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Propriétés optiques des aérosols

On a vu que, de la composition chimique, dépendent les indices de réfraction, réel et imaginaire, de l’aérosol à chaque longueur d’onde. Même si ces indices nous renseignent sur l’interaction entre le rayonnement et l’aérosol (par exemple absorpti-vité du matériau augmente avec son indice imaginaire) ils ne suffisent pas à décrire quantitativement l’interaction aérosol-rayonnement. Ce sont les propriétés optiques de l’aérosol qui caractérisent son interaction avec une onde électromagnétique. Elles dépendent, d’une part de la longueur d’onde considérée, d’autre part des propriétés microphysiques de l’aérosol (distribution de taille, forme et indice de réfraction qui dépend lui aussi de la longueur d’onde). Ce sont plus particulièrement les trois para-mètres suivants : section efficace d’extinction, albédo de diffusion simple, et facteur d’asymétrie, qui permettent, via l’équation de transfert radiatif, de prédire le champ de rayonnement en tenant compte de l’effet des aérosols.

2.2.1 Extinction, absorption, diffusion

Considérons une onde électromagnétique se propageant dans une certaine direc-tion(θ, φ). On appelle luminance monochromatique (ou brillance, ou encore radiance), et l’on noteI(θ, φ, ν, T ) ou plus simplement Iν(T ), la puissance rayonnée par cette onde dans la direction(θ, φ) par unité de surface, par intervalle de fréquence (autour de ν) et par unité d’angle solide. Son unité estW m−2sr−1/cm−1.

Lorsque cette onde électromagnétique intéragit avec un aérosol, elle subit plu-sieurs effets : elle peut être diffusée et/ou absorbée. On définit le coefficient d’ex-tinctionkext comme la proportion d’énergie perdue par l’onde par absorption ou par diffusion, lors de la traversée d’un milieu, par unité de longueur. Autrement dit :

dIν

dl = −kext(ν)Iν = −(kabs+ kdiff)Iν (2.7) où dl est l’épaisseur infinitésimale du milieu traversé par l’onde, et où l’on définit de façon similaire le coefficient d’absorption kabs comme la probabilité, par unité de longueur, qu’un photon soit absorbé par le milieu et le coefficient de diffusion kdiff comme la probabilité, par unité de longueur, que le photon soit diffusé dans une quelconque direction. L’équation 2.7 est connue sous le nom de relation de Beer-Lambert.

En introduisant la concentrationρ des particules, on définit les sections efficaces d’extinction, d’absorption et de diffusion (leur dimension est celle d’une surface, l’unité choisie est souvent leµm2) :

Cdiff = kdiff

Contrairement aux coefficients (d’extinction, d’absorption, de diffusion...), les sec-tions efficaces sont des propriétés intensives, qui ne dépendent pas de la quantité d’aérosol considéré.

On appelleG la section géométrique des particules, c’est-à-dire l’aire obtenue par projection de la particule sur un plan. Pour une sphère, il s’agit d’un disque, mais pour une particule de forme plus complexe, cela dépend du plan de projection consi-déré, et l’on choisit généralement le plan perpendiculaire à la direction de propagation du rayonnement. En exprimant G dans la même unité que les sections efficaces, on définit aussi lesefficacités d’extinction, d’absorption et de diffusion :

Qext= Cext/G Qabs= Cabs/G Qdiff = Cdiff/G

Comme Cext= Cabs+ Cdiff, deux paramètres suffisent pour retrouver ces trois sec-tions efficaces, on choisit habituellement de travailler avec Cext et l’albédo de diffu-sion simpleω0, défini ainsi :

ω0= Cdiff

Cext (2.8)

L’interprétation de l’albédo de diffusion simple pour ses deux valeurs extrêmes est la suivante : il vaut 1 lorsque seule la diffusion intervient, et 0 lorsque seule l’absorption intervient (c’est le cas par exemple des aérosols stratosphériques d’origine volcanique constitués de gouttelettes d’acide sulfurique dans l’infrarouge thermique).

