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Outre les applications mono-capteurs pr´esent´ees pr´ec´edemment, une partie de ma recherche a ´egalement port´e sur le d´eveloppement des m´ethodes de localisation de sources `a partir d’une mesure effectu´ee par une antenne. Sont d’abord pr´esent´ees des m´ethodes permettant de localiser une source en milieu incertain `a partir d’une mesure sur un VLA. La seconde partie de cette section pr´esente des m´ethodes de discrimination en immersion `a partir d’une mesure sur un HLA. Ces derni`eres permettent de faire la distinction entre une source de surface (e.g. un navire) et une source immerg´ee (e.g. un sous-marin).

3.5. ANTENNES ET LOCALISATION DE SOURCES 47

3.5.1 Milieux incertains

Lorsqu’on consid`ere un signal re¸cu sur un VLA, la m´ethode la plus classique de localisation de source en acoustique sous-marine est probablement le MFP, pr´esent´e en section 3.2.3. Comme cela a ´et´e dit, le MFP est r´eguli`erement mis en d´efaut par les incertitudes (et/ou les fluctuations) environnementales. En effet, il est n´ecessaire de poss´eder un mod`ele de l’environnement pour r´ealiser l’inversion, et ce dernier est parfois tr`es ´eloign´e de la r´ealit´e, comme l’illustre la figure 3.6. Les performances du MFP d´ependent tr`es largement des connaissances environnementales disponibles, le r´esultat de localisation pouvant ˆetre extrˆemement pr´ecis dans un cas favorable ou compl`etement al´eatoire dans un cas d´efavorable. La pr´ediction de ces performances n’est pas un probl`eme simple si l’on souhaite ´eviter de recourir aux simulations de Monte-Carlo souvent tr`es lourdes en charge de calcul. L’estimation souffre d’ambigu¨ıt´es importantes pouvant entrainer `a faible RSB des erreurs non-locales qui ne sont pas prises en compte par l’outil habituel de mesure des performances que constitue la borne de Cramer-Rao. En outre, le probl`eme de l’incertitude environnementale est une difficult´e consid´erable du MFP et ne doit pas ˆetre n´eglig´e dans l’analyse des performances.

Dans le cadre de la th`ese de Y. Le Gall [Le Gall, 2015], nous avons propos´e des outils statistiques de traitement du signal permettant de pr´edire les performances du MFP. L’originalit´e du travail r´ealis´e repose principalement sur la consid´eration du mod`ele de signal source d´eterministe, le mod`ele stochastique ayant d´ej`a fait l’objet d’´etudes ant´erieures [Xu et al., 2011]. Nous proposons le calcul de la borne minimale d’estimation de Ziv-Zakai et de la m´ethode des erreurs d’intervalles (MEI), qui permettent toutes deux une bonne estimation des performances lorsque l’environnement est parfaitement connu [Le Gall et al., 2014]. En pr´esence d’inad´equations environnementales, nous montrons que le MEI permet une bonne estimation des performances du MFP [Le Gall et al., 2016b].

Si l’estimation des performances est un sujet int´eressant en soit, il est ´egalement important de se demander comment am´eliorer ces performances, notamment dans un milieu incertain. Nous avons ainsi propos´e une approche bay´esienne de localisation de sources par MFP adapt´ee aux milieux de propa-gation sous-marins incertains, et donc robuste aux erreurs de mod´elisation de l’environnement. L’incertitude sur le milieu de propagation est prise en compte en mod´elisant la fonction de transfert entre la source et les r´ecepteurs comme un vecteur al´eatoire, dont la densit´e de probabilit´e est mod´elis´ee grˆace `

a des hypoth`eses physiques sur la propagation modale. On s’appuie notam-ment sur l’id´ee que le champ acoustique peut ˆetre d´ecompos´e en groupes de modes proches subissant le mˆeme type de propagation. Au sein d’un groupe

de mode, on s’appuie sur le principe de l’invariant oc´eanique g´en´eralis´e (e.g. [Kuz’kin et al., 2011]) pour approximer une perturbation environnementale par une perturbation de fr´equence. Bien que ces hypoth`eses soient approxima-tives, elles saisissent suffisamment bien les ph´enom`enes de propagation pour permettre la localisation robuste de sources en environnement oc´eanique incer-tain [Le Gall et al., 2016a], tel qu’illustr´e sur la figure 3.14. Le d´eveloppement de cette m´ethode a fait l’objet d’une collaboration soutenue avec le Professeur S. Dosso de l’Universit´e de Victoria (BC, Canada), o`u Y. Le Gall a effectu´e un s´ejour de recherche de 6 mois dans le cadre de sa th`ese.

Figure 3.14 – Analyse des performances de la localisation en environnement incertain pour deux scenarios de complexit´e croissante. Les r´esultats, obte-nus `a l’aide de simulations de Monte-Carlo (5000 it´erations), sont donn´es en terme de probabilit´e de bonne localisation (PCL) pour l’estimateur du maximum a posteriori. La m´ethode propos´ee est repr´esent´ee en lignes rouges et compare´e au MFP basique (lignes continues bleues), et `a la m´ethode modale de [Liu et al., 2013] (lignes pointill´ees vertes). Figure extraite de [Le Gall et al., 2016a].

