 3) affichent une d´ecroissance exponentielle `a l’approche de la surface. On verra plus tard que ce ph´enom`ene permet de faire la diff´erence entre une source `a la surface et une source dans la colonne d’eau.

1480 1500 1520 1540 0 50 100 150 200 z (m) Sound speed (m/s) (a) vp1 vp3 vp10 0 50 100 150 200 Mode funtions (b) ψ1(z) ψ3(z) ψ10(z)

Figure 3.2 – Modes pi´eg´es et modes libres. (a) Profil de c´el´erit´e (trait plein) et vitesses de phase des modes 1, 3, 10 (pointill´es). (b) Fonctions modales des modes 1, 3, 10. Les fonctions modales ont un comportement oscillatoire tant que la vitesse de phase est sup´erieure `a la c´el´erit´e du son. Lorsque la c´el´erit´e est sup´erieure `a la vitesse de phase, les modes pi´eg´es (ici 1 et 3) affichent une d´ecroissance exponentielle `a l’approche de la surface, limitant le couplage avec les sources proches de celle-ci. Les modes libres (ici 10) oscillent sur toute la colonne d’eau. Figure tir´ee de [Conan et al., 2016].

Invariant oc´eanique

Lorsque l’on consid`ere l’intensit´e du champ acoustique (i.e. le module carr´e de la pression), des structures d’interf´erences entre modes apparaissent naturellement dans le domaine r − f (distance-fr´equence). A titre d’exemple, la figure 3.3 pr´esente l’intensit´e acoustique rayonn´ee par un bateau. On voit de claires interf´erences qui suivent un motif de striations. Ce motif peut ˆetre d´ecrit par un unique scalaire β appel´e invariant oc´eanique [Chuprov, 1982]. Cet invariant est d´efini comme la pente locale (en r, f ) des courbes d’isointensit´e g´en´er´ees par les interf´erences modales :

δf

δr = β

f

Figure 3.3 – Exemple d’intensit´e acoustique dans le domaine distance-fr´equence : bruit rayonn´e par un navire en mouvement. Figure tir´ee de [Le Gall and Bonnel, 2013a].

L’invariant oc´eanique n’est r´eellement invariant que dans des environ-nements simples (e.g. environnement petit fond avec un profil de c´el´erit´e relativement constant). En r´ealit´e, l’invariant varie [Jensen et al., 2011] et peut ˆetre mod´elis´e comme une distribution [Rouseff and Spindel, 2002]. L’in-variant d´epend alors de l’environnement, de la configuration source/r´ecepteur, ainsi que des modes consid´er´es dans son calcul.

Sans d´etailler la physique sous-jacente, il est int´eressant de noter que dans un environnement complexe, le champ acoustique peut ˆetre divis´e en contributions ´emanant de quelques groupes de modes, souvent moins de 3. L’invariant oc´eanique est alors relativement constant au sein d’un groupe de modes. En effet, chaque groupe est compos´e de modes adjacents, et correspond `

a un r´egime de propagation donn´e (e.g. propagation r´efl´echie ou r´efract´ee ; modes libres ou pi´eg´es ; etc... ) [Guthrie, 1974]. Au sein d’un mˆeme groupe, il existe une relation fonctionnelle ind´ependante du num´ero du mode, entre les vitesses de groupe (vg) et les vitesses de phase (vg) des modes.

La figure 3.4 illustre une telle relation vp − vg dans un environnement grand fond. On observe dans le panneau de gauche trois relations vp − vg distinctes, traduisant la r´efraction (m < 26), la r´eflexion (26 < m < 58) et le transfert dans la premi`ere couche de s´ediment (m > 58). En s’int´eressant

uniquement au mode m0 = 25, panneau de droite, on note les deux mˆemes

3.2. PROPAGATION ET TRAITEMENTS CLASSIQUES 29 ou r´efract´ee (51 < f < 100). 1400 1450 1500 1550 Vitesse de groupe (m/s) 1500 1550 1600 1650 1700 Vitesse de phase (m/s) Relation Vp-Vg à f0 = 50Hz m = 1 m = 25 m = 45 1400 1450 1500 1550 Vitesse de groupe (m/s) 1500 1550 1600 1650 1700 Relation Vp-Vg à m0 = 25 f = 30Hz f = 50Hz f = 100Hz

Figure 3.4 – Exemple de relation vp− vg en grand fond. A gauche : relation vp − vg en fonction de l’indice des modes `a f0 = 50 Hz. A droite : relation vp − vg en fonction de la fr´equence (f ∈ [22, 100] Hz) pour le mode m0 = 25. Figure tir´ee de [Emmetiere, 2016].

Il existe un lien fort entre l’invariant oc´eanique et les relations vp −

vg. Au sein d’un groupe de modes, on peut montrer que [Chuprov, 1982,

Cockrell, 2011]

β = −δ(1/vg)

δ(1/vp). (3.8)

Il existe donc des valeurs privil´egi´ees prises par l’invariant oc´eanique. Ces valeurs correspondent aux pentes observ´ees dans le domaine vp− vg (c.f. figure 3.4). On retiendra notamment que pour un groupe de modes correspondant `

a une propagation r´efl´echie on a β > 0, alors que pour un groupe de modes correspondant `a une propagation r´efract´ee, on a β < 0.

Ces notions physiques (invariant et/ou groupes de modes) seront utilis´ees au coeur des traitements UBF. Elles permettront notamment de faire la diff´erence entre une source de surface et une source immerg´ee.

Propri´et´es temps-fr´equence

Outre les notions physiques cit´ees ci-dessus, mes travaux se sont largement appuy´es sur l’´etude temps-fr´equence (TF) des signaux re¸cus. Il est donc int´eressant de faire le lien entre la physique des modes et le domaine TF.

On restreint cette section aux signaux sources modul´es en fr´equence, dont le retard de groupe est donn´e par τs(f ) = 1 dfdφs(f ) (i.e. la source est un chirp,

´eventuellement non-lin´eaire). On appelle courbes de dispersion les positions TF des modes apr`es propagation. Elles sont donn´ees par

τm(f ) = 1 2π d df [φs(f ) + φm(f )] , (3.9a) = τs(f ) + r vgm(f ). (3.9b)

Les courbes de dispersion d´ependent donc du retard de groupe de la source τs(f ), de la distance source/r´ecepteur r, et de l’environnement (`a travers les vitesses de groupe vgm). La figure 3.5 illustre ce ph´enom`ene.

Propagation

Time

Frequ

ency

source received signal

Figure 3.5 – Illustration de la propagation dans le domaine TF. Figure tir´ee de [Bonnel and Thode, 2014a].