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L’Equation de Transfert Radiatif dans une atmosphère sans aérosols

Nous présentons maintenant les équations de la physique qui régissent le transfert du rayonnement de la Terre vers le satellite, dans une atmosphère sans aérosols d’abord.

3.2.1 Formulation de l’ETR

Rappelons que dans l’infrarouge thermique, la source de rayonnement est la sur-face de l’atmosphère, puis l’atmosphère elle-même.

Afin de calculer le rayonnement infrarouge reçu par les capteurs d’un satellite, nous devons formuler plusieurs hypothèses :

- l’atmosphère a une configuration plan parallèle - il n’y a pas de réfraction

La première hypothèse est validée par la faible altitude du satellite (distance sur-face/satellite petite devant le rayon terrestre) et l’angle zénithal pas trop important (quelques dizaines de degrés de part et d’autre du nadir au maximum) sous lequel le satellite voit la terre. Remarquons que ceci interdit de considérer la visée au limbe. La seconde hypothèse découle de la première. On va pouvoir alors représenter l’at-mosphère comme une série de couches horizontales, chaque couche étant considérée homogène en température et en composition.

La plupart des propriétés optiques que nous avons définies dans le chapitre pré-cédent pour les aérosols existent également pour les molécules de l’air. La différence importante est que les molécules ne diffusent pas le rayonnement aux longueurs d’onde considérées ici (contrairement au visible où la diffusion Rayleigh est causée par les molécules), ce qui simplifie beaucoup les calculs. En conséquence, pour les gaz, (c’est-à-dire les molécules de l’air), dans l’infrarouge, le coefficient d’extinction est alors égal au coefficient d’absorption. D’une manière générale, il est relativement plus simple de considérer un milieu seulement absorbant (ou diffusant) qu’un milieu à la fois absorbant et diffusant.

On a vu avec la relation de Beer-Lambert (Equation 2.7) que l’interaction de l’onde avec une couche atmosphérique le long d’un trajet infinitésimal de longueur dl en-traîne une extinction de l’onde, par absorption seulement ici :

dIν = −kabs(ν)Iνdl (3.1)

Mais ce milieu, comme tout corps porté à une température T , émet un rayonne-ment, qui peut se mettre sous la forme :

dIν = kemi(ν)Jνdl (3.2)

où kemi est le coefficient d’émission du milieu et Jν est une fonction dite "fonction source".

permet de négliger l’émission spontanée des molécules. On est alors dans le cadre de l’équilibre thermodynamique local. Autrement dit, seule la température pilote la répartition des molécules dans les différents niveaux d’énergie. En conséquence, le rayonnement émis par chaque couche ne dépend que de sa températureT et Jν est donc donné par la fonction de Planck :

Jν = Bν(T ) = 2hν

3

c2[exp(hν/kT ) − 1] (3.3)

Cette fonction, établie par Planck, donne le rayonnement émis par un corps noir à la fréquence ν et à la température T . Les constantes physiques intervenant sont c, la vitesse de la lumière dans le vide, h la constante de Planck, et k la constante de Bolzmann. Le point important est que cette fonction source ne dépend, à une longueur d’onde donnée, que de la température. L’hypothèse de l’équilib re thermodynamique local est presque toujours admise en transfert radiatif infrarouge dans l’atmosphère.

En appliquant la loi de Kirchoff, valable localement, à chaque couche de l’atmo-sphère, les coefficients d’absorption et d’émission sont égaux et l’on obtient la forme suivante de l’équation de transfert radiatif :

dIν

dl = −kabs(Iν− Bν) (3.4)

On peut établir une autre forme de cette équation en introduisant la transmissionτ . La définition deτ donnée équation 2.16 peut s’écrire sous forme différentielle :

dτ τ = −kabsdl (3.5) d’où, dIν(τ ) dτ = −1 τ(Iν(τ ) − Bν(T (τ ))) (3.6)