3.5.2 Discrimination en immersion

Comme cela a ´et´e expliqu´e dans la section 3.2.3, le MMP est une alternative au MFP. Dans notre contexte UBF, travailler dans l’espace des modes permet de r´eduire l’influence d’une mauvaise connaissance de l’environnement, mais n´ecessite une ´etape pr´ealable de filtrage modal pour estimer les amplitudes modales complexes `a partir des pressions mesur´ees. Pour une source continue, cette ´etape est souvent probl´ematique, car elle n´ecessite une antenne de grande ouverture, souvent irr´ealisable en pratique. Confront´e `a une ouverture r´eduite, il peut donc ˆetre int´eressant de traiter un probl`eme plus simple : la discrimination en immersion, vue comme un probl`eme de classification binaire

3.5. ANTENNES ET LOCALISATION DE SOURCES 49 (i.e. de d´etection). Il ne s’agit plus alors de localiser la source avec pr´ecision,

mais simplement de d´eterminer si cette derni`ere est en surface, ou immerg´ee. Ce probl`eme, peu trait´e dans la litt´erature, a ´et´e plusieurs fois abord´e par Premus, qui propose notamment de le r´esoudre au moyen de m´ethodes en sous-espaces (e.g. [Premus and Helfrick, 2013]) bas´ees sur le concept de modes libres et pi´eg´es (voir la section 3.2.2 pour un rappel de la physique). Ces diff´erentes m´ethodes semblent toutefois difficiles `a mettre en pratique dans la mesure o`u aucune strat´egie n’est propos´ee pour le choix a priori d’un seuil de discrimination. Ce probl`eme est toutefois d’importance capitale en lutte sous-marine, car les syst`emes actuels utilis´es en passif (HLA tract´e) ne permettent pas de faire la diff´erence entre un navire et un sous-marin.

Dans le cadre de la th`ese d’E. Conan, nous reprenons et adaptons les id´ees de Premus. Notre proposons de tester deux hypoth`eses explicitement bas´ees sur une profondeur de discrimination choisie par l’utilisateur. Ce lien direct entre les hypoth`eses de classification et le mod`ele physique permet de pr´edire les performances avec des m´ethodes de Monte-Carlo, et ainsi de d´efinir un seuil de d´ecision appropri´e [Conan et al., 2016]. La m´ethode que nous proposons est notablement plus robuste aux incertitudes environnementales que les m´ethodes de la litt´erature. Nous l’avons valid´ee sur des donn´ees exp´erimentales marines issues de la campagne Shallow Water 2006. En utilisant un HLA de 25 hydrophones et d’ouverture 360 m, notre m´ethode permet de faire la diff´erence entre le bruit rayonn´e par un navire et une source sous-marine tract´ee. Ces r´esultats sont illustr´es sur la figure 3.15. Sur la figure 3.15a, la m´etrique de discrimination est toujours sup´erieure au seuil de d´ecision : la source profonde tract´ee est toujours classifi´ee comme une source immerg´ee. Sur la figure 3.15b, la m´etrique de discrimination est (presque) toujours inf´erieure au seuil de d´ecision : le bruit rayonn´e par le navire est (presque) toujours classifi´e comme une source de surface.

La limitation principale de cette m´ethode de discrimination est qu’elle requiert que le mod`ele (3.19) soit valide. En d’autres termes, la source et l’antenne doivent ˆetre align´ees. Pour contourner ce probl`eme, je propose ´egalement des m´ethodes applicables en sortie de formation de voie. Pour cela, j’ai propos´e d’utiliser l’invariant oc´eanique. En effet, ce dernier d´epend de la profondeur de la source [Bonnel, 2010] et peut ˆetre estim´e en sortie de formation de voie [Yang, 2003]. Si les variations de l’invariant oc´eanique sont relativement bien connues en milieu petit fond [Rouseff and Spindel, 2002], elles ne sont que peu ´etudi´ees en grand fond. Dans le cadre de la th`ese de R. Emmeti`ere, nous ´etudions la distribution de l’invariant oc´eanique en grand fond, avec pour objectif de l’utiliser pour discriminer les sources en immersion. La figure 3.16 illustre cette distribution en fonction de la profondeur de la source pour un environnement de type grand fond. Nos

Figure 3.15 – Valeur de la m´etrique de discrimination calcul´ee sur les donn´ees SW06 (croix bleue) et seuil de d´ecision (ligne rouge). a) Source immerg´ee (f=253 Hz) et b) source de surface (f=360 Hz). Figure extraite d’un article ´ecrit par E. Conan (soumis pour publication dans J. Acoust. Soc Am.).

-5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 β 500 1000 1500 2000 2500 Profondeur de la source (m)

Figure 3.16 – Distribution de l’invariant oc´eanique en fonction de la profon-deur de la source dans un environnement grand fond typique. Figure tir´ee de [Emmetiere, 2016].

3.6. CONCLUSION ET PERSPECTIVES 51