2.2.2 Fonction de phase et paramètre d’asymétrie

Dans le cas général où la diffusion n’est pas négligeable, il faut de plus caracté-riser la distribution spatiale du rayonnement diffusé. D’une manière très générale, pour toute direction du rayonnement incident(θ, φ), et pour toute direction du rayon-nement émergent (θ0, φ0), en posant cos(θ) = µ et cos(θ0) = µ0 la fonction de phase est définie ainsi : p(µ, φ; µ0, φ0) = Cdiff dCdiff dΩ (2.9)dCdiff

dΩ est la section efficace de diffusion différentielle, c’est-à-dire la puissance électromagnétique diffusée par unité d’angle solide et par unité d’intensité incidente.

Cependant, nous ne considérons ici que le cas particulier des aérosols atmosphé-riques pour lesquels les particules sont dispersées de façon aléatoire et homogène (par opposition aux hydrométéores, par exemple, qui peuvent être orientés selon une direction privilégiée). Il n’y a donc pas de direction privilégiée, et la fonction de phase ne dépend que de l’angle relatifΘ entre la direction incidente et la direction émergente considérée.

p(Θ) = Cdiff

dCdiff

Le paramètre d’asymétrieg est défini selon la relation : g =< cos(Θ) >= R cos(Θ)p(Θ)dΩ R p(Θ)dΩ (2.11)

soit, en remplaçantdΩ par sin(Θ)dΘdφ, g =< cos(Θ) >=

0 cos(Θ) sin(Θ)p(Θ)dΘ

0 p(Θ) sin(Θ)dΘ (2.12)

La fonction de phase étant normalisée, 1/2

Z π

0 p(Θ) sin(Θ)dΘ = 1 (2.13)

on peut également définirg ainsi : g =< cos(Θ) >= 1

2

Z π

0

sin(Θ) cos(Θ)p(Θ)dΘ (2.14)

Ce paramètre a l’avantage de décrire sommairement la distribution angulaire du rayonnement diffusé (il vaut -1 dans le cas extrême d’une totale rétrodiffusion, 0 dans la cas d’une diffusion symétrique avant-arrière, par exemple isotrope, et 1 dans le cas d’une totale diffusion dans la direction du rayonnement incident). Nous verrons plus loin (partie 3.3.4) comment il est possible de reconstruire la fonction de phase à partir de g, par l’approximation de Henyey-Greenstein, souvent utilisée car elle permet de réduire la connaissance de la fonction de phase à celle d’une seule valeur. Dans le cas des aérosols atmosphériques que nous allons considérer, g est toujours positif, ce qui signifie que la plus grande partie du rayonnement diffusé est diffusée vers l’avant.

2.2.3 Transmission et épaisseur optique

Les propriétés optiques introduites précédemment (Cext ou Qext, ω et g) sont inten-sives, elles ne dépendent pas de la concentration en aérosolsN (nombre de particules par unité de volume). Le champ de rayonnement dépend par contre de la concentra-tion en aérosols, via les propriétés optiques extensives que sont la transmission et l’épaisseur optique des aérosols.

On peut intégrer la loi de Beer-Lambert et l’on obtient, en notant I0 l’intensité incidente,I l’intensité après traversée du milieu, l une coordonnée le long du trajet :

I = I0exp(−

Z l

0 N (l0)Cextdl0) = I0exp(−

Z l

0 kextdl0) (2.15) On appelle transmission, désignée ici parτ , l’exponentielle ci-dessous :

τ = exp(−

Z l 0

N (l0)Cextdl0) (2.16)

On fait alors apparaître l’épaisseur optique, ou AOD (pour Aerosol Optical Depth), que l’on noteraδ par la suite :

δ =

Z l

0 kextdl0 =

Z l

Dans le cas oùCextest constante sur le trajet suivi par le rayonnement, on a

δ = CextN (2.18)

oùN =Rl

0N (l0)dl0.