Nous allons maintenant intégrer cette équation entre la surface de la Terre et le satellite. Considérons d’abord le cas nadir (angle zénithal local θ nul - angle au sol entre la vertical locale et la direction du satellite - ). On a alors dl = dz avec dz la variation infinitésimale de longueur selon la verticale. Pour rendre plus simple l’inter-prétation physique de l’ETR, on effectue le changement de variable de dτ à d ln(P ) (P étant la pression d’un niveau atmosphérique), et on obtient :

Iν(sat) = ν(surf )τν(surf )Bν(T (surf )) + Z −∞ ln(Psol) Bν[T (ln(P ))]∂τν(P ) ∂ ln(P )d ln(P ) + (1 − ν(surf ))τν(surf ) Z ln(Psol) −∞ Bν[T (ln(P ))]∂τν(P ) ∂ ln(P )d ln(P ) (3.7) Le premier terme correspond au rayonnement émis par la surface : ν(surf ) s’appelle l’émissivité de la surface, elle est inférieure à 1, τν(surf ) est la transmission de l’at-mosphère entre la surface et le satellite, et Bν(surf ) est le rayonnement du corps noir

à la température de la surface. Le second terme correspond au rayonnement émis vers le satellite par les différentes couches de l’atmosphère, et le troisième terme cor-respond au rayonnement émis vers le bas par l’atmosphère et réfléchi par la surface vers le satellite. On voit apparaître l’expression mathématique de la fonction de poids, introduite de façon plus intuitive précédemment : le facteur ∂τν(P )

∂ ln(P ) du second terme pondère le rayonnement du corps noir émis par chaque couche de l’atmosphère.

Dans le cas ou l’angle zénithal local θ (angle au sol entre la vertical locale et la direction du satellite) est non nul, on pose µ = cos(θ) et l’on appelle sécante la valeur sec(θ) = 1/µ. L’équation 3.4 devient :

µdIν dl = −kabs(Iν − Bν(T )) (3.8) La transmissionτ devient : τ = exp(− Z sat z 1 µkabsdz) (3.9)

et l’équation 3.6 est inchangée. Ceci est vrai parce que, premièrement, on travaille en transmission et non en épaisseur optique (certains auteurs appellentτ l’épaisseur optique, ce qui conduit à une écriture de l’ETR différente), et deuxièmement, la trans-mission est définie selon la direction considérée (dl) et non pas suivant la normale à la couche atmosphérique utilisée (dz).

3.2.2 Le code 4A : "Atlas Automatisé des absorptions atmosphériques"

Afin d’exploiter les observations des sondeurs infrarouges, différents outils ont été développés au LMD dès les premières observations des satellites météorologiques [Scott and Chédin(1981)]. Le code de transfert radiatif raie-par-raie "4A" (Atlas Au-tomatisé des Absorptions Atmosphériques) permet de simuler de façon accélérée les transmissions, les radiances, les jacobiens (dérivées partielles de la température de brillance par rapport à la température ou la concentration d’un gaz, ou l’émissivité de surface...) et les flux pour une atmosphère non diffusante, en particulier dans l’in-frarouge. Ce code est basé sur des "Atlas" d’épaisseurs optiques pré-calculées pour 43 espèces gazeuses (dont les propriétés spectroscopiques sont données par la base GEISA). La création de ces atlas une fois pour toutes, en utilisant le code raie-par-raie et couche-à-couche STRANSAC [Scott (1974)], permet ensuite de réduire énormément le temps de calcul.

Dans les atlas, l’atmosphère est divisée en 40 niveaux de pression (annexe I), mais les calculs peuvent ensuite être faits avec n’importe quelle discrétisation verticale. Les principaux paramètres d’entrée de 4A sont les profils verticaux de température, vapeur d’eau, ozone, les concentrations en gaz, la géométrie de la situation considé-rée (angle de vue du satellite...), et le domaine spectral considéré (bornes spectrales, résolution souhaitée, convolution par une fonction d’appareil...). A partir des informa-tions entrées par l’utilisateur, les épaisseurs optiques de chaque gaz sont lues dans les atlas puis interpolées à la température correcte pour chaque couche, au niveau de pression correct et à l’abondance souhaitée pour chaque gaz. Les absorptions des

4A est un code raie-par-raie monochromatique (jusqu’à un point de calcul tous les 0.0005cm−1), il est donc adapté à tous les instruments passifs dans l’infrarouge, y compris les instruments nouvelle génération à très haute résolution spectrale comme AIRS ou IASI.

Pour plus d’informations sur le modèle 4A, et notamment sur sa version opéra-tionnelle 4A/OP, on peut se référer aux sites :

http ://ara.lmd.polytechnique.fr/ et http ://www.noveltis.net/4AOP/

3.2.3 La base climatologique TIGR

Les calculs de transfert radiatif étant très consommateurs de temps de calcul, l’idée est de les faire une fois pour toute. Pour cela, une base de profils atmosphériques pour lesquels les résultats des calculs de transfert radiatif seraient archivés a été développée.

Ainsi, la base TIGR (Thermodynamic Initial Guess Retrieval) [Chédin et al.(1985), Chevallier et al.(1998)] est à la fois une base de données atmo-sphériques et radiatives. Elle comprend :

1. : 2311 "situations atmosphériques" définies par : – un profil vertical de température,

– un profil vertical de vapeur d’eau, – un profil vertical d’ozone,

– une température de surface.

2. : les températures de brillance, et profils de transmission (et jacobiens des prin-cipaux gaz), des canaux des instruments considérés (TOVS, AIRS, IASI...), pour chacune de ces 2311 atmosphères, calculés pour :

– deux émissivités de surface (Terre ou Mer) pour chaque canal, – n angles de visée (10 pour TOVS, 14 pour AIRS...),

– 19 niveaux de pression au sol (pour la topographie), de la surface à 475 hPa. Les 2311 atmosphères de TIGR sont réparties en 5 types de masse d’air : tropical, moyennes latitudes été, moyennes latitudes hiver, polaire 1 et polaire 2. Elles sont issues de l’analyse de plus de 80 000 radiosondages. Ce qui est important de noter est que la base TIGR est une base exhaustive, dans laquelle mêmes les situations les plus extraordinaires sont présentes. Ces situations sont sur-représentées dans TIGR, ce qui permet de disposer d’une base climatologique la plus large possible, incluant notamment les évènements extrêmes.

Les températures de brillance et profils de transmission sont calculés par le code de transfert radiatif "4A". Pour en savoir plus : http ://ara.lmd.polytechnique.fr/.

L’intérêt de la base TIGR est de disposer quasi-instantanément de simulations d’observations satellitales pour un grand nombre de situations atmosphériques, car tous les calculs de transfert radiatif, extrêmement longs, ont été faits une fois pour toutes. A titre d’illustration, le calcul de TIGR nécessite plusieurs jours de calculs,

voire plusieurs semaines selon l’instrument et le degré de sophistication requis (cal-cul des transmissions, des jacobiens...) sur les super-cal(cal-culateurs de l’IDRIS. La base TIGR permet par exemple de faire des études de sensibilité à la température de sur-face, au contenu en vapeur d’eau ou à tout autre gaz grâce aux jacobiens. Dans la suite de cette étude, nous l’utiliserons très souvent, par exemple dans les parties 3.4.1 ou 5.1.2.

3.2.4 Le cas particulier des aérosols non diffusants

Dans le cas d’une atmosphère contenant des aérosols absorbants non diffusants, l’absorption du rayonnement infrarouge est due d’une part aux molécules, et d’autre part aux aérosols. Alors, le facteur de transmission s’écrit :

τν(z) = exp ( −

Z sat

z (km+ ka)dz) = τνmνa (3.10) oùkmdésigne le coefficient d’absorption des molécules, etkale coefficient d’absorption des aérosols.τν(surf ) est également modifié. L’équation 3.7 est alors toujours valide, à condition de prendre en compte la contribution des aérosols dans le coefficient de transmission. Nous utiliserons cette version de l’équation de transfert radiatif dans le chapitre 4.