L’épaisseur optique est une grandeur très importante pour l’étude des aérosols atmosphériques et de leur effet sur le climat, car elle contient à la fois l’information sur la charge en aérosols le long du trajet suivi par le rayonnement, et l’information sur le pouvoir d’extinction de l’aérosol à une longueur d’onde donnée. Concrètement, c’est l’épaisseur optique qui intervient en premier lieu dans l’équation de transfert radiatif (cf chapitre 3).

Si le trajet du rayonnement se fait selon la verticale, alors l = z. Dans le cas où l’on considère un trajet selon une direction faisant un angleθ avec la verticale, alors l = l cos(θ).

Remarque importante :

le rayonnement au niveau du satellite ne dépend pas de la section efficace d’extinc-tion, mais de son produit par la densité de particules, c’est-à-dire du coefficient d’ex-tinction. Il est ainsi absolument équivalent pour le champ radiatif d’avoir une couche d’aérosols de section efficace d’extinctionCext dont la concentration en particules est N/2 ou une couche d’aérosols de section efficace d’extinction Cext/2 dont la concen-tration en particules est N . Or, la concentration en particules est presque toujours inconnue, car c’est l’épaisseur optique que l’on mesure directement (c’est la grandeur qui intervient dans le calcul de transfert radiatif). Dans le cas particulier des mesures au limbe, ce n’est pas l’épaisseur optique définie selon la verticale que l’on mesure, mais c’est toujours le produit Cext fois N qui intervient, seul la direction d’intégra-tion change. De même, aux longueurs d’onde pour lesquelles la nod’intégra-tion de foncd’intégra-tion de poids est importante (ultraviolet, infrarouge), c’est plus exactement le profil vertical du produitCext fois N pondéré par la fonction de poids qui intervient. Cependant, le rôle de la distribution verticale des aérosols sera discuté au chapitre suivant, et l’on justifiera le fait de pouvoir considérer une couche d’aérosols homogène. Enfin, ces considérations ne modifient pas ce qu’il faut retenir de cette remarque : ce n’est pas Cext qui intervient dans l’équation de transfert radiatif, mais la valeur de l’épaisseur optique dans chaque couche du modèle (voir chapitre suivant).

Dans le cas d’un algorithme de télédétection qui utiliserait un seul canal, c’est l’épaisseur optique à la longueur d’onde centrale de ce canal qui peut être retrou-vée. Sauf si l’on dispose d’information a priori, il est impossible de retrouver N (ou Cext) à partir de la radiance mesurée (N est généralement déterminé in-situ par des compteurs de particules). Pour un cas concret, voir par exemple le chapitre 4.

Dans le cas d’un algorithme multispectral, la modélisation directe nécessite la connaissance des épaisseurs optiques à toutes les fréquences des canaux considé-rés : δν1, δν2, δν3... Or, en combinant l’équation 2.17 et la définition de la section

efficace d’extinction, une fréquence de référence ν0 étant fixée, l’épaisseur optique à une fréquenceν quelconque vaut :

δ(ν) = δ(ν0)Cext(ν)

Cext0) (2.19)

La connaissance de δν1, δν2, δν3... est donc équivalente à la connaissance de δ(ν0) et Cext(ν1)/Cext(ν0), Cext(ν2)/Cext(ν0), Cext(ν3)/Cext(ν0)... Ce n’est donc pas la valeur absolue de la section efficace d’extinction qui importe, mais sa valeur normalisée par rapport à une longueur d’onde donnée. C’est pourquoi, dans la suite de cette étude, lorsque nous nous intéresserons à la sensibilité de la section efficace d’extinction aux propriétés microphysique des aérosols, nous regarderons fréquemment la section efficace d’extinction normalisée, la normalisation pouvant se faire indifféremment à n’importe quelle longueur d’onde (nous choisirons généralement 10 microns, mais parfois aussi 3.8 microns).

En résumé, le calcul de l’interaction des aérosols avec le rayonnement nécessite la connaissance, à chaque longueur d’onde d’intérêt, des variables intensives suivantes : -kext, ouCext, ouQext normalisées à une longueur d’onde

de référence (généralement 10 µm) -ω0

-p(θ) ou g